Cour administrative d'appel de Paris

Ordonnance du 16 juin 2023 n° 23PA01206

16/06/2023

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D A et Mme B C ont demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge du complément d'imposition à l'impôt sur le revenu, et des pénalités correspondantes, auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 à raison d'une plus-value de cession de titres.

Par un jugement n° 2112675 du 8 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 mars 2023, M. A et Mme C, représentés par Me Philip, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2112675 du 8 février 2023 rendu par le tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer, à titre principal, la décharge du supplément d'imposition à l'impôt sur le revenu, et des pénalités correspondantes, auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 à raison d'une plus-value de cession de titres, ou, à titre subsidiaire, la réduction d'imposition et de majoration correspondant à la décharge de 28,6 % de l'assiette imposable, ou, en toute hypothèse, de prononcer la décharge de la pénalité appliquée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'autorité de la chose jugée ne saurait leur être opposée, les contribuables disposant de la faculté de présenter plusieurs réclamations successives et leur droit de réclamation étant rouvert en présence d'un événement au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ;

- l'imposition en litige méconnaît le principe d'égalité à raison des modalités de mise en recouvrement ;

- elle porte atteinte au principe de proportionnalité et de respect des biens résultant du droit de l'Union européenne ;

- la pénalité en litige est disproportionnée et son caractère automatique méconnaît l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique qui n'a produit aucune observation.

Un mémoire distinct, portant question prioritaire de constitutionnalité, présenté pour M. A par Me Philip, a été enregistré le 31 mars 2023. M. A demande à la Cour de transmettre la question ainsi soulevée au Conseil d'Etat afin qu'elle soit renvoyée au Conseil Constitutionnel.

Il soutient qu'en tant qu'elles ont été mises en recouvrement par avis d'imposition et non par avis de mise en recouvrement, les impositions en litige ont méconnu les dispositions de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

- la Constitution ;

- la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-5 ;

- la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ;

- la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, modifiée par la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. A et Mme C ont fait l'objet d'un redressement, au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2013, à raison d'une plus-value de cession de titres de sociétés que l'administration a estimée taxable en totalité, après application d'un abattement pour durée de détention de 65 %, compte non tenu de la fraction réinvestie au capital d'une tierce société, le seuil de 50 % de réinvestissement nécessaire au report d'imposition de la plus-value en litige, prévu par l'article 150-0 D bis alors applicable, devant être apprécié avant application de l'abattement mentionné. Après rejet de leur réclamation préalable, enregistrée le 26 décembre 2019, M. A et Mme C ont saisi le tribunal administratif de Paris d'une requête aux fins de décharge d'imposition, rejetée par jugement n° 2112675 du 8 février 2023, dont appel.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " () les présidents des formations de jugement des cours () peuvent (), par ordonnance, : () 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, () ; 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article

L. 761-1() ; (). ".

3. Il résulte de l'instruction que l'imposition en litige a fait l'objet d'une précédente réclamation, dont la décision de rejet a fait l'objet d'une première requête aux fins de décharge d'imposition, rejetée par jugement n° 1807884 du 20 novembre 2019 du tribunal administratif de Paris, confirmé par l'arrêt n° 20PA00032 du 13 octobre 2021 de la Cour, devenu définitif à défaut d'admission du pourvoi en cassation par décision du Conseil d'Etat n° 459103 du 22 avril 2022. L'arrêt mentionné de la Cour est dès lors revêtu de l'autorité de la chose jugée, laquelle s'étend à tout litige ultérieur caractérisé par une identité de partie, d'objet, et de cause juridique. Tel est le cas en l'espèce, la présente requête concernant les mêmes contribuables, la même imposition, et la présentation de moyens relevant également du contentieux fiscal d'assiette. A cet égard, est sans incidence sur cette autorité la présentation de nouveaux moyens, y compris ceux tirés comme en l'espèce de la méconnaissance d'une directive communautaire, lesquels au demeurant auraient pu être soulevés avant que la première procédure contentieuse ne fût devenue définitive, eu égard aux dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales. Enfin, la décision du Conseil d'Etat n° 423044 du 19 décembre 2019 invoquée ne peut être regardé comme ayant révélé, en l'espèce, la méconnaissance d'une norme supérieure par l'imposition en litige, laquelle ne présente à juger aucun moyen tenant, comme dans l'arrêt mentionné, à l'application d'un abattement pour durée de détention à une plus-value placée en report antérieurement au 1er janvier 2013.

4. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation et de décharge d'imposition de la requête de M. A et de Mme C sont irrecevables pour méconnaissance de l'autorité de la chose jugée. Elles doivent dès lors être rejetées en application des dispositions précitées du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

5. D'autre part, aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. ". Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'État () le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé () ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux () ".

6. Il ressort des dispositions précitées que le caractère prioritaire d'une question de constitutionnalité a trait aux moyens soulevés et ne saurait faire obstacle à l'examen des questions préalables relatives à la requête à l'appui de laquelle la question est soulevée. Par suite, il résulte de ce qui a été dit au point 4 de la présente ordonnance que, la requête de M. A et de Mme C devant être rejetée comme irrecevable, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui en constitue l'accessoire, ne peut être examinée.

7. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A.

8. En dernier lieu, il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

O R D O N N E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité de M. A.

Article 2 : La requête de M. A et de Mme C est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D A, à Mme B C et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Fait à Paris, le 16 juin 2023

Le président de la 9ème chambre,

S. CARRERE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 0