Tribunal administratif de Paris

Jugement du 23 mai 2023 n° 2014761

23/05/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 15 septembre 2020, M. et Mme A, représentés par Me Lefebvre, demande au tribunal :

1°) à titre principal, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 à 2012, ainsi que des amendes qui leur ont été infligées sur le fondement des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

2°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2006 à 2012 en ramenant les majorations appliquées de 40 % à 15 % ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 14 132,20 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'administration fiscale a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales car elle ne leur a pas communiqué le procès-verbal établi le 20 juin 2013 par l'administration des douanes, alors même qu'elle s'est fondée sur ce document pour leur refuser le bénéfice des dispositions de la circulaire dite " Cazeneuve " du 21 juin 2013, qui prévoit l'application d'un taux de majoration de 15 % en cas de déclarations et rectifications spontanées ;

- cette circulaire est applicable en l'espèce ;

- ils sont également fondés à se prévaloir de la circulaire précitée sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

- les impositions supplémentaires contestées présentent un caractère confiscatoire en méconnaissance des dispositions de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2021, le directeur chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre administratif ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- la circulaire du 21 juin 2013 relative à la régularisation des avoirs fiscaux détenus à l'étranger ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B,

- et les conclusions de M. Charzat, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A ont déposé, le 23 juillet 2013, une demande de régularisation d'avoirs détenus à l'étranger auprès du service de traitement des déclarations rectificatives de la direction nationale des vérifications de situations fiscales. Par une décision du 10 août 2016, l'administration fiscale leur a refusé le bénéfice du dispositif prévu par la circulaire du 21 juin 2013 relative à la régularisation des avoirs fiscaux détenus à l'étranger au motif qu'ils n'entraient pas dans le champ d'application de ces dispositions, dès lors qu'ils ont fait l'objet, le 20 juin 2013, d'un contrôle douanier au cours duquel ils ont reconnu posséder un compte bancaire non déclaré auprès d'une banque suisse. L'administration les a également informés qu'ils étaient assujettis, après réintégration des revenus perçus sur leurs comptes bancaires détenus à l'étranger, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2006 à 2012, assorties de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts et d'amendes pour défaut de déclaration de comptes détenus à l'étranger sur le fondement des dispositions du IV de l'article 1736 du même code. Les requérants ont contesté le refus opposé par l'administration fiscale de leur accorder le bénéfice du dispositif de réduction de la majoration prévue par ladite circulaire le 10 novembre 2019. Conformément aux dispositions de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales, en l'absence de réponse de l'administration fiscale dans le délai de six mois suivant la date de présentation de cette réclamation, les requérants ont saisi le tribunal de céans afin de demander la décharge des impositions en litige.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales : " L'administration peut accorder sur la demande du contribuable : / () 3° Par voie de transaction, une atténuation d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent ne sont pas définitives ". Par une circulaire du 21 juin 2013, ultérieurement modifiée notamment par une circulaire du 12 décembre 2013 et par une circulaire du 14 septembre 2016, le ministre délégué chargé du budget a entendu définir, à titre transitoire, des modalités d'exercice du pouvoir de transiger que la loi reconnaît ainsi à l'administration fiscale, pour le traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger, notamment dans le but d'inciter les contribuables concernés à déposer de telles déclarations, constitutives d'autant de demandes de transaction.

3. Si la décision de l'administration fiscale refusant une remise gracieuse ou une proposition de transaction prévue par l'article L. 247 du livre des procédures fiscales peut être déférée au juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir, cette décision ne peut être annulée que si elle est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation ou encore si elle est révélatrice d'un détournement de pouvoir.

4. D'autre part, si la circulaire dite " Cazeneuve " du 21 juin 2013 prévoit notamment s'agissant des fraudeurs dits " passifs " une réduction de la majoration pour manquement délibéré de 40 % à 15 %, ce dispositif dont la méconnaissance est invoquée par les requérants s'adresse aux seuls contribuables qui ont spontanément entendu régulariser leur situation et exclut explicitement du champ du dispositif " les contribuables dont la démarche ne serait pas véritablement spontanée () ".

