Tribunal administratif de Nantes

Jugement du 2 mai 2023 n° 2007554

02/05/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 30 juillet 2020, la société en nom collectif (SNC) Inexia, représentée par Me Payet, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2012 et 2013, ainsi que des majorations correspondantes ;

2°) d'ordonner à l'administration fiscale de procéder à la restitution de la somme de 489 596 euros versée au titre de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la plus-value de 1 002 989 euros qu'elle a réalisée à l'occasion de la liquidation de la société VB relevait du régime d'imposition défini au a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts, qui est applicable en matière de sociétés en participation ;

- elle est fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-BIC-PVMV-30-10, n° 48 à 94 ;

- les énonciations des commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-BIC-PVMV-30-10, n° 200, sur lesquelles l'administration fiscale s'est fondée pour mettre à sa charge les impositions supplémentaires en litige, sont contraires aux dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts, et l'administration fiscale a méconnu l'étendue de sa compétence en les édictant ;

- l'administration fiscale a méconnu le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen en lui refusant le bénéfice du régime d'imposition défini au a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts, les sociétés en participation étant soumises à l'impôt sur les sociétés en application de l'article 206 de ce code ;

- la société VB a satisfait à l'ensemble de ses obligations déclaratives auprès de l'administration fiscale ;

- elle pouvait, à bon droit, déduire de son résultat imposable au titre de l'exercice clos en 2013 les charges d'amortissement liées à l'apport réalisé dans le cadre du contrat en participation conclu le 9 mars 2012 pour une durée de douze ans, à hauteur de la somme de 299 758 euros ; elle était ainsi fondée à inscrire à son actif les droits sociaux détenus dans la société en participation VB.com à hauteur du montant de son apport de 3 597 112 euros, cet apport satisfaisant à l'ensemble des conditions prévues par le plan comptable général pour faire l'objet d'un amortissement sur la durée du contrat, quand bien même sa valeur n'était pas nulle à son issue ;

- l'administration fiscale a opéré une confusion entre le fonds de commerce apporté dans la société en participation et les droits qu'elle détenait dans cette société, l'amortissement réalisé portant uniquement sur les droits représentatifs de ses apports.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 octobre 2020, le directeur de la direction spécialisée de contrôle fiscal Centre Ouest conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui relève d'une question prioritaire de constitutionnalité, est irrecevable, en l'absence de présentation d'un mémoire distinct ;

- le surplus des moyens invoqués n'est pas fondé.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A,

- les conclusions de M. Vauterin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Inexia, dont le siège est situé à Chemillé-en-Anjou (Maine-et-Loire), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2012 et d'un contrôle sur pièces au titre de l'exercice clos le 31 août 2013, à l'occasion desquels l'administration fiscale a remis en cause le montant des résultats imposables à l'impôt sur les sociétés déclarés par l'intéressée à raison d'une part, de l'application du régime d'imposition des plus-values à long terme prévu par les dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts au titre de la plus-value réalisée à l'occasion de la liquidation de la société en participation VB, intervenue le 30 novembre 2011, et, d'autre part, des dotations aux amortissements prises en compte au titre des exercices clos en 2012 et 2013 à raison des droits sociaux acquis lors de la constitution, par contrat du 9 mars 2012, de la société en participation VB.com, en contrepartie des apports à cette dernière réalisés dans ce cadre par la SNC Inexia. Celle-ci s'est dans ces conditions vu notifier, par deux propositions de rectification des 14 février et 4 mars 2014, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013. L'administration fiscale ayant rejeté sa réclamation préalable par une décision du 19 juin 2020, la SNC Inexia demande la décharge de ces impositions supplémentaires, ainsi que des majorations correspondantes.

Sur les conclusions aux fins de décharge des impositions litigieuses :

En ce qui concerne l'imposition de la plus-value réalisée à l'occasion de la liquidation de la société en participation VB :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I () a quinquies : () Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006, le montant net des plus-values à long terme afférentes à des titres de participation fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 8 %. Ce taux est fixé à 0 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007. / Pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007, une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable. Cette quote-part de frais et charges est portée au taux de 10 % pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011. / Les titres de participation mentionnés au premier alinéa sont les titres de participation revêtant ce caractère sur le plan comptable, les actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice et les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable, à l'exception des titres des sociétés à prépondérance immobilière définis au troisième alinéa du a. () ". Il résulte en outre des principes de la comptabilité que les titres de participation correspondent aux droits dans le capital d'autres personnes morales qui, en créant un lien durable avec celles-ci, sont destinés à contribuer à l'activité de la société détentrice.

3. Par ailleurs, l'article 1871 du code civil dispose que : " Les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée. La société est dite alors " société en participation ". Elle n'est pas une personne morale et n'est pas soumise à publicité. () ".

