Tribunal administratif de Versailles

Jugement du 20 juin 2023 n° 2102752

20/06/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une réclamation en date du 17 décembre 2018 notifiée au directeur départemental des finances publiques des Yvelines, transmise par ce dernier au Tribunal administratif de Versailles le 1er avril 2021 en application des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales et par un mémoire enregistré le 25 mai 2021, M. et Mme A B demandent au Tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 100 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

- le service, qui a indûment renversé la charge de la preuve et, alors qu'il ne dispose pas des connaissances techniques nécessaires, n'a pas utilisé les moyens d'investigation sur place et ne les a préalablement pas interrogés ;

- l'administration ne pouvait se fonder sur les seules réponses de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et d'EDF Guyane suite à son droit de communication pour fonder le redressement litigieux, lesquels ont été interrogés sur de mauvaises données ;

- l'administration a méconnu les dispositions des articles L. 81, L. 83, L. 85 et L. 102 B du livre des procédures fiscales, en n'exerçant pas son droit de communication à l'endroit des opérateurs qui auraient pu lui apporter des renseignements appropriés, à savoir le transitaire CTS Guyana et la société FEF Guyane ; ces sociétés ont été placées en liquidation judiciaire si bien que les investisseurs dans l'éolien ultramarin se trouvaient dans l'impossibilité de demander à ces sociétés des informations au contraire de l'administration fiscale qui bénéficiai de tous les pouvoirs d'investigation entre avril et novembre 2016 pour savoir ce qu'il advenait de ces sociétés ;

- en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, de la doctrine référencée BOI-CF-JOR-10-50-2017-1004 et de la jurisprudence, l'administration n'a pas répondu à toutes leurs observations, en particulier celles concernant la charge de la preuve et du contradictoire comme celles contenues dans le courrier du 8 juillet 2015 par lequel la société France Energies Finances sollicitait une mesure de tolérance dans le traitement fiscal des investissements dans le secteur éolien en Guyane ;

- en application de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration l'absence de réponse à la lettre du 8 juillet 2015 de la société France Energie Finance relative aux investissements éoliens en Guyane vaut acceptation de la position qui y est exprimée ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

- c'est à tort que le service a remis en cause la réduction d'impôt en litige en leur opposant l'absence d'entrée en production des éoliennes, dès lors qu'au titre de l'année en litige antérieure à la réforme entrée en vigueur au 1er janvier 2015, l'article 199 undecies B du code général des impôts et la doctrine administrative BOI-BIC-RICI-20-10-20-30 n°1 prévoyaient que le fait générateur intervenait à la délivrance du bien au sens de l'article 1604 du code civil et non à sa mise en service ;

- en faisant uniquement référence à l'instruction BOI 5 B-2-07 du 12 septembre 2007, l'administration a méconnu l'instruction BOI-BIC-RICI-20-10-20-30 20160601, articles 1 à 20, qui lui est opposable ; en outre, l'administration fait une lecture erronée de l'article 148 de l'instruction BOI 5 B-2-07 du 12 septembre 2007 ;

- les éléments d'éoliennes avaient été livrés sur le sol guyanais et entreposés sur une zone industrielle avant le 31 décembre 2013 ;

- l'imposition contestée repose sur des informations erronées procédant de droits de communication mal dirigés ;

- la réduction d'impôt constituait un avantage acquis au 31 décembre 2013, qui a été remis en cause par la décision Néo Plouvien du Conseil d'Etat du 14 novembre 2012 qui a conduit à l'arrêt des opérations d'implantation de parcs éoliens avant les modifications introduites par la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 ; cette remise en cause, non justifiée par un motif suffisant d'intérêt général, est source d'insécurité juridique et est contraire à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- l'administration n'a pas tenu compte de la force majeure et du cas fortuit causés par cette insécurité juridique ;

En ce qui concerne la procédure contentieuse :

- dans son mémoire en défense, l'administration fiscale viole le secret professionnel et l'article L. 103 du livre des procédures fiscales en faisant mention des nom, prénom et numéro d'instance d'une affaire similaire à la leur ; ce mémoire est en conséquence entaché de nullité.

