Tribunal administratif de Versailles

Décision du 29 juin 2023 n° 2104120

29/06/2023

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 17 mai 2021, la société anonyme (SA) Compagnie de Sécurité Privée et Industrielle (CSPI), représentée par Me Gueunier, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, des rappels de contribution sur la valeur ajoutée, de taxes assises sur les salaires, de contribution sur les activités privées de sécurité, ainsi que les intérêts de retard et les majorations afférentes, mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013 ;

2°) d'ordonner à l'administrateur général chargé de la direction de contrôle fiscal Ile de France de procéder à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, à hauteur de 194 526 euros ;

3°) d'ordonner la décharge des majorations mises à sa charge ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la prescription :

- en application des articles L. 169 et L. 169 A du livre des procédures fiscales, le droit de reprise s'exerçait jusqu'au 31 décembre 2014 s'agissant des taxes relatives à l'année 2011 et jusqu'au 31 décembre 2015 s'agissant des taxes relatives à l'année 2012 ; en conséquence, l'administration ne pouvait plus exercer le droit de reprise pour les rappels de taxe de participation des employeurs au développement et à la formation professionnelle continue, de participation des employeurs à l'effort de construction, de taxe d'apprentissage et de contribution au développement de l'apprentissage, relatives aux années 2011 et 2012 ;

Sur la régularité de la procédure :

- la période vérifiée mentionnée dans la proposition de rectification du 16 décembre 2015 ne correspond à aucun exercice et ne coïncide pas avec la période visée dans l'avis de vérification, tandis que la seconde proposition de rectification chevauche la période visée par la première proposition de rectification, du 4 avril 2012 au 30 septembre 2012, faisant ainsi double emploi de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer la part des rappels et rehaussements relatifs à chaque période, rendant la procédure irrégulière ;

- les propositions de rectification sont insuffisamment motivées, ce qui ne lui a pas permis de formuler des observations, car pour établir la TVA collectée au titre des périodes d'avril 2011 à mars 2012 puis avril 2012 à mars 2013, le service n'a présenté qu'un total global mensuel des encaissements retenus, sans indication du détail ni de prise en compte des spécificités de l'intervention d'un factor ;

Sur le bien-fondé des impositions :

- elle n'a jamais comptabilisé de TVA déductible de manière indue et produit trois nouvelles factures justificatives, de nature à justifier une décharge à hauteur de 63 258 euros pour la période d'octobre 2011 à septembre 2012 ;

- la rectification procédant de la constatation au titre de la période d'avril 2011 à septembre 2012 d'un profit sur le trésor doit être abandonnée par voie de conséquence de l'absence de bien-fondé du rappel de TVA déductible ;

- le service a refusé à tort la déductibilité de dépenses, estimant qu'elles constituaient des immobilisations sans en préciser la nature, alors qu'elles ne constituent que des consommables ;

- le service n'a pas pris en compte les " factures à recevoir ", qui pouvaient valablement augmenter le résultat ;

- les trois factures justificatives présentées sont de nature à permettre la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés à hauteur de 322 743 euros ;

- le service a considéré à tort comme étant des sommes taxables à la TVA des opérations d'avril 2012 à mars 2013 constituant des virements de compte à compte, sans prestation de service rendu ; ces sommes provenant de sociétés sœurs, pour pallier des difficultés de trésorerie, ne représentent pas la contrepartie d'opérations imposables ;

- la preuve de l'exagération alléguée de la TVA déductible n'est pas apportée ;

- la rectification procédant de la constatation d'un profit sur le trésor au titre de la période d'avril 2012 à mars 2013 doit être abandonnée par voie de conséquence de l'absence de bien-fondé du rappel de TVA déductible ;

Sur la majoration :

- le cumul d'une majoration de 10% pour non-dépôt des déclarations de taxes sur les salaires avec la majoration de 100% est contraire au principe de proportionnalité des peines garanti par l'article 8 de la déclaration de 1789, l'article 4 du protocole n°7 additionnel de la convention européenne des droits de l'homme et le paragraphe 7 de l'article 14 du pacte international de New-York ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas suffisamment motivée ;

