Cour d'Appel de Bordeaux

Arrêt du 11 mai 2023 n° 21/03392

11/05/2023

Irrecevabilité

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

 

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

 

--------------------------

 

ARRÊT DU : 11 MAI 2023

 

SÉCURITÉ SOCIALE

 

N° RG 21/03392 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-ME7X

 

S.A. [8]

 

c/

 

URSSAF

 

Nature de la décision : AU FOND

 

Notifié par LRAR le :

 

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

 

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

 

Certifié par le Greffier en Chef,

 

Grosse délivrée le :

 

à :

 

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 mai 2021 (R.G. n°) par le Pole social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 10 juin 2021.

 

APPELANTE :

 

S.A. [8] agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]

 

représentée par Me Cécile CURT de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON

 

INTIMÉE :

 

URSSAF prise en la personne de son direceteur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 10]

 

représentée par Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

 

COMPOSITION DE LA COUR :

 

L'affaire a été débattue le 01 mars 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

 

Monsieur Eric Veyssière, président

 

Madame Sophie Lesineau, conseillère

 

Madame Cybèle Ordoqui, conseillère

 

qui en ont délibéré.

 

Greffière lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

 

Greffière lors du prononcé : Sylvaine Déchamps

 

ARRÊT :

 

- contradictoire

 

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

 

***

 

Exposé du litige

 

La société [8] a fait l'objet d'un contrôle par un inspecteur du recouvrement de l'Urssaf Aquitaine portant sur l'application de la législation sociale au titre des années 2014, 2015 et 2016.

 

Le 13 juillet 2017, l'Urssaf a notifié une lettre d'observations à la société [8] portant sur ses 316 établissements et chiffrant le montant total du redressement à la somme de 12. 039 112 euros. Des observations pour l'avenir étaient, par ailleurs, formulées.

 

Le 11 août 2017, la société [8] a présenté des remarques sur le redressement.

 

Le 16 octobre 2017, l'Urssaf a ramené le montant du redressement à la somme de 11. 956 393 euros au titre des cotisations et à 69.238 euros au titre des majorations de redressement.

 

Le 14 mai 2018, l'Urssaf a confirmé les observations pour l'avenir.

 

L'Urssaf a adressé des mises en demeure aux 316 établissements de la société [8] représentant un total de 13.854 981 euros, dont 11.956 393 euros de cotisations, 69.238 euros de majorations de redressement et 1.829 117 euros de majorations de retard.

 

Le 19 janvier 2018, la société [8] a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf aux fins de contestation de ces 316 mises en demeure.

 

Par courrier du 9 février 2018, la société [8] a informé l'Urssaf du versement de la somme de 13. 854 981 euros.

 

Le 17 avril 2018, la société [8] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde aux fins de contester la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

 

Par décision du 27 novembre 2018, la commission de recours amiable de l'Urssaf a annulé les chefs de redressement suivants :

 

- n° 13 de la lettre d'observations 'contribution sur la participation patronal à un régime de retraite à prestations définies, pour un montant de 10.956 425 euros,

 

- n° 34 de la lettre d'observations 'préavis suite à un licenciement pour faute grave avec transaction, pour un montant de 55.180 euros.

 

Le 19 février 2019, la société [8] a saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de contester la décision explicite de rejet partiel de la commission de recours amiable.

