Tribunal administratif de Nantes

Ordonnance du 15 mai 2023 n° 2306527

15/05/2023

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2023 à 18h29 sous le numéro 2306527, la SARL BR Ouest, représentée par Me Antoine Plateaux, demande au juge des référés, :

1°) sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 14 avril 2023 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a prononcé la fermeture administrative de l'établissement " le Royal " qu'elle exploite 5-7 rue des Salorges à Nantes pour une durée de quarante-cinq jours du 22 avril 2023 au 5 juin 2023 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il est porté atteinte de manière grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale constituée par la liberté d'entreprendre et celle du commerce et de l'industrie dès lors que :

* les faits de travail dissimulé impliquant les vigiles et les barmans résultent de circonstances exceptionnelles ou présentant un caractère accidentel, l'absence de billetterie régulière étant par ailleurs insuffisante, à elle-seule, à justifier une mesure de police administrative,

* l'article L. 3332-15, 3° du code de la santé publique, base légale de la fermeture litigieuse, est inconstitutionnel ainsi qu'il est démontré dans un mémoire distinct,

* la fermeture de l'établissement, dont c'est la première infraction en huit ans d'exploitation, pour une telle durée est disproportionnée, d'autant qu'il a été immédiatement remédié aux manquements constatés et que c'est la pérennité de l'entreprise qui est en jeu,

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que la fermeture administrative contestée implique, à brève échéance, la liquidation de l'entreprise.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Lorsqu'un requérant fonde son action non sur la procédure de suspension régie par l'article L. 521-1 du code précité mais sur la procédure de protection particulière instituée par l'article L. 521-2 de ce code, il lui appartient de justifier de circonstances caractérisant une situation d'urgence qui implique, sous réserve que les autres conditions posées par l'article L. 521-2 soient remplies, qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures.

2. Aux termes de l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence (), le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1. ".

3. Aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / Cette fermeture doit être précédée d'un avertissement qui peut, le cas échéant, s'y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier. () 3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l'exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée par le représentant de l'Etat dans le département pour six mois. Dans ce cas, la fermeture entraîne l'annulation du permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1. () ".

4. Par un arrêté du 14 avril 2023, le préfet de la Loire-Atlantique a, en application du 3 de l'article L. 3332-15 précité du code de la santé publique, prononcé la fermeture administrative pour une durée de quarante-cinq jours, du 22 avril 2023 au 5 juin 2023, de l'établissement " le Royal ", une discothèque exploitée par la SARL BR Ouest 5-7 rue des Salorges à Nantes, à raison des actes délictueux de recours au travail dissimulé, liés au conditions d'exploitation de cet établissement, prévus par diverses dispositions pénales en vigueur -notamment aux articles L. 8221-1 et suivants du code du travail- constatés à l'occasion d'un contrôle effectué sur place le 28 janvier 2023.

5. La SARL BR Ouest, au soutien de sa troisième demande de suspension, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de l'arrêté litigieux, fait une nouvelle fois valoir le montant important de ses dettes, la faiblesse de ses fonds propres comme de son capital social au regard de ses charges, notamment de personnel, et du risque à brève échéance de liquidation de l'entreprise, le manque à gagner en terme de chiffre d'affaires prévisionnel pendant les douze jours d'exploitation inclus dans la période litigieuse de fermeture administrative étant évalué par son expert-comptable à 46 020 euros. Toutefois, compte tenu de l'intérêt général qui s'attache à l'exécution de cette mesure prise par le préfet dans l'exercice de son pouvoir de police des débits de boissons s'inscrivant dans le cadre plus général de la lutte contre l'alcoolisme, ces éléments sont insuffisants à démontrer, ainsi que l'a déjà estimé à deux reprises le juge des référés de ce tribunal dans ses ordonnances n°s 2306008 du 28 avril 2023 et 2306199 du 4 mai 2023, devenues définitives, l'existence d'une situation d'urgence impliquant qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans un délai de quarante-huit heures. La société requérante a, d'ailleurs, jugé utile de former, par une requête n° 2306658 enregistrée le 11 mai 2023, une nouvelle demande de suspension de l'exécution de l'arrêté contesté, sur le fondement cette fois de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

6. Dans ces conditions, et sans qu'il y ait lieu d'examiner la question prioritaire de constitutionnalité posée par la SARL BR Ouest -en admettant même de regarder la pièce, identifiée par le signet nommé " Décision attaquée ", jointe à la requête, comme un mémoire distinct au sens du premier alinéa de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel-, il y a lieu de rejeter la requête, en toutes ses conclusions, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de la SARL BR Ouest est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à SARL BR Ouest.

Fait à Nantes, le 15 mai 2023.

La présidente, juge des référés,

A.-C. WUNDERLICH

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre

les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,