Conseil d'Etat

Ordonnance du 15 mai 2023 n° 473638

15/05/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 26 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A B demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre au ministre de la justice, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle ainsi qu'à la Première ministre, de modifier et/ ou compléter, par toutes voies de droit, le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 afin d'octroyer un droit à l'aide juridictionnelle au bénéfice des prévenus, majeurs non protégés, de contraventions de la 1ère à la 4ème classe par devant les tribunaux de police, et au bénéfice des administrés en phase précontentieuse, en vue de l'introduction d'un recours administratif préalable obligatoire avant saisine d'une juridiction administrative ;

2°) d'enjoindre au gouvernement de s'exécuter dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Il soutient que :

- il a intérêt pour agir dès lors que sa demande d'aide juridictionnelle en vue d'obtenir l'assistance d'un avocat pour contester une contravention de quatrième classe dont il a fait l'objet a été rejetée ;

- la condition d'urgence est satisfaite eu égard, d'une part, à la proximité de la date de l'audience de son jugement devant le tribunal de police et, d'autre part, au caractère continu de l'atteinte à l'intérêt public et au droit d'accès de l'ensemble des justiciables à un recours effectif ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'assurer sa défense de manière effective, au droit au recours effectif, ainsi qu'au droit d'accès à une aide juridictionnelle et " pré-juridictionnelle " ;

- un prévenu qui fait l'objet d'une contravention de 4ème classe doit bénéficier de l'aide juridictionnelle en ce qu'elle peut constituer, en cas de récidive, une contravention de 5ème classe ou un délit ;

- la privation du droit à l'assistance juridique porte atteinte au principe d'égalité des armes prévu à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les autres parties au procès peuvent bénéficier de l'assistance d'un avocat au titre de l'aide juridictionnelle si elles y sont éligibles ou à titre onéreux si elles en ont les moyens ;

- elle place l'administré, partie à une procédure amiable de règlement d'un litige, dans une position de faiblesse pour faire valoir ses droits face à l'administration dotée d'un service juridique ;

- l'aide juridictionnelle est accordée en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense devant toute juridiction, conformément à l'article 10 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sans exception prévue pour les contraventions.

Par un mémoire distinct, enregistré le 27 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B demande à ce que soit transmise au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que les dispositions du premier alinéa de l'article 10 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 méconnaissent les droits et libertés que la Constitution garantit, en ce qu'elles autorisent des exceptions et, à ce titre, dispensent le pouvoir réglementaire de prévoir une aide juridictionnelle au bénéfice des prévenus indigents majeurs non protégés par devant le tribunal de police pour les contraventions de 1ère à 4ème classe, y compris celles dont la récidive constituera une contravention de 5ème classe ou un délit, alors même qu'une telle aide est prévue dans tous les cas à la partie civile, au civilement responsable, au prévenu mineur ou majeur protégé. Il soutient que ces dispositions sont applicables au litige, qu'elles n'ont jamais été déclarées conformes à la Constitution, et que la question de leur conformité à la Constitution revêt un caractère sérieux dès lors qu'elles portent atteinte au respect des droits de la défense, au principe d'égalité des armes qui en découle, et au droit d'accès à l'aide juridictionnelle qui découle de la combinaison des articles 12, 15 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. () ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative que lorsqu'un requérant fonde son action sur la procédure particulière instituée à cet article, il lui appartient de justifier de circonstances caractérisant une situation d'urgence qui implique, sous réserve que les autres conditions posées par cet article soient remplies, qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures.

3. M. B demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre de la justice, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, ainsi qu'à la Première ministre, de modifier et/ou de compléter, par toutes voies de droit, le décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, afin d'octroyer un droit à l'aide juridictionnelle au bénéfice des administrés faisant l'objet d'une contravention de la 1ère à la 4èmeclasse devant les tribunaux de police, et au bénéfice des administrés en phase précontentieuse, en vue de l'introduction d'un recours administratif préalable obligatoire avant saisine d'une juridiction administrative.

4. Pour justifier de l'urgence à prononcer les mesures demandées, le requérant se borne à soutenir que, d'une part, l'échéance de son jugement devant le tribunal de police est proche, sans en préciser la date, et, d'autre part, il est porté atteinte au droit à un recours effectif. Il ne justifie ainsi d'aucun élément de nature à caractériser une situation d'urgence particulière exigeant une intervention du juge des référés dans les quarante-huit heures sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la transmission au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, la requête de M. B doit être rejetée selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B.

Fait à Paris, le 15 mai 2023

Signé : Damien Botteghi

Code publication

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