 

Par jugement du 10 mai 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

 

- validé en la forme les mises en demeure du 23 novembre 2017 adressées à la société [8] pour les établissements de L'[Localité 6], [Localité 7], [Localité 9], et les mises en demeure du 31 janvier 2018 adressées aux établissements de [Localité 5] et [Localité 2],

 

- annulé le surplus des mises en demeure contestées par la société [8], délivrées suite à la notification de la lettre d'observations du 13 juillet 2017,

 

- ordonné à l'Urssaf Aquitaine le remboursement des sommes versées au titre des mises en demeure annulées,

 

- validé le point 16 de la lettre d'observations du 13 juillet 2017 portant sur l' 'abattement d'assiette plafonnée : salariés en forfait' pour les établissements de [Localité 7] et [Localité 5],

 

- validé l'application de la majoration de redressement pour absence de mise en conformité pour les établissements de [Localité 7] et [Localité 5],

 

- validé les observations relatives à l' 'abondement PERCO', aux 'avantages en nature - produits de l'entreprise', et à la 'prévoyance complémentaire non-respect du caractère collectif et obligatoire' pour les établissements de L'[Localité 6], [Localité 7], [Localité 9], [Localité 5] et [Localité 2],

 

- déclaré acquis à l'Urssaf Aquitaine le montant des mises en demeure validées et réglées par la société [8] de remise de majoration de retard

 

- dit que la demande de la société [8] de remise de majoration de retard est recevable,

 

- accordé à la société [8] la remise des majorations de retard complémentaires pour les établissements de [Localité 5] et [Localité 2],

 

- débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

 

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

 

Par déclaration du 10 juin 2021, la société [8] a relevé appel de ce jugement.

 

Aux termes de ses dernières conclusions du 18 octobre 2022, la société [8] sollicite de la Cour qu'elle infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a annulé 311 mises en demeure sur 316 et en ce qu'il a ordonné le remboursement des sommes versées au titre des mises en demeure annulées et accordé la remise des majorations de retard complémentaire pour les établissements de [Localité 5] et d'[Localité 2] et, en conséquence,

 

A titre principal, sur la forme :

 

- annule les 316 mises en demeure notifiées à la société [8],

 

- ordonne le remboursement des sommes versées à ce titre par la société [8],

 

A titre subsidiaire, sur le fond :

 

- annule le redressement opéré sur les chefs de redressement n° 7, 16 et 32 contestés,

 

- réduise le chef de redressement n° 7 à la somme de 2 418 euros,

 

En tout état de cause,

 

- annule les observations pour l'avenir stipulées dans la lettre d'observations du 13 juillet 2017,

 

- accorde à la société [8] la remise gracieuse des majorations de retard réclamées par l'Urssaf Aquitaine,

 

- condamne l'Urssaf Aquitaine à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

 

Par ses dernières conclusions enregistrées le 23 novembre 2022, l'Urssaf Aquitaine demande à la Cour de :

 

- la recevoir en ses demandes et l'en déclarer bien fondée,

 

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a limité la validation des observations pour l'avenir aux établissements de L'[Localité 6], [Localité 7], [Localité 9], [Localité 5] et [Localité 2],

 

- statuant à nouveau sur ce point, valider les observations pour l'avenir pour l'ensemble des établissements de la société [8],

 

- débouter la société [8] de l'ensemble de ses demandes,

 

- condamner la société [8] au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

 

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

 

Motifs de la décision

 

Sur la régularité des mises en demeure

 

Le tribunal a annulé 311 mises en demeure sur 316 au motif qu'elles ne respectaient pas les dispositions de l'article L 244-2 du code de la sécurité sociale aux termes desquelles la mise en demeure doit mentionner le délai d'un mois dans lequel le débiteur doit régulariser sa situation.

 

En l'absence d'appel incident, ces dispositions du jugement sont devenues définitives.

 

La société [8] (la [8]) conteste, néanmoins, le jugement en ce qu'il a validé cinq mises en demeure concernant les établissements de [Localité 7], l'[Localité 6], [Localité 9], [Localité 5] et [Localité 2]. Elle fait valoir que ces mises en demeure ne satisfont pas aux exigences de l'article R 244-1 du code de la sécurité sociale en raison de l'absence de mention de la cause exacte du redressement opéré, des assiettes de cotisations concernées et des règles de calcul à l'origine du redressement.

