Cour administrative d'appel de Paris

Arrêt du 20 juin 2023 n° 23PA00892

20/06/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A B a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2022 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour.

Par un mémoire distinct du 6 octobre 2022 portant question prioritaire de constitutionnalité, M. B a également demandé au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 423-23, L. 426-5, L. 426-6 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 2218337/6 du 6 janvier 2023, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. B, d'autre part, rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mars 2023, régularisée le 3 mars 2023, M. B, représenté par Me Krzisch et Me Balme Leygues, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 janvier 2023 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 juillet 2022 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêté à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande de titre dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont 1 200 euros au titre des frais de première instance.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, le sens des conclusions du rapporteur public n'ayant pas été porté à la connaissance des parties en temps utile, en méconnaissance de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- il est irrégulier, en ce qu'il est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté du 6 juillet 2022 doit être regardé comme procédant illégalement au retrait d'une décision créatrice de droits constituée par un courrier du préfet de police en date du 7 avril 2021 lui indiquant que, suite aux condamnations pénales dont il a fait l'objet, il pourrait faire l'objet d'une mesure d'expulsion si, de nouveau, il ne respectait pas les lois et règlements ;

- la décision refusant le renouvellement de son titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit au regard de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elle considère que son comportement constitue une menace à l'ordre public, en se fondant notamment sur des faits anciens et isolés, mentionnés au fichier automatisé des empreintes digitales, dont les données auraient dû faire l'objet d'un effacement ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans la mesure où elle a pour effet de le contraindre à retourner en Colombie ;

- elle est dépourvue de base légale, les dispositions des articles L. 423-23 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde étant inconstitutionnelles.

Par un mémoire, enregistré le 3 mars 2023, M. B, représenté par Me Krzisch et Me Balme Leygues, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris du 6 janvier 2023 en ce qu'il a jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée ;

2°) de transmettre au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, des articles L. 423-23 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard du droit à mener à une vie familiale normale, protégé par le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, du droit au respect de la vie privée et des libertés d'aller et venir, personnelle et individuelle, protégées par les articles 1er, 2 et 4 de la Déclaration de 1789 et au regard des objectifs de sauvegarde de l'ordre public et de sécurité publique.

Il soutient que :

- les dispositions contestées sont directement applicables au litige en cause ;

- ces dispositions n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs ou dans le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ; en tout état de cause, à supposer que l'article L. 423-23 reprenne les anciennes dispositions du 7°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", un changement dans les circonstances de droit est intervenu depuis la décision n° 2006-539 DC du Conseil constitutionnel du 20 juillet 2006 ;

- la question posée présente un caractère sérieux, dans la mesure où l'application combinée des dispositions des articles L. 423-23 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile conduit à ce que des étrangers ni expulsables ni reconductibles ne puissent, en raison de la menace à l'ordre public qu'ils représenteraient, se voir délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; le législateur, en ne prévoyant pas la possibilité de régulariser la situation de ces étrangers, a entaché ces dispositions d' incompétence négative et a méconnu l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre et de la sécurité publique ;

- ces dispositions méconnaissent en outre le principe constitutionnel du droit à mener une vie familiale normale découlant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, le droit au respect de la vie privée résultant de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté d'aller et venir, la liberté personnelle et la liberté individuelle résultant des articles 1er, 2 et 4 de cette Déclaration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mai 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 2 juin 2023, le préfet de police soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, la réserve d'ordre public ayant déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, et la question soulevée ne présentant pas un caractère sérieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 38 et 61-1 ;

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2006-539 DC du 20 juillet 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Niollet,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Krzisch, pour M. B.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, ressortissant colombien né le 5 août 1968 en Colombie, déclare être entré en France en 1985. Il a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2022 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour et de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 423-23 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il fait appel du jugement du 6 janvier 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et a jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". L'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 précité de la Constitution, dispose que : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat, () le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé () ". Enfin, aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat (). Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat () Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ".

3. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que la cour administrative d'appel, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un mémoire distinct et motivé, statue par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

4. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, créé par l'ordonnance du 16 décembre 2020, visée ci-dessus, dans sa rédaction issue de l'article 25 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article L. 432-1 de ce code, créé par l'ordonnance du 16 décembre 2020 : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ".

5. M. B soutient que les dispositions précitées des articles L. 423-23 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles ne prévoient pas de possibilité de régularisation au titre de la vie privée et familiale des étrangers dont le comportement constitue une menace à l'ordre public, sont entachées d'incompétence négative et portent atteinte à l'objectif à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre et de la sécurité publique, ainsi qu'aux principes constitutionnellement reconnus du droit à mener une vie familiale normale découlant du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, du droit au respect de la vie privée issu de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et des libertés d'aller et venir, personnelle et individuelle résultant de la combinaison des articles 2 et 4 de cette Déclaration.

