Cour d'Appel de Poitiers

Arrêt du 10 mai 2023 n° 22/00019

10/05/2023

Non renvoi

ARRÊT N° 218

 

N° RG 22/00019

 

N° Portalis DBV5-V-B7G-GT24

 

[P]

 

[H]

 

C/

 

Le Commissaire du gouvernement Etablissement Public COOPÉRATION INTERCOMMUNAL

 

'[Localité 17]

 

AGGLOMÉRATION'

 

Copies délivrées aux avocats

 

et aux parties le :

 

Copie délivrée au Commissaire

 

du gouvernement le :

 

Formule exécutoire délivrée

 

aux avocats le :

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE POITIERS

 

Chambre de l'Expropriation

 

ARRÊT DU 10 MAI 2023

 

STATUANT SUR UNE DEMANDE DE TRANSMISSION

 

D'UNE QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONALITÉ

 

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 06 juillet 2022 rendu par le Juge de l'expropriation du Tribunal Judiciaire de LA ROCHE SUR YON

 

APPELANTS :

 

Monsieur [B] [P]

 

né le 11 juillet 1946 à [Localité 13] (35)

 

[Adresse 7]

 

Monsieur [G] [H]

 

né le 29 Novembre 1942 à [Localité 12] (85)

 

[Adresse 6]

 

Madame [N] [H]

 

née le 26 avril 1946 à [Localité 14] (85)

 

[Adresse 6]

 

ayant pour avocat postulant Me Isabelle BLANCHARD de la SELARL ADLIB, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

 

INTIMÉS :

 

Le Commissaire du gouvernement

 

DRFIP Pays de la Loire et Loire Atlantique

 

Division Missions Domaniales

 

[Adresse 10]

 

[Localité 9]

 

non comparant ni représenté mais a adressé un courrier indiquant qu'il ne serait pas présent et s'en remettait à la sagesse de la Cour

 

Demandeur à la transmission d'une Q.P.C. :

 

Établissement public de COOPÉRATION INTERCOMMUNAL

 

'[Localité 17] AGGLOMÉRATION'

 

[Adresse 8]

 

ayant pour avocat postulant Me Henri-noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS

 

MINISTÈRE PUBLIC :

 

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

 

Les réquisitions ayant été préalablement communiquée aux parties

 

COMPOSITION DE LA COUR :

 

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

 

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

 

qui a présenté son rapport

 

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

 

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

 

Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre

 

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

 

Monsieur Philippe MAURY, Conseiller

 

ARRÊT :

 

- CONTRADICTOIRE

 

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

 

- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

*****

 

EXPOSÉ :

 

Les époux [H] sont propriétaires sur le territoire de la commune des [Localité 17], au [Adresse 16], de parcelles cadastrées section F n°[Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4].

 

[B] [P] est propriétaire de deux parcelles F n°[Cadastre 11] et [Cadastre 5] au [Adresse 15].

 

Par arrêté du 18 janvier 2021, le préfet de la Vendée a déclaré d'utilité publique les acquisitions de parcelles et terrains et les travaux nécessaires à la création d'une zone d'aménagement concertée dite de 'La Vannerie' sur le territoire de la commune des [Localité 17].

 

Un arrêté du 24 février 2021 a déclaré cessibles au profit de l'établissement public de coopération intercommunal (EPCI) [Localité 17] Agglomération les parcelles nécessaires à la réalisation du projet d'aménagement et, notamment, les parcelles cadastrées section F n°[Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4], d'une superficie totale de 5.000 m².

 

L'ordonnance d'expropriation a été rendue le 26 mai 2021.

 

La commune ayant notifié aux époux [H] et à M. [P] le 17 septembre 2021 ses offres d'indemnisation et celles-ci n'ayant pas été acceptées, elle a saisi le juge de l'expropriation du département de la Vendée en fixation de l'indemnité d'expropriation par courrier reçu le 11 février 2022 contenant ses mémoires.

 

Le juge de l'expropriation a contradictoirement procédé le 30 mars 2022 au transport sur les lieux, puis a tenu l'audience le 4 mai 2022.

 

Par jugement réputé contradictoire du 6 juillet 2022, il a

 

¿ pour les parcelles cadastrées F [Cadastre 11] et [Cadastre 5] : fixé l'indemnité principale à 24.597,64 euros sur la base de 11,80 euros du m²

 

¿ pour les parcelles cadastrées section F n°[Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] :

 

* fixé l'indemnité principale à la somme de 59.000 euros sur la base de 11,80 euros du m² en ne retenant pas leur situation privilégiée alléguée par les expropriés

 

* fixé l'indemnité de remploi à 6.900 euros

 

* condamné l'EPCI [Localité 17] Agglomération aux dépens et à payer aux époux [H] au titre de leurs frais non compris dans les dépens une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

[B] [P] et les époux [H] ont relevé appel par déclaration le 26 août 2022.

