Tribunal administratif de Caen

Jugement du 13 juin 2023 n° 2102091

13/06/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 septembre 2021, 7 juin 2022 et 23 mai 2023, Mme B C, représentée par Me Ayral, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision n° 2021/281 du 15 septembre 2021 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier public du Cotentin l'a suspendue de ses fonctions sans rémunération à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'à production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination répondant aux conditions définies par le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;

2°) d'enjoindre au centre hospitalier public du Cotentin de la rétablir dans ses droits à compter du 15 septembre 2021, de lui verser un rappel de traitement et d'assimiler la période de suspension à une période de travail déterminant la durée de ses congés annuels et de ses droits acquis au titre de l'ancienneté et de l'avancement ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier public du Cotentin la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard.

Elle soutient que :

- la décision contestée a été signée par une autorité incompétente ; en tout état de cause, la délégation de signature doit être postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 5 août 2021 ;

- elle est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la suspension de ses fonctions sans traitement présente le caractère d'une sanction disciplinaire prise sans qu'elle n'ait pu bénéficier des garanties de la procédure disciplinaire en méconnaissance de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 ni de la procédure contradictoire en méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- la sanction prononcée à son encontre ne figure pas à l'article 81 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 qui comprend la liste limitative des sanctions susceptibles d'être prononcées à l'encontre d'un agent ;

- elle méconnaît le principe de proportionnalité des sanctions ; elle a été prise sans limitation de durée ;

- elle méconnaît le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est dépourvue de base réglementaire dès lors qu'elle a été notifiée avant la parution du décret d'application permettant la mise en œuvre de l'obligation vaccinale ;

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, en ce qu'elle la prive de ses droits à l'avancement du seul fait de la non-présentation des documents requis au titre de l'obligation vaccinale ;

- la loi du 5 août 2021 est entachée d'un vice de procédure dès lors que le conseil commun de la fonction publique n'a pas été saisi ;

- l'obligation vaccinale porte atteinte à l'interdiction des traitements inhumains et dégradants protégé par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi du 5 août 2021 méconnaît l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle ne prévoit aucune garantie procédurale ;

- l'obligation vaccinale méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la mesure de suspension prévue par la loi du 5 août 2021 porte atteinte au principe de non-discrimination, en méconnaissance de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle crée une différence de traitement entre les agents non vaccinés suspendus et les agents auxquels est reproché un manquement professionnel autre que l'obligation vaccinale et qui bénéficient d'un maintien de rémunération et de garanties procédurales ;

- la loi du 5 août 2021 porte une atteinte disproportionnée à son droit à un salaire, en méconnaissance de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est discriminatoire dès lors qu'elle crée une inégalité de traitement entre les agents non vaccinés négatifs suspendus et les agents vaccinés positifs en activité.

Par un mémoire enregistré le 30 septembre 2022, le centre hospitalier public du Cotentin, représenté par Me Dollon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme C une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Créantor,

- et les conclusions de Mme D.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B C exerce les fonctions de manipulatrice en électroradiologie au service d'imagerie médicale du centre hospitalier public du Cotentin. Par une décision du 15 septembre 2021, le directeur du centre hospitalier l'a suspendue de ses fonctions sans rémunération à compter du même jour et jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination. Mme C demande l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique : " Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature ". En outre, aux termes de l'article L. 6143-7 du même code : " Le directeur, président du directoire, conduit la politique générale de l'établissement. Il représente l'établissement dans tous les actes de la vie civile et agit en justice au nom de l'établissement. Le directeur est compétent pour régler les affaires de l'établissement autres que celles énumérées aux 1° à 15° et autres que celles qui relèvent de la compétence du conseil de surveillance énumérées à l'article L. 6143-1. () ".

3. Par une décision du 1er mars 2021, la directrice générale du centre hospitalier public du Cotentin a donné délégation à Mme A, directrice des ressources humaines, à l'effet de signer les actes relevant des attributions de sa direction à l'exception d'actes dont ne fait pas partie la décision attaquée. Contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions précitées du code de la santé publique n'imposaient pas qu'une délégation de pouvoir soit consentie postérieurement à l'entrée de la loi du 5 août 2021. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique. (). ". Aux termes de l'article 13 de la même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. Avant la fin de validité de ce certificat, les personnes concernées présentent le justificatif prévu au premier alinéa du présent 1°. / Un décret détermine les conditions d'acceptation de justificatifs de vaccination, établis par des organismes étrangers, attestant de la satisfaction aux critères requis pour le certificat mentionné au même premier alinéa ; / 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. Ce certificat peut, le cas échéant, comprendre une date de validité. / II. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 justifient avoir satisfait à l'obligation prévue au même I ou ne pas y être soumises auprès de leur employeur lorsqu'elles sont salariées ou agents publics. () V. - Les employeurs sont chargés de contrôler le respect de l'obligation prévue au I de l'article 12 par les personnes placées sous leur responsabilité. ". Aux termes de l'article 14 de la même loi : " I. - A. - A compter du lendemain de la publication de la présente loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 ou le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. / B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. (). III. Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté () ".

