Tribunal administratif de Caen

Jugement du 13 juin 2023 n° 2102480

13/06/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 novembre 2021 et 7 décembre 2022, Mme D C, représentée par Me Ayral, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision n° 2021/286 du 15 septembre 2021 par laquelle la directrice du centre hospitalier public du Cotentin l'a suspendue de ses fonctions sans traitement à compter du 20 septembre 2021 et jusqu'à production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination répondant aux conditions définies par le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;

2°) d'enjoindre au centre hospitalier public du Cotentin de rétablir la rémunération et les droits auxquels elle pouvait prétendre pendant la période d'arrêt maladie du 20 septembre au 31 octobre 2021, dans un délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir, et sous astreinte journalière de 100 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier public du Cotentin la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée a été signée par une autorité incompétente ; en tout état de cause, la délégation de signature doit être postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 5 août 2021 ;

- elle est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle présente le caractère d'une sanction disciplinaire prise sans qu'elle n'ait pu bénéficier des garanties de la procédure disciplinaire en méconnaissance des articles 39 et 40 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 ni de la procédure contradictoire en méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- elle méconnaît le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le principe de proportionnalité des sanctions ; elle a été prise sans limitation de durée ;

- elle est dépourvue de base réglementaire dès lors qu'elle a été notifiée avant la parution du décret d'application permettant la mise en œuvre de l'obligation vaccinale ;

- la décision méconnaît les articles L. 822-1 et suivants du code général de la fonction publique et l'article 10 du décret n° 91-155 du 6 février 1991 ; la décision de suspension a pris effet pendant son arrêt maladie ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, en ce qu'elle la prive de ses droits à l'avancement du seul fait de la non-présentation des documents requis au titre de l'obligation vaccinale ;

- la loi du 5 août 2021 est entachée d'un vice de procédure dès lors que le conseil commun de la fonction publique n'a pas été saisi ;

- l'obligation vaccinale porte atteinte à l'interdiction des traitements inhumains et dégradants protégée par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi du 5 août 2021 méconnait l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle ne prévoit aucune garantie procédurale ;

- l'obligation vaccinale méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la mesure de suspension prévue par la loi du 5 août 2021 porte atteinte au principe de non-discrimination, en méconnaissance de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle crée une différence de traitement entre les agents non vaccinés suspendus et les agents auxquels est reproché un manquement professionnel autre que l'obligation vaccinale et qui bénéficient d'un maintien de rémunération et de garanties procédurales ;

- la loi du 5 août 2021 porte une atteinte disproportionnée à son droit à un salaire, en méconnaissance de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est discriminatoire dès lors qu'elle crée une inégalité de traitement entre les agents non vaccinés négatifs suspendus et les agents vaccinés positifs en activité.

Par un mémoire enregistré le 9 janvier 2023, le centre hospitalier public du Cotentin, représenté par Me Dollon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- code de la santé publique ;

- code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Créantor,

- et les conclusions de Mme E.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D C est psychomotricienne et exerce ses fonctions, au sein du centre hospitalier public du Cotentin depuis 2015, en qualité d'agent contractuel. Elle a été placée en congé maladie du 11 août au 13 août 2021, prolongé une première fois jusqu'au 19 septembre 2021 puis une seconde fois du 20 septembre au 30 octobre 2021 inclus, date à laquelle elle a démissionné de ses fonctions. Par une décision du 15 septembre 2021, la directrice de l'établissement l'a suspendue de ses fonctions, sans rémunération, à compter du 15 septembre 2021 jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination. Mme A demande l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les moyens tirés de l'inconventionnalité de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Le droit à l'intégrité physique fait partie du droit au respect de la vie privée au sens des stipulations de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, telles que la Cour européenne des droits de l'homme les interprète. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit, qui peut être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l'article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter.

4. L'article 12 de la loi du 5 août 2021 a défini le champ de l'obligation de vaccination contre la covid-19 en retenant, notamment, un critère géographique pour y inclure les personnes exerçant leur activité dans un certain nombre d'établissements, principalement les établissements de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'un critère professionnel pour y inclure les professionnels de santé afin, à la fois, de protéger les personnes accueillies par ces établissements qui présentent une vulnérabilité particulière au virus de la covid-19 et d'éviter la propagation du virus par les professionnels de la santé dans l'exercice de leur activité qui, par nature, peut les conduire à soigner des personnes vulnérables ou ayant de telles personnes dans leur entourage. Mme C ne remet pas en cause le très large consensus scientifique selon lequel la vaccination contre la covid-19 prémunit contre les formes graves de contamination. Quand bien même celle-ci ne diminuerait que modérément le risque de transmission du virus, elle présente des effets indésirables limités au regard de son efficacité. Il s'ensuit que l'obligation vaccinale pesant sur le personnel exerçant dans un établissement de santé, qui ne saurait être regardée comme incohérente et disproportionnée au regard de l'objectif de santé publique poursuivi, ne méconnaît pas les stipulations des articles 3 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que les dispositions de la loi du 5 août 2021 ne créent aucune discrimination prohibée par les articles 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

