Tribunal administratif de Toulon

Jugement du 23 mai 2023 n° 2102353

23/05/2023

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 30 août 2021, la société par actions simplifiée (SAS) Aqualand, représentée par Me Vanbremeersch et Me Scanvic, doit être regardée comme demandant au tribunal :

1°) de prononcer la restitution d'un montant de 6 124 510,76 euros, correspondant aux droits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'est acquittée à tort au titre de la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019, majorée des intérêts de droit à compter du 30 décembre 2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- sa demande en date du 30 décembre 2020 porte sur les années 2017 à 2019 ; dès lors, elle n'est pas prescrite ;

- l'exclusion, à l'article 279 b nonies du code général des impôts, de l'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux droits d'entrée des parcs aquatiques crée des catégories de parcs de loisirs incohérentes avec la réalité de leur activité, et, en conséquence, semble contraire au principe d'égalité et de libre concurrence que le Conseil constitutionnel déduit de la liberté d'entreprendre ;

- cette exclusion méconnaît les objectifs de la directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 instituant un système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- la distorsion de concurrence créée par ces dispositions a été reconnue au point d'avoir motivé une proposition de suppression de l'article 279 b nonies à l'initiative du Premier ministre, puis la modification de ces dispositions par la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 ;

- en conséquence, la taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'est acquittée à tort pour un montant de 6 124 510,76 euros doit lui être restituée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la demande indemnitaire en date du 30 décembre 2020 ne peut valoir également réclamation contentieuse sur le plan fiscal ;

- cette réclamation n'a pas été adressée au service territorial dont dépend le lieu d'imposition en méconnaissance de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales ;

- la réclamation n'est pas argumentée, ne présente pas les conclusions du réclamant et n'est pas accompagnée de pièces justificatives concernant le montant et le paiement de l'impôt contesté, en méconnaissance de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales ;

- en application de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, la requête est irrecevable en tant qu'elle concerne l'année 2017 ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 86-1318 du 30 décembre 1986 ;

- la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sportelli,

- et les conclusions de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier en date du 30 décembre 2020 adressé au ministre de l'action et des comptes publics, la société Aqualand a demandé une indemnisation d'un montant de huit millions d'euros en réparation de la perte de marge qu'elle aurait subie au titre des années 2016 à 2019 du fait de l'inconstitutionnalité et de l'inconventionnalité des dispositions du b nonies de l'article 279 du code général des impôts, et à titre subsidiaire, la restitution d'un montant de 6 124 510,76 euros, correspondant aux droits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'est acquittée, selon elle, à tort au titre de la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019, majorée des intérêts de droit à compter du 30 décembre 2020. Cette réclamation a été implicitement rejetée. Par la présente requête, la société Aqualand demande au tribunal de prononcer la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée précités.

Sur les conclusions à fin de restitution :

2. Aux termes de l'article 279 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % en ce qui concerne : () b nonies. Les droits d'entrée perçus pour la visite des parcs à décors animés qui illustrent un thème culturel et pour la pratique des activités directement liées à ce thème () ".

3. En premier lieu, en dehors de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité prévue par les dispositions de l'article 61-1 de la Constitution, laquelle n'a pas été mise en œuvre dans le cadre de la présente instance, il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité de la loi à la Constitution ou à un principe à valeur constitutionnelle. Par suite, la société requérante ne peut utilement soutenir que l'exclusion, au b nonies de l'article 279 du code général des impôts, de l'application du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux droits d'entrée des parcs aquatiques semble contraire au principe d'égalité et de libre concurrence que le Conseil constitutionnel déduit de la liberté d'entreprendre.

4. En second lieu, si la société requérante soutient que les dispositions du b nonies de l'article 279 du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de l'article 22 de la loi du 30 décembre 1986 de finances rectificatives pour 1986, crée une distorsion de concurrence qui méconnaît les objectifs de la directive n° 77/388/CE du 17 mai 1977 instituant un système commun de taxe sur la valeur ajoutée, elle ne cite pas ni même n'indique les dispositions de cette directive qui auraient était méconnues, alors au demeurant que cette directive n'était plus applicable au titre des années en litige. En conséquence, elle n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier tant l'opérance que le bien-fondé.

5. En tout état de cause, eu égard à la nature des prestations offertes, la pratique d'activités récréatives dans l'eau, proposée au public par les parcs aquatiques de la société requérante, ne peut être assimilée à la visite de parcs à décors animés illustrant un thème culturel, à laquelle la législation française réservait l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée. Ainsi, les dispositions précitées de l'article 279 du code général des impôts ne peuvent pas être regardées comme portant atteinte au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée et ne sont pas de nature à entraîner un risque de distorsion de concurrence. Les seules circonstances, alléguées par la société requérante, qui ne produit à ce titre aucune pièce, que la suppression des dispositions du b nonies de l'article 279 du code général des impôts aurait été proposée, sans succès, dès l'année 2011 à l'initiative du Premier ministre, puis, que ces dispositions auraient été modifiées par la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ne sont en aucun cas de nature à démontrer que les dispositions jusqu'alors applicables créaient une distorsion de concurrence ni qu'elles méconnaissaient les directives de l'Union européenne applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que la société Aqualand n'est pas fondée à demander la restitution d'un montant de 6 124 510,76 euros, correspondant aux droits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle se serait acquittée à tort au titre de la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019, majorée des intérêts de droit à compter du 30 décembre 2020.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Aqualand de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

 

Article 1er : La requête de la SAS Aqualand est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société par actions simplifiée Aqualand et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Bernabeu, présidente,

Mme Carotenuto, première conseillère,

M. Sportelli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2023.

Le rapporteur,

Signé

T. SPORTELLI

La présidente,

Signé

M. BERNABEU

La greffière,

Signé

E. PERROUDON

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

Et par délégation,

La greffière.

Code publication

C