Cour d'Appel de Rouen

Arrêt du 5 mai 2023 n° 20/02187

05/05/2023

Autre

N° RG 20/02187 - N° Portalis DBV2-V-B7E-IQGA

 

COUR D'APPEL DE ROUEN

 

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

 

SECURITE SOCIALE

 

ARRET DU 05 MAI 2023

 

DÉCISION DÉFÉRÉE :

 

17/00418

 

Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D'[Localité 3] du 02 Avril 2020

 

APPELANT :

 

Monsieur [E] [G]

 

[Adresse 2]

 

[Localité 4]

 

représenté par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN substitué par Me Benjamin JOUBERT, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMEE :

 

[5]

 

[Adresse 1]

 

[Localité 3]

 

représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN

 

COMPOSITION DE LA COUR  :

 

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 09 Mars 2023 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.

 

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

 

Madame BIDEAULT, Présidente

 

Madame ROGER-MINNE, Conseillère

 

Madame DE BRIER, Conseillère

 

GREFFIER LORS DES DEBATS :

 

M. CABRELLI, Greffier

 

DEBATS :

 

A l'audience publique du 09 Mars 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 05 Mai 2023

 

ARRET :

 

CONTRADICTOIRE

 

Prononcé le 05 Mai 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

 

signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.

 

* * *

 

FAITS ET PROCÉDURE :

 

A la suite de contrôles de l'activité de médecin généraliste du Dr [E] [G] portant sur la période du 1er mai 2013 au 30 avril 2015 (contrôle administratif) et sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 (contrôle médical), la [5] ([6]) de l'Eure lui a notifié un indu d'un montant total de 30 768,90 euros ainsi qu'une pénalité financière de 15 000 euros.

 

M. [G] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Eure en contestation de la pénalité financière.

 

Parallèlement, il a contesté l'indu en saisissant la commission de recours amiable (la [7]) de la caisse. Dans le silence de celle-ci, valant décision implicite de rejet, il a saisi le pôle social du tribunal de grande instance d'Evreux. La [7] ayant finalement rejeté expressément son recours lors de sa séance du 19 octobre 2017, il a contesté ce refus explicite devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de l'Eure.

 

Par jugement du 2 avril 2020, le pôle social du tribunal judiciaire d'Evreux a :

 

- déclaré recevable en la forme la question prioritaire de constitutionnalité posée par M. [G],

 

- dit n'y avoir lieu à transmettre cette question à la Cour de cassation pour défaut de caractère sérieux,

 

- ordonné la jonction des procédures,

 

- débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes,

 

- condamné M. [G] à payer à la caisse la somme de 15 000 euros au titre de la pénalité financière,

 

- condamné M. [G] à payer à la caisse la somme de 13 841,53 euros au titre de l'indu résultant du contrôle opéré par le service médical pour l'année 2013,

 

- condamné M. [G] à payer à la caisse la somme de 16 927,37 euros au titre de l'indu résultant du contrôle administratif sur la période du 1er mai 2013 au 30 avril 2015,

 

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

 

- condamné M. [G] aux dépens nés après le 1er janvier 2019.

 

M. [G] en a relevé appel le 10 juillet 2020.

 

Par conclusions remises le 8 mars 2023, M. [G] a soulevé une question prioritaire de constitutionnalité concernant l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale modifié par la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 en son article 3, servant de fondement à la pénalité financière infligée (QPC enregistrée sous le numéro RG 23/00894).

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

 

Par conclusions remises le 22 février 2023, soutenues oralement à l'audience, M. [G] demande à la cour de rejeter la demande de reconnaissance de péremption de l'instance, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de :

 

- déclarer la procédure de recouvrement de pénalités financières irrégulière,

 

- déclarer prescrite la créance exigée par la caisse au titre du contrôle administratif,

 

- déclarer la procédure de contrôle administratif engagée par la caisse irrégulière,

 

- écarter la notification de créance intervenue le 11 avril 2017 au titre de pénalités financières,

 

- écarter la notification de créance intervenue le 12 avril 2017 au titre du contrôle administratif et du contrôle médical de la caisse,

 

- écarter la décision de la [7] du 19 octobre 2017,

 

- condamner la caisse à verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Par conclusions remises le 8 mars 2023, soutenues oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de :

 

- déclarer périmée l'instance d'appel.

