Tribunal administratif de Toulon

Jugement du 4 mai 2023 n° 2100404

04/05/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 février 2021, M. A B, représenté par Me Planchat, demandent au tribunal :

1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- dans la proposition de rectification du 29 octobre 2010, l'administration ne lui a pas précisé qu'il avait la possibilité d'opter pour le régime réel d'imposition, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- une imposition réclamée à un contribuable sur une base qui excède le revenu réellement perçu par ce contribuable doit être déclarée non conforme au bloc constitutionnel dont fait partie l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques doit permettre à un contribuable dont la bonne foi n'est pas en doute qui allègue avoir commis une erreur sur la catégorie d'imposition entre les bénéfices fonciers et les revenus tirés de la location meublée assimilables à des bénéfices industriels et commerciaux de pouvoir opter pour le régime réel simplifié à l'occasion d'un contrôle ayant conduit l'administration à requalifier ses revenus ; en l'espèce, l'article 50-0 du code général des impôts, tel qu'interprété par le Conseil d'Etat ,dans une décision n° 417628 du 26 novembre 2018, est contraire au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques énoncé à l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen dès lors qu'un contribuable peut être taxé en raison d'un revenu calculé selon le régime d'imposition du micro-BIC qui ne correspond pas aux revenus qu'il a perçus ; en l'espèce, il n'a pas pu opter pour le régime réel ; par suite, les impositions mises à sa charge manquent de base légale ;

- l'article 1758 A du code général des impôts méconnaît le principe d'individualisation, de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines découlant de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- l'administration ne démontre pas l'existence d'un élément intentionnel de sa part ; par suite, la majoration prévue par l'article 1758 A du code général des impôts n'est pas fondée.

Par un mémoire distinct enregistré le 18 février 2021, M. B demande au tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2017, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 4 de l'article 50-0 du code général des impôts.

Il soutient que ces dispositions, telles qu'interprétées par le Conseil d'Etat dans une décision n° 417628 du 26 novembre 2018, en ce qu'elles interdisent à un contribuable, dont la bonne foi n'est pas en doute, qui allègue avoir commis une erreur sur la catégorie d'imposition entre les bénéfices fonciers et les revenus tirés de la location meublée assimilables à des bénéfices industriels et commerciaux de pouvoir opter pour le régime réel simplifié à l'occasion d'un contrôle ayant conduit l'administration à requalifier ses revenus, méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen dans la mesure où un contribuable peut être taxé en raison d'un revenu calculé selon le régime d'imposition du micro-BIC qui ne correspond pas aux revenus réels perçus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2021, le directeur départemental des finances publiques du Var conclut qu'il n'y a pas lieu pour le tribunal de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la M. B.

Il fait valoir que cette question prioritaire de constitutionnalité ne présente pas un caractère sérieux ni nouveau.

Par une ordonnance n° 2100404 QPC en date du 22 avril 2022, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulon a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.

Par un mémoire distinct enregistré le 18 février 2021, M. B demande au tribunal administratif, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à la décharge des pénalités accompagnant les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2016 et 2017, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 1758 A du code général des impôts.

Il soutient que ces dispositions qui sont exclusives de toute appréciation de bonne foi ou de mauvaise foi du contribuable portent atteinte aux principes constitutionnels d'individualisation, de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines découlant de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2021, le directeur départemental des finances publiques du Var conclut qu'il n'y a pas lieu pour le tribunal de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la M. B.

Il fait valoir que cette question prioritaire de constitutionnalité ne présente pas un caractère sérieux.

Par une seconde ordonnance portant également le n° 2100404 QPC en date du 22 avril 2022, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulon a refusé de transmettre au Conseil d'Etat cette seconde question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2021, le directeur départemental des finances publiques du Var conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D,

- et les conclusions de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B sont propriétaires de biens immobiliers situés à Sainte-Maxime, dans le département du Var, qu'ils donnent en location et dont les revenus correspondants ont été déclarés dans la catégorie des revenus fonciers. Par une proposition de rectification en date du 29 octobre 2019 faisant suite à un contrôle sur pièces, l'administration a remis en cause la catégorie d'imposition des revenus locatifs, provenant de locaux meublés, qui ont été soumis au régime dit du " micro-BIC " prévu à l'article 50-0 du code général des impôts. Par la présente requête, M. B demande au tribunal de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a ainsi été assujetti au titre des années 2016 et 2017, pour un montant total de 24 850 euros en droits et pénalités.

 

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

3. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification en date du 29 octobre 2019 adressée au requérant comporte la désignation des impôts concernés, de l'année et des bases d'imposition. Elle énonce précisément les motifs tant de droit que de fait sur lesquels l'administration s'est fondée pour justifier les rectifications envisagées, permettant à M. B de formuler utilement ses observations alors qu'il n'incombait pas à l'administration de lui rappeler, dans cette proposition de rectification, qu'il avait la faculté d'opter entre deux régimes d'imposition différents, ni de lui signaler l'intérêt que pouvait présenter pour lui l'option pour l'un ou l'autre de ces régimes. Au demeurant, à la date de la proposition de rectification, M. B n'avait plus la possibilité, au titre des années d'imposition en litige, d'opter pour le régime réel. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales manque en fait et doit être écarté.

