Tribunal administratif d'Orléans

Jugement du 4 mai 2023 n° 2104266

04/05/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 26 novembre 2021, Mme E A épouse B, représentée par Me Mongis, demande au tribunal :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler la décision du 28 septembre 2021 par laquelle la directrice générale du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours l'a suspendue de ses fonctions, sans rémunération, à compter du 1er octobre 2021 jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination répondant aux conditions définies par le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;

3°) d'enjoindre au CHRU de Tours de la réintégrer dans ses fonctions dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au CHRU de Tours de rétablir le versement de sa rémunération dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) d'enjoindre au CHRU de Tours de lui verser la rémunération à laquelle elle a droit depuis le 1er octobre 2021 dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

6°) d'enjoindre au CHRU de Tours d'assimiler la période de suspension de ses fonctions, à compter du 1er octobre 2021, à une période de travail effectif pour la détermination de ses congés payés ainsi que pour ses droits acquis au titre de son ancienneté et de prendre en compte cette même période au titre de son avancement et des droits à la retraite, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement à intervenir ;

7°) de mettre à la charge du CHRU de Tours le versement à son conseil de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;

- cette décision, qui revêt le caractère d'une sanction disciplinaire, a été édictée sans respect d'une procédure contradictoire conformément aux dispositions des articles 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et des articles 81 et suivants de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- elle a été édictée sans qu'elle ait été informée ou convoquée à un entretien avec sa hiérarchie pour envisager les moyens de régulariser sa situation comme le prévoit le premier alinéa du III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 dès lors que le centre hospitalier ne pouvait valablement considérer à la date du 13 septembre 2021 qu'elle ne pouvait plus exercer son activité, alors même que ces dispositions prévoyaient la possibilité de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid-19 jusqu'au 14 septembre 2021 inclus ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 dès lors qu'elle se trouvait en congé de maladie.

Par un mémoire distinct, enregistré le 2 février 2022, Mme B demande au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles 12-I et II, 13 et 14-I-B de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021.

Elle soutient que :

- les dispositions contestées sont applicables au litige et l'examen de leur conformité à la Constitution présente un caractère nouveau ;

- les dispositions contestées portent atteinte aux principes d'égalité, de respect de la dignité de la personne humaine, d'inviolabilité du corps humain, de respect de la vie privée, ainsi qu'à la liberté de conscience et au droit à l'emploi.

Par un mémoire, enregistré le 16 février 2022, le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours, représenté par Me Tertrais, conclut à la non-transmission de la question prioritaire de constitutionnalité et à ce que soit mise à la charge de Mme B la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le CHRU soutient que la question posée par Mme B ne présente pas de caractère sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2022, le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours, représenté par Me Tertrais, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le CHRU soutient que les moyens invoqués par Mme B ne sont pas fondés.

La demande d'aide juridictionnelle de Mme B a été rejetée par une décision du 14 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F,

- les conclusions de Mme Palis De Koninck, rapporteure publique,

- et les observations de Me Mongis, représentant Mme B et de Me Gobé, substituant Me Tertrais, représentant le CHRU de Tours.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E B occupe les fonctions d'aide-soignante titulaire au sein du service pneumologie HC du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours. Par une décision du 28 septembre 2021, la directrice générale de l'établissement l'a suspendue de ses fonctions, sans rémunération, à compter du 1er octobre 2021 jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination. Mme B sollicite, par la requête ci-dessus analysée, l'annulation de cette décision.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. La demande d'aide juridictionnelle de Mme B a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 janvier 2022. Les conclusions de la requérante tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont, par suite, devenues sans objet et il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

4. Mme B soutient que les dispositions des articles 12, 13 et 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 sont contraires aux principes d'égalité, d'inviolabilité du corps humain, de sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation, ainsi qu'au respect de la vie privée et de la liberté de conscience et au droit à l'emploi.