6. En dernier lieu, Mme C ne saurait utilement invoquer la méconnaissance de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont les stipulations ne sont pas applicables en l'espèce. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens de la requête :

7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité ". Aux termes de l'article R. 771-4 du même code : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ".

8. Si la requérante invoque les moyens tirés de la rupture d'égalité créée par la mesure de suspension créée par la loi du 5 août 2021 entre les agents non vaccinés négatifs suspendus et les agents vaccinés positifs en activité, de ce que la loi du 5 août 2021 est entachée d'un vice de procédure et de la contrariété de la loi du 5 août 2021 avec les articles L. 1111-4 et L. 1122-1-1 du code de la santé publique, elle doit être regardée comme contestant l'obligation vaccinale prévue par les dispositions de la loi du 5 août 2021 dans son principe. Ces moyens tirés de l'inconstitutionnalité de cette loi n'ont pas été présentés dans un mémoire distinct conformément aux dispositions précitées. Ils sont par suite irrecevables et doivent être écartés.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature ". En outre, selon les dispositions de l'article L. 6143-7 du même code : " Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. Il représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l'établissement. Le directeur est compétent pour régler les affaires de l'établissement autres que celles énumérées aux 1° à 15° et autres que celles qui relèvent de la compétence du conseil de surveillance énumérées à l'article L. 6143-1. () ".

10. Par une décision du 1er mars 2021, la directrice générale du centre hospitalier public du Cotentin a donné délégation à Mme B, directrice des ressources humaines, à l'effet de signer, les actes relevant des attributions de sa direction à l'exception d'actes dont ne fait pas partie la décision attaquée. Contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions précitées du code de la santé publique n'imposaient pas qu'une délégation de pouvoir aurait dû être consentie postérieurement à l'entrée de la loi du 5 août 2021. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.

11. En troisième lieu, Mme C soutient que la décision du 15 septembre 2021 par laquelle la directrice du centre hospitalier public du Cotentin l'a suspendue de ses fonctions sans traitement, jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination, qui constitue une sanction, est irrégulière car elle n'a pas bénéficié des garanties de la procédure disciplinaire ni de la procédure contradictoire en méconnaissance du principe constitutionnel des droits de la défense. Toutefois, il résulte du B de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, qu'à compter du 15 septembre 2021, les personnes exerçant leur activité en particulier dans les établissements de santé ne peuvent plus exercer leurs fonctions : " si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 ". Par suite, lorsque l'autorité administrative suspend le contrat de travail d'un agent public qui ne satisfait pas à cette obligation et interrompt, en conséquence, le versement de son traitement, elle ne prononce pas une sanction à raison d'un éventuel manquement ou agissement fautif commis par cet agent mais se borne à constater que l'agent ne remplit plus les conditions légales pour exercer son activité. Dès lors, les moyens soulevés par Mme C, tirés de ce que la mesure est une sanction disciplinaire, de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du décret du 6 février 1991, sont inopérants et doivent être écartés.

12. En quatrième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent, que la requérante ne saurait utilement invoquer la méconnaissance du principe de proportionnalité des sanctions. Au surplus, si la requérante fait valoir que la décision attaquée méconnaît les articles 39 et 40 du décret n° 91-155 du 6 février 1991, ces moyens sont inopérants dès lors que la mesure de suspension n'a pas été prise sur le fondement de ces textes mais sur celui des articles 12, 13 et 14 de la loi du 5 août 2021.

13. En cinquième lieu, le moyen tiré de ce que la procédure suivie par le centre hospitalier public du Cotentin aurait méconnu le droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision de suspension en litige qui n'est relative ni à un droit ou une obligation de caractère civil, ni au bien-fondé d'une accusation en matière pénale. Par suite, ce moyen doit être écarté.

14. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : () 2° Infligent une sanction () ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Au regard de ce qui a été dit précédemment, dès lors que la décision de suspension de fonctions en litige n'est pas une sanction, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ne peut qu'être écarté.

