Tribunal administratif de Toulouse

Jugement du 27 avril 2023 n° 2204768

27/04/2023

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 14 août 2022, Mme B C, représentée par Me Nabet-Martin, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 16 février 2022 par laquelle Toulouse métropole a refusé de prendre en charge les frais liés à l'aide humaine qu'elle sollicitait pour la préparation des séances et conseils en tant qu'élue métropolitaine en situation de handicap, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux formé le 14 avril 2022 ;

2°) d'enjoindre à Toulouse métropole de faire droit à sa demande de prise en charge des frais dont elle a demandé paiement ;

3°) de mettre à la charge de Toulouse métropole la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le principe d'égalité, tel que garanti par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi que par la Constitution de 1958 a été méconnu, de même qu'ont été méconnus les droits civils et politiques garantis par ces mêmes instruments ;

- le principe d'égalité, tel que garanti par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le protocole n° 12 à cette Convention a été méconnu ;

-l'article 29 de la convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées, publiée par le décret n° 2010-356 du 1er avril 2010, a été méconnu ;

-le respect et les dispositions rapports spécifiques au handicap doivent être pris en considération ;

- la décision attaquée méconnaît les articles L.5211-13 et D.5211-4-1 du code général des collectivités territoriales et est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'aucune exclusion liée au lieu de la réunion ne peut être opposée à sa demande de remboursement des frais spécifiques de déplacement d'accompagnement et d'aide technique et que désormais les élus métropolitains en situation de handicap peuvent bénéficier des mêmes conditions de remboursement des frais spécifiques que les élus municipaux ;

- que les règles fixées par le code général des collectivités territoriales ne peuvent pas être en contradiction avec les principes constitutionnels et conventionnels d'égalité et d'exercice effectif des droits civils et politiques sans être illégales elles-mêmes ;

- elle est fondée à demander, pour la période comprise entre juillet 2020 et novembre 2021, le remboursement de la somme de 6 683,48 euros, correspondante au financement de l'aide humaine qui lui est nécessaire pour préparer les séances des conseils municipaux et métropolitains ainsi que les commissions ;

- elle est fondée à demander, depuis la fin de cette période, une prise en charge financière pour l'aide humaine qui lui est nécessaire pour préparer les séances des conseils municipaux et métropolitains ainsi que les commissions et les jurys ;

* l'aide humaine nécessaire doit être fixée à 25 heures pour la préparation de chaque conseil, 10 heures pour l'assister durant le conseil, 90 heures pour la préparation des commissions, 12 heures pour l'assister durant les commissions, 3 h pour la préparation d'un jury et 3 h pour l'assister pendant le jury ;

* le tarif horaire minimum doit être fixé à 14,21 euros

- elle est fondée à demander la mise à disposition d'un ordinateur portable pour un usage, à la fois, professionnel et personnel et lui permettre ainsi d'accéder à sa messagerie électronique personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2022, Toulouse métropole conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- dans la présente requête, Mme C ne saurait se prévaloir devant le juge administratif d'une demande de prise en charge de frais spécifiques des élus en situation de handicap relatifs au temps de préparation des séances du conseil métropolitain dès lors que cette demande n'est pas formulée dans son recours gracieux en date du 12 avril 2022 et que, en l'absence de demande indemnitaire préalable, les conclusions indemnitaires de la requête de Mme C sont irrecevables ;

- en application des dispositions du code général des collectivités territoriales, Toulouse métropole n'a pas à prendre en charge les frais de Mme C, élue en situation de handicap, lorsque la réunion se déroule sur le territoire de la commune de Toulouse dont Mme C est une représentante ;

- Mme C ne saurait se prévaloir des textes introductifs du décret n°2021-258 du 9 mars 2021, dès lors qu'ils n'ont aucune valeur réglementaire ;

- Mme C ne saurait exiger de Toulouse métropole un remboursement des frais spécifiques des élus en situation de handicap identique à celui des conseillers municipaux, dès lors qu'il existe des textes spécifiques et différents pour les élus métropolitains ;

- le tribunal ne peut pas lui adresser d'injonction, dès lors que l'administration dispose, en l'espèce, d'un pouvoir d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 janvier 2023, la commune de Toulouse fait valoir que, la décision attaquée ayant été prise par Toulouse métropole, elle n'est pas partie à la présente instance.

