Tribunal administratif de Paris

Ordonnance du 15 juin 2023 n° 2313894

15/06/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 juin 2023 et un mémoire complémentaire enregistré le 14 juin 2023, Mme B D, agissant en son nom personnel et au nom de sa fille E A, née le 2 novembre 2013, représentée par Me Djemaoun, demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre à l'OFII, d'exécuter sans délai, l'ordonnance n°2312709 du 1er juin 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Paris, rendue sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 100 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucune exécution n'a été effectuée par l'OFII dans le délai de 48 heures, en particulier la carte ADA n'a pas été délivrée pour le compte de sa fille alors que cette décision du juge des référés est pleinement exécutoire.

Par un mémoire distinct, enregistré le 14 juin 2023, Mme B D, agissant en son nom personnel et au nom de sa fille E A, représentée par Me Djemaoun, demande au juge des référés, à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat aux fins de transmission au Conseil constitutionnel, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L.553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 14 juin 2023, l'OFII conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le 6 juin 2023, Mme D a accepté l'hébergement proposé à la famille situé à Gargenville (78440) et ajoute que la direction territoriale (DT) de Paris a sollicité un RIB auprès de Mme D qu'elle doit remettre à la DT de Paris dans les Hauts-de-Seine, aux fins que la requérante perçoive l'allocation pour demandeur d'asile au nom de sa fille ; que son argumentation est confirmée par deux décisions du Conseil d'Etat.

Vu les autres pièces du dossier, notamment l'ordonnance n° 2312709 du 1er juin 2023.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme C pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique tenue, le 14 juin 2023, en présence de Mme Boudina, greffière d'audience, Mme C a lu son rapport et entendu Me Djemaoun pour Mme D et son enfant mineur.

Considérant ce qui suit :

1. Par une ordonnance n° 2312709 du 1er juin 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, enjoint à l'OFII de prendre toute mesure pour que soit attribué un hébergement pour demandeurs d'asile à Mme D et son enfant mineur dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance et de lui verser l'allocation pour demandeur d'asile allouée à sa fille, E A, en lui délivrant la carte de retrait ou de paiement prévue par l'article D. 553-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile afin qu'elle puisse percevoir, au nom de sa fille, cette allocation, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la présente ordonnance.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes de l'article L.553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile qui a accepté les conditions matérielles d'accueil proposées en application de l'article L. 551-9 bénéficie d'une allocation pour demandeur d'asile s'il satisfait à des conditions d'âge et de ressources. Le versement de cette allocation est ordonné par l'Office français de l'immigration et de l'intégration. "

3. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

4. En l'espèce, le présent litige, présenté sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, ne concerne que l'exécution des mesures ordonnées par l'ordonnance n° 2312709 du 1er juin 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Paris et non le bien-fondé de la décision de l'OFII. Dans ces conditions, la disposition contestée de l'article L.553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être regardée comme applicable au présent litige. Les conclusions tendant à transmettre au Conseil d'Etat aux fins de transmission au Conseil constitutionnel, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de ces dispositions doivent donc être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-4 du code de justice administrative :

5. Aux termes de l'article L. 521-4 du code de justice administrative : " Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin ". Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. " Aux termes de l'article L. 522-1 de ce code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique () " Si l'exécution d'une ordonnance prononçant une injonction sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative peut être recherchée dans les conditions définies par les articles L. 911-4 et L. 911-5 du même code, l'existence de cette voie de droit ne fait pas obstacle à ce qu'une personne intéressée demande au juge des référés, sur le fondement de l'article L. 521-4 du même code, de compléter la mesure ordonnée qui est demeurée sans effet ou n'a pas été totalement exécutée, par une injonction et une astreinte destinée à en assurer l'exécution.

6. L'OFII fait valoir que le 6 juin 2023, Mme D a accepté l'hébergement proposé à la famille situé à Gargenville (78440) et ajoute que la direction territoriale (DT) de Paris a sollicité un RIB auprès de Mme D qu'elle doit remettre à la DT de Paris dans les Hauts-de-Seine, aux fins que la requérante perçoive l'allocation pour demandeur d'asile au nom de sa fille.

En ce qui concerne le mode de paiement de l'ADA :

7. Aux termes de l'article D. 553-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'allocation pour demandeur d'asile est versée mensuellement sur la base de la transmission prévue à l'article D. 553-21, à terme échu, par alimentation d'une carte de retrait ou de paiement. /De manière transitoire ou par dérogation, notamment dans les départements d'outre-mer, l'allocation peut être versée par virement sur un compte bancaire du bénéficiaire. "

8. Il résulte de ces dispositions qu'hormis dans le cas, non applicable en l'espèce, de la dérogation transitoire prévue par le second alinéa, l'OFII ne peut légalement exiger des représentants légaux d'un enfant mineur de produire un relevé d'identité bancaire. Dès lors, l'OFII ne saurait faire état de démarches pour obtenir un relevé d'identité bancaire ou de difficultés d'ordre techniques alors qu'il n'apparait au demeurant pas qu'il existe des incertitudes sur l'identité de Mme D pour s'exonérer du respect de l'exécution de l'ordonnance n° 2312709 du 1er juin 2023 lui enjoignant de délivrer à la requérante, dans un délai de 48 heures, l'allocation pour demandeur d'asile allouée à sa fille, E A, en lui délivrant la carte de retrait ou de paiement prévue par l'article D. 553-18 du code précité. Il y a donc lieu d'assortir l'injonction prononcée à l'article 1er de l'ordonnance n° 2312709 du 1er juin 2023 d'une astreinte de 150 euros par jour de retard, sans nouveau délai d'exécution.

En ce qui concerne l'hébergement :

9. Il est constant qu'un hébergement a été proposé le 6 juin 2023 à la requérante qui l'a accepté. L'ordonnance n° 2312709 du 1er juin 2023 a donc été exécutée sur ce point et il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions en exécution.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFII le versement à Mme D d'une somme de 1 000 euros au titre de ces dispositions.

O R D O N N E

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions en exécution portant sur l'attribution d'un hébergement pour demandeurs d'asile à Mme D et son enfant mineur.

Article 2 : L'injonction prononcée à l'article 1er de l'ordonnance n° 2312709 du 1er juin 2023 enjoignant à l'OFII de délivrer à Mme B D, dans un délai de 48 heures, l'allocation pour demandeur d'asile allouée à sa fille, E A, en lui délivrant la carte de retrait ou de paiement prévue par l'article D. 553-18 du code précité, est assortie d'une astreinte de 150 euros par jour de retard, sans nouveau délai d'exécution.

Article 3 : Il est mis à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B D, à Mme E A, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Fait à Paris, le 15 juin 2023.

La juge des référés,

 

J. EVGENAS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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