Conseil d'Etat

Décision du 9 juin 2023 n° 456736

09/06/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 456736, par un mémoire, enregistré le 13 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Compagnie minière Montagne d'Or demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et en défense du pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance tendant à l'annulation de l'arrêt du 16 juillet 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son recours dirigé contre le jugement du tribunal administratif de la Guyane ayant annulé, à la demande de la société Compagnie minière Montagne d'Or, sa décision implicite refusant à cette société la prolongation de la concession minière n° 219, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la première phrase de l'article L. 144-4 du code minier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier.

2° Sous le n° 456738, par un mémoire, enregistré le 13 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Compagnie minière Montagne d'Or demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et en défense du pourvoi du ministre de l'économie, des finances et de la relance tendant à l'annulation de l'arrêt du 16 juillet 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son recours dirigé contre le jugement du tribunal administratif de la Guyane ayant annulé, à la demande de la société Compagnie minière Montagne d'Or, sa décision implicite refusant à cette société la prolongation de la concession minière n° 215, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la première phrase de l'article L. 144-4 du code minier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code minier ;

- la loi du 21 avril 1810 ;

- la loi n°77-620 du 16 juin 1977 :

- la loi n°94-588 du 15 juillet 1994 ;

- la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 ;

- l'ordonnance n°2011-91 du 20 janvier 1991 ;

- la décision n° 2021-971 QPC du 18 février 2022 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'association France Nature Environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la société Compagnie minière Montagne d'Or et à la SAS Hannotin avocats, avocat de l'association France Nature Environnement ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé () à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat () ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Sur le fondement de ces dispositions, la société Compagnie minière Montagne d'Or demande, en défense des pourvois du ministre de l'économie, des finances et de la relance tendant à l'annulation des deux arrêts du 16 juillet 2021 par lesquels la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté ses recours dirigés contre les jugements du tribunal administratif de la Guyane ayant annulé, à la demande de la société Compagnie minière Montagne d'Or, ses décisions implicites refusant à cette société la prolongation des concessions minières n° 215 et n° 219, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la première phrase de l'article L. 144-4 du code minier. Les mémoires soulevant la même question prioritaire de constitutionnalité, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

3. L'article 29 de l'ancien code minier, qui a codifié les dispositions de la loi du 21 avril 1810 concernant les mines, les minières et les carrières, prévoyait une durée illimitée pour les concessions d'autres substances que les hydrocarbures liquides ou gazeux. Cet article 29 a été modifié par la loi n° 77-620 du 16 juin 1977 complétant et modifiant le code minier, afin de prévoir que la durée de la concession est fixée par l'acte de concession, mais ne peut excéder cinquante ans. Puis cet article 29 a été à nouveau modifié par la loi n° 94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du code minier, afin de prévoir que les concessions de mines à durée illimitée accordées antérieurement au 17 juin 1977 expireraient le 31 décembre 2018, mais que leur prolongation, par périodes successives d'une durée inférieure ou égale à vingt-cinq ans, serait de droit si les gisements étaient exploités à cette dernière date.

4. Ces dernières dispositions ont ensuite été codifiées à l'article L. 144-4 du nouveau code minier qui, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, disposait que : " Les concessions de mines instituées pour une durée illimitée expirent le 31 décembre 2018. La prolongation des concessions correspondant à des gisements exploités à cette date est accordée de droit dans les conditions prévues à la sous-section 2 de la section 1 du chapitre 2 du présent titre ". Cette sous-section 2 de la section 1 du chapitre 2 du titre IV du livre 1er du code minier consacrée à la prolongation des concessions de mines comporte les articles L. 142-7 à L. 142-9, qui prévoient respectivement que la durée d'une concession peut faire l'objet de prolongations successives, chacune d'une durée inférieure ou égale à vingt-cinq ans, que la prolongation d'une concession est accordée par décret en Conseil d'Etat et que " Au cas où, à la date d'expiration de la période de validité en cours, il n'a pas été statué sur la demande de prolongation, le titulaire de la concession reste seul autorisé, jusqu'à l'intervention d'une décision de l'autorité administrative, à poursuivre ses travaux dans les limites du ou des périmètres sur lesquels porte la demande de prolongation ".

5. Dans sa décision n° 2021-971 QPC du 18 février 2022, le Conseil constitutionnel a décidé que la seconde phrase de l'article L. 144-4, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 20 janvier 2011, était contraire à la Constitution avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. En vertu du point 20 de cette décision du Conseil constitutionnel, la déclaration d'inconstitutionnalité a pris effet à compter de sa publication, soit le 19 février 2022, et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date.

6. Les dispositions de la première phrase de l'article L. 144-4 du code minier sont applicables aux litiges portant sur les décisions du ministre de l'économie et des finances ayant implicitement rejeté, le 21 janvier 2019, les demandes de la société Compagnie minière Montagne d'Or tendant à la prolongation des concessions minières dès lors que celles-ci avaient été accordées à la société pour une durée illimitée, et sont arrivées à expiration, en application des dispositions faisant l'objet de la question prioritaire de constitutionnalité, le 31 décembre 2018.

7. En premier lieu, les dispositions litigieuses, qui se bornent à énoncer la règle selon laquelle les concessions de mines instituées pour une durée illimitée expirent le 31 décembre 2018, n'ont pas pour objet de prévoir la possibilité ou les modalités d'une prolongation de ces concessions et n'ont pas non plus pour effet d'interdire une telle prolongation.

8. En second lieu, la déclaration d'inconstitutionnalité, par la décision du Conseil constitutionnel rappelée au point 5, de la seconde phrase de l'article L. 144-4 du nouveau code minier, qui prévoyait que la prolongation des concessions correspondant à des gisements exploités au 31 décembre 2018 était de droit, dans les conditions prévues aux articles L. 142-7 à L. 142-9 du même code, a pour seul et unique effet de permettre aux parties aux instances juridictionnelles non jugées définitivement le 18 février 2022 de se prévaloir de l'inconstitutionnalité du régime de prolongation qui leur a été appliqué.

9. Par suite, dès lors que la décision du Conseil constitutionnel ne peut être lue comme ayant pour effet d'interdire la prolongation des concessions de mines arrivées à expiration le 31 décembre 2018, les griefs tirés de ce que les dispositions de la première phrase de l'article L. 144-4 du code minier porteraient atteinte au droit de propriété, à la liberté d'entreprendre, au principe de la garantie des droits et au droit à un recours juridictionnel effectif, affirmés respectivement aux 2, 17, 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et seraient entachées sur ces points d'une incompétence négative du législateur, ne soulèvent pas une question présentant un caractère sérieux au sens de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

10. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Compagnie minière Montagne d'Or, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Dès lors, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Compagnie minière Montagne d'Or.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la société Compagnie minière Montagne d'Or.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, à la Première ministre et à l'association France Nature Environnement.

Délibéré à l'issue de la séance du 25 mai 2023 où siégeaient : Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, présidant ; Mme Suzanne von Coester, conseillère d'Etat et Mme Pauline Hot, auditrice-rapporteure.

Rendu le 9 juin 2023.

La présidente :

Signé : Mme Isabelle de Silva

La rapporteure :

Signé : Mme Pauline Hot

La secrétaire :

Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo

Nos 456736, 456738

Code publication

C