 

Ils ont conclu par écritures reçues au greffe de la cour le 25 novembre 2022, le 28 novembre 2022 et le 1er décembre 2022, notifiées à l'EPCI [Localité 17] Agglomération et au commissaire du gouvernement, respectivement les 25 novembre, 28 novembre et 2 décembre 2022 en sollicitant

 

* l'annulation du jugement, en ce qu'il ne vise ni ne prend en compte le mémoire pris par M. [P] le 25 mars 2022 et communiqué au juge de l'expropriation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception le 28 mars 2022, et en ce qu'il n'a pas statué sur la demande en condamnation à une indemnité pour frais irrépétibles

 

* son infirmation en ce qu'il a fixé l'indemnité d'expropriation pour les époux [H] à 65.900 euros, sollicitant sa fixation à 196.500 euros, subsidiairement à 136.500 euros, infiniment subsidiairement à 76.500 euros

 

* son infirmation en ce qu'il a fixé l'indemnité d'expropriation pour M. [P] à 24.597,64 euros, sollicitant sa fixation à 71.447,40 euros, subsidiairement à 27.815,40 euros

 

* la fixation d'une indemnité de remploi proportionnelle au montant de l'indemnité principale retenue

 

* en toute hypothèse, l'allocation d'une indemnité de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'EPCI [Localité 17] Agglomération a adressé au greffe des conclusions en défense et d'appel incident reçues le 12 janvier 2023 et notifiées aux époux [H] et au commissaire du gouvernement le 13 janvier 2023.

 

Il y sollicite l'infirmation du jugement en ses chefs de décision le condamnant aux dépens de l'instance et à payer une indemnité pour frais irrépétibles aux expropriés, et demande à la cour de condamner les époux [H] aux dépens de première instance et d'appel et à lui payer en application de l'article 700 du code de procédure civile 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

 

Le commissaire du gouvernement a transmis des conclusions datées du 16 février 2023 reçues au greffe le 22 février 2023 et notifiées le jour même aux époux [H] et à l'EPCI [Localité 17] Agglomération, aux termes desquelles il sollicite la confirmation pure et simple du jugement déféré, en faisant valoir, en substance.

 

- que l'appel est recevable

 

- que la date de référence retenue est pertinente

 

- que les parcelles, situées en zone 2AU et inconstructibles, ne sont pas des terrains à bâtir

 

- que l'environnement des parcelles, proches de l'hôpital et d'une déchèterie, n'en fait pas des biens en situation privilégiée

 

- qu'au vu des termes de comparaison, leur valeur vénale moyenne ressort à 11,80 du m².

 

Par un écrit distinct daté du 9 janvier 2023 reçu au greffe le 12 janvier, notifié le 13 janvier 2023 aux époux [H] et au commissaire du gouvernement et transmis au Ministère public, l'EPCI [Localité 17] Agglomération demande à la cour de transmettre à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) dirigée contre l'article L.312-1 du code de l'expropriation, qui dispose que l'expropriant supporte seul les dépens de première instance, en faisant valoir

 

. que cette question porte sur une disposition législative qui est applicable dans l'instance

 

. qu'elle porte sur une disposition législative qui n'a pas été déclarée conforme à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel

 

. que la question présente un caractère nouveau, car le Conseil constitutionnel ne s'est jamais prononcé sur la constitutionnalité intrinsèque de ce texte

 

. qu'elle présente un caractère sérieux, car l'article L.322-8, alinéa 1er du code de l'urbanisme méconnaît les articles 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 en portant une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle.

 

. que la législation litigieuse porte une atteinte disproportionnée aux droits de la défense et au principe d'égalité protégés par les articles 6 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, en faisant systématiquement obstacle au bénéfice des frais irrépétibles et des dépens pour l'expropriant quelle que soit la configuration du litige.

 

Le Ministère public a conclu par avis du 16 mars 2023 transmis par le greffe le jour même aux époux [H], à l'EPCI [Localité 17] Agglomération et au commissaire du gouvernement qu'il était d'avis que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'expropriante était régulière et recevable, et qu'elle présentait un caractère sérieux justifiant de la transmettre à la Cour de cassation, en ce qu'en prévoyant que les dépens de

 

première instance sont automatiquement supportés par l'expropriant et ce quelle que soit la configuration du litige, alors qu'en principe, c'est la partie perdante qui supporte les dépens ainsi qu'énoncé à l'article 696 du code de procédure civile, l'article L.312-1 du code de l'expropriation porte atteinte à l'objectif de garantie d'équilibre des droits des parties et, de facto, à l'existence d'une procédure équitable, exigence constitutionnelle garantie par les articles 6 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.