 

Selon l'article R244-1 du code de la sécurité sociale dans sa version issue du décret n°2016-941 du 8 juillet 2016, en vigueur du 01 janvier 2017 au 16 décembre 2018, l'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

 

Lorsque la mise en demeure ou l'avertissement est établi en application des dispositions de l'article L. 243-7, le document mentionne au titre des différentes périodes annuelles contrôlées les montants notifiés par la lettre d'observations corrigés le cas échéant à la suite des échanges entre la personne contrôlée et l'agent chargé du contrôle. La référence et les dates de la lettre d'observations et le cas échéant du dernier courrier établi par l'agent en charge du contrôle lors des échanges mentionnés au III de l'article R. 243-59 figurent sur le document. Les montants indiqués tiennent compte des sommes déjà réglées par la personne contrôlée.

 

En l'espèce, les mises en demeures notifiées aux établissements de l'[Localité 6], [Localité 7] et [Localité 9] comportent sous la rubrique ' motif de mise en recouvrement' les mentions suivantes : ' contrôle-chefs de redressement notifiés par lettre d'observations en date du 13 juillet 2017 adressée en recommandé avec accusé de réception, conformément à l'article R 243-59 et suivants du code de la sécurité sociale, confirmée et révisée par courrier du 16 octobre 2017".

 

Les mise en demeures adressées aux établissements de [Localité 5] et [Localité 2] énoncent les motifs de mise en recouvrement suivants : ' contrôle-chefs de redressement notifiés le 13 juillet, article R 243-59".

 

Les cinq mises en demeure précisent, par ailleurs, la nature des cotisations réclamées (régime général ou employeurs de personnel salarié) ainsi que le montant des cotisations et majorations de retard dues au titre de chaque année contrôlée( 2014-2015-2016).

 

La [8] soutient que ces mises en demeure auraient du, en outre, spécifier la référence et les dates de la lettre d'observations ainsi que le prévoit l'article R 244-1 dans sa version en vigueur à compter du 1er janvier 2017.

 

Mais, il convient d'observer que les motifs de mise en recouvrement énoncés ci-dessus font explicitement référence aux notifications des chefs de redressement contenus dans les lettres d'observations du 13 juillet et du 16 octobre 2017 de sorte que la [8] ne peut valablement prétendre que cette disposition n'a pas été respectée.

 

C'est donc à bon droit, par des motifs adoptés, que les premiers juges ont estimé que les mises en demeure relatives à ces cinq établissements permettaient à la [8] de connaître la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent,

 

outre les références des lettres d'observations initiales et corrigées.

 

Sur le bien fondé des chefs de redressement

 

Sur le point n° 16 de la lettre d'observations : abattement d'assiette plafonnée : salariés en forfait

 

Sont concernés les établissements de [Localité 7] et de [Localité 5].

 

Les inspecteurs du recouvrement ont constaté que la société avait pratiqué un abattement d'assiette plafonnée pour les salariés sous convention de forfait jours ayant une convention de forfait inférieure à la durée maximale du forfait jour applicable dans l'entreprise, soit 218 jours. Un redressement a été notifié au motif que les salariés dont la durée du travail est exprimée en jours ne sont pas des salariés à temps partiel puisque la durée du travail n'est pas quantifiable.

 

La [8] soutient que ces salariés doivent être regardés comme étant à temps partiel et pouvoir, en conséquence, bénéficier de l'application des dispositions de l'article L 242-8 du code de la sécurité sociale qui prévoient, en cas de temps partiel, un abattement d'assiette. Elle plaide, en outre, la discrimination et une inégalité de traitement entre salariés du fait de l'exclusion de l'abattement des salariés travaillant selon un forfait jour réduit.

 

Aux termes de l'article L242-8 du code de la sécurité sociale, pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dues au titre des salariés employés à temps partiel, au sens de l'article L. 3123-1 du code du travail, et qui sont déterminées compte tenu du plafond prévu à l'article L. 241-3, il est opéré un abattement d'assiette destiné à compenser la différence entre le montant des cotisations dues au titre de chacun de ces salariés et le montant des cotisations qui seraient dues pour une durée de travail identique dans le cas où chacun d'eux travaillerait à temps complet.