 

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

4. D'une part, aux termes de l'article 34 du code général des impôts : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale ". La location, à titre habituel, d'un logement meublé constitue une activité commerciale imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et non dans celle des revenus fonciers. Aux termes de l'article 35 du même code, dans sa rédaction résultant de l'article 114 II de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 : " I. - Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : () 5° bis Personnes qui donnent en location directe ou indirecte des locaux d'habitation meublés ".

5. D'autre part, aux termes du 4 de l'article 50-0 du code précité : " Les entreprises placées dans le champ d'application du présent article () peuvent opter pour un régime réel d'imposition. Cette option doit être exercée avant le 1er février de la première année au titre de laquelle le contribuable souhaite bénéficier de ce régime. Toutefois, les entreprises soumises de plein droit à un régime réel d'imposition l'année précédant celle au titre de laquelle elles sont placées dans le champ d'application du présent article exercent leur option l'année suivante, avant le 1er février. Cette dernière option est valable pour l'année précédant celle au cours de laquelle elle est exercée. En cas de création, l'option peut être exercée sur la déclaration visée au 1° du I de l'article 286 () ". Les dispositions qui instituent un régime fiscal optionnel et prévoient que le bénéfice de ce régime doit être demandé dans un délai déterminé n'ont, en principe, pas pour effet d'interdire au contribuable qui a omis d'opter dans ce délai de régulariser sa situation dans le délai de réclamation prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales. Il en va autrement si la loi a prévu que l'absence d'option dans le délai qu'elle prévoit entraîne la déchéance de la faculté d'exercer l'option ou lorsque la mise en œuvre de cette option implique nécessairement qu'elle soit exercée dans un délai déterminé. Si, en application des dispositions de l'article 50-0 du code général des impôts, les entreprises dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas les seuils qu'elles fixent relèvent en principe du régime fiscal et comptable des micro-entreprises, ce même article leur offre la faculté d'opter pour le régime réel d'imposition. Cette option qui, une fois souscrite, est valable de façon irrévocable pour une durée de deux ans, ramenée à un an concernant les options exercées ou reconduites tacitement à compter du 1er janvier 2016, doit être exercée par une entreprise suffisamment tôt au cours de la première année au titre de laquelle elle souhaite en bénéficier pour qu'elle soit en mesure de se conformer aux règles comptables, déclaratives et fiscales qu'elle implique, ce qui fait obstacle à ce que l'option puisse être souscrite au-delà de la date du 1er février fixée par la loi.

6. En premier lieu, pour demander la décharge des impositions en litige, M. B fait valoir que les dispositions du 4 de l'article 50-0 du code général des impôts, en tant qu'elles interdisent à un contribuable, dont la bonne foi n'est pas en doute, qui allègue avoir commis une erreur sur la catégorie d'imposition entre les bénéfices fonciers et les revenus tirés de la location meublée assimilables à des bénéfices industriels et commerciaux, de pouvoir opter pour le régime réel simplifié à l'occasion d'un contrôle ayant conduit l'administration à requalifier ses revenus, méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Toutefois, ce moyen mettant en cause la constitutionnalité de la loi est inopérant devant le juge administratif en dehors d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée par mémoire distinct. En l'espèce, si le requérant a introduit une telle demande par un mémoire distinct enregistré le 18 février 2021, par une ordonnance n° 2100404 QPC en date du 22 avril 2022, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulon a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.

7. En second lieu, M. B, qui relève de droit du régime micro-BIC compte-tenu du chiffre d'affaires réalisé, a opté pour le régime réel d'imposition, au titre des années 2016 et 2017, seulement dans le cadre des observations du contribuable en date du 20 décembre 2019, soit postérieurement au délai prévu au 4 de l'article 50-0 du code général des impôts précité. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les impositions mises à sa charge manquent de base légale, ce moyen n'étant au demeurant assorti d'aucune autre argumentation que celle tirée de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques.

En ce qui concerne les pénalités :

8. Aux termes du I de l'article 1758 A du code général des impôts : " Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits mis à la charge du contribuable ou de la créance indue ".

9. En premier lieu, pour demander la décharge de cette majoration, M. B fait valoir que les dispositions de l'article 1758 A du code général des impôts qui sont exclusives de toute appréciation de bonne foi ou de mauvaise foi du contribuable portent atteinte aux principes constitutionnels d'individualisation, de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines découlant de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Ce moyen mettant en cause la constitutionnalité de la loi est inopérant devant le juge administratif en dehors d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée par mémoire distinct. En l'espèce, si le requérant a introduit une telle demande par un mémoire distinct enregistré le 18 février 2021, par une ordonnance n° 2100404 QPC en date du 22 avril 2022, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulon a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.

10. En second lieu, l'application de ces dispositions n'est pas subordonnée à la démonstration d'une omission intentionnelle de la part du contribuable. Par suite, M. B ne peut utilement soutenir que l'administration ne démontre pas l'existence d'un élément intentionnel de sa part.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à demander la décharge des impositions et pénalités en litige.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. B, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

 

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au directeur départemental des finances publiques du Var.

Délibéré après l'audience du 13 avril 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Bernabeu, présidente,

Mme Carotenuto, première conseillère,

M. Sportelli, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 mai 2023.

Le rapporteur,

signé

T. D

La présidente,

signé

M. C

La greffière,

signé

E. PERROUDON

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice, à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

Et par délégation,

La greffière.

Code publication

C