- le caractère délibéré de l'intention d'éluder l'impôt n'est pas rapporté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2021, l'administrateur général chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile de France conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. de Miguel, rapporteur,

- et les conclusions de M. Armand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme Compagnie de sécurité privée et industrielle (CSPI) exerce en France une activité de sécurité privée et de gardiennage. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013. Par une première proposition de rectification du 16 décembre 2015, des rehaussements d'impositions ont été portés à la connaissance de la société, concernant la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2012, qui a présenté des observations le 8 février 2016, mais le service a maintenu les impositions par une réponse du 19 octobre 2016. Par une deuxième proposition de rectification du 27 juillet 2016, des rehaussements d'impositions ont été portés à la connaissance de la société, concernant la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2013, qui a présenté des observations le 27 septembre 2016, le service ayant maintenu les impositions par une réponse du 24 octobre 2016. Les impositions ont été réduites à l'issue de recours hiérarchiques et d'entretiens, les impositions ont été mises en recouvrement le 15 mars 2018 pour un montant global de 1 542 361 euros. La SA CSPI demande la décharge de ces impositions, intérêts de retard et majorations.

Sur le délai de reprise de l'administration fiscale :

2. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due () ". Aux termes de l'article L. 169 A du même livre : " Le délai de reprise prévu au premier alinéa de l'article L. 169 s'applique également :1° A la retenue à la source sur les revenus de capitaux mobiliers prévue à l'article 119 bis du code général des impôts ; 2° Aux prélèvements prévus aux articles 117 quater et 125 A du code général des impôts ; () 6° A la taxe sur les salaires ; 7° A tous prélèvements et taxes qui tiennent lieu de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés () ". Et aux termes du 1er alinéa de l'article L. 189 de ce livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun () ".

3. La société CSPI soutient que le délai de reprise de l'administration, au titre des rappels de taxes de participation des employeurs au développement et à la formation professionnelle continue, de participation des employeurs à l'effort de construction, de taxe d'apprentissage et de contribution au développement de l'apprentissage, relatives aux années 2011 et 2012, était expiré.

4. Il résulte des textes applicables du code général des impôts, qu'au titre du financement des actions de formation professionnelle continue, les redevables de la participation sont tenus de déposer la déclaration n°2483 de résultats de l'entreprise indiquant les montants de participation, le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai de l'année suivant celle au cours de laquelle les dépenses de formation ont été effectuées, en l'espèce le 3 mai 2012 pour les dépenses versées en 2011. S'agissant de la participation des employeurs à l'effort de construction, le code de la construction et de l'habitat fixe la date de dépôt de la déclaration au titre des salaires versés en 2011 au plus tard le 30 avril 2013. Quant à la taxe d'apprentissage, elle est assise sur les rémunérations versées par l'entreprise pendant l'année civile en cours, selon les règles d'assiette applicables aux cotisations au régime général de la sécurité sociale, et doit faire l'objet d'une déclaration avant le 1er mars de l'année suivante. Ainsi pour les salaires versés en 2011, la date limite de la déclaration était fixée au 28 février 2012 et au 28 février 2013 pour les salaires de l'année 2012. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la société requérante a accusé réception le 18 décembre 2015 de la proposition de rectification du 16 décembre 2015, lui notifiant notamment des rectifications au titre de l'année 2011 en matière de du financement des actions de formation professionnelle continue, de participation des employeurs à l'effort de construction et de taxe d'apprentissage. S'agissant des mêmes impositions au titre de l'année 2012, la société requérante a accusé réception le 29 juillet 2016 de la proposition de rectification du 27 juillet 2016. Par suite, ces notifications ayant eu pour effet d'interrompre le droit de reprise de l'administration fiscale pour les impositions en litige, la société CSPI n'est pas fondée à soutenir que le droit de reprise de l'administration fiscale était prescrit lorsque celle-ci a remis en recouvrement la partie des impositions litigieuses.

