Tribunal administratif de Strasbourg

Jugement du 29 juin 2023 n° 2302274

29/06/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 31 mars 2023, Mme D B, représentée par Me Andreini, demande au tribunal :

1°) de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat ait rendu un avis sur les questions de droit posées, d'une part, par le tribunal administratif de Nancy dans son jugement du 10 février 2023 et, d'autre part, par le tribunal administratif de Lyon dans son jugement du 17 février 2023 ;

2°) de transmettre au Conseil d'Etat une demande d'avis, en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, sur la question de savoir si l'étranger préalablement admis au séjour en raison de son état de santé ou de l'état de santé de son enfant mineur bénéficie d'une présomption d'indisponibilité des soins dans son pays d'origine lorsque le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), après avoir estimé que les soins n'étaient pas disponibles, émet par la suite un avis défavorable au motif qu'il pourrait disposer d'un traitement dans son pays d'origine ;

3°) d'ordonner à l'administration de produire les éléments, dont la fiche extraite de la base " Medical Country of Origin Information ", sur la base desquels le collège de médecins de l'OFII a rendu un avis sur son état de santé, dans lequel il a estimé qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ;

4°) d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

5°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, en lui remettant, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, hors taxe sur la valeur ajoutée, au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à défaut, dans le cas où elle ne serait pas admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour est entachée d'incompétence de son signataire ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière, faute pour la préfète d'établir que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été rendu au terme d'une délibération collégiale ;

- elle est entachée d'erreur de droit, la préfète s'étant estimée liée par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour la préfète de démontrer qu'un défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner pour elle de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et d'établir que le traitement qui lui est nécessaire est disponible dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît le principe du contradictoire, celui de l'égalité des armes et le droit à un procès équitable, faute pour la préfète de produire les éléments, dont la fiche extraite de la base " Medical Country of Origin Information ", sur la base desquels le collège de médecins de l'OFII a rendu un avis sur son état de santé, dans lequel il a estimé qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité des conséquences d'un défaut de prise en charge médicale et de la possibilité d'effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'incompétence de son signataire ;

- elle sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de renouvellement de son titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;

- la décision fixant le pays de destination est entachée d'incompétence de son signataire ;

- elle sera annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire, enregistré le 3 avril 2023, Mme D B demande au tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin en date du 7 novembre 2022, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 113-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ces dispositions sont applicables au litige, dès lors qu'elle se prévaut de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en ce qu'il n'est pas établi qu'il a été rendu au terme d'une délibération collégiale, question de droit posée, d'une part, par le tribunal administratif de Nancy dans son jugement du 10 février 2023 et, d'autre part, par le tribunal administratif de Lyon dans son jugement du 17 février 2023, sans que le tribunal de céans ne soit toutefois tenu de surseoir à statuer dans l'attente de l'avis du Conseil d'Etat ;

- ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité, garanti par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par l'article 1er du préambule de la Constitution ;

- elles méconnaissent le droit à exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les moyen tirés de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation la requérante, en ce qui concerne la possibilité d'effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, sont inopérants, dès lors qu'elle n'établit pas que l'interruption de la surveillance médicale dont elle bénéficie pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;

- les autres moyens soulevés par Mme B ne sont pas fondés.

Mme B a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Alexandre Therre,

- les observations de Me Hebrard, substituant Me Andreini, avocate de Mme B.

Considérant ce qui suit :

Sur la demande de sursis à statuer :

1. Par sa décision nos 471239, 471465 du 25 mai 2023, le Conseil d'Etat a rendu un avis sur les questions de droit posées par le tribunal administratif de Nancy et par le tribunal administratif de Lyon, dans ses jugements rendus respectivement les 10 et 17 février 2023. Par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de sursis à statuer.

Sur les conclusions tenant à la saisine du Conseil d'Etat pour avis :

2. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif () peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ".

3. La faculté de transmettre le dossier au Conseil d'Etat pour avis, prévue par les dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de Mme B tendant à ce que le tribunal transmette le dossier au Conseil d'Etat en application de ces dispositions sont irrecevables et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 7 novembre 2022 :

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

4. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat () ".

5. Mme B se prévaut de ce que le tribunal administratif de Nancy, dans son jugement du 10 février 2023, d'une part, et le tribunal administratif de Lyon, dans son jugement du 17 février 2023, d'autre part, ont transmis, en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, citées au point 2, des questions de droit portant sur les conditions dans lesquelles le caractère collégial de la délibération du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), saisi pour avis de la situation d'un étranger demandant son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, peut être regardé comme établi. Elle soutient que les dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative sont contraires au principe constitutionnel d'égalité, garanti par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par l'article 1er du préambule de la Constitution, en ce que ces deux juridictions sont tenues de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat ait rendu un avis, à la différence des autres juridictions administratives saisies d'une même question sur la délibération du collège de médecins. Elle soutient, en outre, que ces dispositions sont contraires au droit à exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce que, faute d'obligation pour les autres juridictions administratives de surseoir à statuer, leurs décisions sont susceptibles d'être rendues en méconnaissance de l'avis du Conseil d'Etat, en ce qui concerne le caractère collégial de la délibération du collège de médecins. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, le Conseil d'Etat a rendu, par sa décision nos 471239, 471465 du 25 mai 2023, un avis sur ces questions de droit posées par les tribunaux administratifs de Nancy et de Lyon. Par suite, les dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, en ce qu'elles ne prévoient l'obligation d'un sursis à statuer que sur les requêtes transmises au Conseil d'Etat en raison d'une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, ne sont pas applicables au présent litige. Ainsi, sans qu'il soit besoin de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.

