Cour de cassation

Arrêt du 21 juin 2023 n° 23-40.005

21/06/2023

Non renvoi

CIV. 1

COUR DE CASSATION

MY1

______________________

QUESTIONS PRIORITAIRES

de

CONSTITUTIONNALITÉ

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Audience publique du 21 juin 2023

NON-LIEU A RENVOI

Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 508 F-D

Affaire n° J 23-40.005

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 21 JUIN 2023

Le tribunal judiciaire de Paris a transmis à la Cour de cassation, suite à l'ordonnance rendue le 20 mars 2023, les questions prioritaires de constitutionnalité, reçues le 23 mars 2023, dans l'instance mettant en cause :

D'une part,

Mme [F] [W], intervenante volontaire à titre personnel et agissant en qualité d'ayant droit à titre universel de M. [L] [R] [W],

Mme [T] [J] [H],

domiciliées toutes deux chez Mme [Y] [Z], avocat, [Adresse 1]

D'autre part,

1°/ l'Agent judiciaire de l'Etat, dont le siège est direction des affaires juridiques, [Adresse 3],

2°/ la caisse primaire d'assurance maladie du Lot, dont le siège est [Adresse 2],

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l'Agent judiciaire de l'Etat , et l'avis écrit de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Mornet, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Condamné, par une décision définitive de la justice cubaine, à une peine de huit ans d'emprisonnement pour proxénétisme et traite d'êtres humains, [L] [R] [W], de nationalité française, a été, à sa demande, transféré en France pour l'exécution du reliquat de sa peine.

2. Contestant les conditions d'exécution de sa peine prononcée de manière arbitraire et sans procès équitable, [L] [R] [W] a assigné en responsabilité et indemnisation l'Agent judiciaire de l'Etat sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire. A son décès, son épouse et sa fille, Mmes [H] et [W], ont repris l'instance.

Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité

3. Par ordonnance du 20 mars 2023, le juge de la mise en état a transmis deux questions prioritaires de constitutionnalité que Mmes [H] et [W] ont soumises par mémoire distinct et motivé et qui sont ainsi rédigées :

« 1°/ L'article 728-3 du code de procédure pénale alinéa 2 qui permet au procureur de la République, après avoir procédé à un interrogatoire d'identité et à la simple vue des pièces constatant l'accord des Etats sur le transfèrement et le consentement de l'intéressé accompagné d'une expédition du jugement étranger et de sa traduction officielle d'ordonner l'incarcération immédiate du condamné méconnaît-il les articles 7 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ?

2°/ L'article 728-4 du code de procédure pénale alinéa 1 imposant l'application directe et immédiate d'une peine prononcée à l'étranger par l'effet de la convention ou de l'accord international est-il conforme avec les articles 7 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi qu'avec la supériorité de la norme constitutionnelle sur toute autre norme en ce qu'il ne prévoit pas le contrôle du respect des droits fondamentaux de la personne condamnée et particulièrement du droit à un procès équitable ? »

Examen des questions prioritaires de constitutionnalité

4. Les dispositions contestées sont applicables au litige, en ce qu'elles régissent la procédure de transfèrement d'une personne condamnée à l'étranger à une peine dont l'exécution en France est imputée à une faute lourde du service public de la justice.

5. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

6. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont nouvelles.

7. D'autre part, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux.

8. En effet, le transfèrement du condamné pour l'exécution de sa peine dans son pays d'origine, lequel poursuit un objectif humanitaire en facilitant la réinsertion sociale et le rapprochement familial, ne peut être décidé qu'à sa demande ou avec son consentement, sous le contrôle des autorités consulaires avant son départ de l'Etat de condamnation et du procureur de la République à son arrivée sur le territoire national.

9. Par ailleurs, la souveraineté des Etats et les engagements internationaux de la France font, sauf dispositions contraires, interdiction aux autorités judiciaires françaises de modifier la peine prononcée à l'étranger.

10. En vertu de la convention de transfèrement applicable, l'Etat d'exécution est ainsi tenu de poursuivre l'exécution de la peine prononcée dans l'Etat de condamnation, sans pouvoir en modifier la nature ou la durée, et, le cas échéant, la juridiction française peut seulement, substituer à la peine prononcée par la juridiction étrangère celle lui correspondant le plus en droit français ou réduire cette peine au maximum légalement applicable.

11. Il s'en déduit que les dispositions en cause, qui se bornent à fixer les règles de procédure applicables et les modalités d'exécution de la peine, ne méconnaissent ni les articles 7 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ni les droits fondamentaux de la personne condamnée, tels que son droit à un procès équitable, en permettant au procureur de la République, après avoir procédé à un interrogatoire d'identité et au vu des pièces constatant l'accord des Etats sur le transfèrement et le consentement de l'intéressé accompagné d'une expédition du jugement étranger et de sa traduction officielle, d'ordonner l'incarcération immédiate du condamné.

12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.

Code publication

n