La clôture de l'instruction a été fixée au 21 février 2023 par une ordonnance du 3 février précédent.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ;

- la loi n°2019-1461 du 27 décembre 2019 ;

- le décret n°2021-258 du 9 mars 2021 ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A,

- les conclusions de Mme Chalbos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Nabet-Martin, représentant Mme C, ainsi que celles de M. D, représentant la commune de Toulouse et Toulouse métropole.

Considérant ce qui suit :

1. Par courrier du 16 février 2022, le président de Toulouse métropole a signifié à Mme C, conseillère métropolitaine, en situation de handicap, son refus de prendre en charge le remboursement de ses frais de déplacement pour les réunions ayant lieu sur le territoire de la commune de Toulouse, dont elle est conseillère municipale. Par courrier du 13 avril 2022, Mme C a formé un recours gracieux et demandé au président de revenir sur son refus. N'ayant pas reçu de réponse, par la présente requête, Mme C doit être regardée comme demandant au tribunal d'annuler la décision du 16 février 2022, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux formé le 14 avril 2022. Elle demande également au tribunal de condamner Toulouse métropole à prendre en charge les frais spécifiques liés à l'aide humaine dont elle estime avoir besoin pour la préparation des séances et conseils en tant qu'élue métropolitaine en situation de handicap.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2123-18-1 du code général des collectivités territoriales : " Les membres du conseil municipal peuvent bénéficier du remboursement des frais de transport et de séjour qu'ils ont engagés pour se rendre à des réunions dans des instances ou organismes où ils représentent leur commune ès qualités, lorsque la réunion a lieu hors du territoire de celle-ci. / Lorsqu'ils sont en situation de handicap, ils peuvent également bénéficier du remboursement des frais spécifiques de déplacement, d'accompagnement et d'aide technique qu'ils ont engagés pour les situations visées à l'alinéa précédent, ainsi que pour prendre part aux séances du conseil municipal et aux réunions des commissions et des instances dont ils font partie ès qualités qui ont lieu sur le territoire de la commune () ". Aux termes de l'article L. 5211-13 du même code applicable aux métropoles : " Lorsque les membres des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale mentionnés à l'article L. 5211-12 engagent des frais de déplacement à l'occasion des réunions de ces conseils ou comités, du bureau, des commissions instituées par délibération dont ils sont membres, des comités consultatifs prévus à l'article L. 5211-49-1, de la commission consultative prévue à l'article L. 1413-1 et des organes délibérants ou des bureaux des organismes où ils représentent leur établissement, ces frais peuvent être remboursés lorsque la réunion a lieu dans une commune autre que celle qu'ils représentent, dans les conditions fixées par décret. / () Lorsque lesdits membres sont en situation de handicap, ils peuvent également bénéficier du remboursement des frais spécifiques de déplacement, d'accompagnement et d'aide technique qu'ils ont engagés pour les situations mentionnées au premier alinéa, dans des conditions fixées par décret ". Enfin, l'article D. 5211-4-1 du même code, créé par le décret du 9 mars 2021 relatif au remboursement des frais spécifiques de déplacement, d'accompagnement et d'aide technique engagés par les élus locaux en situation de handicap, prévoit que " Peuvent obtenir le remboursement des frais spécifiques de déplacement, d'accompagnement et d'aide technique, les élus des établissements publics de coopération intercommunale en situation de handicap mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 5211-13 et relevant des dispositions des articles L.5213-1 et L. 5213-2 du code du travail ou pouvant prétendre au bénéfice des dispositions des articles L. 5212-1 à L. 5212-17 de ce même code, ou pouvant prétendre au bénéfice de l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles. /La prise en charge de ces frais spécifiques est assurée sur présentation d'un état de frais et dans la limite, par mois, du montant de l'indemnité maximale susceptible d'être versée au maire d'une commune de moins de 500 habitants en application du barème fixé à l'article L. 2123-23. /Le remboursement de ces frais est cumulable avec les remboursements prévus à l'article D. 5211-5 ".

3. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu fixer des conditions de remboursement des frais, engagés par les élus, différentes pour les conseillers municipaux et les conseillers intercommunaux, en prévoyant des dispositions spécifiques pour chaque catégorie. En outre, tout comme pour les conseillers municipaux, pour les conseillers intercommunaux, le législateur a fixé les conditions de remboursement des frais spécifiques de déplacement, d'accompagnement et d'aide technique des élus en situation de handicap. Par ailleurs, les dispositions précitées prévoient que les conseillers intercommunaux peuvent demander le remboursement des frais pour toutes les séances et réunions au sein desquelles ils représentent leur intercommunalité dès lors que la réunion a lieu dans une commune autre que celle qu'ils représentent. Pour les élus intercommunaux en situation de handicap, il a prévu le remboursement des frais spécifiques de déplacement, d'accompagnement et d'aide technique des élus en situation de handicap par renvoi à la situation des autres élus intercommunaux.

