Tribunal administratif de Melun

Jugement du 10 mai 2023 n° 2204421

10/05/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par un mémoire distinct enregistré le 11 mai 2022, dans la requête aux fins d'annulation de la décision de la préfète du Val-de-Marne du 15 avril 2022, M. A, représenté par Me Berdugo, demande au tribunal de transmettre au Conseil d'Etat en vue de transmission au Conseil constitutionnel, la question prioritaire de constitutionnalité de la conformité des dispositions des articles L.432-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec les droits et libertés garantis par la Constitution et de surseoir à statuer sur la requête dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat puis du Conseil constitutionnel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62;

- l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B,

- les conclusions de Mme Leboeuf, rapporteure publique,

- et les observations de Me Sauvadet, assistant M. A, présent.

Considérant ce qui suit :

1. M. C A, ressortissant algérien né le 19 avril 1979 à Bachara (Algérie), entré en France selon ses déclarations en 2002 a été mis en possession le 10 septembre 2020 d'un certificat de résident algérien valable jusqu'au 9 septembre 2030. Par décision du 15 avril 2022, le préfet du Val-de-Marne lui a retiré, sur le fondement de l'article L.432-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le certificat de résidence dont il était titulaire et lui a délivré un certificat de résident d'un an en sa qualité de parent d'enfant français. M. A demande l'annulation de cette décision en tant qu'elle lui a retiré le certificat de résident de dix ans dont il était titulaire.

2. Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoient que lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second aliéna de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat () ".

3. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que les dispositions ayant un contenu identique à des dispositions précédemment déclarées conformes à la constitution sont revêtues de l'autorité de la chose jugée attachées aux décisions du Conseil constitutionnel, en l'absence de changement de circonstances. En outre, lorsque le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la conformité d'une disposition à la Constitution, la circonstance que le Conseil n'ait pas statué expressément sur la conformité à la constitution de la norme précisément invoquée par le requérant ne conduit pas au renvoi de la question, en l'absence de changement de circonstances.

4. Aux termes de l'article L. 432-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout employeur titulaire d'une carte de résident peut se la voir retirer s'il a occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail. ". M. A soutient que ces dispositions porte atteinte au principe de non-discrimination garanti par l'article 1er de la Constitution, l'article 1er de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 6 de cette même déclaration ainsi qu'au principe de valeur constitutionnel de la liberté d'aller et venir, tel que garanti par la décision DC du 12 juillet 1979, n°79-107 et à la liberté et à la liberté d'entreprendre garantie par l'article 4 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que la liberté contractuelle découlant du même article 4 de la DDHC.

5. Toutefois, dans sa décision DC n° 97-389 du 22 avril 1997, le Conseil constitutionnel saisi de la constitutionnalité des dispositions de la loi n° 97-396 du 24 avril 1997 portant diverses mesures relatives à l'immigration a déclaré conforme à la constitution des dispositions l'article 5 de cette loi, modifiant l'article 15 ter de l'ordonnance n°45-2685 du 2 novembre 1945 relatives aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, en ajoutant un alinéa aux termes duquel : " La carte de résident peut être retirée à tout employeur, titulaire de cette carte, ayant occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L. 341-6 du code du travail. ()". Ces dispositions ont ensuite été reprises, suite à l'adoption de l'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'article L. 314-6 de ce code et figurent depuis le 1er mai 2021, suite à la recodification à droit constant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issue de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'article L. 423-11 du même code. En outre, les dispositions de l'actuel article L. 8251-1 du code du travail, aux termes desquelles : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / Il est également interdit à toute personne d'engager ou de conserver à son service un étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles qui sont mentionnées, le cas échéant, sur le titre prévu au premier alinéa. " reprennent en substance les dispositions de l'ancien article L. 341-6 du même code. Par ailleurs, il n'est allégué, ni établi aucun changement de circonstance de droit ou de fait au sens des dispositions du 2° de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

6. Par suite, les dispositions en cause ayant déjà été déclarées conforme à la Constitution, il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A au Conseil d'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions du mémoire distinct aux fins de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité sont rejetées.

Article 2 : Le présent jugement avant-dire droit sera notifié à M. C A et au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 25 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Dewailly, président,

Mme Bourdin, première conseillère,

M. Lacote, conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2023.

La rapporteure,

S. B

Le président,

S. DEWAILLY La greffière,

Y. SADLI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision

Pour expédition conforme,

La greffière,

Code publication

C