5. La mesure de suspension prise dans l'intérêt du service, qui est limitée à la période au cours de laquelle l'intéressée s'abstient de se conformer aux obligations qui sont les siennes en application des dispositions précitées, se borne à constater que l'agent ne remplit pas les conditions légales pour exercer son activité. Elle ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'a dès lors pas à être précédée de la mise en œuvre des garanties procédurales attachées au prononcé d'une sanction administrative tenant à la mise en œuvre des droits de la défense, à l'organisation d'une procédure disciplinaire et à la communication préalable de son dossier administratif individuel. Par suite, les moyens tirés du vice de procédure et de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne peuvent qu'être écartés.

6. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point précédent, que la requérante ne saurait utilement invoquer la méconnaissance du principe de proportionnalité des sanctions. Au surplus, si la requérante fait valoir que la décision attaquée méconnaît l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 et l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986, ces moyens sont inopérants dès lors que la mesure de suspension n'a pas été prise sur le fondement de ces textes mais sur celui des articles 12, 13 et 14 de la loi du 5 août 2021.

7. En quatrième lieu, le moyen tiré de ce que la procédure suivie par le centre hospitalier public du Cotentin aurait méconnu le droit à un procès équitable garanti par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision de suspension en litige qui n'est relative ni à un droit ou une obligation de caractère civil, ni au bien-fondé d'une accusation en matière pénale. Par suite, ce moyen doit être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : () 2° Infligent une sanction () ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Au regard de ce qui a été dit précédemment, dès lors que la décision de suspension de fonctions en litige n'est pas une sanction, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ne peut qu'être écarté.

9. En sixième lieu, aux termes du II de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les conditions de vaccination contre la covid-19 des personnes mentionnées au I du présent article. Il précise les différents schémas vaccinaux et, pour chacun d'entre eux, le nombre de doses requises () ". Aux termes de l'article 49-1 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire dans sa rédaction issue du décret du 7 août 2021 en vigueur à compter du 9 août 2021 : " Hors les cas de contre-indication médicale à la vaccination mentionnés à l'article 2-4, les éléments mentionnés au second alinéa du II de l'article 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 susvisée sont : / 1° Un justificatif du statut vaccinal délivré dans les conditions mentionnées au 2° de l'article 2-2 ; / 2° Un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3° de l'article 2-2 ; / 3° A compter de la date d'entrée en vigueur de la loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus et à défaut de pouvoir présenter un des justificatifs mentionnés aux présents 1° ou 2°, le résultat d'un examen de dépistage, d'un test ou d'un autotest mentionné au 1° de l'article 2-2 d'au plus 72 heures. A compter 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, ce justificatif doit être accompagné d'un justificatif de l'administration d'au moins une des doses d'un des schémas vaccinaux mentionnés au 2° de l'article 2-2 comprenant plusieurs doses. / Les seuls tests antigéniques pouvant être valablement présentés pour l'application du présent 3° sont ceux permettant la détection de la protéine N du SARS-CoV-2. / La présentation de ces documents est contrôlée dans les conditions mentionnées à l'article 2-3 ".

10. Si Mme C soutient que la loi du 5 août 2021 ne pouvait lui être appliquée avant la publication d'un décret pris pour son application, il résulte des dispositions précitées que les conditions de vaccination des personnels des établissements de santé ont été précisées par un décret du 7 août 2021, pris après des avis de la Haute Autorité de Santé des 4 et 6 août 2021. Par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation vaccinale n'était pas en vigueur à la date de la décision litigieuse, à défaut d'avis de la Haute Autorité de santé préalablement et de décret d'application, doit être écarté.