5. M. et Mme A ont fait l'objet, le 20 juin 2013, d'un contrôle lors de leur passage à la douane de Vallard-Thonex, en Haute-Savoie, au cours duquel ils ont été trouvés en possession de la somme de 14 800 euros. Le procès-verbal d'audition établi le même jour et signé par les intéressés indique que ces derniers ont précisé avoir retiré la somme de 10 000 euros sur un compte en Suisse dont M. A a hérité de sa mère décédée en 2004. M. A a également précisé que ce compte, alors crédité d'une somme de 485 000 euros, n'était pas déclaré auprès des services fiscaux français. L'administration fiscale les a alors informés qu'ils se trouvaient en infraction pour manquement à l'obligation déclarative de capitaux à l'entrée en France, infraction prévue et réprimée par le règlement CE n° 1889/2005 du 26 octobre 2005 et par l'article 465 du code des douanes. Il résulte également de l'instruction que le courrier adressé par les requérants à l'administration fiscale le 10 août 2016 mentionne l'existence de six comptes bancaires, quatre ayant été clôturés avant le 30 juin 2013, sans que ces clôtures n'aient une quelconque incidence sur le présent litige, un compte ouvert depuis 2007 auprès de la banque Crédit Suisse de Genève le 21 décembre 2007, sur lequel ils n'ont plus d'avoirs depuis 2009, et un compte ouvert le 10 décembre 2012 par la banque Piguet Galland auprès de la banque TransOcean Bank aux îles Caïmans. Dans ces conditions, les requérants ne peuvent être regardés comme ayant spontanément demandé à régulariser leur situation. En outre, il importe peu que l'administration fiscale ou l'autorité judiciaire n'aient déclenché aucune procédure à l'encontre de M. et Mme A portant sur les avoirs non déclarés à l'étranger, les contribuables détenant de tels avoirs non déclarés ne pouvant s'estimer bénéficiaire de la circulaire " Cazeneuve " du seul fait de l'absence d'engagement d'une telle procédure. Au demeurant, et ainsi que le fait valoir l'administration, le fait que cette circulaire ait été publiée le lendemain du contrôle douanier dont les requérants ont fait l'objet est sans incidence sur le présent litige, dès lors qu'il convient de se placer à la date de dépôt du dossier de régularisation pour apprécier les conditions d'éligibilité au dispositif prévu par cette circulaire, soit le 4 août 2013 en l'espèce, et que l'appréciation portée par l'administration peut parfaitement se fonder sur des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la circulaire. Par suite, l'administration, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire droit à la demande de transaction présentée par les requérants, lesquels ne peuvent utilement se prévaloir de la circulaire susmentionnée.

6. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que le contribuable ne peut utilement invoquer devant le juge de l'impôt les éventuelles irrégularités commises dans la procédure de transaction à l'appui de ses conclusions en décharge des impositions en litige. Il en résulte que M. et Mme A ne peuvent utilement soutenir qu'en s'abstenant de leur communiquer le procès-verbal établi le 20 juin 2013 par l'administration des douanes avant la mise en recouvrement, l'administrations fiscale aurait méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, d'autant qu'il est constant que ce document, contresigné par M. A, n'a pas servi à établir les impositions contestées.

7. En dernier lieu, les requérants, qui n'ont pas saisi le tribunal d'une question prioritaire de constitutionnalité dans les formes et conditions prévues par les dispositions précitées de l'article R. 771-3 du code de justice administrative, ne sont pas recevables à soutenir que les impositions mises à leur charge conformément à la loi fiscale, revêtiraient un caractère confiscatoire en méconnaissance de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à demander la décharge des impositions en litige. Leur requête doit donc être rejetée, en toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme A et au directeur chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023, à laquelle siégeaient :

M. Bachoffer, président,

Mme Dousset, première conseillère,

M. Khansari, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2023.

Le rapporteur,

A. B

Le président,

B. BACHOFFER La greffière,

L. REGNIER

La République mande et ordonne au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Code publication

C