Tribunal administratif d'Orléans

Jugement du 4 mai 2023 n° 2201041

04/05/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2022, Mme C A, représentée par Me Guyon, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 7 mars 2022 par laquelle la directrice du centre hospitalier de Nogent-le-Rotrou l'a suspendue de ses fonctions à compter du 10 mars 2022 jusqu'à production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination et a interrompu le versement de sa rémunération durant cette période ;

2°) à titre principal, d'enjoindre au centre hospitalier de Nogent-le-Rotrou de procéder à sa réintégration et au versement de sa rémunération, dans tous ses éléments et accessoires, depuis le 10 mars 2022 ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au centre hospitalier de Nogent-le-Rotrou de réexaminer sa situation et de procéder au versement de sa rémunération, dans tous ses éléments et accessoires, depuis le 10 mars 2022 ;

4°) d'assortir cette injonction d'une astreinte de 400 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Nogent-le-Rotrou une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'incompétence dès lors que la qualité d'autorité de nomination n'implique pas la compétence pour adopter une décision de suspension sans rémunération ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît la procédure disciplinaire instituée par l'article 82 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- elle méconnaît les droits de la défense applicables en matière de sanction disciplinaire ;

- elle constitue une sanction disciplinaire déguisée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- elle méconnaît l'article 81 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 en ce qu'elle inflige une sanction non prévue par les textes ;

- elle constitue une mesure de police administrative illégale dès lors qu'elle est disproportionnée, non nécessaire et trop générale et absolue ;

- elle est entachée d'une erreur de fait en ce que la preuve du constat de l'impossibilité d'exercice de son activité n'est pas rapportée ;

- la mesure porte atteinte au principe de continuité du service public hospitalier ;

- la décision contestée méconnaît le principe d'égalité ;

- elle constitue une discrimination contraire à l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à l'article 1er du protocole additionnel n° 12 à cette convention et au règlement n° 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 ;

- elle méconnaît les articles 2, 5 et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le droit à la santé ;

- elle méconnaît le droit au respect de l'intégrité physique et le droit au respect du corps humain protégés par la Constitution ;

- elle méconnaît le principe de précaution protégé par l'article 5 de la charte de l'environnement ;

- la décision méconnaît le droit au respect du secret médical puisqu'elle révèle nécessairement un échange d'informations préalables protégées par ce secret ;

- elle méconnaît la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2023, le centre hospitalier de Nogent-le-Rotrou, représenté par Me Martin-Sol et Me Gillotin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le centre hospitalier fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention d'Oviedo du 4 avril 1997 ;

- le règlement 2021/953 du 14 juin 2021 ;

- la directive 2001/20/CE du 4 avril 2001 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 16 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 21-1059 du 7 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B,

- les conclusions de Mme Palis De Koninck, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gillotin, représentant le centre hospitalier de Nogent-le-Rotrou.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C A, recrutée par le centre hospitalier de Nogent-le-Rotrou depuis le 5 mai 2003, exerce les fonctions d'aide-soignante. Par une décision du 7 mars 2022, la directrice de cet établissement l'a suspendue de ses fonctions à compter du 10 mars 2022 et jusqu'à la présentation d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination répondant aux conditions définies par le décret du 7 août 2021, et a suspendu le versement de sa rémunération durant cette période. Mme A demande au tribunal d'annuler cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : 1° Les personnes exerçant leur activité dans : a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code () ".

3. Aux termes de l'article 13 de cette loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. Avant la fin de validité de ce certificat, les personnes concernées présentent le justificatif prévu au premier alinéa du présent 1°. Un décret détermine les conditions d'acceptation de justificatifs de vaccination, établis par des organismes étrangers, attestant de la satisfaction aux critères requis pour le certificat mentionné au même premier alinéa ; 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. Ce certificat peut, le cas échéant, comprendre une date de validité. II.-A.- Sans qu'y fasse obstacle l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, le contrôle du respect de l'obligation prévue au I du présent article est assuré :1° En ce qui concerne les salariés et les agents publics mentionnés au I de l'article 12, par leur employeur ;() III. - Le certificat médical de contre-indication mentionné au 2° du I du présent article peut être contrôlé par le médecin conseil de l'organisme d'assurance maladie auquel est rattachée la personne concernée. Ce contrôle prend en compte les antécédents médicaux de la personne et l'évolution de sa situation médicale et du motif de contre-indication, au regard des recommandations formulées par les autorités sanitaires. / IV. - Les employeurs et les agences régionales de santé peuvent conserver les résultats des vérifications de satisfaction à l'obligation vaccinale contre la covid-19 opérées en application du deuxième alinéa du II, jusqu'à la fin de l'obligation vaccinale. / Les employeurs et les agences régionales de santé s'assurent de la conservation sécurisée de ces documents et, à la fin de l'obligation vaccinale, de la bonne destruction de ces derniers. () ".