Par la soumission d'office enregistrée le 1er avril 2021, le directeur départemental des finances publiques des Yvelines conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 février 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 février 2023 à 10h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Winkopp-Toch,

- les conclusions de Mme Cerf, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. En leur qualité d'associés de trois sociétés par actions simplifiées, les SAS Aptenia, Aralia et Arbutus, et par application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, M. et Mme B ont déclaré au titre de l'année 2013 une réduction d'impôt sur le revenu de 28 927 euros, à raison d'investissements consistant en l'acquisition et l'installation d'éoliennes par les trois sociétés précitées, qui devaient être données à bail à des sociétés exploitantes afin de produire et de vendre de l'énergie électrique en Guyane. A la suite d'un contrôle sur pièces mené notamment à la lumière des éléments recueillis dans le cadre de son droit de communication et aux termes d'une proposition de rectification du 29 novembre 2016, l'administration a remis en cause cette réduction d'impôt au motif de l'absence de réalisation des investissements concernés au 31 décembre 2013. M. et Mme B ont contesté, par voie de réclamation contentieuse du 17 décembre 2018, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, les intérêts et les pénalités mises à leur charge. Par une soumission d'office, le directeur départemental a saisi le tribunal de la réclamation formée par les intéressés tendant à la décharge de ces suppléments d'imposition.

Sur la recevabilité du mémoire en défense :

2. M. et Mme B soutiennent que l'administration fiscale a méconnu le secret professionnel et l'article L. 103 du livre des procédures fiscales en mentionnant une affaire similaire à la leur de défiscalisation ultramarine avec les nom et prénom du requérant ainsi que le numéro sa requête. Ils en déduisent que le mémoire en défense est entaché de nullité.

3. Les dispositions législatives protégeant le secret professionnel, telles que l'article L. 103 du livre des procédures fiscales, ou la vie privée peuvent faire obstacle à la communication par l'administration à un contribuable de renseignements concernant un tiers. En l'espèce, pour regrettable que soient mentionnés les nom et prénom du requérant, l'administration s'est bornée à citer une affaire jugée par le tribunal administratif de Versailles sans méconnaître le secret professionnel au sens de l'article L. 103 du livre précité ou porter atteinte à la vie privée du requérant. Ainsi, le moyen tiré de ce que le mémoire en défense doit être écarté des débats ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, si, l'administration peut, en vertu des dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites, elles n'instaurent aucune obligation en ce sens. De même, l'article L. 45 F du même livre, en vertu duquel l'administration peut contrôler sur le lieu d'exploitation le respect des conditions de réalisation, d'affectation, d'exploitation et de conservation des investissements ayant ouvert droit au bénéfice des dispositions prévues à l'article 199 undecies B du code général des impôts, ouvre à l'administration une simple faculté qu'elle n'est pas tenue de mettre en œuvre. Les contribuables ne sauraient donc utilement se plaindre de l'absence de recours à ces deux procédures.

5. En deuxième lieu, les requérants ne sauraient pas davantage faire grief au service de n'avoir exercé son droit de communication qu'à l'égard du service des douanes et de la société EDF de Guyane et non auprès d'autres opérateurs, tels les sociétés CTS-Guyana, transitaire en douane ou France Energie Finance, dès lors qu'il n'était pas tenu de le faire et qu'il était loisible aux requérants d'apporter toutes précisions utiles dans le cadre du débat contradictoire. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'administration a interrogé EDF Guyane sur des demandes de raccordement qui auraient été formulées par les SAS et les EURL exploitantes.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. () Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ".

