Cour d'Appel d'Aix-en-Provence

Arrêt du 8 juin 2023 n° 2023/00371

08/06/2023

Renvoi

C O U RD ' A P P E LD' A I X - E N - P R O V E N C E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS CHAMBRE 6-1

 

ARRÊT N° 383 /2023

Arrêt du 08 juin 2023 Dossier N°2023/00371

La Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel d'Aix en Provence, siégeant en Chambre du Conseil, le VINGT-CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS pour les débats et le HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS pour le prononcé de l'arrêt,

Composée lors des débats :

Laurent BECUYWE-LOZAC'HMEUR, président, Thierry LAURENT, conseiller, Cathy ESCOLA, conseiller,

tous trois désignés en application des dispositions de l'article 191 du code de procédure pénale et qui ont, à l'issue des débats, délibéré seuls, conformément à l'article 200 dudit code.

Jean-François VARALDI, substitut général, Charlotte CUVELIER, greffière,

Lors du prononcé de l'arrêt :

Il a été donné lecture de l'arrêt par Laurent BECUYWE-LOZAC'HMEUR, président, en présence du ministère public et de Charlotte CUVELIER, greffière.

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Vu l'information suivie au tribunal judiciaire de Nice contre :

[A] [B] Né le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 2] De nationalité […] Demeurant [Adresse 3]

DETENU A LA MAISON D'ARRET DE DRAGUIGNAN Mandat de dépôt criminel du 10/10/2022

DES CHEFS DE : VIOL COMMIS PAR UNE PERSONNE ETANT OU AYANT ETE CONJOINT, CONCUBIN OU PARTENAIRE LIE A LA VICTIME PAR UN PACTE CIVIL DE SOLIDARITE, VIOLENCES HABITUELLES N'AYANT PAS ENTRAINE D'INCAPACITE SUPERIEURE A 8 JOURS PAR UNE PERSONNE ETANT OU AYANT ETE CONJOINT, CONCUBIN OU PARTENAIRE LIE A LA VICTIME PAR UN .PACTE CIVIL DE SOLIDARITE

Ayant pour avocat : Me SICARD Marion, 13 rue Masséna - 06000 NICE

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Maître Marion SICARD, avocat de [A] [B], saisit la chambre de l'instruction par un écrit distinct et motivé, d'une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion d'une requête en nullité déposée le 26 janvier 2023 au greffe de la chambre de l'instruction de la Cour d'Appel d'Aix en Provence.

Conformément aux dispositions des articles 194,197 et 803-1 du code de procédure pénale, le procureur général a notifié le 11 mai 2023 aux parties et aux avocats la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience, a déposé le dossier au greffe de la chambre de l'instruction et y a joint ses réquisitions écrites le 24 avril 2023 pour être tenus à la disposition des avocats.

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DÉROULEMENT DES DÉBATS

A l'audience tenue en Chambre du Conseil le VINGT-CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS.

Ont été entendus :

Laurent BECUYWE-LOZAC'HMEUR, président, en son rapport ;

Maître SICARD Marion, conseil du mis en examen, présent à la barre, en ses observations;

Jean-François VARALDI, substitut général, en ses réquisitions tendant à : - recevoir en la · forme le mémoire distinct aux fins de question prioritaire de constitutionnalité ; - au fond dire n'y avoir lieu à transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire .de constitutionnalité soulevée

Maître SICARD Marion, conseil du mis en examen, présent à la barre, en ses observations ayant eu la parole en dernier ;

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A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré ; le président a annoncé que l'arrêt serait rendu le HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS ;

Et, ce jour le HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS, la chambre de l'instruction, a rendu en chambre du conseil, son arrêt comme suit,

DÉCISION

L'enquête et l'information ont établi les faits suivants:

Le 9 Septembre 2022, un équipage police secours intervenait pour un individu ayant une mesure d'éloignement contre son ex-compagne, [C] [D].

Sur place cette dernière déclarait avoir subi depuis février 2022 des violences de la part de son concubin [A] [B] alors qu'il venait de sortir de maison d'arrêt à la suite de violences conjugales contre elle.

Elle déclarait spontanément aux policiers intervenants subir des violences tous les jours et montrait les hématomes suite aux·coups reçus:

Elle relatait que la veille, suite à une dispute, il l'avait frappée, étranglée - et avait perdu connaissance.

Enfin elle mentionnait avoir subi plusieurs rapports sexuels au cours desquels il devait la violenter.

[A] [B] était interpelé et présenté au juge d'instruction le 10 octobre 2022.

La plaignante, [C] [D], était en entendue par le juge d'instruction (D167) et confrontée au mis en examen en qualité de témoin (D255) après avoir prêté serment. Elle réservait sa décision de se constituer partie civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution :

L'avocate d'[A] [B] a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité de la garde à vue et de l'interrogatoire de première comparution de l'intéressé ainsi que des actes subséquents.

Le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution a été présenté dans un écrit distinct et motivé. Il est recevable en la forme.

Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation:

En application des dispositions de l'article 23-2 de !'Ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 tel qu'il résulte de la Loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, il est procédé à la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité si la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, si elle n’a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et si elle n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

En l'état des éléments soumis à la cour, la disposition dont la constitutionnalité est questionnée est applicable à la procédure.

Il n'apparaît pas que la disposition légale sur laquelle porte la question a été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

Par conséquent la disposition contestée est applicable à la procédure et la question présente un caractère nouveau.

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Il résulte des articles 103 et 108 du code de procédure pénale qu'au stade de l'instruction préparatoire, la seule exclusion prévue à la prestation de serment des témoins concerne les enfants mineurs de moins de 16 ans.

Par contre, lors de l'information judiciaire, ou bien ensuite lorsqu'une ordonnance de mise en accusation a été rendue, la personne qui se constitue partie civile devient partie à la procédure et perd toute possibilité d'être entendue après avoir prêté serment, par application des articles 331 et 335 du code de procédure pénale.

Cette situation revient à priver la personne mise en examen de la possibilité de contester les faits dénoncés par la personne se présentant comme victime mais déposant sous serment, sauf à invoquer l'existence d'un faux témoignage.

Par ailleurs, au regard du principe d'égalité tel qu'il est interprété par le Conseil constitutionnel, crée une rupture d'égalité devant la loi la différence de traitement qui est susceptible d'exister entre les personnes mises en examen et la personne se présentant comme victime mais qui n'est pas encore constituée partie civile ; d'autant que cette situation est soumise à l'entière discrétion de cette dernière.

La question posée tend donc à faire constater que les dispositions contestées portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution en ce qu'elles méconnaissent les droits de la défense, l'équilibre des droits des parties et le principe d'égalité des citoyens devant la loi, ainsi, par suite, que la compétence confiée au législateur par l'article 34 de la Constitution.

La question présente donc un caractère sérieux et sera transmise à la Cour de cassation.

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Par arrêt distinct en date de ce jour, la chambre de l'instruction a prononcé l'annulation de l'interrogatoire de première comparution d'[A] [B] ainsi que d'actes subséquents puis ordonné sa mise en liberté.

 

PAR CES MOTIFS

La chambre de l'instruction, statuant en chambre du conseil ; Vu l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958, Vu les articles 23-1 et suivants de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009,

Vu les articles 194, 199, 216 et R 49-21 e R 49- 29 du code de procédure pénale,

 

EN LA FORME

DECLARE recevable la question prioritaire de constitutionnalité présentée par maitre Sicard,

AU FOND

DIT qu'il y a lieu de transmettre à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité présentée par l'avocate d'[A] [B] dans les termes suivants :

« Les dispositions combinées des articles 103 et 108 du code de procédure pénale, applicables à l'information judiciaire, en ce qu'elles prévoient que seuls les enfants au-dessous de l'âge de 16 ans sont entendus sans prestation de serment, à l'exclusion de la victime identifiée et du conjoint ou de l'ex-conjoint du mis en examen, tandis que les dispositions des articles 331 et 335 du code de procédure pénale, applicables à la cour d'assises, prévoient que les dépositions de la partie civile, du conjoint ou ex-conjoint de l'accusé, ne peuvent être reçues sous la foi du serment, méconnaissent-elles les droits de la défense, l'équilibre des droits d s parties et le principe d'égalité devant la loi tels qu'ils sont garantis par les articles 1er, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyens de 1789, ainsi que la compétence confiée au législateur par l'article 34 de la Constitution. »

CONSTATE qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur le fond de l'affaire.

Les parties et leurs avocats sont avisés de ce que la présente décision n'est susceptible d'aucun recours et que les parties qui entendent présenter des observations devant la Cour de cassation doivent se conformer aux dispositions de l'article R. 49-30 et sont informées des dispositions du premier alinéa de l'article R. 49-32 du code de procédure pénale.

Article R. 49-30 du code de procédure pénale : Les parties disposent d'un délai d'un mois à compter de la décision de transmission de la question de constitutionnalité à la Cour de cassation pour faire connanre leurs éventuel/es observations devant la Cour. Elles sont signées par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conformément aux règles prévues par l'article 585, sauf lorsqu'elles émanent de la personne condamnée, de la partie civile en matière d'infraction à la loi sur la presse ou du demandeur en cassation lorsque la chambre .criminelle est saisie d'un pourvoi en application des articles 567-2, 574-fet 574-2.

Article R. 49-32, premier alinéa, du code de procédure pénale : Le président de la formation à laquelle l'affaire est distribuée ou son délégué, à la demande d'une des parties ou d'office, peut, en cas d'urgence, réduire le délai prévu aux articles R. 49-30 et R. 49-31.

Laisse à la diligence de la procureure générale l'exécution du présent arrêt.

Laurent BECUYWE-LOZAC'HMEUR, président et Charlotte CUVELIER, greffière ont signé la minute du ésent arrêt.

ùLE PRÉSIDENT,

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Le greffier certifie que le présent arrêt a été porté à la connaissance des parties et de leurs avocats conformément aux dispositions de l'article 217 et 803-1 du code de procédure pénale (récépissés joints au dossier)

 

 

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