 

- à défaut pour la cour de dire bien fondé le moyen tiré de la péremption, renvoyer le dossier pour lui permettre de répliquer aux conclusions de l'appelant.

 

- subsidiairement, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [G] de son recours à l'encontre de ses décisions au titre des indus et au titre de la pénalité financière,

 

- en tant que de besoin, condamner M. [G] à lui payer les sommes suivantes : 15 000 euros au titre de la pénalité financière, 13 841,53 euros au titre de l'indu résultant du contrôle opéré par le service médical pour l'année 2013, 16 927,37 euros au titre de l'indu résultant du contrôle administratif sur la période du 1er mai 2013 au 30 avril 2015.

 

- débouter M. [G] de ses demandes,

 

- condamner M. [G] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

 

- condamner M. [G] aux dépens nés après le 1er janvier 2019.

 

Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens et arguments.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION :

 

I. Sur la péremption de l'instance

 

La caisse fait valoir que M. [G] n'a pas effectué de diligences dans les deux ans suivant l'appel du 15 juillet 2020, s'étant abstenu de notifier ses conclusions et de communiquer ses pièces dans ce délai, de sorte que la péremption est acquise, étant précisé qu'elle est régie par ses dispositions de droit commun de l'article 386 du code de procédure civile et que plus de deux années se sont écoulées depuis l'abrogation de l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale. Elle estime que le caractère oral de la procédure est sans incidence sur l'obligation faite aux parties de faire connaître leur argumentation avant l'audience pour respecter les règles imposées par l'article 16 du code de procédure civile.

 

M. [G] soutient que si l'article 386 du code de procédure civile est bien applicable, pour autant le délai de péremption ne saurait courir à compter du 1er janvier 2019 puisque la déclaration d'appel a été effectuée le 15 juillet 2020. Il considère qu'aucune diligence n'avait à être accomplie puisque la procédure est orale. Il ajoute qu'il ne saurait être sanctionné à raison de l'écoulement de plus de deux ans entre la date de l'appel et la communication de l'avis d'audience le 29 juillet 2022, cette absence de célérité étant la conséquence directe de l'encombrement notoire des greffes des juridictions françaises, et le raisonnement de la caisse constituant une atteinte manifeste au droit au procès équitable garanti par les dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme.

 

Sur ce :

 

Selon les dispositions de droit commun de l'article 386 du code de procédure civile, applicables depuis le 1er janvier 2019 à l'instance d'appel y compris en matière de contentieux de la sécurité sociale, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

 

Il est admis que constitue une « diligence » au sens de l'article 386 précité toute action manifestant la volonté des parties de poursuivre l'instance et de faire avancer le procès.

 

Si en procédure orale, les parties n'ont pas l'obligation de conclure, il leur appartient à tout le moins, si elles n'entendent pas le faire, de manifester leur intention de poursuivre l'instance en demandant la fixation de l'affaire à une audience, quelles que soient au demeurant les chances de succès d'une telle demande, et, si au contraire elles entendent conclure, de le faire en temps voulu.

 

La péremption de l'instance, qui tire les conséquences de l'absence de diligences des parties en vue de voir aboutir le jugement de l'affaire et poursuit un but légitime de bonne administration de la justice et de sécurité juridique afin que l'instance s'achève dans un délai raisonnable, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable et ne méconnait donc pas les exigences de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

 

En l'espèce, dès lors que M. [G] a relevé appel le 10 juillet 2020, que les parties ont conclu au plus tôt le 29 novembre 2022 et seulement après avoir été convoquées à l'audience par lettre du 29 juillet 2022, l'instance d'appel est périmée.

 

Suivant l'article 390 du code de procédure civile, la péremption en cause d'appel confère au jugement la force de chose jugée.

 

II. Sur les frais du procès

 

L'appelant est condamné aux dépens, conformément aux dispositions de l'article 393 du code de procédure civile, et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Il est par ailleurs condamné à payer à la caisse la somme de 500 euros sur ce fondement.

 

PAR CES MOTIFS

 

La cour, statuant par arrêt rendu publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

 

Constate la péremption de l'instance d'appel,

 

Rappelle que cette péremption confère force de chose jugée au jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evreux le 2 avril 2020,

 

Condamne M. [E] [G] aux dépens de l'instance d'appel,

 

Déboute M. [G] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

 

Condamne M. [G] à payer à la [5] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

LE GREFFIER LA PRESIDENTE