4. Aux termes de l'article 14 de cette loi : " I. - A. - A compter du lendemain de la publication de la présente loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 ou le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. / B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. () III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. / La dernière phrase du deuxième alinéa du présent III est d'ordre public. Lorsque le contrat à durée déterminée d'un agent public non titulaire est suspendu en application du premier alinéa du présent III, le contrat prend fin au terme prévu si ce dernier intervient au cours de la période de suspension. () ".

En ce qui concerne les moyens tirés de l'inconstitutionnalité de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 :

5. Aux termes de l'article R. 771-3 du code de justice administrative : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé, conformément aux dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoire distinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, portent la mention : " question prioritaire de constitutionnalité ". Aux termes de l'article R. 771-4 du même code : " L'irrecevabilité tirée du défaut de présentation, dans un mémoire distinct et motivé, du moyen visé à l'article précédent peut être opposée sans qu'il soit fait application des articles R. 611-7 et R. 612-1 ".

6. Si Mme A soutient que la décision contestée méconnaît les articles 1er, 4 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le droit à la santé énoncé à l'article 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 5 de la charte de l'environnement ainsi que les principes constitutionnels de la liberté d'entreprendre et de la continuité du service public, elle conteste en réalité le principe même de l'obligation vaccinale posé par la loi du 5 août 2021. Or, ces moyens tirés de l'inconstitutionnalité de cette loi n'ont pas été présentés dans un mémoire distinct conformément aux dispositions précitées. Ils sont par suite irrecevables et ne peuvent dès lors qu'être écartés.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'inconventionnalité de la loi du 5 août 2021 :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Le droit à l'intégrité physique fait partie du droit au respect de la vie privée au sens des stipulations de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, telles que la Cour européenne des droits de l'homme les interprète. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit, qui peut être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l'article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter.

9. L'article 12 de la loi du 5 août 2021 a défini le champ de l'obligation de vaccination contre la covid-19 en retenant, notamment, un critère géographique pour y inclure les personnes exerçant leur activité dans un certain nombre d'établissements, principalement les établissements de santé et les établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'un critère professionnel pour y inclure les professionnels de santé afin, à la fois, de protéger les personnes accueillies par ces établissements qui présentent une vulnérabilité particulière au virus de la covid-19 et d'éviter la propagation du virus par les professionnels de la santé dans l'exercice de leur activité qui, par nature, peut les conduire à soigner des personnes vulnérables ou ayant de telles personnes dans leur entourage. Mme A ne remet pas en cause le très large consensus scientifique selon lequel la vaccination contre la covid-19 prémunit contre les formes graves de contamination. Quand bien même celle-ci ne diminuerait que modérément le risque de transmission du virus, elle présente des effets indésirables limités au regard de son efficacité. Il s'ensuit que l'obligation vaccinale pesant sur le personnel exerçant dans un établissement de santé, qui ne saurait être regardée comme incohérente et disproportionnée au regard de l'objectif de santé publique poursuivi, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. ".

11. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les vaccins contre la covid-19 administrés en France ont fait l'objet d'une autorisation conditionnelle de mise sur le marché de l'Agence européenne du médicament, qui procède à un contrôle strict des vaccins afin de garantir que ces derniers répondent aux normes européennes en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité et soient fabriqués et contrôlés dans des installations agréées et certifiées. Contrairement à ce qui est soutenu, les vaccins ne sauraient dès lors être regardés comme en phase expérimentale. D'autre part, si la requérante fait valoir que la limitation des possibilités de contre-indications individuelles, qui résulte des dispositions contestées, porterait une atteinte potentielle à ce droit, compte tenu des risques révélés par les données de pharmacovigilance, de tels éléments ne sont pas de nature à caractériser un danger de cette nature. Est par suite inopérant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 de la convention précitée.

12.En troisième lieu, si Mme A soutient que l'obligation vaccinale porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, garantie par l'article 16 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il résulte de ce qui a été dit que le législateur a opéré une conciliation équilibrée entre, d'une part, le droit pour chacun d'obtenir un emploi et les libertés d'entreprendre et du commerce et de l'industrie et, d'autre part, l'objectif de protection de la santé. Par suite, le moyen doit être écarté.

13. En quatrième lieu, au regard de ce qui a été dit, les dispositions de la loi du 5 août 2021 ne créent aucune discrimination prohibée par les articles 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du protocole n° 12 annexé à cette convention, ni davantage par le règlement n° 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

14. En cinquième lieu, Mme A ne saurait utilement invoquer la méconnaissance de l'article 5 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui consacre le droit à la liberté et à la sureté, et n'est pas applicable au présent litige. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens tirés de la contrariété de la loi du 5 août 2021 à d'autres normes de même nature :

15. Si Mme A invoque la contrariété de la décision en litige aux articles 16-1 et 16-3 du code civil, à l'article L. 110-1 du code de l'environnement et à l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, il ressort de ses écritures qu'elle conteste en réalité dans son principe, l'obligation vaccinale prévue par les dispositions de la loi du 5 août 2021. Ainsi, Mme A ne peut invoquer la contrariété de cette loi aux articles précités, qui n'ont pas un rang inférieur au sien dans la hiérarchie des normes, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la cohésion des dispositions législatives entre elles ni de se prononcer sur l'opportunité de leur contenu.