5. Toutefois, par une décision n° 457879 du 28 janvier 2022, le Conseil d'Etat a rejeté la demande de transmission au Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur ces mêmes dispositions. Il a été retenu, d'une part, que la question prioritaire de constitutionnalité, en ce qu'elle met en cause l'article 14 de la loi n° 2021-1040 est dépourvue de caractère sérieux quant à l'atteinte au droit à l'emploi garanti par l'alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946 et, d'autre part, que les dispositions de l'article 12 de cette même loi sont justifiées par une exigence de santé publique et ne portent pas atteinte au principe d'égalité, à l'exigence constitutionnelle de protection de la santé garantie par le Préambule de la Constitution de 1946, à l'inviolabilité du corps humain et au principe constitutionnel de respect de la dignité de la personne humaine.

6. Par ailleurs, les dispositions de l'article 13 de la loi n° 2021-1040 ne font que préciser les conditions d'application de l'obligation vaccinale prévue par l'article 12 de cette même loi.

7. Enfin, s'agissant de l'atteinte à la liberté de conscience, le principe posé par les dispositions du cinquième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère la Constitution du 4 octobre 1958, aux termes desquelles : " () Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances " découle du principe d'égalité. Or, le principe d'égalité garanti par les dispositions constitutionnelles précitées ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il y soit dérogé pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. En admettant même que l'abstention de la requérante de se faire vacciner soit motivée par une opinion ou une croyance, l'interdiction d'exercer critiquée, qui résulte de la situation de contact avec les patients, qui plus est dans des conditions facilitant la contamination, est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'institue, à savoir la protection de la santé, ainsi qu'il a été dit plus haut. Par ailleurs, et en tout état de cause, si l'autorisation de mise sur le marché délivrée aux vaccins est conditionnelle, il ne s'ensuit pas pour autant que la vaccination obligatoire aurait le caractère d'une expérimentation médicale ou d'un essai clinique, lesquels au surplus obéissent à d'autres fins. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait la liberté de conscience ne peut qu'être écarté dans toutes ses branches.

8. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil d'Etat pour transmission au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme B.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

9. En premier lieu, par une décision du 15 juillet 2021, Mme G, directrice générale du CHRU de Tours, a délégué sa signature à M. D C, directeur des ressources humaines, aux fins de signer les actes de gestion du personnel relevant du titre IV du statut général de la fonction publique hospitalière y compris les assignations au travail et pour tous les actes de gestion administrative courant de sa direction fonctionnelle à l'exception de décisions dont ne relève pas la décision attaquée. Le moyen tenant à l'incompétence du signataire de la décision attaquée est par suite écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique () ".

11. Aux termes du I de l'article 13 de cette même loi : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. Avant la fin de validité de ce certificat, les personnes concernées présentent le justificatif prévu au premier alinéa du présent 1°. / () 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. Ce certificat peut, le cas échéant, comprendre une date de validité ".

12. Et aux termes de l'article 14 de la même loi : " I. - A. - A compter du lendemain de la publication de la présente loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 ou le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. () III - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit () ".

13. La requérante soutient que la décision attaquée a le caractère d'une sanction et a été édictée en méconnaissance des garanties disciplinaires prévues à l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 et des articles 81 et suivants de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986. Cependant, la mesure de suspension sans rémunération que l'employeur met en œuvre lorsqu'il constate que l'agent public concerné ne peut plus exercer son activité en application du I de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, s'analyse comme une mesure de gestion des agents publics prise dans l'intérêt de la santé publique destinée à lutter contre la propagation de l'épidémie de Covid-19 dans un objectif de maîtrise de la situation sanitaire, et n'a pas vocation à sanctionner un éventuel manquement ou agissement fautif commis par cet agent, qui demeure par ailleurs soumis aux dispositions relatives aux droits et obligations conférés aux agents publics. Par suite, lorsque l'autorité administrative suspend le contrat de travail d'un agent public qui ne satisfait pas à cette obligation et interrompt, en conséquence, le versement de son traitement, elle ne prononce pas une sanction mais se borne à constater que l'agent ne remplit plus les conditions légales pour exercer son activité. Le moyen est par suite écarté.