7. D'une part, la proposition de rectification du 29 novembre 2016 comportait, outre la désignation de l'impôt concerné, l'année d'imposition, la base d'imposition et les motifs de droit et de fait caractérisant une absence d'investissement productif au sens de l'article 199 undecies B du code général des impôts et justifiant ainsi les redressements envisagés. Dès lors, elle permettait aux contribuables de formuler utilement leurs observations. De même, il ressort des motifs de la réponse qui a été adressée à M. et Mme B le 30 janvier 2018 que l'administration a suffisamment motivé sa réponse aux observations du contribuable et y a joint les pièces obtenues suite à l'exercice du droit à communication. Ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la réponse de l'administration, qui n'était pas tenue de répondre à toutes les observations relatives à la doctrine et à la jurisprudence concernant les investissements productifs, ne serait pas suffisamment motivée et ainsi contraire au dernier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales. Par suite, tant la proposition de rectification que la réponse aux observations du contribuable sont suffisamment motivées au regard des exigences posées par les dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

8. D'autre part, la double circonstance alléguée que, tant dans la proposition de rectification que dans sa réponse aux observations du contribuable, le service aurait méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve et se serait appuyé sur des éléments de fait non établis ou non pertinents, car procédant de droits de communication inexploitables, relève du bien-fondé de l'imposition et est, en tout état de cause, sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de ces deux documents et, de manière générale, sur la régularité de la procédure d'imposition.

9. En dernier lieu, pour contester la régularité de la procédure d'imposition, les requérants ne peuvent utilement invoquer les diverses instructions administratives dont ils se prévalent, dès lors que la doctrine relative à la procédure d'établissement de l'impôt n'est pas opposable à l'administration sur le fondement de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

10. Aux termes du premier alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. / () ". Aux termes du vingtième alinéa du même article : " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. () ". Enfin, aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code, dans sa rédaction applicable : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée, sous réserve des dispositions de la deuxième phrase du vingtième alinéa du I du même article, au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail () ".

11. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'avant même l'entrée en vigueur des dispositions du e) du B du I de l'article 21 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, modifiant le vingtième alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts, le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à cet article est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, s'agissant de l'acquisition d'éoliennes données en location à des sociétés locales en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les éoliennes, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite être productives de revenus qu'à compter de cette date. Le raccordement est nécessaire pour une exploitation effective de ces installations, lorsqu'il ne résulte pas de l'instruction que l'électricité produite aurait eu vocation à être consommée ou stockée par les sociétés exploitantes. Enfin il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si le contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts.

12. En premier lieu, à supposer même que des éléments d'éoliennes aient été importés en Guyane et entreposés dans la zone artisanale Galmont à Cayenne, il résulte de l'instruction, en particulier des renseignements fournis par la société EDF Guyane, que les éoliennes n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité au 31 décembre 2013, date à laquelle n'avaient été déposés que des dossiers de raccordement incomplets par les EURL Samuela et Senna, sociétés exploitantes des SAS Aptenia et Arbutus. En outre, la SAS Aralia et sa société exploitante, L'EURL Scillia étaient inconnues des services d'EDF Guyane. Par suite, les investissements en cause ne pouvaient être regardés comme réalisés au titre de l'année 2013. L'administration, qui n'a pas ajouté à la loi en s'appuyant sur sa propre doctrine, était donc fondée, pour ce seul motif à remettre en cause la réduction d'impôt imputée par les contribuables sur leur impôt sur le revenu de l'année 2013.

13. En second lieu, en l'absence de survenance du fait générateur, M. et Mme B ne peuvent se prévaloir d'un prétendu " droit acquis " à la réduction d'impôt ni, par suite et en tout état de cause, soutenir qu'ils en auraient été indûment privés à la suite d'une décision du Conseil d'Etat du 14 novembre 2012. En outre, la circonstance que l'exploitation effective des éoliennes aurait été retardée du fait de l'incertitude des modalités d'application de la loi littoral du 2 janvier 1986, à la supposer établie, ne constitue pas un cas fortuit ou de force majeure dont les contribuables pourraient utilement se prévaloir pour obtenir le bénéfice des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts. En outre, si les requérants peuvent être également regardés comme invoquant l'inconstitutionnalité de ces dispositions comme contraires au principe de sécurité juridique, une telle question prioritaire de constitutionnalité est irrecevable faute d'avoir été présentée par mémoire distinct, en méconnaissance de l'article R. 771-3 du code de justice administrative.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale

14. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente () ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal () ".