 

La directive 97/81CE du 15 décembre 1997 portant un accord cadre sur le travail à temps partiel dispose à sa clause 2 : le présent accord s'applique aux travailleurs à temps partiel ayant un contrat ou une relation de travail définis par la législation, les conventions collectives ou pratiques en vigueur dans chaque Etat membre.

 

La clause 3 de la directive prévoit que le travailleur à temps partiel est un salarié dont la durée normale de travail, calculée sur une base hebdomadaire ou en moyenne sur une période d'emploi pouvant aller jusqu'à un an, est inférieure à celle d'un travailleur à temps plein comparable.

 

Selon l'article L 3123-1 du code du travail, est considéré comme salarié à temps partiel le salarié dont la durée du travail est inférieure :

 

1° A la durée légale du travail ou, lorsque cette durée est inférieure à la durée légale, à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou à la durée du travail applicable dans l'établissement ;

 

2° A la durée mensuelle résultant de l'application, durant cette période, de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou de la durée du travail applicable dans l'établissement ;

 

3° A la durée de travail annuelle résultant de l'application durant cette période de la durée légale du travail, soit 1 607 heures, ou, si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou de la durée du travail applicable dans l'établissement.

 

Il résulte de ces deux derniers textes que les salariés ayant conclu des conventions de forfait en jours sur l'année dont le nombre est inférieur à 218 jours, ne peuvent être considérés comme salariés à temps partiel dés lors que ces conventions ne quantifient pas la durée exacte de la durée de travail mais fixe un nombre maximum de jours travaillés dans l'année.

 

Il s'ensuit que l'article L 242-8 du code de la sécurité sociale ne s'applique pas, dans ce cas, au calcul des cotisations y afférent.

 

La [8] ne peut valablement prétendre qu'il convient d'opérer, comme le prévoit l'article R 242-7 du code de la sécurité sociale, une conversion entre le forfait et les heures travaillées, dans la mesure où d'une part, cette disposition vise à reconstituer un temps de travail à temps complet et d'autre part, ne s'applique pas à l'abattement d'assiette prévu à l'article L 242-8.

 

En outre, l'article R 242-11 pris en application de l'article L 242-8 indique que l'employeur est tenu de joindre à la déclaration nominative annuelle prévue à l'article R 243-14 un état qui fait apparaître pour chaque salarié à temps partiel le nombre d'heures de travail accomplies.

 

Or, en l'espèce, la [8] ne justifie nullement des conventions de forfait en jours réduit des salariés concernés, ni un décompte de la durée moyenne de travail sur l'année pour ces salariés.

 

Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la [8] ne caractérisant pas la réalité du travail à temps partiel, les moyens tirés de la réglementation européenne sur les discriminations à l'égard des travailleurs à temps partiel et l'égalité de traitement sont inopérants.

 

Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a validé ce chef de redressement.

 

Sur les majorations de redressement pour absence de mise en conformité

 

Aux termes de l'article L243-7-6 dans sa version issue du de la loi n°2012-1404 du 17 décembre 2012, le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l'issue d'un contrôle réalisé en application de l'article L. 243-7 est majoré de 10 % en cas de constat d'absence de mise en conformité. Un tel constat est dressé lorsque l'employeur n'a pas pris en compte les observations notifiées lors d'un précédent contrôle, que ces observations aient donné lieu à redressement ou non.

 

Les modalités d'application du présent article, en particulier la manière dont est assuré le respect du principe du contradictoire, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat.

 

La [8] critique la base légale de la majoration de redressement inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour l'exercice 2013 comme étant non conforme à la constitution et au droit européen ; elle précise, à cet égard, qu'une plainte est en cours d'instruction sur ce point devant la commission européenne.

