Tribunal administratif de Nantes

Jugement du 2 mai 2023 n° 2007584

02/05/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2020, la société anonyme (SA) GSF, représentée par Me Payet, demande au tribunal :

1°) de prononcer la réduction, à hauteur de la somme de 1 196 866 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2012, ainsi que des majorations correspondantes ;

2°) d'ordonner à l'administration fiscale de procéder à la restitution de la somme de 1 196 866 euros versée au titre de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration fiscale a rehaussé son résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2012 en tenant compte du produit de la liquidation de la société en participation VB, puisque cette liquidation est intervenue au mois de novembre 2011, et que ce produit ne pouvait par suite être imposé qu'au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011 ;

- les rectifications prononcées à son encontre au titre de l'exercice clos en 2012 sont fondées sur des données juridiques et comptables relatives à la société en participation VB, à la société civile immobilière (SCI) Les Vergers de la Blottière et à la société en nom commercial (SNC) Socheleau, alors que ces sociétés n'ont fait l'objet d'aucun contrôle fiscal au titre de cet exercice, et ont ainsi été privées des garanties prévues par le livre des procédures fiscales ;

- elle a été privée de la possibilité de mener un débat oral et contradictoire avec l'administration fiscale ;

- la plus-value de 2 777 753 euros qu'elle a réalisée à l'occasion de la liquidation de la société VB relevait du régime d'imposition défini au a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts, qui est applicable en matière de sociétés en participation ;

- l'administration fiscale a méconnu le principe d'égalité ;

- les énonciations des commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-BIC-PVMV-30-10, n° 200, sur lesquelles l'administration fiscale s'est fondée pour mettre à sa charge les impositions supplémentaires en litige, sont contraires aux dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts, et l'administration fiscale a méconnu l'étendue de sa compétence en les édictant ;

- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des commentaires administratifs publiés sous les références BOI-RFPI-CHAMP-30-20, n° 160 et BOI-BIC-PVMV-30-10, n° 48 à 94.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2020, le directeur de la direction spécialisée de contrôle fiscal Centre Ouest conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui relève d'une question prioritaire de constitutionnalité, est irrecevable, en l'absence de présentation d'un mémoire distinct ;

- le surplus des moyens invoqués n'est pas fondé.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A,

- les conclusions de M. Vauterin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SA GSF, dont le siège est situé à Chemillé-en-Anjou (Maine-et-Loire), est associée majoritaire de la société civile immobilière (SCI) Les Vergers de la Blottière et de la société en nom collectif (SNC) Socheleau, sociétés civiles n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, et dont les résultats sont ainsi, conformément aux dispositions de l'article 8 du code général des impôts, imposables entre les mains de cette société anonyme pour la part de bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans ces sociétés. La SCI Les Vergers de la Blottière et la SNC Socheleau ont fait l'objet de contrôles sur pièces portant sur les exercices clos, respectivement, le 31 octobre 2012 et le 31 août 2012, à l'issue desquels l'administration fiscale a remis en cause le montant des résultats déclarés par les intéressées au titre de ces exercices à raison de l'application du régime d'imposition des plus-values à long terme prévu par les dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts au titre de la plus-value réalisée à l'occasion de la liquidation de la société en participation VB, intervenue le 30 novembre 2011. Elles se sont dans ces conditions vu notifier, par des propositions de rectification du 26 mai 2014 s'agissant de la SCI Les Vergers de la Blottière, et du 21 février 2014 s'agissant de la SNC Socheleau, des rehaussements de leurs résultats au titre de leurs exercices clos en 2012. L'administration fiscale a en outre, à l'issue du contrôle sur pièces dont a également fait l'objet la SA GSF au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012, et en conséquence de ces rehaussements, notifié à l'intéressée une proposition de rectification du 17 juin 2014, rehaussant le montant de son résultat et mettant à sa charge, pour ce motif, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de cet exercice. Sa réclamation préalable ayant été rejetée par une décision du 19 juin 2020, la SA GSF demande la décharge de ces impositions supplémentaires, ainsi que des majorations correspondantes, à hauteur de la somme totale de 1 196 866 euros.

Sur les conclusions aux fins de réduction des impositions litigieuses :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts ou de l'article L. 2333-55-2 du code général des collectivités territoriales, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A. ".

