Cour d'Appel de Rennes

Arrêt du 16 juin 2023 n° 23/02844

16/06/2023

Non renvoi

8ème Ch Prud'homale

 

ARRÊT N°243

 

N° RG 23/02844 -

 

N° Portalis DBVL-V-B7H-TYHO

 

S.A.R.L. SIDERIS OUEST

 

C/

 

M. [C] [W]

 

Q.P.C. : REFUS de transmission à la Cour de cassation

 

Copie exécutoire délivrée

 

le : 16 juin 2023

 

à :

 

Me Arnaud FOUQUAUT

 

Me Jean-David CHAUDET

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE RENNES

 

ARRÊT DU 16 JUIN 2023

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

 

Président : Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre,

 

Assesseur : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

 

Assesseur : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

 

GREFFIER :

 

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats, et Monsieur Philippe RENAULT, lors du prononcé,

 

MINISTERE PUBLIC :

 

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée : avis du 17 mai 2023

 

DÉBATS :

 

A l'audience publique du 19 Mai 2023

 

ARRÊT :

 

Contradictoire, prononcé publiquement le 16 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

****

 

DEMANDERESSE à la question prioritaire de constitutionnalité :

 

La S.A.R.L. SIDERIS OUEST prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

 

[Adresse 1]

 

[Adresse 1]

 

Représentée par Me Arnaud FOUQUAUT, Avocat postulant du Barreau de RENNES et ayant Me Laurent GAILLARD, Avocat au Barreau de LAVAL, pour conseil

 

DÉFENDEUR à la question prioritaire de constitutionnalité :

 

Monsieur [C] [W]

 

né le 21 Juin 1963 à [Localité 3]

 

demeurant [Adresse 2]

 

[Adresse 2]

 

Représenté par Me Sandrine VIVIER substituant à l'audience Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocats postulants du Barreau de RENNES et par Me Bernard MORAND substituant à l'audience Me Jasmine LE DORTZ-PESNEAU, Avocats plaidants du Barreau de NANTES

 

FAITS ET PROCÉDURE :

 

Le 20 octobre 2022, M. [W] a interjeté appel d'un jugement du conseil de prud'hommes de Nantes en date du 20 septembre 2022, intimant la société Sideris Ouest (la société Sideris).

 

Par conclusions du 20 janvier 2023, M. [W] a demandé à la cour de :

 

- Juger qu'il y a lieu de constater le désistement d'instance de M. [W],

 

- Juger que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.

 

Par ordonnance du 24 janvier 2023, le conseiller de la mise en état a :

 

- Constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour.

 

- Condamné M. [W] aux dépens.

 

La société Sideris a formé un déféré par requête déposée le 6 février 2023.

 

Les dernières écritures de la société Sideris sont en date du 4 mai 2023. Les dernières écritures de M. [W] sont en date du 11 mai 2023.

 

Par acte séparé, la société Sideris a saisi la cour d'un mémoire à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité.

 

M. [W] a fait valoir ses observations lors de l'audience du 19 mai 2023.

 

L'avis du ministère public est en date du 17 mai 2023.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

 

La société Sideris demande au Conseil constitutionnel de déclarer les articles L 312-1 du code de l'organisation judiciaire et L. 1462-1 du code du travail non conforme à la Constitution en ce qu'ils ne permettent pas à l'intimé l'accès au juge :

 

- Déclarer les articles L 312-1 du code de l'organisation judiciaire et L.1462-1 du code du travail non conforme à la Constitution en ce qu'il ne permet pas à l'intimé l'accès au juge et en prononcer utilement l'abrogation.

 

M. [W] demande à la cour de ne pas transmettre la question.

 

Le ministère public est d'avis qu'il n'y a pas lieu à transmission en l'absence de question formulée et en raison du défaut de sérieux des exceptions soulevées.

 

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

 

DISCUSSION :

 

Devant le juridiction relevant de la Cour de cassation, une partie peut poser une question prioritaire de constitutionnalité afin que la juridiction saisie la transmette à la Cour de cassation :

 

CHAPITRE II BIS. DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ (L. org. no 2009-1523 du 10 déc. 2009, art. 1er).