 

Par ailleurs, elle fait valoir que le défaut de mise en conformité ne peut être relevé puisque l'Urssaf ne produit pas un tel constat contresigné par le directeur de l'organisme de recouvrement conformément aux dispositions de l'article R 243-59-7 du code de la sécurité sociale. Enfin, elle indique que le redressement précédent en date du 28 juillet 2014 avait été contesté en justice et ne peut donc servir de base dans le but de caractériser l'absence de mise en conformité.

 

Sur le caractère non conforme à la constitution de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, les premiers juges ont retenu, à juste titre, qu'il n'incombe pas au juge judiciaire d'apprécier la constitutionnalité d'une loi, sauf à lui présenter une question prioritaire de constitutionnalité dans les formes prévues à l'article 126-2 du code de procédure civile, ce que la [8] n'a pas fait dans le cadre de la présente instance, de sorte que ce moyen est dénué de fondement.

 

S'agissant de l'existence d'un constat d'absence de mise en conformité, l'article R 243-59-7 II du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige énonce que, à l'issue du contrôle, les agents chargés du contrôle communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant contrôlé une lettre d'observations datée et signée par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle. Ces dernières sont motivées par chef de redressement. A ce titre, elles comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement et, le cas échéant, l'indication du montant des assiettes correspondant, ainsi que pour les cotisations et contributions sociales l'indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 qui sont envisagés.

 

En cas de réitération d'une pratique ayant déjà fait l'objet d'une observation ou d'un redressement lors d'un précédent contrôle, la lettre d'observations précise les éléments caractérisant le constat d'absence de mise en conformité défini à l'article L. 243-7-6. Le constat d'absence de mise en conformité est contresigné par le directeur de l'organisme effectuant le recouvrement.

 

Contrairement à ce qui est soutenu par la [8], il ne résulte pas de ce texte l'obligation pour l'Urssaf de matérialiser dans un écrit distinct de la lettre d'observations un constat d'absence de mise en conformité. Il suffit que la lettre d'observations signée du directeur ou de son délégataire contienne les éléments faisant apparaître cette absence de mise en conformité.

 

Or, en l'espèce, la lettre d'observations adressée à la [8] signée du directeur de l'organisme de recouvrement comprend pour chaque établissement une partie distincte relative à l'absence de mise en conformité rappelant :

 

- les textes applicables,

 

- les constatations effectuées lors du précédent contrôle (2011-2013),

 

- les régularisations alors opérées par les inspecteurs du recouvrement s'agissant de l'abattement d'assiette plafonnée pour les salariés sous convention de forfait en jours ayant une durée du travail inférieure à la durée maximale du forfait jour applicable dans l'entreprise,

 

- les constatations des inspecteurs du recouvrement lors du deuxième contrôle (2014-2016) suivant lesquelles la [8] n'avait pas modifié les modes de calcul de l'abattement d'assiette plafonnée malgré les régularisations notifiées à la société dans le cadre du premier contrôle,

 

Il résulte de ces éléments que l'absence de mise en conformité est établie par l'Urssaf dans le respect des dispositions de l'article R 243-59-7.

 

La [8] qui prétend avoir contesté en justice les chefs de redressement concernés par l'absence de mise en conformité ne justifie pas de décisions revêtues de l'autorité de la chose jugée qui les auraient annulés.

 

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont validé les majorations de retard consécutives à l'absence de mise en conformité.

 

Sur l'observation pour l'avenir relative aux avantages en nature- produits de l'entreprise

 

Cette observation concerne tous les établissements de la [8] ayant fait l'objet d'un contrôle.

 

Les inspecteurs du recouvrement ayant constaté que les salariés de la [8] bénéficiaient d'avantages tarifaires sur les produits d'assurance commercialisés par la société [8], ont requalifié ces remises en avantages en nature.