15. En premier lieu, les requérants invoquent les termes du paragraphe n°148 de l'instruction 5 B-2-07 du 30 janvier 2007, selon lesquels : " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. ".

16. Toutefois, cet extrait de doctrine, s'il fait référence à la notion de livraison, au sens du droit civil, de l'immobilisation faisant l'objet de l'investissement, ne saurait être lu en faisant abstraction des autres prévisions de l'instruction administrative dans laquelle il s'insère. Or, le paragraphe n°22 de l'instruction 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 énonce que : " Conformément aux dispositions du premier alinéa du I de l'article 199 undecies B et de l'article 95 K de l'annexe II, les investissements productifs dont l'acquisition, la création ou la prise en crédit-bail est susceptible d'ouvrir droit à réduction d'impôt doivent avoir la nature d'immobilisations neuves, corporelles et amortissables. / La notion même d'investissement productif implique l'acquisition ou la création de moyens d'exploitation, permanents ou durables capables de fonctionner de manière autonome. / () ".

17. Il résulte des énonciations de ce paragraphe que la notion de livraison de l'immobilisation faisant l'objet de l'investissement, dont fait mention le paragraphe n°148 de cette instruction, doit s'entendre de la livraison d'un moyen d'exploitation capable de fonctionner de manière autonome, c'est-à-dire en capacité d'être productif. Ainsi, le paragraphe n°148 ne peut être regardé comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent jugement fait application. M. et Mme B ne sont donc pas fondés à s'en prévaloir sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

18. En second lieu, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir de la doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-20-10-20-30 du 1er juin 2016, postérieure à l'année d'imposition en litige.

19. Enfin, l'absence de réponse de la direction générale des finances publiques à la lettre du 8 juillet 2015 par laquelle la société France Energies Finances a sollicité une mesure de tolérance dans le traitement fiscal des investissements conduits en 2011 et 2012 dans le secteur éolien en Guyane ne constitue pas une prise de position formelle opposable à l'administration sur le fondement de l'article L 80 B du livre des procédures fiscales, d'autant que la demande est postérieure à l'année d'imposition en litige.

S'agissant de l'application de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration

20. Aux termes de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dont les dispositions ont été reprises à compter du 1er janvier 2016 aux articles L. 231-1 et L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " I. - Le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision d'acceptation. / () Le premier alinéa n'est pas applicable et, par dérogation, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / 1° Lorsque la demande ne tend pas à l'adoption d'une décision présentant le caractère d'une décision individuelle ; / 2° Lorsque la demande ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ; / 3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret () ".

21. En vertu de ces dispositions, le courrier précité du 8 juillet 2015 par lequel la société France Energie Finances a sollicité que les opérations réalisées en 2011 et 2012 soient " validées à titre exceptionnel ", qui ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif mais vise, pour des raisons financières, à une application bienveillante de la loi fiscale, n'est pas au nombre des demandes susceptibles de faire naître une décision implicite d'acceptation. Par conséquent, M. et Mme B, ne sont pas fondés à soutenir que l'absence de réponse vaudrait acceptation de la demande, au surplus à leur profit.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B ne sont pas fondés à demander la décharge du supplément d'impôt contesté.

Sur les frais liés à l'instance :

23. En premier lieu, la présente instance n'ayant donné lieu à aucuns dépens, les conclusions présentées à ce titre par M. et Mme B doivent, en tout état de cause, être rejetées.

24. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demandent les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme B et au directeur départemental des finances publiques des Yvelines.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Ouardes, président,

Mme Winkopp-Toch, première conseillère,

M. Thivolle, conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023 .

La rapporteure,

Signé

A. Winkopp-Toch

Le président,

Signé

P. Ouardes La greffière,

Signé

V. Retby

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.