 

SECTION 1. Dispositions applicables devant les juridictions relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation (L. org. no 2009-1523 du 10 déc. 2009, art. 1er).

 

Art. 23-1 (L. org. no 2009-1523 du 10 déc. 2009, art. 1er) Devant les juridictions relevant du Conseil d'État ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office.

 

Devant une juridiction relevant de la Cour de cassation, lorsque le ministère public n'est pas partie à l'instance, l'affaire lui est communiquée dès que le moyen est soulevé afin qu'il puisse faire connaître son avis.

 

Si le moyen est soulevé au cours de l'instruction pénale, la juridiction d'instruction du second degré en est saisie.

 

Le moyen ne peut être soulevé devant la cour d'assises. En cas d'appel d'un arrêt rendu par la cour d'assises en premier ressort, il peut être soulevé dans un écrit accompagnant la déclaration d'appel. Cet écrit est immédiatement transmis à la Cour de cassation.

 

Art. 23-2 (L. org. no 2009-1523 du 10 déc. 2009, art. 1er) La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies:

 

1o La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites;

 

2o Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances;

 

3o La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation.

 

La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d'État ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n'est susceptible d'aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige.

 

Le mémoire ne comporte aucune question prioritaire de constitutionnalité posée sous une forme interrogative.

 

Il n'en interroge pas moins la cour sur la constitutionnalité d'un texte de Loi en visant les dispositions de l'article 61-1 de la Constitution et de la Loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009.

 

Il y a lieu de retenir que la cour est saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité et que cette saisine est recevable.

 

Dans le cadre de la procédure de déféré, la société Sideris fait valoir les dispositions de l'article 909 du code de procédure civile interdiraient à l'intimé de former un appel incident avant le dépôt par l'appelant de ses premières conclusions. Il en résulterait que, privée de son droit de conclure, elle aurait été dans l'impossibilité de former un appel incident avant que l'appelant ne se désiste de son appel incident. Elle aurait ainsi été privée de son droit de former un appel incident et l'égalité des droits aurait été méconnue ainsi que son droit d'accès au juge.

 

Le mémoire vise les articles L 312-1 du code de l'organisation judiciaire :

 

Article L312-1

 

La cour d'appel statue en formation collégiale.

 

et L 1462-1 du code du travail :

 

Article L1462-1

 

Les jugements des conseils de prud'hommes sont susceptibles d'appel.

 

Toutefois, ils statuent en dernier ressort en dessous d'un taux fixé par décret.

 

Ces textes sont applicables au litige en ce que le jugement dont appel est un jugement du conseil de prud'hommes et en ce que la cour d'appel est saisie de cet appel.

 

La société Sideris reproche au législateur, à travers ces deux textes, de ne pas avoir exercé pleinement la compétence que lui confie la Constitution, en particulier l'article 34. La procédure telle que résultant des dispositions du code de procédure civile aurait en effet selon elle pour effet d'aggraver le sort du justiciable dès lors que les dispositions seraient sources d'insécurité juridique.

 

A travers ces griefs, la société Sideris ne tend qu'à critiquer les dispositions réglementaires du code de procédure civile.

 

En outre, les dispositions de l'article 909 du code de procédure civile n'interdisent pas à l'intimé de former un appel incident avant le dépôt par l'appelant de ses premières conclusions. La lecture que la société Sideris fait de ces dispositions ne correspond pas à leur texte. Elle avait donc la possibilité de former un appel incident avant que le délai imparti à M. [W] pour conclure au fond ne soit expiré. Aucune insécurité juridique quant à la lecture de ces dispositions n'est caractérisée. Aucune atteinte à son droit d'accès au juge ou à l'exigence d'un procès équitable ne peut être sérieusement suspectée.

 

La question, à supposer qu'il y en ai une de posée, n'est pas sérieuse.

 

Il n'y a pas lieu de la transmettre.

 

PAR CES MOTIFS :

 

LA COUR :

 

Statuant publiquement, contradictoirement par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

 

- Dit n'y avoir lieu à transmission de la question prioritaire de constitutionnalité posée à la Cour de cassation,

 

- Condamne la société Sideris Ouest aux dépens afférents à la question prioritaire de constitutionnalité posée.

 

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

 

F. ADAM