4. La SNC Inexia, qui était associée de la société en participation VB, constituée par un contrat du 20 décembre 2007 et dissoute le 30 novembre 2011, a entendu bénéficier, à raison de la plus-value réalisée à l'occasion de la liquidation de cette société et de la répartition des actifs entre les associés en ayant résulté, du régime d'imposition prévu par les dispositions précitées du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts. Elle a ainsi déduit de son résultat de l'exercice clos en 2012 le montant de cette plus-value de 1 002 989 euros, en y réintégrant une quote-part de frais et charges correspondant à 10 % du montant de cette plus-value. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article 1871 du code civil que les sociétés en participation sont dépourvues de personnalité juridique et de patrimoine, et qu'elles ne peuvent ainsi détenir de capital social. Si les associés des sociétés en participation peuvent convenir que les apports qu'ils font à la société sont répartis en un certain nombre de droits sociaux d'une valeur qu'ils définissent et les répartir proportionnellement à leur apport, de tels droits sociaux ne constituent pas, dès lors, des titres de participation au sens et pour l'application du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts, sans qu'aient d'incidence à cet égard le caractère durable de la détention de tels titres et l'utilité qu'elle présenterait pour l'activité de l'entreprise détentrice, allégués par la société requérante. Par suite, et quand bien même la société VB a opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés, ainsi que le permet le 3 de l'article 206 du code général des impôts, l'administration fiscale a pu, à bon droit, estimer que la plus-value réalisée ne pouvait relever du régime prévu par ces dispositions, et réintégrer le montant de cette plus-value dans le résultat de l'intéressée au titre de l'exercice clos en 2012.

5. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que l'administration fiscale a refusé d'accorder à la SNC Inexia l'application du régime d'imposition des plus-values à long terme dont elle entendait se prévaloir au titre de la plus-value réalisée lors de la dissolution de la société VB en se fondant sur les dispositions précitées du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts. La société requérante ne peut, par suite, utilement soutenir, pour contester les impositions litigieuses, que les énonciations des commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-BIC-PVMV-30-10, paragraphe n° 200, qui ne constituent pas le fondement des rehaussements contestés, seraient contraires à ces dispositions.

6. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de la violation du principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen est inopérant dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que les impositions en litige ont été établies conformément à la loi fiscale. La SNC Inexia n'est, en tout état de cause, pas recevable à contester la conformité à la constitution des dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts, à défaut d'avoir invoqué un tel moyen dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée par un mémoire distinct, dans les conditions prévues par l'article R. 771-3 du code de justice administrative.

S'agissant de l'interprétation de la loi fiscale :

7. La SNC Inexia ne peut utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations des commentaires administratifs publiés sous la référence BOI-BIC-PVMV-30-10, paragraphes n° 48 à 94, qui sont relatifs aux plus et moins-values du portefeuille de titres et à la définition des titres de participation, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, les droits sociaux qu'elle détenait dans la société en participation VB ne constituaient pas des titres de participation, ces commentaires ne comportant, en tout état de cause, aucune interprétation différente de la loi fiscale de celle dont il est fait application par le présent jugement.

En ce qui concerne les dotations aux amortissements afférentes aux droits sociaux détenus dans la société VB.com :

8. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " () / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. () ". Aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III à ce code : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts. ". Un élément d'actif incorporel ne peut donner lieu à une dotation annuelle à un compte d'amortissement que s'il est normalement prévisible, lors de sa création ou de son acquisition par l'entreprise, que ses effets bénéfiques prendront fin à une date déterminée.

9. Par ailleurs, aux termes de l'article 238 bis M du code général des impôts : " Les sociétés en participation doivent, pour l'application des articles 8 et 60, inscrire à leur actif les biens dont les associés ont convenu de mettre la propriété en commun. ".

10. La SNC Inexia a notamment apporté à la société en participation VB.com, lors de sa constitution par un contrat conclu le 9 mars 2012 pour une durée de douze ans à compter du 1er septembre 2011, l'usufruit d'un fonds de commerce. Elle a pratiqué, au titre des droits sociaux détenus dans cette société, inscrits à son actif pour un montant total de 3 597 112 euros, un amortissement linéaire sur la durée d'exécution de ce contrat en participation, et a comptabilisé, au titre des exercices clos en 2012 et 2013, des dotations aux amortissements à hauteur de la somme de 299 758 euros pour chacun de ces exercices, qu'elle a ainsi déduites de ses résultats. Ces droits sociaux correspondent toutefois aux apports qu'elle a effectués au bénéfice de la société en participation, et qui devront lui être restitués au terme du contrat en cause. Il ne pouvait, dès lors, être regardé comme normalement prévisible, à la date d'acquisition de ces droits, qu'ils perdraient tout effet à la date à laquelle cette société sera dissoute. La SNC Inexia ne pouvait ainsi comptabiliser de dotation aux amortissements à raison des droits sociaux détenus dans la société VB.com, qui n'étaient pas, par nature, amortissables, alors au surplus que cette dernière société, qui disposait à son actif des apports effectués par ses associés, pouvait tenir compte de la dépréciation de la valeur de l'usufruit du fonds de commerce en cause en pratiquant un amortissement à ce titre. La société requérante n'est par suite pas fondée à contester les impositions supplémentaires mises à sa charge à raison de la réintégration dans son résultat des exercices clos en 2012 et 2013 desdites charges d'amortissement.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la SNC Inexia au titre des exercices clos en 2012 et 2013 ainsi que des majorations correspondantes doivent être rejetées, de même que, en tout état de cause, celles tendant à ce qu'il soit ordonné à l'administration fiscale de lui restituer la somme de 489 596 euros versée au titre de ces impositions.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme demandée par la SNC Inexia au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SNC Inexia est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société en nom collectif Inexia et au directeur de la direction spécialisée de contrôle fiscal Centre Ouest.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2023, à laquelle siégeaient :

M. Livenais, président,

Mme Rosemberg, première conseillère,

Mme Thierry, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mai 2023.

La rapporteure,

V. A

Le président,

Y. LIVENAIS

Le greffier,

E. LE LUDEC

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

5

Code publication

C