Conseil d'Etat

Décision du 14 juin 2023 n° 468104

14/06/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire, deux nouveaux mémoires et deux mémoires en réplique, enregistrés les 7 octobre et 5 novembre 2022, les 28 mars et 2 avril et les 7 et 8 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. Antoine Mendras demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, le décret du Président de la République du 21 avril 2022 portant nomination de M. D A en qualité de président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise à compter du 15 mai 2022, ensemble, de la décision du 12 août 2022 par laquelle le vice-président du Conseil d'Etat a rejeté son recours gracieux contre ce décret, et, d'autre part, le décret du Président de la République du

18 juillet 2022 portant nomination de Mme Corinne Ledamoisel en qualité de présidente du tribunal administratif de Melun à compter du 1er septembre 2022, ensemble, de la décision du 12 août 2022 par laquelle le vice-président du Conseil d'Etat a rejeté son recours gracieux contre ce décret ;

2°) d'enjoindre au vice-président et au secrétaire général du Conseil d'Etat de mettre en place au sein de la juridiction administrative le dispositif prévu par l'article L. 135-6 du code général de la fonction publique ;

3°) d'enjoindre au vice-président et au secrétaire général du Conseil d'Etat de reprendre la procédure de nomination aux postes de président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de président du tribunal administratif de Melun.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;

- le décret n° 2020-256 du 13 mars 2020 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-666 QPC du 20 octobre 2017 ;

- la décision du Conseil d'Etat n° 468104 du 10 mars 2023 ;

- la décision du Conseil d'Etat n° 474385 du 23 mai 2023 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 232-1 du code de justice administrative : " Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel connaît des questions individuelles intéressant les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel dans les conditions prévues par le présent article ou par un décret en Conseil d'Etat. / Il établit les tableaux d'avancement et les listes d'aptitude prévus aux articles L. 234-2-1, L. 234-2-2, L. 234-4 et L. 234-5. / Il émet des propositions sur les nominations, détachements et intégrations prévus aux articles L. 233-3, L. 233-4 et L. 233-5 et sur la désignation des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel siégeant au jury des concours prévus par les 1° et 2° de l'article L. 233-2 en vue du recrutement des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel. / Il est saisi pour avis conforme sur la nomination des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en qualité de rapporteur public et de président d'un tribunal administratif. () ". Aux termes de l'article L. 232-4 du même code : " Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel est présidé par le vice-président du Conseil d'Etat () ". Aux termes de l'article L. 234-1 du même code : " L'affectation d'un magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est prononcée par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat. Toutefois, la première nomination d'un magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel dans l'une des fonctions prévues respectivement par les articles L. 234-3, L. 234-4 et L. 234-5 est prononcée par décret du Président de la République. / Les affectations des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont effectuées en prenant notamment en compte les emplois vacants, l'intérêt du service au sein de la juridiction d'accueil et, le cas échéant, de la juridiction d'origine, ainsi que les intérêts familiaux et personnels dont les intéressés font état ". Aux termes de l'article L. 234-5 du même code : " Les fonctions de président ou de vice-président du tribunal administratif de Paris, de premier vice-président d'une cour administrative d'appel et de président d'un tribunal administratif comportant au moins cinq chambres sont accessibles aux magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel titulaires du grade de président depuis au moins quatre ans. La première nomination dans l'une de ces fonctions est subordonnée à l'inscription sur une liste d'aptitude annuelle établie par le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ".

2. M. Antoine Mendras, président du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, en fonction au tribunal administratif de Paris en qualité de vice-président, demande l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, du décret du Président de la République du 21 avril 2022 portant nomination de M. Jean-Pierre Dussuet en qualité de président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise à compter du 15 mai 2022 et de la décision du 12 août 2022 par laquelle le vice-président du Conseil d'Etat a rejeté son recours gracieux contre ce décret, et, d'autre part, du décret du Président de la République du 18 juillet 2022 portant nomination de Mme Corinne Ledamoisel en qualité de présidente du tribunal administratif de Melun à compter du 1er septembre 2022 et de la décision du 12 août 2022 par laquelle le vice-président du Conseil d'Etat a rejeté son recours gracieux contre ce décret.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du

7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé () à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat () ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

4. Par ailleurs, une question prioritaire de constitutionnalité, présentée par un mémoire distinct et portant sur les dispositions d'une ordonnance prise par le Gouvernement sur le fondement d'une habilitation donnée par le Parlement sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, est recevable si le délai d'habilitation est expiré et si elle porte sur la contestation, au regard des droits et libertés que la Constitution garantit, de dispositions de l'ordonnance qui relèvent du domaine de la loi. Elle doit alors être transmise au Conseil constitutionnel si les conditions fixées par les articles 23-2, 23-4 et 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du

7 novembre 1958 sont remplies.