En ce qui concerne la compétence du signataire de l'arrêté attaqué :

6. Par un arrêté du 4 octobre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 7 octobre suivant, la préfète du Bas-Rhin a donné délégation à M. A C, directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer tous actes et décisions relevant des attributions dévolues à cette direction, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté, signé par M. C, aurait été pris par une autorité incompétente doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus d'admission au séjour :

7. En premier lieu, il ne ressort ni des termes de la décision en litige, ni des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme B avant de lui refuser le renouvellement de son titre de séjour.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. () / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / () ".

9. Par ailleurs, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / () ". En outre, aux termes du premier alinéa de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. (). Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / () ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

10. Tout d'abord, il ressort de l'avis du collège de médecins de l'OFII en date du 1er avril 2022, produit en défense, qui vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'arrêté du 27 décembre 2016, qu'il comporte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " et qu'il est daté et signé par les trois médecins qui ont composé le collège. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions figurant à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'absence de collégialité de l'avis du collège de médecins de l'OFII doit être écarté.

11. Ensuite, il ne ressort ni des termes des décisions en litige, ni des pièces du dossier que la préfète du Bas-Rhin, qui s'est appropriée les termes de l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII, s'est estimée liée par l'appréciation portée par ces médecins. Dès lors, elle n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence. Par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit doit être écarté.

12. En outre, pour refuser à la requérante le renouvellement de son titre de séjour, la préfète du Bas-Rhin s'est notamment fondée, ainsi qu'il a été dit au point 11, sur l'avis rendu le 1er avril 2022 par le collège de médecins de l'OFII. Par cet avis, le collège a estimé que le défaut de prise en charge médicale de Mme B ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments du dossier, l'intéressée peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Contrairement à ce que soutient la requérante, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dès lors, il lui appartient de produire tous éléments permettant d'apprécier l'exceptionnelle gravité des conséquences d'un défaut de soins et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. En l'espèce, d'une part, il ressort des pièces du dossier que Mme B a subi une gastrectomie totale en septembre 2019 suite à la détection d'une tumeur maligne de l'estomac, intervention qui a donné lieu à la survenue de complications, qu'elle a bénéficié d'un suivi par un spécialiste des maladies respiratoires à la suite de la détection d'un nodule pulmonaire, et qu'elle bénéficie en outre d'un suivi cardiologique et gynécologique. Il ressort toutefois des documents médicaux produits par la requérante qu'elle ne bénéficie plus d'un traitement actif de ces pathologies, mais uniquement d'un suivi médical. En outre, les certificats produits ne sont pas de nature, eu égard aux termes dans lesquels ils sont rédigés, à établir l'existence de conséquences d'une exceptionnelle gravité, au sens des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas d'absence de poursuite de ce suivi. Aussi, par les pièces qu'elle produit, Mme B ne démontre pas l'exceptionnelle gravité des conséquences d'un défaut de prise en charge. D'autre part, en l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressée établies, la requérante ne peut utilement se prévaloir de l'impossibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Burkina Faso. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de communiquer l'entier dossier au vu duquel s'est prononcé le collège de médecins, dont la fiche extraite de la base " Medical Country of Origin Information ", les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité des conséquences d'un défaut de prise en charge médicale et de la possibilité d'effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine doivent être écartés.

13. Enfin, pour les mêmes motifs qu'exposés au point précédent, et alors que le collège de médecins de l'OFII n'a en l'espèce pas apprécié la possibilité qu'elle aurait d'effectivement bénéficier d'une prise en charge appropriée à son état de santé dans son pays d'origine, Mme B ne peut utilement soutenir que l'absence de communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le collège se serait fondé pour apprécier l'existence et l'accessibilité de tels soins au Burkina Faso méconnaîtrait le principe du contradictoire, celui de l'égalité des armes et le droit à un procès équitable.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

15. Il est constant que Mme B, ressortissante burkinabée née en 1957, est entrée en France le 10 avril 2016. Toutefois, en dépit de la durée de son séjour, elle ne démontre aucune intégration particulière au sein de la société française. Par ailleurs, si elle se prévaut de la présence en France de ses deux fils, de leur conjointe et de petits-enfants, ces membres de sa famille, dont elle a vécu séparée jusqu'à son arrivée en France, ont créé leur propre cellule familiale. En outre, par les pièces qu'elle produit, elle ne démontre pas qu'elle nécessiterait une assistance quotidienne en raison d'une perte d'autonomie, ni que ses enfants seraient, le cas échéant, les seules personnes à pouvoir lui apporter cette aide. Enfin, il n'est pas justifié que la requérante serait dépourvue de toute attache dans son pays d'origine où elle a vécu la majeure partie de sa vie. Ainsi, dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, elle n'est pas, pour les mêmes motifs, entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et familiale.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus d'admission au séjour ne peut qu'être écarté.

17. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 15, les moyens tirés de ce que la décision en litige aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle et familiale de Mme B doivent être écartés.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

18. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 novembre 2022 doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1 : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme B.

Article 2 : La requête de Mme B est rejetée.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme D B et à la préfète du Bas-Rhin. Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente,

M. Therre, premier conseiller,

Mme Perabo Bonnet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2023.

Le rapporteur,

A. Therre

La présidente,

J. Bonifacj

La greffière,

N. Adjacent

La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Code publication

C