Sur la régularité de la procédure :

En ce qui concerne la régularité de la vérification de comptabilité :

5. Il résulte de l'instruction que les conséquences financières signifiées dans la première proposition de rectification du 16 décembre 2015, ont concerné la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2012 s'agissant de rehaussements en matière de TVA, d'impôt sur les sociétés et de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, au premier trimestre 2012 pour la contribution sur les activités privées de sécurité, ainsi que les déclarations à effectuer en 2012 au titre de l'année 2011 pour les taxes assises sur les salaires. La proposition de rectification du 27 juillet 2016 a signifié, quant à elle, des rectifications relatives à la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2013 s'agissant de la TVA, de l'impôt sur les sociétés et de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, à la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2013 pour la contribution sur les activités privées de sécurité et les déclarations à effectuer en 2013 au titre de l'année 2012 pour les taxes assises sur les salaires. Ainsi, les rectifications d'impositions sont demeurées strictement circonscrites aux périodes indiquées sur l'avis de vérification du 19 mars 2014 qui mentionnait que les opérations porteraient sur l'ensemble des déclarations fiscales de la requérante pour la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013 et dont elle a accusé réception le 25 mars 2014. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité des vérifications de comptabilité dont a fait l'objet la société requérante doit être écarté. En outre, le moyen tiré de ce que les rehaussements notifiés par la seconde proposition de rectification feraient double emploi avec ceux notifiés dans la première proposition de rectification, doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne la motivation :

6. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / () Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". L'article R. 57-1 du même livre dispose : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition () ".

7. La SA CSPI soutient que les propositions de rectification qui lui ont été adressées le 16 décembre 2015 et le 27 juillet 2016, ne contenaient pas l'ensemble des informations nécessaires à la compréhension des rehaussements en litige et ne lui ont pas permis de formuler utilement des observations. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les propositions de rectification rappellent, pour chacun des redressements en cause, les dispositions du code général des impôts applicables, précisent les faits constatés par le service lors de l'examen de la comptabilité de la société et mentionnent les motifs fondant les rectifications pour chacune des périodes concernées, ainsi que les bases ou éléments servant au calcul des impositions mises à la charge de la société requérante et en précisent les modalités de détermination. Ainsi, la motivation en fait et en droit de chacune des propositions de rectification était suffisamment précise pour permettre à la société de comprendre les rectifications en cause et de présenter utilement ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait en répondant au service par deux courriers, en date du 8 février 2016 et du 27 septembre 2016, en réponse à chacune des propositions de rectification. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des propositions de rectification doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société CSPI n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

9. Aux termes de l'article 269 du code général des impôts, dans version applicable aux impositions en litige : " () 2. La taxe est exigible : () / c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. / En cas d'escompte d'effet de commerce ou de transmission de créance, l'exigibilité intervient respectivement à la date du paiement de l'effet par le client ou à celle du paiement de la dette transmise entre les mains du bénéficiaire de la transmission () ". Aux termes de l'article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. Toutefois, les personnes qui effectuent des opérations occasionnelles soumises à la taxe sur la valeur ajoutée n'exercent le droit à déduction qu'au moment de la livraison. / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; /b) Celle qui est perçue à l'importation ; / c) Celle qui est acquittée par les redevables eux-mêmes lors de l'achat ou de la livraison à soi-même des biens ou des services ; / d) Celle qui correspond aux factures d'acquisition intracommunautaire établies conformément à la réglementation communautaire dont le montant figure sur la déclaration de recettes conformément au b du 5 de l'article 287. / 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels. Pour les acquisitions intracommunautaires, la déduction ne peut être opérée que si les redevables ont fait figurer sur la déclaration mentionnée au d du 1 toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe due au titre de ces acquisitions et détiennent des factures établies conformément à la réglementation communautaire. Toutefois, les redevables qui n'ont pas porté sur la déclaration mentionnée au d du 1 le montant de la taxe due au titre d'acquisitions intracommunautaires sont autorisés à opérer la déduction lorsque les conditions de fond sont remplies et sous réserve de l'application de l'amende prévue au 4 de l'article 1788 A. () ".