4. En application de ces dispositions, les élus intercommunaux en situation de handicap peuvent demander le remboursement des frais spécifiques de déplacement, d'accompagnement et d'aide technique pour toutes les séances et réunions au sein desquelles ils représentent leur intercommunalité, dès lors que la réunion a lieu dans une commune autre que celle qu'ils représentent. En revanche, contrairement à ce que soutient Mme C, ces mêmes dispositions ne prévoient pas la possibilité d'un remboursement d'autres frais d'accompagnement et d'aide technique au bénéfice d'élus intercommunaux en situation de handicap.

5. En deuxième lieu, si Mme C soutient que les décisions attaquées ont été prise en violation du principe de non-discrimination consacré par l'article 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son Protocole n° 12, le moyen ne peut qu'être écarté dès lors que le refus qui lui a été opposé de rembourser des frais autres que ceux prévus par les textes législatifs et réglementaires précités n'est pas motivé par la circonstance qu'elle souffre d'un handicap. De même, la circonstance que ces mêmes textes ne prévoient pas le paiement de frais dont la requérante souhaiterait le remboursement ne constitue aucunement une discrimination prohibée par les stipulations de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de son protocole additionnel n° 12.

6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 29 de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées : " Les États Parties garantissent aux personnes handicapées la jouissance des droits politiques et la possibilité de les exercer sur la base de l'égalité avec les autres, et s'engagent : / a) À faire en sorte que les personnes handicapées puissent effectivement et pleinement participer à la vie politique et à la vie publique sur la base de l'égalité avec les autres, que ce soit directement ou par l'intermédiaire de représentants librement choisis, et notamment qu'elles aient le droit et la possibilité de voter et d'être élues, et pour cela les États Parties, entre autres mesures : / i) Veillent à ce que les procédures, équipements et matériels électoraux soient appropriés, accessibles et faciles à comprendre et à utiliser; / ii) Protègent le droit qu'ont les personnes handicapées de voter à bulletin secret et sans intimidation aux élections et référendums publics, de se présenter aux élections et d'exercer effectivement un mandat électif ainsi que d'exercer toutes fonctions publiques à tous les niveaux de l'État, et facilitent, s'il y a lieu, le recours aux technologies d'assistance et aux nouvelles technologies ; / iii) Garantissent la libre expression de la volonté des personnes handicapées en tant qu'électeurs et à cette fin si nécessaire, et à leur demande, les autorisent à se faire assister d'une personne de leur choix pour voter ; / b) À promouvoir activement un environnement dans lequel les personnes handicapées peuvent effectivement et pleinement participer à la conduite des affaires publiques, sans discrimination et sur la base de l'égalité avec les autres, et à encourager leur participation aux affaires publiques, notamment par le biais : / i) De leur participation aux organisations non gouvernementales et associations qui s'intéressent à la vie publique et politique du pays, et de leur participation aux activités et à l'administration des partis politiques ; ii) De la constitution d'organisations de personnes handicapées pour les représenter aux niveaux international, national, régional et local et de l'adhésion à ces organisations ". Ces stipulations requièrent l'intervention d'actes complémentaires pour produire des effets à l'égard des particuliers et sont, par suite, dépourvues d'effet direct. Dès lors, leur méconnaissance ne peut être utilement invoquée par Mme C à l'encontre de la décision prise par Toulouse Métropole.

7. En quatrième et dernier lieu, les décisions attaquées ont été prises en stricte application des dispositions législatives précitées. Dès lors, Mme C, qui n'a présenté aucune question prioritaire de constitutionnalité, ne peut utilement se prévaloir devant le tribunal administratif de ce que la décision attaquée serait contraire aux principes garantis par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, par le préambule de la Constitution de 1946 et par la Constitution de 1958, parmi lesquels figure le principe d'égalité.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme C doivent être rejetées, de même que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins de paiement et celles tendant au bénéfice d'une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de Mme C est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B C, à Toulouse Métropole et à la commune de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Katz, président,

Mme Jorda, conseillère,

Mme Péan, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.

La rapporteure,

V. A

Le président,

D. KATZLa greffière,

F. DEGLOS

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef

Code publication

C