Tribunal administratif de Grenoble

Jugement du 27 avril 2023 n° 2007056

27/04/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

M. B A a présenté au tribunal une requête et des mémoires enregistrés le 21 novembre 2020, le 28 juin 2021, le 7 juillet 2021, le 6 août 2021 et le 25 septembre 2021.

Par un mémoire récapitulatif enregistré le 25 septembre 2021 en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, M. B A demande au tribunal d'ordonner la restitution assortie des intérêts moratoires des prélèvements sociaux d'un montant de 3 850 euros qu'il a acquittés sur la plus-value immobilière réalisée le 21 novembre 2018.

Il soutient que :

- la CSG et la CRDS qui sont des impositions de toute nature au sens de la convention fiscale franco-américaine ne pouvaient être exigées auprès des contribuables situés hors de l'Union européenne sans porter atteinte au principe d'égalité devant l'impôt ;

- il convient d'étendre en droit interne la décision " De Ruyter " aux redevables de la CSG-CRDS situés hors de l'Union européenne ;

- les paiements effectués au titre de la CSG et de la CRDS financent exclusivement les régimes de sécurité sociale française, et notamment le régime d'assurance maladie, auxquels il n'a pas accès depuis la modification de l'article L. 160-3 du code de la sécurité sociale, en vigueur à compter du 1er juillet 2019 ;

- le maintien de la CSG et de la CRDS sur les revenus du patrimoine et les produits de placement des personnes relevant d'un régime de sécurité sociale hors de l'Union Européenne est d'autant plus discriminatoire que les personnes fiscalement domiciliées en France ou non, relevant d'un régime de sécurité sociale au sein de l'UE sont exonérées de ces prélèvements.

Par des mémoires en défense enregistrés le 27 avril et le 13 juillet 2021, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par ordonnance du 4 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 26 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique du 31 août 1994 modifiée ;

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- l'arrêt C-623/13 de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bailleul, premier conseiller,

- les conclusions de M. Journé, rapporteur public,

- et les observations de Me Gaffodio représentant M. A.

Considérant ce qui suit :

1. L'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale assujettit à la contribution sociale généralisées (CSG), les plus-values imposées au prélèvement mentionné à l'article 244 bis A du code général des impôts lorsqu'elles sont réalisées, directement ou indirectement, par des personnes physiques. L'article 244 bis A du code général des impôts soumet à un prélèvement, sous réserve des conventions internationales, les plus-values immobilières réalisées en France par les personnes physiques qui n'y ont pas leur domicile fiscal. L'article 16 de l'ordonnance n°96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale assujettit ces mêmes plus-values à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

2. M. A, ressortissant français résidant aux Etats-Unis d'Amérique, a cédé le 21 novembre 2018 un bien immobilier dont il était propriétaire indivis à Sallanches (Haute-Savoie) et s'est acquitté des prélèvements sociaux calculés sur la plus-value réalisée lors de la cession du bien. Par une lettre du 9 avril 2019, il a sollicité le remboursement de la CSG et de la CRDS prélevées lors de la vente. L'administration ayant rejeté sa réclamation par une décision du 2 juillet 2020, il demande, dans la présente instance, le remboursement des prélèvements sociaux dont il s'est acquitté à hauteur de la somme de 3 850 euros.

3. M. A qui fait valoir que la CSG et la CRDS sont des impositions entrant dans le champ de la convention fiscale conclue entre la France et les Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ne conteste pas que la plus-value immobilière réalisée en 2018 était imposable en France. Il admet d'ailleurs dans ses écritures que les services fiscaux américains acceptent depuis le 19 juillet 2019 l'imputation de ces contributions sur l'impôt américain.

4. S'il fait valoir que l'assujettissement des résidents d'Etats tiers à ces prélèvements porte atteinte au principe d'égalité devant l'impôt et a un caractère discriminatoire, il n'a pas présenté de question prioritaire de constitutionnalité par un mémoire distinct, ce qu'il lui revenait de faire en application de l'article R. 771-3 du code de justice administrative.

5. L'obligation faite par la loi d'acquitter la CSG et la CRDS est dépourvue de tout lien avec l'ouverture d'un droit à une prestation ou un avantage servis par un régime de sécurité sociale. Ainsi, ces prélèvements ayant le caractère d'impositions de toute nature et non celui de cotisations de sécurité sociale, au sens des dispositions constitutionnelles et législatives nationales, la circonstance que M. A ne pourrait bénéficier des prestations qu'elles ont vocation à financer, est sans incidence sur son assujettissement.

6. Si M. A entend se prévaloir de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015, affaire C-623/13, il n'entre pas dans le champ du règlement du 29 avril 2004 du Parlement européen et du Conseil portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et n'est ainsi pas susceptible de bénéficier du principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale prévu à l'article 11 de ce règlement.

7. Le moyen selon lequel le maintien de la CSG et de la CRDS sur les revenus du patrimoine et les produits de placement des personnes relevant d'un régime de sécurité sociale hors de l'Union Européenne est d'autant plus discriminatoire que les personnes relevant d'un régime de sécurité sociale au sein de l'Union Européenne sont exonérées de ces prélèvements, met en cause la constitutionnalité de la loi et devait faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée par un mémoire distinct. Il est ainsi irrecevable.

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins de restitution des prélèvements sociaux présentées par M. A doivent être rejetées.

D E C I D E :

 

Article 1er :La requête de M. A est rejetée.

Article 2 :Le présent jugement sera notifié à M. B A et au directeur départemental des finances publiques de l'Isère.

 

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Pfauwadel, président,

Mme C et Mme D, assesseurs.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2023.

Le rapporteur,

C. C

Le président,

T. Pfauwadel

La greffière,

L. Rouyer

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

C