S'agissant de la TVA déductible sur la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013 :

10. A l'issue du contrôle le service vérificateur n'a pas admis le caractère déductible de plusieurs charges comptabilisées par la société CSPI, en raison de l'absence de justificatifs communiqués pour des achats et frais généraux. Bien que le service ait pris en compte certaines dépenses justifiées par la société lors de la phase amiable, les rappels de TVA ont toutefois été maintenus à hauteur de 151 362 euros.

11. Pour contester les rappels de TVA déductible mis à sa charge, la société CSPI soutient qu'elle n'a jamais imputé de taxe de manière indue, qu'elle a communiqué les factures justificatives à l'administration et produit également devant le juge de l'impôt trois factures émanant de la société Lobos Sécurité datées de janvier, février et mars 2012, indiquant des montants respectifs de TVA de 20 243,26 euros, 21 067,11 euros et 21 947,80 euros. Toutefois, s'agissant de ces trois factures, il résulte de l'instruction que leurs montants ne correspondent pas aux écritures comptabilisées dans le journal d'achat de la société requérante, telles que récapitulées en page 8 de la PR du 16 décembre 2015, ne répondant pas ainsi aux dispositions citées au point 9. De plus, s'agissant des autres écritures comptabilisées au titre de la période en cause, la société requérante n'a produit ni devant l'administration, ni devant le juge de l'impôt, les justificatifs probants. Dans ces conditions, la société ne remettant pas en cause valablement la position de l'administration, c'est à bon droit que celle-ci a notifié les rappels de TVA en litige.

S'agissant de la TVA collectée sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2013 :

12. Il résulte de l'instruction que, lors de la vérification de comptabilité, le service a constaté une discordance de chiffre d'affaires taxable et une insuffisance de reversement de TVA collectée, à hauteur de 395 532 euros, après avoir procédé à un rapprochement entre d'une part, les encaissements correspondants au chiffre d'affaires taxable, les encaissements mensuels déclarés par la société de factoring, et d'autre part, le montant de chiffre d'affaires mentionné par la société requérante sur ses déclarations mensuelles CA3 de TVA.

13. Aux termes de sa réclamation du 8 septembre 2020, la société CSPI qui ne contestait que les rappels de TVA mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2013, soutient dans sa requête, que le service a pris en compte à tort, dans les encaissements taxables à la TVA, des sommes correspondant à des virements de compte à compte, correspondant à des avances de trésorerie entre sociétés " sœurs ", réalisés sans contrepartie et qui, de ce fait, n'étaient pas taxables. Il résulte toutefois de l'instruction que l'administration a fait application des dispositions de l'article 269-2 du code général des impôts qui prévoient pour les prestations de service, activité exercée par la société requérante, que la taxe est exigible dès l'encaissement des acomptes, du prix, ou à la date du paiement de l'effet d'escompte par le client ou à celle du paiement de la dette transmise entre les mains du bénéficiaire de la transmission. De plus, les opérations de vérification ont révélé que les virements évoqués par la société requérante, libellés " virement compte à compte ", correspondaient à des paiements aux fournisseurs mais n'apparaissaient qu'au crédit du compte bancaire ouvert pas la société auprès de la BNP, sans que ne soit inscrit un débit correspondant sur l'autre compte bancaire de la société ouvert auprès de la Banque Populaire. Dès lors, en l'absence d'autre éléments justificatifs produits par la société, c'est à bon droit que le service a considéré que ces sommes étaient des recettes taxables à la TVA.

