Tribunal administratif de Versailles

Jugement du 20 juin 2023 n° 2103782

20/06/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 mai 2021, le 4 juin 2021 et le 6 décembre 2021, M. B A demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2016 et 2017 pour un montant total de 7 896 euros en droits et majorations ;

2°) à défaut d'ordonner la compensation entre lesdites sommes et les montants dont il s'est acquitté au titre des années 2013 à 2015 à hauteur de 12 724 euros ;

3°) d'ordonner à l'administration de procéder au remboursement de la somme de 180 000 euros correspondant aux frais qu'il a été contraint d'engager pour rendre visite à sa fille mineure dont la résidence habituelle avait été fixée au domicile de son ex-épouse par des décisions de justice qu'il estime infondées et préjudiciables ;

4°) de lui accorder la somme de 1 100 000 euros en réparation du préjudice matériel, corporel et moral subi par lui-même et par sa fille mineure du fait de l'administration et de l'autorité judiciaire.

Il soutient que :

- les sommes qu'il a déduites de son revenu imposable en 2016 et 2017 correspondent aux frais qu'il a été contraint d'engager, dans une situation de force majeure, pour garantir la sécurité et assurer l'entretien de sa fille et lui rendre visite alors qu'elle avait été confiée à son ex-épouse, pourtant dépressive, par décision du juge aux affaires familiales ; il était fondé à procéder à une telle déduction sur le fondement des articles 122-2, 122-5 et 122-7 du code pénal et sur le fondement de l'article 1218 du code civil ; le conseil d'état a admis que le contribuable pouvait s'exonérer d'une obligation fiscale lorsqu'il est confronté à une circonstance revêtant le caractère de la force majeure ;

- il a sollicité préalablement le remboursement des frais exposés à hauteur de 111 535 euros, par courrier adressé au président de la République le 7 octobre 2016 ;

-sa demande indemnitaire est fondée au regard des dispositions des article 1240 et 1241 du code civil ; en outre l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire prévoit qu'en cas de faute lourde ou de déni de justice l'Etat est tenu de réparer les dommages causés par le fonctionnement défectueux de la justice ; une telle faute a été commise par l'autorité judiciaire qui n'a pas tenu compte du danger que représentait, pour sa fille, la décision fixant sa résidence habituelle au domicile de sa mère ; sa demande indemnitaire vise à compenser le préjudice subi par lui-même et par sa fille en conséquence des " persécutions " et des " délits administratifs " que constituent la succession des décisions défavorables et injustes qui lui ont été opposées par l'autorité judiciaire et par l'administration ;

-l'article 156 du code général des impôts est contraire à la constitution.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2021, le 20 juin 2022 et le 23 juin 2022, le directeur départemental des finances publiques conclut au rejet de la requête de M. A.

Il soutient que :

-les conclusions indemnitaires présentées par le requérant sont irrecevables ;

-ses conclusions à fins de compensation sont également irrecevables, son recours dirigé contre les impositions mises à sa charge au titre des années 2013 à 2015 ayant été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Versailles du 17 décembre 2019, revêtu de l'autorité de la chose jugée ;

-les moyens soulevés à l'encontre des suppléments d'impositions mis à sa charge ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 24 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 juillet 2022 à 10h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thivolle,

- les conclusions de Mme Cerf, rapporteure publique,

- et les observations de M. A.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. A, l'administration a remis en cause les déductions de charges et de contribution sociale généralisée (CSG) opérées par celui-ci au titre des années 2016 et 2017 et lui a notifié, par une proposition du 7 novembre 2019, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de ces deux années, mis en recouvrement le 30 septembre 2020. Sa réclamation du 2 mars 2021 ayant été rejetée par une décision du 11 mars 2021, M. A a demandé au tribunal, par une requête enregistrée le 5 mai 2021, de prononcer la décharge des suppléments d'imposition ainsi mis à sa charge ou à défaut de procéder à une compensation entre celles-ci et les sommes dont il s'est acquitté au titre des années 2013 à 2015. Il demande en outre que soit ordonné à l'Etat de lui rembourser les frais exposés par lui pour rendre visite à sa fille mineure à la suite du jugement ayant attribué la garde de cette dernière à son ex-épouse, et de condamner l'Etat au versement d'une indemnité de 1 100 000 euros en compensation du préjudice dont il s'estime victime.

Sur la recevabilité des conclusions :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

2. M. A demande que l'Etat soit condamné au paiement de dommages et intérêts d'un montant total de 1 280 00 euros à raison, d'une part, des frais, constitutifs d'un préjudice matériel, qu'il a été contraint d'exposer pour rendre visite à sa fille dont la résidence habituelle a été fixée par une décision du tribunal de grande instance d'Epinal du 12 novembre 2010 au domicile de sa mère à Remiremont, et d'autre part en réparation du préjudice moral dont il s'estime victime, ainsi que sa fille, du fait de décisions judiciaires et administratives constitutives de faute lourde.