En ce qu'elle concerne les articles L. 131-3, L. 231-1 et L. 231-4 du code de justice administrative :

5. Aux termes de l'article L. 131-3 du code de justice administrative : " Les membres du Conseil d'Etat veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d'intérêts. / Constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction ". Aux termes de l'article L. 231-1 du même code : " Les membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont des magistrats dont le statut est régi par le présent livre et, pour autant qu'elles n'y sont pas contraires, par les dispositions statutaires de la fonction publique de l'Etat ". Aux termes de l'article L. 231-4 du même code : " Les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d'intérêts. / Constitue un conflit d'intérêts toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif d'une fonction ".

6. M. B soutient que les dispositions législatives citées au point précédent ne permettent pas d'assurer le respect des principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ni, par suite, le droit à un recours juridictionnel effectif, qui résulte également de cet article, dès lors qu'elles ne font pas obstacle à ce que des membres de la juridiction administrative appelés à statuer sur le recours d'un magistrat administratif contre une décision prise par le vice-président du Conseil d'Etat ou ayant fait l'objet d'une délibération, sous sa présidence, au sein du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, se trouvent dans une situation de conflits d'intérêts, compte tenu des prérogatives du vice-président dans la gestion de leur carrière.

7. D'une part, aux termes du I de l'article L. 131-9 du code de justice administrative : " Dans le cadre des fonctions juridictionnelles du Conseil d'Etat, sans préjudice des autres dispositions prévues au présent code en matière d'abstention, le membre du Conseil d'Etat qui estime se trouver dans une situation de conflit d'intérêts s'abstient de participer au jugement de l'affaire concernée. () / Le président de la formation de jugement peut également, à son initiative, inviter à ne pas siéger un membre du Conseil d'Etat dont il estime, pour des raisons qu'il lui communique, qu'il se trouve dans une situation de conflit d'intérêts. Si le membre du Conseil d'Etat concerné n'acquiesce pas à cette invitation, la formation de jugement se prononce, sans sa participation ". Les articles L. 231-4 et L. 231-4-3 du même code prévoient des dispositions identiques pour les magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel. Il résulte de ces dispositions que les membres du Conseil d'Etat et les magistrats administratifs ne statuent pas sur une décision délibérée lors d'une séance du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à laquelle ils étaient présents. D'autre part, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-666 QPC du 20 octobre 2017, quelles que soient les prérogatives du vice-président du Conseil d'Etat sur la nomination ou la carrière des membres de la juridiction administrative, les garanties statutaires reconnues à ces derniers aux titres troisièmes des livres premier et deuxième du code de justice administrative assurent leur indépendance à son égard.

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les dispositions précitées méconnaîtraient les principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ainsi que, par suite, le droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par le même article, ne soulève pas une question sérieuse.

En ce qu'elle concerne les articles L. 232-1, L. 232-4 et L. 232-6 du code de justice administrative :

9. M. B soutient que, prises ensemble, les dispositions de l'article

L. 232-1 du code de justice administrative, citées au point 1, relatives aux attributions du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de l'article L. 232-4 du même code, cité également au point 1, qui prévoit la composition de ce Conseil supérieur, et de l'article L. 232-6 qui dispose que " Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel siège toujours dans la même composition, quel que soit le grade des magistrats dont le cas est examiné. / Lorsque que le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel siège au titre des compétences qu'il tient de l'article L. 232-1, la voix du président est prépondérante en cas de partage égal des voix " seraient contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution. A ce titre, il fait valoir que, faute de préciser " les modalités de fonctionnement et de délibération du CSTACAA afin de le rendre autonome et maître de ses avis et décisions ", au regard notamment du vice-président du Conseil d'Etat et de son secrétaire général et, à défaut, d'aménager " les conditions des recours présentés par les magistrats administratifs " de façon à en garantir l'effectivité, elles sont entachées d'une incompétence négative de nature à affecter, par elle-même, le respect des principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, et, par suite, le droit à un recours juridictionnel effectif, qui résulte également de cet article.