 

Les époux [H] ont transmis le 17 mars 2023 des conclusions datées du 15 mars 2023 reçues au greffe le 21 mars 2023 et notifiées le jour même à l'EPCI [Localité 17] Agglomération et au commissaire du gouvernement et transmises au Ministère public, aux termes desquelles ils demandent à la cour d'appel de dire n'y avoir lieu à transmettre la question

 

prioritaire de constitutionnalité soulevée et de condamner l'EPCI [Localité 17] Agglomération aux dépens de l'instance et à leur payer 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Ils soutiennent à titre principal que la QPC est trop imprécise pour pouvoir être transmise, en ce qu'elle commence par contester la constitutionnalité de l'article L.312-1 du code de l'expropriation, avant d'énoncer quelques lignes plus bas que l'article L.322-8, alinéa 1er du code de l'urbanisme méconnaît les articles 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) de 1789 en portant une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle, puis de contester ensuite la constitutionnalité de l'article L.312-1 du code de l'expropriation vis à vis des articles 6 et 16 de la DDHC d'une façon extrêmement succincte.

 

Ils considèrent, sur le fond de la demande de transmission pour méconnaissance de l'article 4 de la DDHC ne présente pas de caractère sérieux puisqu'elle n'est pas développée.

 

S'agissant de la demande de transmission pour méconnaissance des articles 6 et 16 de la DDHC, ils soutiennent qu'elle ne présente pas non plus de caractère sérieux, dans la mesure où il est constant que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que la loi prévoie des différences de traitement dès lors qu'elles sont justifiées par des raisons d'intérêt général, et que tel est le cas de la disposition querellée, puisque si l'article L.312-1 du code de l'expropriation crée assurément une différence de traitement entre la partie expropriante et la partie expropriée au titre de la charge des dépens de première instance, cette différence est justifiée par des raisons d'intérêt général, puisque face à une privation forcée de son bien par une personne publique, il est totalement légitime que le propriétaire exproprié bénéficie de garanties procédurales plus favorables que l'expropriant, l'article 17 de la DDHC énonçant que la propriété est un droit inviolable et sacré dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et alors sous la condition d'une juste et préalable indemnité, et que pour faire respecter ce droit dans la pratique, il est nécessaire de permettre aux expropriés de contester devant le juge de l'expropriation l'indemnité unilatéralement fixée par l'expropriant d'autant que la représentation en justice est désormais obligatoire, de sorte que cette disposition corrige le déséquilibre entre l'autorité expropriante et le propriétaire exproprié qui est intrinsèque à la procédure d'expropriation, et qu'elle répond ainsi à un objectif de satisfaction de l'intérêt général.

 

Le commissaire du gouvernement a transmis des conclusions sur QPC datées du 14 mars 2023 qui ont été reçues au greffe le 20 mars 2023 et notifiées le jour-même, exprimant l'avis que le dispositif de l'article L.312-1 du code de l'expropriation ne porte ni atteinte à l'équilibre entre les parties au procès, ni au principe d'égalité, dès lors qu'en matière d'expropriation, l'exproprié n'est pas demandeur et que les dépens doivent donc à bon droit être supportés par la partie expropriante.

 

Par conclusions rectificatives et complémentaires déposées au greffe de la cour le 21 mars 2023, l'EPCI [Localité 17] Agglomération a supprimé la référence à l'article L.322-8, alinéa 1er du code de l'urbanisme et à l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et à l'atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle que contenait son mémoire demandant de transmettre la QPC et indiqué que celle-ci était ainsi formulée :

 

'L'article L.312-1 du code de l'expropriation, en tant qu'il impose à l'expropriant la charge exclusive des dépens, en lui interdisant par conséquent, de manière générale et absolue, toute perspective tenant au bénéfice des frais irrépétibles, devant la juridiction de l'expropriation de première instance, porte-t'il une atteinte

 

disproportionnée aux articles 6 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, en tant qu'ils protègent les droits de la défense et le principe d'égalité, qui impliquent l'existence d'une procédure juste et équitable, garantissant l'équilibre des parties ''.

 

Il fait valoir en réponse aux conclusions adverses sur QPC que c'est au juge et non au législateur d'apprécier l'allocation d'une indemnité pour frais irrépétibles ; que la procédure d'expropriation ne présente aucune spécificité qui justifierait une condamnation systémique de l'expropriant aux dépens ; et qu'il ne faut pas perdre de vue que c'est le refus injustifié par les expropriés de l'indemnité offerte qui a contraint l'expropriant à engager l'instance.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION :

 

Conformément à l'article 126-1 du code de procédure civile, la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et aux dispositions prévues des articles 126-1 à 126-7 du code de procédure civile.

