Tribunal administratif de Paris

Jugement du 24 avril 2023 n° 2216470

24/04/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 2 août 2022 et 4 avril 2023, la société Gorillas Technologies France, représentée par Me de Lesquen et Me Repeta, demande au tribunal :

1°) d'annuler la décision du 15 juillet 2022 par laquelle la maire de Paris l'a mise en demeure dans un délai de trois mois de restituer les locaux qu'elle occupe au 68, rue de Cléry dans le 2ème arrondissement de Paris dans leur état d'origine sous peine d'une astreinte administrative de 200 euros par jour de retard en application des dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme ;

2°) de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée de la procédure contradictoire préalable requise par les articles L. 481-1 du code de l'urbanisme et L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est illégale en ce qu'elle repose sur un procès-verbal qui ne constate pas d'infraction ;

- elle méconnaît le champ d'application de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme dès lors qu'une part, que cet article ne permet pas au maire d'adopter une mise en demeure pour un changement de destination accompagné d'aucuns travaux et, d'autre part, que cet article ne donne pas au maire le pouvoir de prononcer des mesures de remise en état à l'encontre des administrés se matérialisant par des démolitions d'ouvrages ou des cessations d'activités ; dans ce dernier cas, la mesure porterait atteinte à la liberté d'entreprendre découlant de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'utilisation des locaux ne leur confère pas la destination " entrepôt " mais de celle de " CINASPIC " au sens des définitions données par le règlement du plan local d'urbanisme de Paris et que les travaux constitutifs de l'infraction sont donc régularisables par une simple déclaration préalable ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle se fonde, pour apprécier l'existence d'un changement de destination, sur les destinations résultant du plan local d'urbanisme et non sur celles découlant des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme ;

- la maire de Paris ne pouvait légalement estimer que les lieux devaient être restitués dans leur état d'origine, alors que leur utilisation pouvait être modifiée pour la rendre conforme à la destination autorisée de " commerce " en permettant l'accueil du public pour le retrait des commandes.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 février et 29 mars 2023, et un mémoire enregistré le 5 avril 2023 non communiqué, la ville de Paris, représentée par le cabinet Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Gorillas Technologies France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la société Gorillas Technologies France ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le règlement du plan local d'urbanisme de la Ville de Paris ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A,

- les conclusions de Mme Alidière, rapporteure publique,

- et les observations de Me de Lesquen, représentant la société Gorillas Technologies France, et de Me Londono Lopez, représentant la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. La société Gorillas Technologies France, qui exerce une activité de vente de produits d'épicerie et d'articles courants grâce à un système de commande en ligne et de livraison rapide, occupe pour les besoins de cette activité, différents locaux situés à Paris. Par une décision du 15 juillet 2022, la maire de Paris l'a mise en demeure de restituer les locaux qu'elle occupe au au 68, rue de Cléry dans le 2ème arrondissement de Paris dans leur état d'origine dans un délai de trois mois sous peine d'une astreinte administrative de 200 euros par jour de retard en application des dispositions de l'article L. 481-1 du code de justice administrative. La société Gorillas Technologies France demande l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; ". En outre, aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. La mise en demeure attaquée, qui constitue une mesure de police administrative qui doit être motivée en application des dispositions de l'article L. 211-4 du code des relations entre le public et l'administration, vise les dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, mentionne par ailleurs le procès-verbal d'infraction dressé le 5 avril 2022 concernant les travaux de transformation d'un local commercial en entrepôt réalisés en l'absence de déclaration préalable en violation des articles L. 421-4 et R. 421-17 du code de l'urbanisme et précise, enfin, que les travaux ne sont pas régularisables par le dépôt d'une décision de non-opposition à déclaration préalable dès lors que l'article UG.2.2.2 du règlement du plan local d'urbanisme n'admet la fonction d'entrepôt que sur des terrains ne comportant pas d'habitation et interdit la transformation en entrepôt de locaux existants en rez-de-chaussée sur rue. La décision contestée qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement est ainsi suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme : " I. Lorsque des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ainsi que des obligations mentionnées à l'article L. 610-1 ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable et qu'un procès-verbal a été dressé en application de l'article L. 480-1, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l'infraction constatée, l'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3-1 peut, après avoir invité l'intéressé à présenter ses observations, le mettre en demeure, dans un délai qu'elle détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l'aménagement, de l'installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une demande d'autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation. II.- Le délai imparti par la mise en demeure est fonction de la nature de l'infraction constatée et des moyens d'y remédier. Il peut être prolongé par l'autorité compétente, pour une durée qui ne peut excéder un an, pour tenir compte des difficultés que rencontre l'intéressé pour s'exécuter. III.- L'autorité compétente peut assortir la mise en demeure d'une astreinte d'un montant maximal de 500 € par jour de retard. L'astreinte peut également être prononcée, à tout moment, après l'expiration du délai imparti par la mise en demeure, le cas échéant prolongé, s'il n'y a pas été satisfait, après que l'intéressé a été invité à présenter ses observations. Son montant est modulé en tenant compte de l'ampleur des mesures et travaux prescrits et des conséquences de la non-exécution. Le montant total des sommes résultant de l'astreinte ne peut excéder 25 000 € ". Ces dispositions impliquent que l'intéressé ait été averti de la mesure que l'administration envisage de prendre, des motifs sur lesquels elle se fonde, et qu'il bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations.