10. Ainsi qu'il a été jugé, lors de la précédente question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. B, à l'appui de la même requête, que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, par sa décision du 10 mars 2023, refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel, les attributions et la composition du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel résultant des dispositions des articles L. 232-1 et L. 232-4 du code de justice administrative, concourent à garantir l'indépendance et l'impartialité de la juridiction administrative. En outre, la circonstance que l'article L. 232-4, relatif à la composition du Conseil supérieur, prévoit qu'il comprend, parmi ses treize membres, le vice-président du Conseil d'Etat, en qualité de président, et le secrétaire général du Conseil d'Etat, alors qu'ils disposent de prérogatives dans la gestion du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, n'est en rien de nature à porter atteinte à l'indépendance des membres de ce corps. Enfin, le législateur, en prévoyant à l'article L. 232-6 du code de justice administrative, que le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel siège toujours dans la même composition et que lorsqu'il siège au titre des attributions qui lui sont conférées par l'article L. 232-1, la voix du président est prépondérante en cas de partage égal des voix, n'est pas resté en deçà de sa compétence, les autres modalités de fonctionnement de ce conseil invoquées par M. B ne relevant pas des matières que l'article 34 de la Constitution réserve à la loi.

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que les dispositions précitées seraient, prises ensemble, entachées d'une incompétence négative de nature à affecter, par elle-même, le respect des principes d'indépendance et d'impartialité indissociables de l'exercice de fonctions juridictionnelles consacrés par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, et par suite, le droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par le même article 16, ne soulève pas une question sérieuse.

En ce qui concerne les articles L. 232-1 et L. 234-1 du code de justice administrative :

12. M. B ne peut en tout état de cause sérieusement soutenir que les dispositions des articles L. 232-1 et L. 232-4 du code de justice administrative, qui ne sont pas relatives aux voies de recours contentieux contre les décisions de nomination de magistrats administratifs, méconnaîtraient le principe d'égalité devant la justice, garanti par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, en ce que les magistrats administratifs qui contestent la nomination du président d'une juridiction administrative se voient appliquer un régime procédural différent, dès lors qu'ils doivent, selon que cette nomination est prononcée par décret du Président de la République ou par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, saisir directement le Conseil d'Etat ou saisir en premier ressort le tribunal administratif.

13. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité, qui n'est pas nouvelle, posée par M. B.

Sur les autres moyens de la requête :

En ce qui concerne la légalité externe des décrets attaqués :

14. En premier lieu, il résulte des dispositions combinées de l'article L. 232-1 du code de justice administrative, selon lesquelles le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel (CSTACAA) est saisi pour avis conforme sur la nomination des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel en qualité de président d'un tribunal administratif, et de l'article R. 232-22 du même code, selon lequel " lorsque le Conseil supérieur prend une décision ou émet une proposition sur le fondement de l'article L. 232-1, il se prononce après avoir recueilli l'avis du conseiller d'Etat, président de la mission d'inspection des juridictions administratives, si ce dernier n'est pas le rapporteur ", que l'avis préalable du président de la mission d'inspection des juridictions administratives n'est requis, en matière de nomination des présidents de tribunal administratif, que sur les propositions soumises à l'approbation du CSTACAA. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par un avis du 14 février 2022, le président de la mission d'inspection des juridictions administratives s'est prononcé favorablement à l'inscription de M. A et de Mme C sur la liste d'aptitude aux 6ème et 7ème échelons du grade de président au titre de l'année 2022, et qu'il a émis, le même jour, un avis favorable à leur nomination aux fonctions, respectivement, de président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de président du tribunal administratif de Melun. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance du premier alinéa de l'article R. 232-22 du code de justice administrative, le CSTACAA n'aurait pas recueilli l'avis du président de la mission de l'inspection des juridictions administratives avant l'examen, lors de sa séance du 15 février 2022, notamment, des demandes de mutation présentées par M. B ainsi que de ses candidatures aux fonctions de président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de président du tribunal administratif de Melun est inopérant.

15. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal, daté du 18 mars 2022, de la séance précitée du CSTACAA, ainsi que du courrier électronique du 3 février 2022 par lequel le secrétaire général des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel a adressé aux membres du Conseil supérieur les tableaux préparatoires nécessaires à l'examen du mouvement de mutation des magistrats classés aux 6ème et 7ème échelons du grade de président et des inscriptions sur la liste d'aptitude pour l'accès aux fonctions relevant de ces échelons et les a mis à même de consulter les dossiers des candidats, que le CSTACAA disposait de l'ensemble des éléments utiles pour se prononcer sur l'ensemble des candidatures. Par suite, le moyen tiré de ce que les décrets attaqués seraient entachés d'un vice de procédure, en ce que le CSTACAA se serait prononcé sur les candidatures aux fonctions de président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de président du tribunal administratif de Melun sans disposer des informations suffisantes lui permettant d'émettre un avis éclairé et aurait été induit en erreur par l'exposé préliminaire du secrétaire général du Conseil d'Etat sur ces candidatures, manque en fait.