En ce qui concerne les autres moyens de la requête :

16. En premier lieu, aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique : " () Le directeur exerce son autorité sur l'ensemble du personnel dans le respect des règles déontologiques ou professionnelles qui s'imposent aux professions de santé, des responsabilités qui sont les leurs dans l'administration des soins et de l'indépendance professionnelle du praticien dans l'exercice de son art () ". En l'espèce, la décision a été signée par Mme D, directrice du centre hospitalier de Nogent-le-Rotrou. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision attaquée a été signée par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté.

17. En deuxième lieu, Mme A soutient que la décision du 10 mars 2022 par laquelle la directrice du centre hospitalier de Nogent-le-Rotrou l'a suspendue de ses fonctions sans traitement, jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination, qui constitue une sanction, est irrégulière car elle n'a pas bénéficié des garanties de la procédure disciplinaire ni de la procédure contradictoire en méconnaissance du principe constitutionnel des droits de la défense. Toutefois, il résulte du B de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, qu'à compter du 15 septembre 2021, les personnes exerçant leur activité en particulier dans les établissements de santé ne peuvent plus exercer leurs fonctions : " si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 ". Par suite, lorsque l'autorité administrative suspend le contrat de travail d'un agent public qui ne satisfait pas à cette obligation et interrompt, en conséquence, le versement de son traitement, elle ne prononce pas une sanction à raison d'un éventuel manquement ou agissement fautif commis par cet agent mais se borne à constater que l'agent ne remplit plus les conditions légales pour exercer son activité. Dès lors, les moyens soulevés par Mme A, tirés de la méconnaissance de l'article 82 de la loi du 9 janvier 1986, de ce que la mesure est une sanction disciplinaire déguisée et de la méconnaissance de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986, sont inopérants et doivent être écartés.

18. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : () 2° Infligent une sanction () ". Au regard de ce qui a été dit précédemment, dès lors que la décision de suspension de fonctions en litige n'est pas une sanction, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2e de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ne peut qu'être écarté.

19. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 121-2 de ce même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1, en tant qu'elles concernent les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ne sont pas applicables aux relations entre l'administration et ses agents ". Il résulte de ces dispositions que la procédure contradictoire préalable prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable aux agents publics. Par suite, ce moyen, inopérant, doit être écarté.

20. En cinquième lieu, en prononçant sur le fondement de la loi du 5 août 2021 la mesure contestée, qui n'est pas une sanction disciplinaire, la directrice du centre hospitalier de Nogent-le-Rotrou, n'a pas fait application de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983. Il suit de là que Mme A ne peut utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de cet article. Le moyen doit, par suite, être écarté comme inopérant.

21. En sixième lieu, la décision contestée, qui est une mesure de suspension d'un agent public ne satisfaisant pas aux obligations légales prévues par la loi du 5 août 2021, n'a pas le caractère d'une mesure de police administrative. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, qui est inopérant, doit être écarté.

22. En septième lieu, il ressort des dispositions précitées de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 qu'il appartient à l'agent public, soumis à l'obligation vaccinale, de présenter à son employeur les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 de cette même loi. Contrairement à ce que soutient Mme A, il n'incombait donc pas à l'administration de procéder à la réalisation de formalités, telle que la production d'un rapport, avant de prendre sa décision de suspension de fonctions. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que Mme A a notamment été reçue en entretien individuel le 7 mars 2022. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'un vice de procédure doit être écarté.

23. En huitième lieu, il résulte de ce qui a été énoncé au point 9 que la décision de suspension sans traitement prise à l'encontre de Mme A sur le fondement des articles 12 à 14 de la loi du 5 août 2021 n'est pas disproportionnée au regard de l'objectif de santé publique qu'elle poursuit.

24. En neuvième et dernier lieu, si Mme A soutient que l'intervention de la décision en litige révèle nécessairement un échange d'informations protégées par le secret médical, les dispositions de l'article 13 de la loi du 5 août 2021 attribuent aux employeurs le pouvoir de contrôler le respect de l'obligation vaccinale prévue au I de l'article 12 de cette même loi par les personnes placées sous leur responsabilité, dont Mme A. Ainsi, le centre hospitalier de Nogent-le-Rotrou, employeur de la requérante, pouvait sans méconnaître le secret médical contrôler le respect par cette dernière de l'obligation vaccinale à laquelle elle est assujettie. Le moyen doit donc être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 7 mars 2022 doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

26. Le présent jugement qui rejette les conclusions à fin d'annulation n'implique aucune mesure d'exécution particulière. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent dès lors être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitaliers de Nogent-le-Rotrou, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme A au titre des frais engagés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A la somme demandée par le centre hospitalier de Nogent-le-Rotrou sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Nogent-le-Rotrou tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme C A et au centre hospitalier de Nogent-le-Rotrou.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Rouault-Chalier, présidente,

M. Viéville, premier conseiller,

M. Nehring, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2023.

Le rapporteur,

Sébastien VIEVILLE

La présidente,

Patricia ROUAULT-CHALIER

La greffière,

Emilie DEPARDIEU

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

C