Tribunal administratif de Strasbourg

Jugement du 1 juin 2023 n° 22NC02725

01/06/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B C a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2203643 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2022, M. C, représenté par Me Eca, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 septembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros HT à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il doit être regardé comme soutenant que :

Sur la régularité du jugement :

- les premiers juges ont à tort rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour dès lors que le jugement du 16 juin 2022 avait été frappé d'appel et n'était pas définitif tandis la décision du préfet du 4 mai 2022 ne peut pas être regardée comme s'étant substituée à la décision implicite du 25 septembre 2021 ;

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

- l'arrêté en litige est entaché d'incompétence de son signataire ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- c'est à tort que le préfet lui a opposé le fait d'être en situation irrégulière ;

- le préfet n'a pas exécuté le jugement du tribunal administratif du 30 avril 2020 dans le délai imparti ;

- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français porte une atteinte grave et disproportionnée au droit constitutionnel de demander l'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C ne sont pas fondés.

Par une lettre du 27 avril 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant que les premiers juges ont omis de prononcer un non-lieu à statuer sur la demande de M. C tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 4 mai 2022, alors que le même tribunal s'était déjà prononcé sur cette demande par le jugement n° 2108043 du 16 juin 2022.

M. C a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C, né en 1972 et de nationalité albanaise, est entré en France en mars 2017 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée, en dernier lieu, par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 5 mars 2019. Il avait auparavant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 7 septembre 2018. L'intéressé a sollicité, le 25 mai 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Une décision implicite de rejet est née le 25 septembre 2021 du silence gardé par le préfet de la Moselle. Puis, par un arrêté du 4 mai 2022, le préfet a expressément rejeté la demande de titre de séjour de M. C, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. M. C relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges ont rejeté comme étant irrecevables les conclusions de la demande de M. C tendant à l'annulation de la décision du 4 mai 2022 en tant qu'elle lui refusait la délivrance d'un titre de séjour, en retenant l'autorité relative de la chose jugée s'attachant au jugement n° 2108043 du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg avait rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 4 mai 2022, dont il avait constaté qu'elle s'était substituée à la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour née le 25 septembre 2021. Toutefois, compte tenu de l'intervention de ce jugement du 16 juin 2022, et en dépit de ce qu'il n'était pas encore devenu définitif, il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 4 mai 2022. En omettant de soulever d'office l'exception de non-lieu à statuer sur cette demande, les premiers juges ont entaché leur jugement d'une irrégularité.

3. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 mai 2022 refusant à M. C la délivrance d'un titre de séjour ainsi également que sur les décisions subséquentes contenues dans le même arrêté.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

4. Ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent arrêt, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de refus de titre de séjour.

Sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté :

5. Le préfet de la Moselle a, par un arrêté du 7 décembre 2021, régulièrement publié le 8 décembre 2021 au recueil des actes administratifs de la préfecture, donné délégation à M. A D, directeur adjoint de l'immigration et de l'intégration, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de la directrice de l'immigration et de l'intégration, les décisions relevant de cette direction. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait et doit être écarté.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

6. M. C, qui ne remet pas en cause, dans le cadre d'un mémoire distinct tendant à la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité, la constitutionnalité des dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur la base desquelles la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français a été adoptée, ne saurait utilement soutenir, par voie d'action, que cette même décision porte une atteinte disproportionnée à son droit constitutionnel de demander l'asile.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C est fondé à demander l'annulation du jugement n° 2203643 du tribunal administratif de Strasbourg du 29 septembre 2022. Quant à ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 4 mai 2022, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions relatives à la décision de refus de séjour, tandis que le surplus des conclusions de sa demande doit être rejeté. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2203643 du tribunal administratif de Strasbourg du 29 septembre 2022 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. C tendant à l'annulation de la décision du 4 mai 2022 lui refusant un titre de séjour.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. C devant le tribunal administratif est rejeté.

Article 4 : Le surplus des conclusions de sa requête est rejeté.

Article5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B C, à Me Eca et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 11 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Brodier, première conseillère,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juin 2023.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier Le président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : L. Kara

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

L. Kara

No 22NC02725

Code publication

C