S'agissant de la TVA déductible " non causée " sur la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2013 :

14. Le service a relevé, lors des opérations de vérification, que la société CSPI avait majoré son droit à déduction de TVA, en indiquant dans ses déclarations CA3 mensuelles des montants de TVA à déduire à hauteur de 123 297 euros, supérieurs à ceux réellement facturés et enregistrés dans ses écritures comptables. Pour contester les rehaussements en cause, la société requérante se borne à soutenir que l'administration n'apporte pas la preuve de l'exagération des déductions déclarées, sans toutefois produire d'éléments justificatifs de nature à contredire les constatations effectuées à la suite du rapprochement entre ses déclarations et les éléments de sa comptabilité. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a mis à la charge de la société CSPI les rappels de TVA correspondants aux majorations de TVA déclarées et non causées.

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés :

15. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dans sa version applicable aux impositions en litige : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. () ". L'article 39 du même code dispose que : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. () / 2. Les sanctions pécuniaires et pénalités de toute nature mises à la charge des contrevenants à des obligations légales ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l'impôt. / Il en est de même du versement libératoire prévu au IV de l'article 14 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique. () ".

S'agissant du profit sur le Trésor :

16. L'article L. 77 du livre des procédures fiscales dispose que : " En cas de vérification simultanée des taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, le supplément de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées afférent à un exercice donné est déduit, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, des résultats du même exercice () ".

17. Il résulte de l'instruction qu'en application de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de contribution sur les activités privées de sécurité, notifiés à la SA CSPI au titre de la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2013, ont été déduits du résultat imposable de l'exercice auquel ils se rapportent, dès la notification des redressements envisagés. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à demander la diminution du profit sur le Trésor réintégré dans son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés.

S'agissant des pénalités non déductibles :

18. Les opérations de contrôle ont révélé que la société CSPI avait déduit en comptabilité diverses pénalités et amendes, pour des montants respectifs de 2 039 euros et 5 998 euros, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 39 2 du code général des impôts. Si la société fait valoir que ces sommes ne correspondent pas aux pénalités visées par ces dispositions et que la déduction de ces pénalités contractuelles avait été admise après son passage en commission paritaire, il résulte au contraire de l'instruction que la commission s'est déclarée incompétente pour statuer sur ce point, tandis que la société requérante n'apporte aucun élément justificatif sur ce point devant le juge de l'impôt. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré les pénalités en litige dans le résultat imposable de la société.

S'agissant des charges relatives à des immobilisations :

19. Pour contester la réintégration dans les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos 2012 de diverses factures comptabilisées au compte " 61500 - Entretien et réparation " pour un montant de 17 407 euros, la société CSPI se borne à soutenir que ces dépenses engagées ne présentent aucun caractère de durée et correspondent à des dépenses de consommables et non des éléments d'actifs. Il ne résulte toutefois d'aucun élément de l'instruction que les dépenses en cause, qui ne sont ni justifiées ni détaillées pour leur objet et leur montant individuel par la société requérante, correspondraient à des frais et charge constituant une variation de l'actif net de l'entreprise, susceptibles de faire l'objet d'une déduction. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a réintégré ces charges dans le résultat imposable.

S'agissant des factures " à recevoir " :

20. Il résulte des opérations de vérification que la société CSPI a comptabilisé dans ses comptes fournisseurs plusieurs factures, dites " à recevoir ", pour des montants de 940983 euros TTC au crédit du compte et 1 380 586 euros TTC en avoirs à recevoir. La société CSPI, qui n'a pas apporté au service de justificatifs ni de factures correspondant à ces sommes, ne justifie pas davantage devant le juge de l'impôt de la réalité et de la consistance de ces charges, ni qu'elles auraient été exposées dans l'intérêt de l'entreprise. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a considéré que ces charges n'étaient pas justifiées et qu'elle en a réintégré les montants dans le résultat imposable de la société.

S'agissant des charges déductibles non justifiées :

21. A l'issue des opérations de vérification des charges comptabilisées comme déductibles en achats et frais généraux par la société CSPI, ont été réintégrées au résultat imposable en raison du défaut de pièces justificatives produites, pour des montants de 419 622 euros pour la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2012 et de 262 118 euros au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 mars 2013.