14. En troisième lieu, Mme B soutient que le CHRU de Tours n'était pas en capacité de constater qu'elle ne remplissait pas ses obligations vaccinales à la date du 13 septembre 2021, et que l'établissement hospitalier ne l'a, en tout état de cause, pas informée des conséquences qu'emporterait cette situation ni des moyens permettant de la régulariser. Cependant, alors que l'obligation vaccinale à laquelle est astreinte la requérante trouvait à s'appliquer dès la publication de la loi du 5 août 2021 en vertu des dispositions précitées du I-A de l'article 14 de cette loi, le CHRU de Tours a valablement pu constater, en se plaçant à la date du 13 septembre 2021, que l'intéressée ne remplissait toujours pas cette obligation ni n'avait justifié faire l'objet d'une contre-indication médicale et la suspendre, pour ce motif, avec effet reporté au 1er octobre 2021 pour tenir compte de son placement en congés annuels et RTT jusqu'au 30 septembre inclus. Dès lors, la circonstance que la décision contestée a été prise antérieurement à cette dernière date est sans incidence sur sa légalité.

15. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que, dès le 16 juillet 2021, la directrice générale du CHRU de Tours a diffusé une note à l'ensemble des personnels de l'établissement les informant de l'état des discussions sur l'obligation vaccinale des soignants. Un courrier du 9 août 2021 a ensuite été adressé à l'ensemble des professionnels du CHRU leur indiquant très précisément les obligations qui seraient les leurs en application de la loi du 5 août 2021 et du décret du 7 août 2021, ainsi que les modalités selon lesquelles ils pouvaient régulariser leur situation. Puis un courrier de rappel du 7 septembre 2021 a été adressé à la requérante dans lequel il lui était demandé de communiquer les documents justifiant de la régularité de sa situation au regard des dispositions précitées et lui exposant, de nouveau, les moyens à sa disposition pour régulariser sa situation. Ce courrier l'avertissait également de la possibilité d'une mesure de suspension. Enfin, la circonstance qu'elle n'aurait pas été convoquée à un entretien doit être écartée alors qu'il ne ressort d'aucune disposition, et notamment pas de la loi du 5 août 2021, qu'une telle obligation était mise à la charge de l'employeur. Le moyen doit, par suite, être écarté dans ses deux branches.

16. En quatrième lieu, aux termes du II de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 visée ci-dessus : " Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les conditions de vaccination contre la COVID-19 des personnes mentionnées au I du présent article. () ". Aux termes de l'article 49-1 du décret 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire dans sa rédaction issue du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 en vigueur à compter du 9 août 2021 : " Hors les cas de contre-indication médicale à la vaccination mentionnés à l'article 2-4, les éléments mentionnés au second alinéa du II de l'article 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 susvisée sont :/1° Un justificatif du statut vaccinal délivré dans les conditions mentionnées au 2° de l'article 2-2 ;/2°Un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3° de l'article 2-2 ;/3° A compter de la date d'entrée en vigueur de la loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus et à défaut de pouvoir présenter un des justificatifs mentionnés aux présents 1° ou 2°, le résultat d'un examen de dépistage, d'un test ou d'un autotest mentionné au 1° de l'article 2-2 d'au plus 72 heures. A compter 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, ce justificatif doit être accompagné d'un justificatif de l'administration d'au moins une des doses d'un des schémas vaccinaux mentionnés au 2° de l'article 2-2 comprenant plusieurs doses./ Les seuls tests antigéniques pouvant être valablement présentés pour l'application du présent 3° sont ceux permettant la détection de la protéine N du SARS-CoV-2./ La présentation de ces documents est contrôlée dans les conditions mentionnées à l'article 2-3. ". La requérante excipe de l'illégalité de l'article 2-2 du décret du 7 août 2021 et soutient qu'à la date de la décision attaquée, la Haute Autorité de santé n'avait rendu aucun avis préalablement à la parution de ce décret, empêchant son entrée en vigueur et, par suite, celle de l'obligation vaccinale pesant sur le personnel médical.