16. En troisième lieu, en vertu de l'article L. 232-4 du code de justice administrative, le CSTACAA est présidé par le vice-président du Conseil d'Etat et comprend en outre le conseiller d'Etat, président de la mission permanente d'inspection des juridictions administratives, le secrétaire général du Conseil d'Etat, le directeur chargé au ministère de la justice des services judiciaires, un chef de juridiction élu par ses pairs, cinq représentants des membres du corps élus au scrutin de liste et trois personnalités, qui n'exercent pas de mandat électif, nommées, pour une durée de trois ans non renouvelable, respectivement par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat.

17. Il ressort des pièces du dossier que la formation du CSTACAA ayant examiné la candidature de M. B aux fonctions de président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de président du tribunal administratif de Melun était présidée par le vice-président du Conseil d'Etat et comportait la totalité de ses membres, à l'exception de la personnalité nommée par le président de l'Assemblée nationale, qui était excusée. M. B soutient que cette composition n'était pas propre à garantir un examen impartial de sa candidature, compte tenu de la présence du secrétaire général du Conseil d'Etat, et était, par suite, entachée d'irrégularité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les propos du secrétaire général du Conseil d'Etat, en réponse aux déclarations de M. B et de son avocate, qui ont été repris dans un article de presse, ne caractérisent pas, eu égard à leur teneur, d'animosité vis-à-vis de M. B. D'autre part, M. B ne peut utilement faire valoir que la circonstance que la protection fonctionnelle lui a été refusée serait de nature à mettre en doute l'impartialité du secrétaire général du Conseil d'Etat, dès lors que ce refus lui a été opposé, le 21 février 2021, par le secrétaire général adjoint du Conseil d'Etat chargé des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, qui au demeurant participe aux travaux du Conseil supérieur sans voix délibérative. Il s'ensuit que M. B n'est pas fondé à soutenir qu'en raison de ces circonstances, le secrétaire général du Conseil d'Etat ne pouvait régulièrement participer à la séance du CSTACAA où a été examinée sa candidature et que la procédure aurait été entachée d'irrégularité pour ce motif.

18. En quatrième lieu, si, en vertu de l'article R. 232-24 du code de justice administrative, le CSTACAA prend ses décisions et émet ses avis et ses propositions à la majorité des suffrages exprimés, ces dispositions ne sauraient être regardées comme ayant pour objet ou pour effet d'imposer nécessairement qu'un vote soit formellement organisé sur chacune des questions soumises à la consultation. Aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposant un vote formel du CSTACAA et dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal mentionné au point 15, que ses membres, après deux mises au vote successives, se sont exprimés par consensus en faveur de l'inscription de M. A et de Mme C sur la liste d'aptitude pour l'accès aux 6ème et 7ème échelons du grade de président du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, puis de leur nomination comme président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et comme présidente du tribunal administratif de Melun, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 232-24 du code de justice administrative doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

19. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal, daté du 18 mars 2022, de la séance du CSTACAA du 15 février 2022, que celui-ci a examiné la candidature de M. B aux fonctions de président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de président du tribunal administratif de Melun par la voie de la mutation et l'a écartée, puis les candidatures des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel titulaires du grade de président ayant demandé leur inscription sur la liste annuelle d'aptitude pour l'accès aux 6ème et 7ème échelons de leur grade, sur la base de leurs mérites respectifs, avant de se prononcer sur le mouvement d'affectation des présidents inscrits sur cette liste. Par suite, le moyen tiré de ce que les décrets attaqués seraient entachés d'erreur de droit, en ce que M. A et Mme C auraient été inscrits sur la liste d'aptitude pour l'accès aux 6ème et 7ème échelons du grade de président du corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, en méconnaissance de l'ordre d'examen des questions inscrites à l'ordre du jour du CSTACAA et alors même que le CSTACAA n'aurait pas procédé préalablement à une appréciation effective de leur aptitude à accéder à ces échelons et se serait à cet égard uniquement fondé sur la circonstance que leur nomination aux fonctions, respectivement, de président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de président du tribunal administratif de Melun était proposée par le secrétaire général du Conseil d'Etat, doit être écarté.