22. Pour contester ces impositions au titre de la première période de vérification, la société requérante produit trois factures de la société Lobos datées de janvier, février et mars 2012, indiquant des montants respectifs hors taxes de 103 281,96 euros, 107 485,23 euros et 111 978,80 euros, sans toutefois que ces dépenses ne correspondent, pour leurs montants, aux écritures comptabilisées dans les comptes de la société, tels que récapitulées en page 20 de la proposition de rectification du 16 décembre 2015. En l'absence d'autres éléments justificatifs produits pas la société requérante, c'est à bon droit que l'administration a réintégré ces charges dans son résultat imposable.

Sur les pénalités :

S'agissant de la pénalité pour défaut de déclaration :

23. En premier lieu, aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ".

24. Il résulte de l'instruction que la société CSPI n'a pas versé spontanément les cotisations de taxe d'apprentissage, de contribution au développement de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue, ni remis les bordereaux de versement de régularisation au titre des années 2011 et 2012. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a appliqué à la société CSPI, défaillante dans ses obligations déclaratives, la majoration de 10%.

S'agissant de la pénalité pour manquement délibéré :

25. Aux termes de l'article 1729 du même code : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; () ". Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

26. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les majorations de 40% appliquées au titre de chaque période vérifiée, ont été suffisamment motivées, dès lors que chaque proposition de rectification a précisé le montant des impositions en litige, le montant des pénalités et la période d'imposition en cause, les dispositions applicables du code général des impôts.

27. En deuxième lieu, l'administration fait valoir l'importance et le caractère manifestement délibéré des irrégularités déclaratives relevées, compte tenu de la connaissance des principes relatifs à la TVA collectée et à sa déductibilité que doit avoir un dirigeant avisé. Le fait de souscrire sciemment des déclarations inexactes suffit à établir le caractère délibéré du manquement reproché au contribuable. Dans ces conditions, l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, du caractère délibéré des manquements de la société requérante et justifie les majorations de 40 % pour manquement délibéré dont ont été assortis, sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, les suppléments d'impôts en litige au titre la période vérifiée du 1er avril 2011 au 31 mars 2013.

28. Par ailleurs, le moyen tiré de l'inconstitutionnalité du cumul des majorations de 10% et de la pénalité de 100%, prévues par les dispositions du code général des impôts, en tant qu'elles seraient contraires à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, qui n'a pas été soulevé dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée par mémoire distinct conformément aux articles 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et R. 771-13 du code de justice administrative, ne peut qu'être écarté.

29. Enfin, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". Il résulte toutefois des termes de cet article que le droit au respect de ses biens, reconnu à toute personne physique ou morale ne porte pas atteinte au droit des États de mettre en œuvre les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts.

30. En l'espèce, compte tenu de l'objectif et de la portée des articles 1728 et 1729 du code général des impôts, qui prévoient que les pénalités infligées pour mauvaise foi ou retard ou omission à déclarer du contribuable sont proportionnelles aux droits éludés par celui-ci, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'application de ces majorations porterait une atteinte disproportionnée au respect de ses biens au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel. Ce moyen doit être écarté.

31. Il résulte de tout ce qui précède que la société CSPI n'est pas fondée à demander la décharge, en droits et en pénalités, des rappels de TVA et de cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu mis à sa charge au titre des périodes allant du 1er avril 2011 au 31 mars 2013. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la restitution de taxe sur la valeur ajoutée insuffisamment déduite doivent être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

32. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans les présentes instances, la qualité de partie perdante, verse à la société CSPI la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Compagnie de Sécurité Privée et Industrielle est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SARL Compagnie de Sécurité Privée et Industrielle et à l'administrateur général chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile de France.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ouardes, président,

- M. de Miguel, premier conseiller,

- Mme Mathé, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2023.

Le rapporteur,

F-X de MiguelLe président,

P. Ouardes

La greffière,

C. Benoit-Lamaitrie

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.