11. En septième lieu, il résulte des dispositions du III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 que la suspension d'un agent prononcé sur son fondement emporte automatiquement l'interruption du versement de sa rémunération et le fait que la période de suspension ne sera pas assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée de ses congés payés ainsi que pour ses droits acquis au titre de son ancienneté. La décision contestée, qui précise que la période de suspension n'est pas prise en compte au titre de l'avancement, se borne ainsi à tirer les conséquences des dispositions précitées, en ne prenant pas en compte cette période, au titre de l'ancienneté acquise par l'agent pour son avancement. Par suite, le moyen tiré de ce que la requérante ne peut pas être privée de ses droits à l'avancement du seul fait de la non-présentation des documents requis au titre de l'obligation vaccinale doit être écarté.

12. En huitième lieu, l'article 12 de la loi du 5 août 2021 a défini le champ de l'obligation de vaccination contre la covid-19 en retenant, notamment, un critère géographique pour y inclure les personnes exerçant leur activité dans un certain nombre d'établissements, principalement les établissements de santé et des établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'un critère professionnel pour y inclure les professionnels de santé afin, à la fois, de protéger les personnes accueillies par ces établissements qui présentent une vulnérabilité particulière au virus de la covid-19 et d'éviter la propagation du virus par les professionnels de la santé dans l'exercice de leur activité qui, par nature, peut les conduire à soigner des personnes vulnérables ou ayant de telles personnes dans leur entourage. Il existe un très large consensus scientifique selon lequel la vaccination contre la covid-19 prémunit contre les formes graves de contamination. Quand bien même celle-ci ne diminuerait que modérément le risque de transmission du virus, elle présente des effets indésirables limités au regard de son efficacité. L'article 14 de la loi du 5 août 2021 prévoit que seul le personnel ayant satisfait à cette obligation puisse continuer à exercer dans un établissement de santé à compter du 15 septembre 2021. Dès lors, les agents n'ayant pas satisfait à cette obligation se voient suspendus et le versement de leur rémunération est interrompu jusqu'à la régularisation de leur situation. Eu égard à l'objectif de santé publique poursuivi, la cessation temporaire de fonctions ainsi créée ne saurait être regardée comme incohérente et disproportionnée au regard de cet objectif. En l'absence d'exercice de ces fonctions, la privation de rémunération engendrée n'apparaît pas davantage incohérente ou disproportionnée, l'intéressée disposant de la faculté d'exercer d'autres fonctions. Enfin, l'obligation vaccinale prévue ne s'impose pas, en vertu de l'article 13 de la loi du 5 août 2021, aux personnes qui présentent un certificat médical de contre-indication ainsi que, pendant la durée de sa validité, aux personnes disposant d'un certificat de rétablissement. Il s'ensuit que l'obligation vaccinale pesant sur le personnel exerçant dans un établissement de santé ne porte, dès lors, pas d'atteinte grave et manifestement illégale aux droits et libertés garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni ne méconnaissent les stipulations de l'article 1er de son premier protocole. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de la loi des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole doivent être écartés.

13. En neuvième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, la mesure de suspension n'étant pas une sanction disciplinaire, le moyen tiré de ce que la loi du 5 août 2021 méconnaît l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

14. En dixième lieu, au regard de ce qui a été dit précédemment, les dispositions de la loi du 5 août 2021 ne créent aucune discrimination prohibée par les articles 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, ce moyen doit être écarté.

15. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité ". Aux termes de l'article R. 771-4 du même code : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ".

16. Si la requérante soutient que la loi du 5 août 2021 est entachée d'un vice de procédure dès lors que le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et le conseil commun n'ont pas été saisi, qu'elle crée une différence de traitement entre les agents non vaccinés suspendus et les agents auxquels est reproché un manquement professionnel autre que l'obligation vaccinale et qui bénéficient d'un maintien de rémunération et de garanties procédurales, ces moyens tirés de l'inconstitutionnalité de cette loi n'ont pas été présentés dans un mémoire distinct conformément aux dispositions précitées. Ils sont par suite irrecevables et ne peuvent dès lors qu'être écartés.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

17. Le présent jugement qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête présentée par Mme C n'implique aucune mesure d'exécution particulière. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais de l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier public du Cotentin, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée à ce titre par Mme C au titre des frais de l'instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante la somme demandée par le centre hospitalier public du Cotentin au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier public du Cotentin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme B C, et au centre hospitalier public du Cotentin.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Guillou, président,

- Mme Absolon, première conseillère,

- Mme Créantor, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

La rapporteure,

signé

V. CREANTOR

Le président,

signé

H. GUILLOU

La greffière,

signé

A. GODEY

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

A. Godey

Code publication

D