Cour administrative d'appel de Lyon

Ordonnance du 24 mai 2023 n° 23LY00314

24/05/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C Sergent-B et M. A B ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des cotisations de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2023 et 2014 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement nos 1905044 - 2007016 du 25 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2023 sous le n° 21LY00314, Mme C Sergent-B, représentée par Me de Mellis, demande à la cour d'annuler ce jugement et de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités.

Par un mémoire, enregistré le 26 janvier 2023, elle demande à la cour, à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du I de l'article 1691 bis du code général des impôts.

Elle soutient que :

- le I de l'article 1691 bis du code général des impôts est applicable au litige ;

- le I de l'article 1691 bis du code général des impôts n'a pas déjà été déclaré conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

- la question présente un caractère sérieux ;

- le I de l'article 1691 bis du code général des impôts n'est pas conforme au principe de liberté contractuelle consacré par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au principe de liberté du mariage mentionné par les articles 2 et 4 de ce texte et au principe d'égalité devant les charges publiques protégé par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- il porte atteinte au droit de propriété protégé par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- il porte atteinte au principe de l'individualisation et de la proportionnalité des peines prévu aux articles 8 et 9 de la Déclaration ;

- il porte atteinte aux droits de la défense.

Par un mémoire en observations, enregistré le 20 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour de ne pas faire droit à la transmission demandée.

Il fait valoir que :

- les dispositions contestées ne sont pas applicables au litige ;

- la question ne présente pas un caractère sérieux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ainsi que son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la cour administrative d'appel, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat () ".

2. Aux termes du I de l'article 1691 bis du code général des impôts : " Les époux et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité sont tenus solidairement au paiement : / 1° De l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune () / 2° De la taxe d'habitation lorsqu'ils vivent sous le même toit ".

3. Mme Sergent-B soutient que la solidarité entre les époux ou les partenaires d'un pacte civil de solidarité pour le paiement de l'impôt sur le revenu et de la taxe d'habitation prévue par ces dispositions est contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution et notamment au principe de liberté contractuelle consacré par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au principe de liberté du mariage mentionné par ses articles 2 et 4, au principe d'égalité devant les charges publiques protégé par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'elle porte atteinte au droit de propriété protégé par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, au principe de l'individualisation et de la proportionnalité des peines prévu aux articles 8 et 9 de la Déclaration et aux droits de la défense.

4. Il résulte toutefois des pièces du dossier que les compléments d'impôt sur le revenu auxquels Mme Sergent-B a été assujettie conjointement avec M. B à l'issue du contrôle portant sur les années 2013 et 2014 dont ils ont été l'objet, de même que les cotisations de contributions sociales mises à leur charge, ont été établies au titre d'années au cours desquelles ils étaient mariés et soumis à imposition commune en vertu de l'article 6 du code général des impôts. Les dispositions du 1 de l'article 1691 bis du même code, qui instituent une solidarité entre les époux ou les partenaires d'un pacte civil de solidarité pour le paiement de l'impôt sur le revenu pour garantir le recouvrement des créances fiscales, n'ont pas été appliquées par l'administration pour établir les impositions en litige, lesquelles résultent de l'application de l'article 6 du code. En outre, la requérante ne saurait se prévaloir de dispositions relatives au recouvrement de l'impôt pour faire échec à l'imposition commune des époux. Ces dispositions, dont la conformité à la Constitution est contestée, ne sauraient, dès lors, être regardées comme applicables au présent litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

5. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme B.

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme Sergent-B.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C Sergent-B et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Fait à Lyon, le 24 mai 2023.

Le président de la 2ème chambre,

Dominique Pruvost

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2 QPC

Code publication

D