3. D'une part, il résulte de l'instruction que les impositions supplémentaires litigieuses ont été mises à la charge de la SA GSF à l'issue d'un contrôle sur pièces dont cette société a fait l'objet au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012, suite aux contrôles sur pièces dont la SCI Les Vergers de la Blottière et la SNC Socheleau ont-elles-mêmes fait l'objet au titre des exercices clos, respectivement, le 31 octobre 2012 et le 31 août 2012, et au rehaussement des résultats de ces sociétés prononcé pour ces exercices. Les procédures de rectification contradictoire mises en œuvre par l'administration fiscale à l'égard de ces trois sociétés n'imposaient dès lors, contrairement à ce que soutient la société requérante, aucun débat oral préalablement aux propositions de rectification qui leur ont été notifiées, les intéressées ayant au demeurant été en mesure de présenter leurs observations en réponse à ces propositions de rectification. En outre, la SA GSF n'établit pas, ni même n'allègue, que les procédures de rectification contradictoire n'auraient pas été mises en œuvre conformément aux dispositions des articles L. 57 à L. 61 A du livre des procédures fiscales.

4. D'autre part, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la société en participation VB aurait dû être mise en mesure de présenter ses observations au cours de la procédure d'imposition en litige, dès lors que les impositions litigieuses sont sans lien direct avec cette société, dissoute le 30 novembre 2011, antérieurement à l'exercice contrôlé, et procèdent seulement du rehaussement du résultat de la SA GSF, à raison du rehaussement des résultats des sociétés Les Vergers de la Blottière et Socheleau, quand bien même celui-ci résulte de la réintégration du montant de la plus-value réalisée par ces sociétés lors de la liquidation de la société VB.

5. Enfin, si la SA GSF soutient que les rectifications dont elle a fait l'objet sont fondées sur des données obtenues lors de la vérification de comptabilité dont la SCI Les Vergers de la Blottière a fait l'objet au titre des exercices clos en 2009, 2010 et 2011, et lors de la vérification de comptabilité dont la SNC Socheleau aurait fait l'objet au titre des exercices clos au cours de ces mêmes années, il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a seulement tenu compte des déclarations effectuées par la société requérante elle-même, qu'elle a examinées dans le cadre du contrôle sur pièces de cette société. La nature des informations relatives à la SA GSF ainsi prises en compte par le service ne révèle pas, par ailleurs, que celui-ci aurait en réalité procédé à la vérification de la comptabilité de la SCI Les Vergers de la Blottière et de la SNC Socheleau au titre de leurs exercices clos en 2012.

6. Par suite, la SA GSF n'est pas fondée à soutenir que les impositions supplémentaires litigieuses auraient été mises à sa charge à l'issue d'une procédure irrégulière.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

7. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I () a quinquies : () Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006, le montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 8 %. Ce taux est fixé à 0 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007. / Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007, une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable. Cette quote-part de frais et charges est portée au taux de 10 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011. / Les titres de participation mentionnés au premier alinéa sont les titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable, les actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice et les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable, à l'exception des titres des sociétés à prépondérance immobilière définis au troisième alinéa du a. () ". Il résulte en outre des principes de la comptabilité que les titres de participation correspondent aux droits dans le capital d'autres personnes morales qui, en créant un lien durable avec celles-ci, sont destinés à contribuer à l'activité de la société détentrice.

8. Par ailleurs, l'article 1871 du code civil dispose que : " Les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée. La société est dite alors " société en participation ". Elle n'est pas une personne morale et n'est pas soumise à publicité. () ".

9. La SCI Les Vergers de la Blottière et la SNC Socheleau, qui étaient associées de la société en participation VB, constituée par un contrat du 20 décembre 2007 et dissoute le 30 novembre 2011, ont entendu bénéficier, à raison de la plus-value réalisée à l'occasion de la liquidation de cette société et de la répartition des actifs entre les associés en ayant résulté, du régime d'imposition prévu par les dispositions précitées du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts. Elles ont ainsi déduit de leurs résultats des exercices clos en 2012 le montant de cette plus-value, en y réintégrant une quote-part de frais et charges correspondant à 10 % du montant de cette plus-value. La SA GSF, en tant qu'associée de la SCI Les Vergers de la Blottière et de la SNC Socheleau, a elle-même réalisé, compte tenu de ses droits dans ces sociétés et à raison de la liquidation de la société VB, une plus-value d'un montant total de