6. Les dispositions citées ci-dessus des articles L. 423-23 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la possibilité de refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à un étranger en remplissant les conditions mais dont la présence en France constituerait une menace à l'ordre public, relèvent du domaine de la loi et sont applicables au présent litige.

7. Toutefois, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision n° 422028 du 19 décembre 2018, le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2006-539 DC du 20 juillet 2006, a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré conformes à la Constitution les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction antérieure au 1er mai 2021, relatives aux conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale", prévoyant notamment la faculté pour l'administration de refuser un titre de séjour en raison de la menace que la présence de l'étranger constitue pour l'ordre public. Or, ni la création, par l'ordonnance du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des articles L. 423-23 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile reprenant ces dispositions en procédant à une réorganisation de ce code, même si l'article L. 423-23 ne précise pas qu'il prévoit la délivrance d'un titre de séjour " de plein droit ", ni l'avis émis par le Conseil d'Etat le 26 janvier 2023 sur le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, ni la transmission par une décision du Conseil d'Etat du 28 février 2023 (n° 468561) au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 426-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni d'ailleurs la décision QPC n° 2023-1048 du 4 mai 2023 rendue sur cette question, ni aucune des diverses autres circonstances, dont M. B fait état, ne peuvent être regardés comme un changement dans les circonstances de droit de nature à justifier un nouvel examen par le Conseil constitutionnel. Ainsi, les dispositions combinées des articles 23-2 et 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 font obstacle à ce que la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions des articles L. 423-23 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soit renvoyée au Conseil constitutionnel.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.

Sur la régularité du jugement attaqué :

9. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que le sens des conclusions du rapporteur public a été mis en ligne le 7 décembre 2022 en vue d'une audience se tenant le 9 décembre à 9h 30. Le rapporteur public ayant ainsi indiqué aux parties le sens de ses conclusions dans un délai raisonnable avant l'audience, M. B n'est pas fondé à soutenir que le jugement aurait été rendu au terme d'une procédure irrégulière.

10. En second lieu, les premiers juges ont expressément répondu, au point 7 de leur jugement, au moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué. Ils n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés au soutien de ce moyen.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

11. En premier lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait procédé au retrait illégal d'une décision créatrice de droits constituée par un courrier du préfet de police du 7 avril 2021 indiquant à M. B qu'il pourrait faire l'objet d'une mesure d'expulsion en cas de non-respect des lois et règlements, doit être écarté, pour les motifs retenus par les premiers juges au point 8 de leur jugement qu'il y a lieu d'adopter.

12. En deuxième lieu, il ressort des motifs de l'arrêté litigieux, pris sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 423-23 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. B s'est vu refuser le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " au motif que, bien que résidant régulièrement en France depuis 2007 et étant le père d'une fille majeure de nationalité française, il a été condamné, notamment, à quatre ans d'emprisonnement, le 6 décembre 2019, par la Cour d'appel de Paris, pour des faits d'agression sexuelle avec usage ou menace d'une arme, faits au regard desquels la commission du titre de séjour a, le 11 mai 2022, émis un avis défavorable au renouvellement de son titre de séjour. Eu égard à la gravité de ces faits, c'est par une exacte application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet de police a, sans commettre d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation, refusé de renouveler son titre de séjour au motif que sa présence en France représentait une menace pour l'ordre public.

13. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que le préfet de police se serait fondé sur des données conservées dans le fichier automatisé des empreintes digitales, qui aurait dû être effacées, doit être écarté, par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 11 de leur jugement.

14. En quatrième lieu, si M. B justifie, en appel, avoir exercé une activité d'ouvrier dans le bâtiment entre 2006 et 2012 et être titulaire de titres de séjour depuis 2012, et s'il se prévaut de la présence en France de sa fille majeure, de sa sœur, de sa compagne, de même nationalité que lui, d'un neveu et d'une nièce en France, il n'est pas établi qu'il serait dépourvu de toute attache en Colombie. Dans ces conditions et eu égard à la gravité de la menace que sa présence en France représente pour l'ordre public, l'arrêté attaqué ne peut, être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

15. En cinquième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, pour les motifs retenus par les premiers juges au point 15 de leur jugement qu'il y a lieu d'adopter.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E:

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité de M. B.

Article 2 : La requête de M. B est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A B et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2023 à laquelle siégeaient :

M. Célérier, président de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2023.

Le rapporteur,

J-C. NIOLLET

Le président,

T. CELERIERLa greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.