Tribunal judiciaire de Créteil

Ordonnance du juge de la mise en état du 23 juin 2023 n° 23/01290

23/06/2023

Non renvoi

MINUTE N°

O RD O NNANCE DU DOSSIERN° AFFAIRE

 

23 ,Juin 2023

N° RG 23/01290 - N° Portalis DB3T-W-B7H- UDC4 [A] [B] C/ CAISSE D EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE

 

TRIBUNAL ,JUDICIAIRE DE CRETEIL

3ème Chambre CIVILE ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ET AT

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Nous, Cassandre AHSSAÏNI, Juge Assistée de Francine REA, Greffier

DEMANDERESSE

Madame [A] [B]

née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 2], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Emilie CHANDLER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0215, Me Arnaud DELOMEL, avocat au barreau de RENNES

DEFENDERESSE

CAISSE DEP ARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DEFRANCE, dont le siège social

est sis 19 rue du Louvre - 750 01 PARIS

représentée par Me Julien MARTINET, avocat au barreau de PARlS, vestiaire : D1329

 

En présence du Ministère Public représenté par Madame Marie-Noëlle CARADEC, Substitut du Procureur de la République

 

 

EXPOSE DU LITIGE

Mme [A] [B] est titulaire d'un compte ouvert entre les livres de la SA Caisse d'épargne et de prévoyance Ile-de-France.

Entre le 21 août 2019 et le 5 septembre 2019, Mme [B] a effectué trois virements au profit de la SCPI Avenir pour un montant total de 51 000 euros.

Le 15 janvier 2020, Mme [B] a déposé plainte pour escroquerie relativement aux circonstances l'ayant amenée à effectuer ces opérations.

Le 25 février 2022, le conseil de Mme [B] a mis la Caisse d'épargne et de prévoyance en demeure de lui rembourser la somme de 51 000 euros au titre d'un manquement de la banque à son obligation de vigilance et d'information.

Par acte d'huissier du 27 décembre 2022, Mme [B] a assigné la SA Caisse d’épargne et de prévoyance Ile-de-France devant le tribunal judiciaire de Créteil aux fins d'obtenir des dommages et intérêts.

La Caisse d'épargne et de prévoyance a saisi la juge de la mise en étal par conclusions d'incident notifiées le 24 janvier 2023, sollicitant l'annulation de l'assignation délivrée le 27 décembre 2022 au titre de la violation des règles de la postulation fixées par l'article 5-1 de la loi du 31 décembre 1971.

Par conclusions distinctes notifiées le 27 février 2023, Mme [B] a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la Constitution de l'article 5 alinéa 2ème de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.

Mme [B] soutient en substance que le premier alinéa de l'article 5 susvisé pose le principe de l'exercice libre de la profession d'avocat tandis que le second alinéa prévoit une exception à ce principe suivant laquelle la postulation n'est autorisée que dans le ressort de la cour d’appel dans laquelle l'avocat exerce son activité. Elle soutient que cette disposition n'est justifiée que par l'intérêt catégoriel des avocats dits « locaux » (sic) qui est contraire à l'intérêt général des citoyens. Elle fait en effet valoir que la postulation n'existe qu'en matière civile ce qui caractérise une rupture d'égalité entre les justiciables devant la loi, qui entraîne des conséquences financières dès lorsqu'un justiciable peut être amené à payer des frais d’avocat supplémentaires, ce sans justification au vu de l'existence du RPVA.

Le ministère public a notifié son avis le 5 avril 2023, aux termes duquel il sollicite le rejet de la demande de transmission de la QPC aux motifs principaux que l'irrespect des règles de la postulation est sanctionné par une nullité de fond susceptible de régularisation et qu'en outre les frais d'avocat plaidant et d'avocat postulant peuvent être dissociés.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 15 mai 2023 et mise en délibéré au 23 juin.

MOTIFS

L'article 126-1 du code de procédure civile dispose que la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et aux dispositions prévues par le présent chapitre.

Aux termes de l'article 23-2 de l'ordonnance susvisée, la juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies:

 

1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;

3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

En l’espèce, il est établi que la disposition contestée est applicable au litige, plus précisément à l'exception de nullité soulevée par la Caisse d'épargne et de prévoyance devant la juge de la mise en état.

En revanche, le Conseil constitutionnel, par une décision n°2015-715 du 5 août 2015, s'est déjà prononcé sur la question de la conformité à la Constitution de l'article 5 de la loi du 31 décembre 1971. Le Conseil a en effet été consulté préalablement à la promulgation de la loi du 6 août 2015 qui a notamment, en son article 51, réformé les termes de l'article 5 litigieux et en a fixé les dis positions actuelles (en dépit du remplacement du terme « tribunal de grande instance » par celui de « tribunal judiciaire » en 2020).

Aux termes des considérants n°53 à 59 de la décision, il apparaît que les députés requérants soutenaient notamment que l'article 5 réformé portait atteinte au principe d'égalité devant la justice et à l'objectif de bonne administration de la justice.

Au visa des articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789 outre de l'objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, le Conseil constitutionnel a estimé que « les dispositions contestées simplifient les règles de représentation devant les juridictions de l'ordre judiciaire en permettant aux avocats de postuler devant l'ensemble des juridictions de la cour d' appel dans laquelle ils sont établis, sauf pour certaines procédures et lorsqu' ils ne sont pas« maîtres de l'affaire chargés également d'assurer la plaidoirie »), que ces dispositions n'affectent pas les conditions d'accès au service public de la justice, qu'elles ne méconnaissent ni le principe d'égalité devant la justice, ni l'objectif de bonne administration de la justice».

Par suit e: alors que le Conseil constitutionnel a déjà déclaré que l'article 5 de la loi du 31 décembre 1971 dans ses dispositions actuelles est conforme à la Constitution, la demande formée par Mme [B] n'est pas nouvelle de sorte que sa demande de transmission sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe,

Rejette la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation,

Rappelle qu’aux termes de l'article 126-7 du code de procédure civile cette décision ne peut être contestée qu'à l'occasion d'un recours formé contre une décision tranchant tout ou partie du litige.

Fait à CRETEIL, l.' AN DEUX MIL VINGT TROIS ET LE VINGT TROIS JUIN

LE JUGE DE LA MISE EN ETAT

 

 

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