 

Faisant valoir que la [8] n'est pas l'employeur des salariés de la [8] et qu'il n'existe aucun lien entre ces derniers et [8], l'appelante soutient, en premier lieu, que, en application de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, elle n'est pas redevable de cotisations assises sur la base d'avantages qu'elle n'a pas consentis à ses salariés.

 

Selon l'article L 242-1, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion d'un travail effectuées dans un lien de subordination.

 

En l'espèce, il n'est pas contesté que les salariés de la [8] bénéficient des avantages tarifaires sur les produits d'assurance commercialisés par la [8] en raison de l'appartenance des deux entreprises au même groupe, le groupe [4].

 

Il en résulte que l'avantage est consenti au salarié en raison de son contrat de travail de sorte qu'il doit entrer dans l'assiette des cotisations, peu important que l'auteur de l'avantage ne soit pas l'employeur lui-même.

 

La [8] prétend, en deuxième lieu, que dans l'hypothèse où l'existence d'un avantage en nature serait reconnue, il conviendrait de faire application de la circulaire DSS/SDFSS/5B du 7 janvier 2003 qui institue une tolérance aux termes de laquelle les fournitures de produits et services réalisés par l'entreprise à des conditions préférentielles ne constituent pas des avantages en nature dés lors que leurs réductions tarifaires n'excèdent pas 30% du prix de vente public normal.

 

Mais par des motifs adoptés, les premiers juges ont retenu à juste titre que non seulement cette circulaire était dépourvue de portée normative mais aussi que la société, qui n'a pas fait l'objet d'un redressement chiffré, mais d'une simple observation pour l'avenir, ne pouvait valablement se prévaloir des dispositions de cette circulaire puisque l'organisme de recouvrement n'en avait pas vérifié les conditions d'application concrètes au sein des établissements de la [8].

 

En tout état de cause, la circulaire d'interprétation stricte n'admet cette tolérance que pour les produits ou services réalisés par l'entreprise et non par une autre autre entreprise appartenant au même groupe. Le moyen selon lequel les salariés de la [8] appartiennent à la même communauté de travail que ceux de la [8] parcequ'ils participent à la conception des mêmes produits d'assurance est inopérant au regard des règles distinctes qui les régissent pour être agréées auprès des autorités monétaires et qui les empêchent, comme le démontre l'Urssaf, de produire des prestations d'assurances communes. A cet égard, le moyen tiré de l'inégalité de traitement entre la société d'assurance qui produirait les contrats d'assurance et pourrait, à ce titre, bénéficier de la tolérance administrative et la société d'assurance assurant les fonctions supports qui en serait exclue, n'est pas fondé dés lors que la circulaire vise à la fois les biens et les services produits par l'entreprise qui emploie le salarié et qu'en l'occurrence, la [8] ne démontre pas avoir contribué à la production de la garantie consentie à ses salariés par la [8].

 

Par ailleurs, les dispositions de l'article L 242-1-4 du code de la sécurité sociale aux termes desquelles le versement d'avantages à des salariés par des personnes extérieures à l'entreprise est assujetti à des cotisations sociales sauf lorsque la personne tierce appartient au même groupe ne sont pas applicables en l'espèce.

 

Le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a validé ce chef de redressement.

 

Sur l'observation pour l'avenir portant sur l'abondement Perco (plan d'épargne pour la retraite collective)

 

L'inspecteur du recouvrement a formulé une observation concernant tous les établissements de la [8] pour non respect du caractère collectif et obligatoire du

 

PERCO au motif que la société module les abondements en fonction de l'âge du salarié.