2 777 753 euros. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article 1871 du code civil que les sociétés en participation sont dépourvues de personnalité juridique et de patrimoine, et qu'elles ne peuvent ainsi détenir de capital social. Si les associés des sociétés en participation peuvent convenir que les apports qu'ils font à la société sont répartis en un certain nombre de droits sociaux d'une valeur qu'ils définissent et les répartir proportionnellement à leur apport, de tels droits sociaux ne constituent pas, dès lors, des titres de participation au sens et pour l'application du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts, sans qu'aient d'incidence à cet égard le caractère durable de la détention de tels titres et l'utilité qu'elle présenterait pour l'activité de l'entreprise détentrice, allégués par la société requérante. Par suite, l'administration fiscale a pu, à bon droit, estimer que la plus-value réalisée ne pouvait relever du régime prévu par ces dispositions.

10. D'autre part, la plus-value ayant résulté, pour les membres de la société en participation de la société VB, de la liquidation de cette société intervenue lors de sa dissolution le 30 novembre 2011, a été acquise par ses membres à cette date. L'administration fiscale pouvait ainsi, à bon droit, réintégrer le montant de cette plus-value au résultat de la SCI Les Vergers de la Blottière au titre de l'exercice du 1er novembre 2011 au 31 octobre 2012, et au résultat de la SNC Socheleau au titre de l'exercice du 1er septembre 2011 au 31 août 2012. Dès lors que le résultat de ces sociétés de personnes était imposable entre les mains de la SA GSF pour la part de bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans celle-ci, ce résultat était lui-même acquis à la clôture des exercices en cause, soit respectivement au 31 octobre 2012 et au 31 août 2012. Par suite, c'est également à bon droit que l'administration fiscale a, en conséquence, rehaussé le résultat de la SA GSF au titre de l'exercice du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012.

11. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que l'administration fiscale a refusé de prendre en compte l'application du régime d'imposition des plus-values à long terme dont la SCI Les Vergers de la Blottière et la SNC Socheleau entendaient se prévaloir au titre de la plus-value réalisée lors de la dissolution de la société VB en se fondant sur les dispositions précitées du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts. La société requérante ne peut, par suite, utilement soutenir, pour contester les impositions litigieuses, que les énonciations des commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-BIC-PVMV-30-10, paragraphe n° 200, qui ne constituent pas le fondement des rehaussements en litige, seraient contraires à ces dispositions.

12. En troisième lieu, le moyen tiré de la violation du principe d'égalité est inopérant dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que les impositions en litige ont été établies conformément à la loi fiscale. La SA GSF n'est, en tout état de cause, pas recevable à contester la conformité à la constitution des dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts, à défaut d'avoir invoqué un tel moyen dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée par un mémoire distinct, dans les conditions prévues par l'article R. 771-3 du code de justice administrative.

S'agissant de l'interprétation de la loi fiscale :

13. D'une part, la SA GSF ne peut utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations des commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-BIC-PVMV-30-10, paragraphes n° 48 à 94, qui sont relatifs aux plus et moins-values du portefeuille de titres et à la définition des titres de participation, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, les droits sociaux qu'elle détenait dans la société en participation VB ne constituaient pas des titres de participation, ces commentaires ne comportant, en tout état de cause, aucune interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application par le présent jugement. D'autre part, la société requérante ne peut pas plus utilement invoquer les énonciations des commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-RFPI-CHAMP-30-20, n° 160, qui sont relatifs aux revenus fonciers et sont ainsi sans lien avec les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en litige.

14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins de réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la SA GSF au titre de l'exercice clos en 2012 ainsi que des majorations correspondantes doivent être rejetées, de même que, en tout état de cause, celles tendant à ce qu'il soit ordonné à l'administration fiscale de lui restituer la somme de 1 196 866 euros versée au titre de ces impositions.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme demandée par la SA GSF au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SA GSF est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société anonyme GSF et au directeur de la direction spécialisée de contrôle fiscal Centre Ouest.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Livenais, président,

Mme Rosemberg, première conseillère,

Mme Thierry, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mai 2023.

La rapporteure,

V. A

Le président,

Y. LIVENAIS

Le greffier,

E. LE LUDEC

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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Code publication

C