20. En deuxième lieu, si M. B fait valoir qu'il a démontré, au cours de sa carrière, ses capacités d'entrainement dans le cadre de plusieurs mobilités hors de la juridiction administrative, qu'il a exercé les fonctions de président de chambre à la cour administrative d'appel de Douai, de président du tribunal administratif de Caen, de président de section en 2014, puis, à partir du 1er octobre 2014, de vice-président du tribunal administratif de Paris et qu'il détenait en outre le 6ème échelon du grade de président depuis 2016, il ressort des pièces du dossier que le CSTACAA n'a pas retenu la candidature de M. B par la voie de la mutation aux fonctions de président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et de président du tribunal administratif de Melun, aux motifs que si, au cours de sa carrière, l'intéressé avait fait preuve de grandes qualités et aptitudes, s'impliquant dans le fonctionnement des juridictions dans lesquelles il avait exercé des fonctions, d'une part, des incertitudes persistaient sur sa capacité à mobiliser des équipes et à créer et entretenir une dynamique positive dans la communauté juridictionnelle et d'autre part, M. B s'était tenu dans le cadre de la présentation de sa candidature, lors d'un entretien préalable avec le vice-président du Conseil d'Etat, à des propos généraux et n'avait pas présenté de projet adapté à la situation des juridictions concernées, alors que les responsabilités éminentes d'un président de juridiction administrative impliquent, dans l'intérêt du service, qu'une attention toute particulière soit portée à l'adéquation du candidat à un tel poste. Il ressort également des pièces du dossier que le CSTACAA a émis un avis favorable à la nomination de M. A aux fonctions de président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise eu égard à son expérience, tirée notamment de l'exercice des fonctions de président de chambre à la cour administrative d'appel de Nantes à compter de 2018, puis de président du tribunal administratif de Nîmes à compter du

1er septembre 2019, ainsi qu'eu égard aux qualités dont il a fait preuve dans l'exercice de ses fonctions, notamment dans l'animation et l'encadrement d'une juridiction et par la très grande attention qu'il a portée, notamment pendant la crise sanitaire, à la situation des magistrats et des agents placés sous sa responsabilité. De même, il ressort des pièces du dossier que le CSTACAA s'est prononcé favorablement à la nomination de Mme C aux fonctions de présidente du tribunal administratif de Melun compte tenu notamment des fonctions qu'elle a exercées en tant que vice-présidente des tribunaux de Melun et de Versailles jusqu'à sa désignation en qualité de secrétaire générale des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel en janvier 2016, ainsi qu'en tant que présidente du tribunal administratif de Nancy à compter du

1er mai 2019, et des très grandes qualités d'animation et d'encadrement dont elle a fait preuve dans ces dernières fonctions, lesquelles qualités ont été saluées à la suite d'une visite d'inspection effectuée par la mission d'inspection des juridictions administratives. Par suite, les moyens tirés de ce que le rejet de la candidature de M. B, d'une part, et les nominations de M. A et de Mme C, d'autre part, seraient entachés d'erreur de droit au regard des motifs présidant, aux termes de l'article L. 234-1 du code de justice administrative, cité au point 1, à la nomination des chefs de juridiction et d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

21. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 17 et 20 que

M. B n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées manifesteraient l'existence d'une situation de harcèlement moral dont il serait la victime et méconnaîtraient les dispositions de l'article L. 133-3 du code général de la fonction publique, ni qu'elles constitueraient une sanction disciplinaire déguisée ou une discrimination à son égard, dès lors qu'elles ne révèlent pas une intention de le sanctionner ou de le discriminer, ni d'ailleurs qu'elles auraient eu pour effet de le priver d'une partie des droits et avantages liés à sa fonction, ni davantage qu'elles procèdent d'une différence de traitement entre sa candidature et les autres candidatures examinées. Le détournement de pouvoir allégué n'est, en outre, pas davantage établi.

22. En quatrième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que ne pouvait être retenue, pour écarter les demandes de mutation du requérant, l'existence de tensions au sein du tribunal administratif de Paris, faute pour le Conseil d'Etat, en sa qualité de gestionnaire de la juridiction administrative, d'avoir mis en place au sein de la juridiction administrative le dispositif prévu à l'article L. 135-6 du code général de la fonction publique, est inopérant, compte tenu, notamment, de ce qui a été dit aux points 17 à 20.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions qu'il attaque. Sa requête doit, par suite, être rejetée en tant qu'elle comporte de telles conclusions aux fins d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence en tant qu'elle comporte des conclusions aux fins d'injonction.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. B à l'encontre des articles L. 131-3, L. 231-1, L. 231-4, L. 232-1, L. 232-4, L. 232-6 et L. 234-1 du code de justice administrative au Conseil constitutionnel.

Article 2 : La requête de M. B est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Antoine Mendras, à la Première ministre, au garde des sceaux, ministre de la justice, à M. Jean-Pierre Dussuet, président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise et à Mme Corinne Ledamoisel, présidente du tribunal administratif de Melun.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au secrétaire général du Conseil d'Etat.

Code publication

C