 

Selon l'article L 242-1 al 6 dans sa version applicable au litige, sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance versées au bénéfice de leurs salariés, anciens salariés et de leurs ayants droit par les organismes régis par les titres III et IV du livre IX du présent code ou le livre II du code de la mutualité, par des entreprises régies par le code des assurances ainsi que par les institutions mentionnées à l'article L. 370-1 du code des assurances et proposant des contrats mentionnés à l'article L. 143-1 dudit code, à la section 9 du chapitre II du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale ou au chapitre II bis du titre II du livre II du code de la mutualité lorsque ces garanties entrent dans le champ des articles L. 911-1 et L. 911-2 du présent code, revêtent un caractère obligatoire et bénéficient à titre collectif à l'ensemble des salariés ou à une partie d'entre eux sous réserve qu'ils appartiennent à une catégorie établie à partir de critères objectifs déterminés par décret en Conseil d'Etat.

 

L'article R 242-1-1 dans sa version applicable au litige prévoit que pour le bénéfice de l'exclusion de l'assiette des cotisations prévue au sixième alinéa de l'article L. 242-1, les garanties mentionnées au même alinéa, qu'elles soient prévues par un ou par plusieurs dispositifs mis en place conformément aux procédures mentionnées à l'article L. 911-1, doivent couvrir l'ensemble des salariés.

 

Ces garanties peuvent également ne couvrir qu'une ou plusieurs catégories de salariés sous réserve que ces catégories permettent, dans les conditions prévues à l'article R. 242-1-2, de couvrir tous les salariés que leur activité professionnelle place dans une situation identique au regard des garanties concernées. Une catégorie est définie à partir des critères objectifs suivants :

 

1° L'appartenance aux catégories de cadres et de non-cadres résultant de l'utilisation des définitions issues des dispositions des articles 4 et 4 bis de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et de l'article 36 de l'annexe I de cette convention ;

 

2° Un seuil de rémunération déterminé à partir de l'une des limites inférieures des tranches fixées pour le calcul des cotisations aux régimes complémentaires de retraite issus de la convention nationale mentionnée au 1° ou de l'accord national interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961, sans que puisse être constituée une catégorie regroupant les seuls salariés dont la rémunération annuelle excède la limite supérieure de la dernière tranche définie par l'article 6 de la convention nationale précitée ;

 

3° La place dans les classifications professionnelles définies par les conventions de branche ou les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés au livre deuxième de la deuxième partie du code du travail ;

 

4° Le niveau de responsabilité, le type de fonctions ou le degré d'autonomie ou l'ancienneté dans le travail des salariés correspondant aux sous-catégories fixées par les conventions ou les accords mentionnés au 3° ;

 

5° L'appartenance au champ d'application d'un régime légalement ou réglementairement obligatoire assurant la couverture du risque concerné, ou bien l'appartenance à certaines catégories spécifiques de salariés définies par les stipulations d'une convention collective, d'un accord de branche ou d'un accord national interprofessionnel caractérisant des conditions d'emploi ou des activités particulières, ainsi que, l'appartenance aux catégories définies clairement et de manière non restrictive à partir des usages constants, généraux et fixes en vigueur dans la profession;

 

Ces catégories ne peuvent en aucun cas être définies en fonction du temps de travail, de la nature du contrat, de l'âge ou, sous réserve du 4° et du dernier alinéa de l'article R. 242-1-2, de l'ancienneté des salariés.

 

En l'espèce, l'UES [8] a conclu le 4 avril 2007 un accord collectif relatif à la mise en place d'un PERCO dont les conditions de mise en oeuvre sont définies à l'article L 3334-6 du code du travail modifié depuis la loi du 6 août 2015. Cet accord prévoit que les montants des versements complémentaires à la charge de l'employeur appelés abondement destinés à financer le dispositif varient selon que les salariés sont âgés de plus ou moins de 50 ans.

 

Si comme le soutient la [8], l'article L 3332-12 du code du travail autorise l'employeur à moduler ses versements sur la base de règles à caractère général telles que l'ancienneté du salarié ou la catégorie professionnelle à laquelle il appartient, il résulte, cependant, des dispositions de l'article R 242-1-1 du code de la sécurité sociale rappelées ci-dessus, qu'en aucun cas une catégorie objective ne peut être définie en fonction de l'âge des salariés.