5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

6. Il ressort des pièces du dossier que si, par courrier du 7 avril 2022, lui notifiant le procès-verbal d'infraction dressé à son encontre, la maire de Paris a invité la société Gorillas Technologies France à lui adresser dans un délai de trois semaines à compter de la réception de ce courrier ses observations conformément aux dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, ce courrier ne précise pas la teneur de la décision que la maire de Paris envisageait de prendre. Ainsi, la société Gorillas Technologies France n'a pas été mise en mesure de présenter utilement ses observations et le principe du respect d'une procédure contradictoire, constitutif d'une garantie, a été méconnu. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la société requérante a pu présenter ses observations par courrier du 19 mai 2022, d'une part, sur le motif de la mise en demeure tenant à l'existence d'un changement de destination sans autorisation en faisant valoir qu'il n'y avait aucun changement de destination, les locaux relevant toujours de la destination commerce, d'autre part, sur le motif fondant le choix d'imposer une remise en état des lieux en l'absence de régularisation possible par une décision de non opposition à déclaration préalable en expliquant les raisons pour lesquelles les locaux ne relevaient pas, selon elle, de la destination d'entrepôt. Par suite, alors que, dans les circonstances de l'espèce, la société requérante n'a pas été effectivement privée d'une garantie, et que ce vice n'a, par ailleurs, pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la mise en demeure contestée est illégale en raison du vice de procédure dont elle est entachée.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. () Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès verbal. Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public. ".

8. Il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité de l'établissement du procès-verbal d'infraction dressé en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, mais seulement de s'assurer que ce dernier constate une infraction au code de l'urbanisme.

9. Il ressort des pièces du dossier que par procès-verbal du 5 avril 2022, un agent assermenté de la ville de Paris a relevé que des travaux de transformation d'un local commercial en entrepôt avaient été réalisés sans autorisation d'urbanisme et a, en conséquence, constaté l'existence d'une infraction aux articles L. 421-4 et suivants du code de l'urbanisme. Si la société requérante soutient que la décision est illégale en tant qu'elle repose sur un procès-verbal qui ne précise pas les éléments matériels de l'infraction permettant de caractériser le changement de destination, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité de l'établissement du procès-verbal d'infraction dressé en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision serait illégale en ce qu'elle repose sur un procès-verbal qui ne constate pas d'infraction doit être écarté.

10. En quatrième lieu, les dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme précitées, introduites dans le code de l'urbanisme par la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, permettent à l'autorité compétente, indépendamment des poursuites pénales qui pourraient être engagées, de prononcer une mise en demeure, assortie le cas échéant d'une astreinte, dans différentes hypothèses où les dispositions du code de l'urbanisme, ou les prescriptions résultant d'une décision administrative ont été méconnues, en vue d'obtenir la régularisation de ces infractions, par la réalisation des opérations nécessaires à cette fin ou par le dépôt des demandes d'autorisation ou déclarations préalables permettant cette régularisation. Il résulte de ces dispositions, prises dans leur ensemble et eu égard à leur objet, que, si elles font référence aux " travaux ", elles sont cependant applicables à l'ensemble des opérations soumises à permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensées, à titre dérogatoire, d'une telle formalité et qui auraient été entreprises ou exécutées irrégulièrement. Il en est notamment ainsi pour les changements de destination qui, en vertu de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme, sont soumis à déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du champ d'application de la loi en ce que les dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme ne permettent pas au maire d'adopter une mise en demeure pour un changement de destination accompagné d'aucuns travaux doit être écarté.

