Tribunal administratif de Strasbourg

Jugement du 7 juin 2023 n° 2301513

07/06/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2023, M. A B, représenté par Me Lechevallier, avocate, demande au tribunal :

1°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination ;

2°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- les articles L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 776-2 du code de justice administrative sont contraires aux articles 6 et 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi qu'au principe de respect des droits de la défense ;

- ils sont contraires aux articles 6§1 et 14 combinés de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils sont contraires aux articles 8, 13 et 14 combinés de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la requête est recevable ;

- la décision de refus de titre de séjour est irrégulière en ce que le tribunal n'est pas en mesure de vérifier que le médecin auteur du rapport médical concernant son épouse n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a rendu l'avis médical ;

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant de son épouse ;

- elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît la circulaire du 23 novembre 2012 ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales seul et combiné avec l'article 14 de la même convention ;

- elle méconnaît l'article 3 1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3 1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2023, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable comme tardive ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dobry a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur la conformité à la Constitution et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales des articles L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 776-2 du code de justice administrative :

1. L'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. / L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. / Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine ". L'alinéa 1er de l'article R. 776-2 du code de justice administrative dispose quant à lui que : " Conformément aux dispositions de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application de l'article L. 251-1 ou des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément ".

2. En premier lieu, il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

3. Le moyen tiré de l'absence de conformité à la Constitution de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ayant pas été présenté dans un mémoire distinct, il n'est pas recevable et doit par conséquent être écarté.

4. En deuxième lieu, les dispositions de l'article R. 776-2 du code de justice administrative, de nature réglementaire, ne font que réitérer les dispositions législatives de l'article L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et il n'appartient dès lors pas au juge administratif d'en contrôler la conformité à la Constitution.

5. En troisième lieu, l'instauration d'un délai de recours de trente jours contre la décision d'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et contre les décisions de refus de titre de séjour, fixant le pays de destination et interdisant le retour ou la circulation sur le territoire qui l'assortissent, répond à un impératif de célérité, afin de garantir que les étrangers faisant l'objet de telles décisions puissent effectivement exercer leur droit au recours avant d'être susceptibles de faire l'objet de mesures contraignantes en vue de leur éloignement. De plus, la seule circonstance qu'une décision de refus de titre de séjour soit assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours suffit à considérer que l'étranger qui en fait l'objet est placé dans une situation différente de celle de l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour non assorti d'une obligation de quitter le territoire, lequel bénéficie d'un délai de recours de deux mois, la différence entre les délais de recours étant objectivement justifiée par la différence de situation. Enfin, le délai de recours de trente jours prévu par les dispositions contestées, et la possibilité de compléter ultérieurement la requête, suffisent à garantir que les étrangers visés par une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours disposent d'un droit effectif au recours et bénéficient des droits de la défense. Par suite, M. B n'est pas fondé à soutenir que les dispositions législatives et réglementaires critiquées sont contraires aux principes de respect des droits de la défense, de droit au recours effectif et de non-discrimination dans la mise en œuvre de ces droits, qui résultent des articles 6§1 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En quatrième lieu, le moyen tiré de la violation des articles 8, 13 et 14 combinés de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est quant à lui pas assorti des précisions suffisantes à en apprécier le bien-fondé, et il doit également être écarté.

Sur la recevabilité de la requête :

7. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été notifié à M. B le 1er décembre 2022. La requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 3 mars 2023, après l'expiration du délai de recours contentieux de trente jours prévu aux dispositions précitées des articles L. 614-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 776-2 du code de justice administrative, est donc tardive et ne peut, par suite, qu'être rejetée comme irrecevable.

D E C I D E :

Article 1 :La requête de M. B est rejetée.

Article 2 :Le présent jugement sera notifié à M. A B et à la préfète du Bas-Rhin. Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président,

Mme Merri, première conseillère,

Mme Dobry, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2023.

 

La rapporteure,

 

 

 

 

 

S. DOBRY

 

 

 

 

 

Le président,

 

 

 

 

 

X. FAESSEL La greffière,

 

 

 

 

V. IMMELÉ

La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

C