 

C'est donc, à bon droit, que les premiers juges ont validé ce chef de redressement.

 

Sur l'observation pour l'avenir relative au respect du caractère collectif et obligatoire de la prévoyance complémentaire

 

En l'espèce, l'UES [8] a souscrit en 1998 une convention d'assurance dépendance auprès de la société [1] comportant la clause suivante au titre de la garantie invalidité dépendance : ' toutes les personnes répondant aux conditions de souscription sont automatiquement assurées sauf si elles sont atteintes, au jour de la signature de la présente convention ou en cas d'entrée dans l'entreprise après le 1er septembre 1998 d'une invalidité de 40% au plus, donnant droit ou non à une indemnisation. Dans ce cas l'acceptation du bénéfice de la garantie peut être accordée par le médecin conseil de l'AG2R après étude d'un questionnaire médical'.

 

Les inspecteurs du recouvrement ont estimé que cette clause d'exclusion de la garantie de prévoyance complémentaire des personnes atteintes de ce taux d'invalidité ne respectait pas le caractère collectif du régime de prévoyance dans la mesure où les salariés invalides à 40% cotisent à un contrat d'assurance qui ne les couvre pas, étant observé que cette clause d'exclusion est contraire à la loi.

 

La [8] objecte que la clause ne s'applique qu'aux salariés en invalidité avant la souscription du contrat ou qui n'auraient pas déclarés cet état d'invalidité ce qui est inhérent à tout contrat d'assurance qui implique que le risque ne soit pas déjà réalisé lors de la souscription du contrat. Elle expose que depuis le 1er janvier 2014 tous les salariés cotisent à cette garantie prévoyance de sorte que le caractère collectif est assuré. Elle conteste toute discrimination liée à l'état de santé des salariés puisque le médecin conseil de [1] peut autoriser une dérogation.

 

La cour retient que les salariés présentant un taux d'invalidité d'au moins 40% ne constituent pas une catégorie objective au sens de L'article R 242-1-1 du code de la sécurité sociale et que la [8] ne peut se prévaloir du caractère collectif de la garantie au seul motif que tous les salariés cotisent alors que la couverture du risque est exclue pour les personnes invalides en raison de leur état de santé, peu important que certains cas individuels échappent à cette exclusion après examen de leur dossier par le médecin conseil de l'assureur.

 

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont validé ce chef de redressement.

 

Sur les majorations de retard

 

En application des articles R 243-18 et R 243-20 du code de la sécurité sociale, les entreprises redressées peuvent formuler une demande gracieuse en réduction des majorations de retard lorsque les cotisations ont été acquittées dans le délai de 30 jours qui suit la date limite d'exigibilité.

 

La [8] sollicite la remise totale des majorations de retard puisqu'elle a réglé à titre conservatoire la somme de 13.854.981 euros correspondant au montant des cotisations réclamées par l'Urssaf.

 

Mais, par des motifs adoptés, les premiers juges ayant vérifié que pour les établissements de [Localité 5], [Localité 7] et [Localité 2] le paiement des mises en demeure était intervenu plus de 30 jours suivant leur réception par la société en a exactement déduit que la demande de remise formulée par la [8] devait être rejetée.

 

De ce chef, le jugement sera confirmé.

 

Sur les autres demandes

 

La [8], partie perdante, supportera la charge des dépens.

 

L'équité commande d'allouer à l'Urssaf la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

PAR CES MOTIFS

 

La Cour,

 

Confirme le jugement entrepris

 

y ajoutant

 

Condamne la société [8] à payer à l'Urssaf d'Aquitaine la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

 

Condamne la société [8] aux dépens.

 

Signé par Eric Veyssière, président et par Sylvaine Déchamps, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

Sylvaine Déchamps Eric Veyssière