17. Toutefois, le principe de l'obligation vaccinale ne résulte pas du décret en cause, mais uniquement de la loi du 5 août 2021, dont l'article 12 rappelé ci-dessus a institué une obligation de vaccination contre la Covid-19 pour les professionnels au contact direct des personnes les plus vulnérables dans l'exercice de leur activité professionnelle ainsi que pour celles qui travaillent au sein des mêmes locaux, obligation qui s'impose, en particulier, aux professionnels médicaux et paramédicaux exerçant en établissement ou en libéral. Au surplus, il ressort des visas du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire qu'il a été pris suite à deux avis de la Haute Autorité de santé, l'un du 4 août 2021 relatif aux contre-indications à la vaccination contre la Covid-19, et l'autre du 6 août 2021 relatif à l'intégration des autotests de détection antigénique supervisés parmi les preuves justifiant l'absence de contamination par le virus SARS-CoV-2 dans le cadre du passe sanitaire et à l'extension de la durée de validité des résultats négatifs d'un examen de dépistage virologique. Dès lors, l'obligation vaccinale édictée par la loi du 5 août 2021 était entrée en vigueur à la date de la décision litigieuse. Le moyen manque en fait et doit être écarté.

18. En dernier lieu, aux termes de l'article 41 de la loi visée ci-dessus du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : () 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. () ". Il résulte de ces dispositions, combinées avec celles du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 et du III de l'article 14 de cette même loi, citées aux points 10 et 12 du présent jugement, que si le directeur d'un établissement public de santé peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la Covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent en question.

19. En l'espèce, Mme B a été suspendue de ses fonctions à compter du 1er octobre 2021 par une décision du 28 septembre 2021 dès lors qu'elle ne satisfaisait pas à l'obligation vaccinale contre la Covid-19 à laquelle elle est soumise. La requérante était placée en congé annuel du 13 septembre au 30 septembre 2021. Elle établit par la production de ses arrêts de travail qu'elle a ensuite été placée en congé maladie du 1er au 8 octobre 2021, congé qui a été prolongé sans interruption jusqu'au 5 novembre 2021. En revanche, la requérante n'établit pas, ni même n'allègue, que son congé de maladie aurait été prolongé au-delà de cette dernière date. Dès lors, la directrice générale du CHRU de Tours ne pouvait faire entrer en vigueur la décision de suspension de fonctions et de rémunération avant la date à laquelle prenait fin l'arrêt de travail de Mme B.

20. Il résulte de ce qui précède que Mme B n'est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée qu'en tant qu'elle prend effet avant l'expiration de son congé maladie.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

21. Le présent jugement, qui annule la décision du 28 septembre 2021 de la directrice générale du CHRU de Tours en tant qu'elle suspend Mme B de ses fonctions et qu'elle suspend le versement de ses traitements avant l'expiration de son congé maladie, implique nécessairement que l'administration prenne une nouvelle décision rétablissant l'intéressée dans ses droits, y compris à rémunération, pour la période comprise entre le 1er octobre 2021 et le 5 novembre 2021, dans le délai de quinze jours suivant la notification du présent jugement. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

22. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu non plus de faire droit aux conclusions du CHRU de Tours tendant à l'application des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête à fin d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle de Mme B.

Article 2 : La décision de la directrice générale du centre hospitalier régional universitaire de Tours du 28 septembre 2021 est annulée en tant qu'elle prend effet à compter du 1er octobre 2021.

Article 3 : Il est enjoint au centre hospitalier régional universitaire de Tours de prendre une nouvelle décision rétablissant Mme B dans ses droits, y compris à rémunération, durant la période comprise entre le 1er octobre 2021 et le 5 novembre 2021, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent jugement.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B et les conclusions du centre hospitalier régional universitaire de Tours présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme E B et au centre hospitalier régional universitaire de Tours.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Rouault-Chalier, présidente,

M. Viéville, premier conseiller,

M. Nehring, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2023.

Le rapporteur,

Sébastien VIEVILLE

La présidente,

Patricia ROUAULT-CHALIER

La greffière,

Emilie DEPARDIEU

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

C