3. Toutefois, et alors que les dispositions du code civil et du code de l'organisation judiciaire auxquelles le requérant a entendu se référer ne sont pas opposables à l'administration fiscale, une telle demande tendant au versement de dommages et intérêts, étant jugée selon des règles de procédure différentes qu'il n'appartient pas au juge de l'impôt, eu égard à son office, de connaître, ne peut être formulée au cours d'une instance relative à la contestation d'une imposition. Par suite, les conclusions indemnitaires de M. A, sont irrecevables dans le cadre de la présente instance et ne peuvent, par conséquent, qu'être rejetées.

4. Au demeurant, il ne résulte pas de l'instruction, qu'elles auraient fait l'objet d'une demande préalable à l'administration conformément aux dispositions du second alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative.

5. Enfin et en tout état de cause, la responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice définie par l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ressort de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

En ce qui concerne la demande de compensation :

6. Il est constant que la requête de M. A tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre des années 2013 et 2015 a été rejetée par un jugement du tribunal administratif du 17 décembre 2019, portant le n°1707633, devenu définitif et revêtu, par conséquent, de l'autorité de la chose jugée. Le bien-fondé de ces impositions ne saurait, dès lors, plus faire l'objet d'une contestation recevable. Par suite, et alors, au demeurant, qu'aucune compensation n'est possible, sur le fondement des dispositions des article L. 203, L. 204 et L. 205 du livre des procédures fiscales, entre des impositions établies au titre d'années différentes, les conclusions du requérant tendant au bénéfice d'une telle compensation ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne l'inconstitutionnalité alléguée des dispositions de l'article 156 du code général des impôts :

7. Aux termes de l'article R*. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité " ".

8. La constitutionnalité des dispositions législatives ne peut être utilement contestée en dehors de la procédure particulière relative aux questions prioritaires de constitutionnalité. Par conséquent, l'exception d'inconstitutionnalité de la loi soulevée par M. A ne peut en tout état de cause qu'être écartée comme irrecevable à défaut d'avoir fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité soulevée par mémoire distinct conformément aux dispositions précitées du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé des rectifications en litige :

En ce qui concerne l'année 2016

9. Aux termes du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6, aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : / () / II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : / () versements de sommes d'argent mentionnés à l'article 275 du code civil lorsqu'ils sont effectués sur une période supérieure à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce, que celui-ci résulte ou non d'une demande conjointe, est passé en force de chose jugée ".

10. Il résulte de l'instruction que M. A a déduit de son revenu imposable au titre de l'année 2016 une somme de 19 000 euros. Pour procéder aux rectifications en litige, l'administration a estimé que si une telle déduction était justifiée dans la limite de 3 000 euros, correspondant au montant annuel de la pension versée en exécution du jugement de divorce du 12 novembre 2010, elle a toutefois estimé que le solde, soit 16 000, ne correspondait pas à des charges déductibles pour le calcul du revenu imposable de M. A. Si ce-dernier soutient qu'un tel montant correspond au montant des frais qu'il a été contraint d'engager pour rendre visite à sa fille, des tels frais ne sont toutefois pas déductibles sur le fondement des dispositions précitées et c'est, dès lors, à bon droit, que l'administration a pu procéder à leur réintégration dans ses bases d'imposition.

En ce qui concerne l'année 2017 :

11. Aux termes du II de l'article 154 quinquies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " II. - La contribution afférente aux revenus mentionnés aux a, b, c, e, à l'exception des plus-values, des gains et des avantages imposés dans les conditions prévues à l'article 39 quindecies, à l'article 163 bis G, au 5 de l'article 200 A et aux 6 et 6 bis du même article dans leur rédaction applicable aux options sur titres et actions gratuites attribuées avant le 28 septembre 2012, et f du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, au II du même article et aux revenus mentionnés au premier alinéa et au 1° du I de l'article L. 136-7 du même code n'ayant pas fait l'objet des prélèvements prévus au II de l'article 125-0 A et aux I bis, II, III, second alinéa du 4° et deuxième alinéa du 9° du III bis de l'article 125 A est admise en déduction du revenu imposable de l'année de son paiement, à hauteur de 5,1 points ".

12. Il résulte de l'instruction que M. A a déduit de son revenu imposable au titre de l'année 2017 une somme de 17 000 euros par inscription en ligne 6DE de la déclaration 2042 correspondant à la contribution sociale généralisée (CSG) déductible sur les revenus du patrimoine. Pour remettre en cause cette déduction, l'administration a relevé, sans être contestée, que le requérant n'avait toutefois pas payé, en 2017, de CSG sur les revenus du patrimoine. C'est, dès lors, à bon droit qu'elle a procédé à la réintégration de cette somme dans le revenu imposable de M. A.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. A tendant, d'une part, à la décharge des impositions en litige, d'autre part, au bénéfice de la compensation et, enfin, à la condamnation de l'Etat au paiement de dommages et intérêts, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

 

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au directeur départemental des finances publiques des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Ouardes, président,

Mme Winkopp-Toch, première conseillère,

M. Thivolle, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé

G. Thivolle

Le président,

Signé

P. Ouardes La greffière,

Signé

V. Retby

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.