11. En cinquième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme, éclairées par les travaux parlementaires préalables à l'adoption de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique dont elles sont issues, que, dans le but de renforcer le respect des règles d'utilisation des sols et des autorisations d'urbanisme, le législateur a entendu, que, lorsqu'a été dressé un procès-verbal constatant que des travaux soumis à permis de construire, permis d'aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou dispensés, à titre dérogatoire, d'une telle formalité ont été entrepris ou exécutés irrégulièrement, l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme puisse, dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale et indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l'infraction constatée, mettre en demeure l'intéressé, après avoir recueilli ses observations, selon la nature de l'irrégularité constatée et les moyens permettant d'y remédier, soit de solliciter l'autorisation ou la déclaration nécessaire, soit de mettre la construction, l'aménagement, l'installation ou les travaux en cause en conformité avec les dispositions dont la méconnaissance a été constatée, y compris, si la mise en conformité l'impose, en procédant aux démolitions nécessaires. De même, alors que l'autorité compétente peut ordonner toutes les opérations nécessaires à la mise en conformité de travaux irréguliers, la remise en état des locaux dans leur destination d'origine peut impliquer une cessation d'activité. Si la société requérante soutient qu'une telle mesure porterait atteinte à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il n'appartient pas au juge administratif, en dehors du cas où une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée, d'apprécier la conformité de dispositions législatives aux exigences constitutionnelles. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la maire de Paris a méconnu le champ d'application de la loi en ce que l'article L. 481-1 du code de l'urbanisme ne donne pas pouvoir à l'autorité compétente de prononcer des mesures de remise en état à l'encontre des administrés se matérialisant par des démolitions d'ouvrages ou des cessations d'activités.

 

12. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 151-27 du code de l'urbanisme, créé par le décret du 28 décembre 2015 et entré en vigueur le 1er janvier 2016 : " Les destinations de constructions sont : / 1° Exploitation agricole et forestière ; / 2° Habitation ; / 3° Commerce et activités de service ; / 4° Equipements d'intérêt collectif et services publics ; / 5° Autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire ". Cet article remplace l'ancien article R. 123-9, qui prévoyait que : " Les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt. En outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ". Aux termes de l'article R. 151-28 de ce code : " Les destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations suivantes : / () 3° Pour la destination " commerce et activités de service " : artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s'effectue l'accueil d'une clientèle, cinéma, hôtels, autres hébergements touristiques ; / 4° Pour la destination " équipements d'intérêt collectif et services publics " : locaux et bureaux accueillant du public des administrations publiques et assimilés, locaux techniques et industriels des administrations publiques et assimilés, établissements d'enseignement, de santé et d'action sociale, salles d'art et de spectacles, équipements sportifs, autres équipements recevant du public ; / 5° Pour la destination " autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire " : industrie, entrepôt, bureau, centre de congrès et d'exposition ". Enfin, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du ministre du logement et de l'habitat durable du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu : " () La sous-destination " artisanat et commerce de détail " recouvre les constructions commerciales destinées à la présentation et vente de bien directe à une clientèle ainsi que les constructions artisanales destinées principalement à la vente de biens ou services ". Aux termes de l'article 5 du même arrêté : " () La sous-destination " entrepôt " recouvre les constructions destinées au stockage des biens ou à la logistique ".

13. Aux termes de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme: " Doivent être précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en application des articles R. 421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements de destination des constructions existantes suivants : / a) Les travaux ayant pour effet de modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment existant, à l'exception des travaux de ravalement ; / b) Les changements de destination d'un bâtiment existant entre les différentes destinations définies à l'article R. 151-27 ; pour l'application du présent alinéa, les locaux accessoires d'un bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal et le contrôle des changements de destination ne porte pas sur les changements entre sous-destinations d'une même destination prévues à l'article R. 151-28 () ".

14. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les règles issues du décret du 28 décembre 2015 définissant les projets soumis à autorisation d'urbanisme, selon notamment qu'ils comportent ou non un changement de destination d'une construction existante, sont entrées en vigueur le 1er janvier 2016, sans qu'ait d'incidence à cet égard le maintien en vigueur, sauf décision contraire du conseil municipal ou communautaire, de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016, dans les hypothèses prévues au VI de l'article 12 du décret du 28 décembre 2015, lequel ne se rapporte qu'aux règles de fond qui peuvent, dans ces hypothèses particulières, continuer à figurer dans les plans locaux d'urbanisme et ainsi à s'appliquer aux constructions qui sont situées dans leur périmètre. Les règles soumettant les constructions à permis de construire ou déclaration préalable, dont un plan local d'urbanisme ne saurait décider et qui relèvent d'ailleurs d'un autre livre du code de l'urbanisme, sont définies, pour l'ensemble du territoire national, par les articles R. 421-14 et R. 421-17 du code de l'urbanisme, qui renvoient, depuis le 1er janvier 2016, pour déterminer les cas de changement de destination soumis à autorisation, aux destinations et sous-destinations identifiées aux articles R. 151-27 et R. 151-28 de ce code.