 

La demande faite à cette cour par l'EPCI [Localité 17] Agglomération de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation est présentée dans un écrit distinct de ses conclusions, et motivé, comme requis par l'article 126-3 du code de procédure civile.

 

Elle est ainsi recevable.

 

La question qu'il est demandé de transmettre est donc celle-ci :

 

'L'article L.312-1 du code de l'expropriation, en tant qu'il impose à l'expropriant la charge exclusive des dépens, en lui interdisant par conséquent, de manière générale et absolue, toute perspective tenant au bénéfice des frais irrépétibles, devant la juridiction de l'expropriation de première instance, porte-t'il une atteinte disproportionnée aux articles 6 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, en tant qu'ils protègent les droits de la défense et le principe d'égalité, qui impliquent l'existence d'une procédure juste et équitable, garantissant l'équilibre des parties ''.

 

L'article L.312-1 du code de l'expropriation sur lequel porte la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité dispose :

 

'L'expropriant supporte seul les dépens de première instance'.

 

Il s'agit bien d'une disposition de nature législative.

 

Selon l'article 23-2 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, la juridiction transmet sans délai la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation si les conditions suivantes sont remplies :

 

1°) La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites

 

2°) Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances

 

3°) La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

 

L'article L.312-1 du code de l'expropriation fonde la mise des dépens à la charge de l'EPCI [Localité 17] Agglomération décidée en première instance par le juge de l'expropriation dans le jugement déféré à la cour, en un chef de décision dont ledit EPCI forme appel incident, de sorte que cette disposition est directement applicable au litige.

 

Cette disposition législative n'a pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, de sorte que la question prioritaire de constitutionnalité qu'il est demandé à cette cour de transmettre présente bien un caractère nouveau.

 

Elle ne présente pas de caractère sérieux.

 

Si la disposition considérée crée certes une disparité entre les parties devant la juridiction de l'expropriation de première instance, en ce qu'elle fait peser la charge des dépens sur l'expropriant quelle que soit la teneur de la décision rendue, et qu'elle fait donc aussi en cela obstacle à toute possibilité pour l'expropriant de se voir attribuer l'indemnité pour frais irrépétibles dont l'article 700 du code de procédure civile prévoit par principe l'allocation à la partie non tenue aux dépens, cette différence de traitement se justifie par la circonstance que le juge de l'expropriation n'est pas saisi pour trancher un litige dans lequel une partie peut être regardée comme succombante mais, ainsi que le prévoit l'article L.311-5 du code de l'expropriation, afin de fixer, lorsqu'ils se sont pas accordés sur le montant, l'indemnité due à l'exproprié au profit d'une autorité qui a le pouvoir de le priver de sa propriété pour un motif d'utilité publique.

 

L'expropriante devant saisir le juge de l'expropriation lorsque ses offres n'ont pas été acceptées, et l'exproprié ne pouvant en vertu de l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 être privé de sa propriété que sous la condition d'une juste et préalable indemnité, la disposition querellée, en ce qu'elle met systématiquement les frais de l'instance à la charge de l'expropriante, a pour objet, et pour effet, de permettre à l'exproprié de présenter son chiffrage de l'indemnité qui lui est due sans craindre de devoir en supporter les frais devant le juge de l'expropriation obligatoirement saisi, juge judiciaire garant du caractère juste et équitable de la procédure, de sorte que cette disposition corrige le déséquilibre entre l'autorité expropriante et le propriétaire exproprié qui est intrinsèque à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, et que la disparité de traitement qu'elle implique répond ainsi à un objectif de satisfaction de l'intérêt général.

 

Il ne peut être sérieusement soutenu dans ces conditions qu'elle puisse être regardée comme portant une atteinte disproportionnée aux articles 6 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, en tant qu'ils protègent les droits de la défense et le principe d'égalité, qui impliquent l'existence d'une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des parties.

 

Ainsi, la question ne présente pas un caractère sérieux, et il n'y a donc pas lieu de la transmettre à la Cour de cassation.

 

L'EPCI [Localité 17] Agglomération supportera les dépens de la présente instance et versera une indemnité de procédure aux époux [H] par application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

PAR CES MOTIFS :

 

DIT que la question prioritaire de constitutionnalité que l'EPCI [Localité 17] Agglomération demande de transmettre à la Cour de cassation n'est pas sérieuse

 

DIT n'y avoir lieu en conséquence à la transmettre

 

CONDAMNE l'EPCI [Localité 17] Agglomération aux dépens de la présente instance sur question prioritaire de constitutionnalité

 

LA CONDAMNE à payer aux époux [H], ensemble, la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,