15. En septième lieu, aux termes du II de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les conditions de vaccination contre la covid-19 des personnes mentionnées au I du présent article. Il précise les différents schémas vaccinaux et, pour chacun d'entre eux, le nombre de doses requises () ". Aux termes de l'article 49-1 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire créé par décret du 7 août 2021 : " Hors les cas de contre-indication médicale à la vaccination mentionnés à l'article 2-4, les éléments mentionnés au second alinéa du II de l'article 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 susvisée sont : / 1° Un justificatif du statut vaccinal délivré dans les conditions mentionnées au 2° de l'article 2-2 ; / 2° Un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3° de l'article 2-2 ; / 3° A compter de la date d'entrée en vigueur de la loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus et à défaut de pouvoir présenter un des justificatifs mentionnés aux présents 1° ou 2°, le résultat d'un examen de dépistage, d'un test ou d'un autotest mentionné au 1° de l'article 2-2 d'au plus 72 heures. A compter 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, ce justificatif doit être accompagné d'un justificatif de l'administration d'au moins une des doses d'un des schémas vaccinaux mentionnés au 2° de l'article 2-2 comprenant plusieurs doses. / Les seuls tests antigéniques pouvant être valablement présentés pour l'application du présent 3° sont ceux permettant la détection de la protéine N du SARS-CoV-2. / La présentation de ces documents est contrôlée dans les conditions mentionnées à l'article 2-3 ".

16. Si Mme C soutient que la loi du 5 août 2021 ne pouvait lui être appliquée avant la publication d'un décret pris pour son application, il résulte des dispositions précitées que les conditions de vaccination des personnels des établissements de santé ont été précisées par un décret du 7 août 2021, pris après des avis de la Haute Autorité de Santé des 4 et 6 août 2021. Par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation vaccinale n'était pas en vigueur à la date de la décision litigieuse, à défaut d'avis de la Haute Autorité de santé préalablement et de décret d'application, manque en fait et, doit être écarté.

17. En huitième lieu, il résulte des dispositions du III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 que la suspension d'un agent prononcé sur son fondement emporte automatiquement l'interruption du versement de sa rémunération et le fait que la période de suspension ne sera pas assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée de ses congés payés ainsi que pour ses droits acquis au titre de son ancienneté. La décision contestée, qui précise que la période de suspension n'est pas prise en compte au titre de l'avancement, se borne ainsi à tirer les conséquences des dispositions précitées, en ne prenant pas en compte cette période, au titre de l'ancienneté acquise par l'agent pour son avancement. Par suite, le moyen tiré de ce que la requérante ne peut pas être privée de ses droits à l'avancement du seul fait de la non-présentation des documents requis au titre de l'obligation vaccinale doit être écarté.

18. En dernier lieu, il résulte de ces dispositions relatives aux congés maladie que si le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la Covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent en question.

19. En l'espèce, Mme C a été suspendue de ses fonctions par une décision du 15 septembre 2021 à compter du 20 septembre 2021, soit à la date de reprise de fonctions de la requérante après la prolongation de son congé de maladie qui s'établissait au 20 septembre 2021. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que son congé maladie a été prolongé sans interruption à compter du 20 septembre 2021 jusqu'au 30 octobre 2021. Dans ces conditions, et alors même que la prolongation de l'arrêt maladie aurait été adressé tardivement au centre hospitalier, la décision de suspension ne pouvait prendre effet à compter du 20 septembre 2021. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit, en tant que la décision prend effet à compter du 20 septembre 2021, doit être accueilli.

20. Il résulte de ce qui précède que Mme C est fondée à demander l'annulation de la décision du 15 septembre 2021 la suspendant de ses fonctions à compter du 20 septembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

21. Il résulte de l'instruction que la requérante a démissionné de ses fonctions à compter du 31 octobre 2021. Dans ces conditions, le présent jugement implique nécessairement que le centre hospitalier public du Cotentin procède au rétablissement de Mme C dans ses droits à traitement au titre de la période du 20 septembre 2021 au 31 octobre 2021 inclus, date de la fin de son arrêt maladie et du terme de son contrat de travail. Un délai de deux mois suivant la notification du présent jugement lui est imparti pour y procéder. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, à rejeter les conclusions des deux parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 15 septembre 2021 suspendant Mme C de ses fonctions est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier public du Cotentin de verser à Mme C son traitement pour la période allant du 20 septembre 2021 au 31 octobre 2021 inclus, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier public du Cotentin tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme D C et au centre hospitalier public du Cotentin.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M Guillou, président,

- Mme Absolon, première conseillère,

- Mme Créantor, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

La rapporteure,

signé

V. CREANTOR

Le président,

signé

H. GUILLOU

 

La greffière,

signé

A. GODEY

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

A. Godey

Code publication

D