15. La société requérante soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit dès lors que la maire de Paris s'est fondée, pour apprécier l'existence d'un changement de destination, sur les anciennes destinations figurant au plan local d'urbanisme et non sur les nouvelles destinations découlant des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme. Toutefois, si la décision litigieuse relève que des travaux de transformation d'un local commercial en entrepôt ont été réalisés sans déclaration préalable, il ne peut être déduit de cette mention que la maire de Paris aurait entendu se référer, à ce stade du raisonnement, aux anciennes destinations de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme reprises dans le plan local d'urbanisme de Paris alors qu'elle ne qualifie pas la notion d'entrepôt de destination en tant que telle, qu'elle ne cite pas les anciennes dispositions de l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme et que les dispositions de l'article UG.2.2.2 du règlement du plan local d'urbanisme ne sont citées que dans un second temps, non pour caractériser l'existence d'un changement de destination mais pour constater l'absence de régularisation possible par une déclaration préalable compte tenu de la méconnaissance de ces dispositions. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

16. En septième lieu, il ressort des pièces du dossier que les locaux occupés par la société Gorillas Technologies France, qui étaient initialement des locaux utilisés par des commerces, sont désormais destinés à la réception et au stockage ponctuel de marchandises, afin de permettre une livraison rapide de clients par des livreurs à bicyclette. Ils ne constituent plus, pour l'application des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme, tels que précisés par l'arrêté du 10 novembre 2016 cité ci-dessus, des locaux " destinées à la présentation et vente de bien directe à une clientèle " et, même si des points de retrait peuvent y être installés, ils doivent être considérés comme des entrepôts au sens de ces dispositions. L'occupation de ces locaux par la société Gorillas Technologies France pour y exercer les activités en cause constitue donc un changement de destination, soumis, en application de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme à déclaration préalable. Dès lors, la ville de Paris était en droit d'exiger de la société requérante le dépôt d'une déclaration préalable.

17. Pour apprécier si une telle déclaration préalable devait nécessairement donner lieu à opposition de la ville, si bien que la situation de la société requérante était insusceptible d'être régularisée, il convient, ainsi qu'il a été dit au point 14, de se référer aux dispositions du plan local d'urbanisme de la ville de Paris relatives aux destinations.

18. Le plan local d'urbanisme de la ville de Paris se réfère encore aux anciennes destinations de l'ancien article R. 123-9 visé aux point 12. Au titre des " constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ", il identifie notamment la possibilité de prévoir des espaces de logistique urbaine. Il définit, par ailleurs, les entrepôts comme les locaux d'entreposage et de reconditionnement de produits ou de matériaux, en précisant que sont assimilés à cette destination tous les locaux d'entreposage liés à une activité industrielle, commerciale ou artisanale, lorsque leur taille représente plus de 1/3 de la surface de plancher totale, et, de façon plus générale, tous les locaux recevant de la marchandise ou des matériaux non destinés à la vente aux particuliers dans lesdits locaux. En outre, le 1° de l'article UG 2.2.2 de ce plan local d'urbanisme prévoit que : " () La transformation en entrepôt de locaux existants en rez-de-chaussée est interdite ".

19. Il ressort des pièces du dossier que l'occupation des locaux par la société Gorillas Technologies France, telle que présentée au point 16, ne correspond pas à une logique de logistique urbaine qui, en application des dispositions du plan local d'urbanisme de Paris, pourrait les faire entrer dans la catégorie des " constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ", mais a pour objet de permettre l'entreposage et le reconditionnement de produits non destinés à la vente aux particuliers dans ces locaux, ce qui correspond à une activité relevant de la destination " Entrepôt ", telle que définie par le même plan local d'urbanisme. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'il n'était pas possible d'opposer les dispositions de l'article UG.2.2.2 du règlement du plan local d'urbanisme interdisant la transformation en entrepôt de locaux existants en rez-de-chaussée sur rue pour considérer que les travaux n'étaient pas régularisables par déclaration préalable doit être écarté.

20. En dernier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 16, les locaux litigieux ne constituent plus, pour l'application des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l'urbanisme, tels que précisés par l'arrêté du 10 novembre 2016 cité ci-dessus, des locaux " destinées à la présentation et vente de bien directe à une clientèle " et, même si des points de retrait peuvent y être installés, ils doivent être considérés comme des entrepôts au sens de ces dispositions. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'utilisation des locaux pouvait être modifiée pour la rendre conforme à la destination autorisée de " commerce " en permettant l'accueil du public pour le retrait des commandes et que la maire de Paris ne pouvait donc légalement la mettre en demeure de restituer les lieux dans leur état d'origine.

21. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par la société Gorillas Technologies France doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante une somme de 200 euros à verser à la ville de Paris sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la ville de Paris qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Gorillas Technologies France est rejetée.

Article 2 : La société Gorillas Technologies France versera la somme de 200 euros à la ville de Paris au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Gorillas Technologies France et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Le Roux, présidente,

Mme Madé, première conseillère,

Mme Berland, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 avril 2023.

La rapporteure,

C. A

La présidente,

M-O. LE ROUX La greffière,

 

I. SZYMANSKI

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2/4-

Code publication

C