Tribunal administratif de Chalons

Jugement du 14 avril 2023 n° 2102757

14/04/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2021, Mme E D, représentée par Me Guyon, demande au tribunal :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 septembre 2021 par laquelle le directeur par intérim du centre hospitalier de Langres l'a suspendue de ses fonctions sans traitement, à compter du 21 septembre suivant et jusqu'à production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination ;

2°) à titre principal, d'enjoindre au directeur par intérim du centre hospitalier de Langres de procéder à sa réintégration et au versement de sa rémunération, y compris de manière rétroactive, dans tous ses éléments et accessoires, sous astreinte de 400 euros par jour de retard à compter de la mise à disposition du jugement à intervenir ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à cette même autorité de réexaminer sa situation et de procéder au versement de sa rémunération, y compris de manière rétroactive, dans tous ses éléments et accessoires, sous astreinte de 400 euros par jour de retard à compter de la mise à disposition du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Langres la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est recevable ;

- la décision litigieuse du 15 septembre 2021 a été adoptée par une autorité incompétente pour le faire ;

- constituant une sanction disciplinaire, elle a été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière, faute d'avoir bénéficié des garanties de la procédure disciplinaire ainsi que d'avoir été précédée de l'organisation d'une procédure contradictoire et de la consultation de la commission administrative paritaire ;

- cette décision n'est pas motivée et aucune urgence ne pouvait justifier cette absence de motivation ;

- la décision en litige est entachée d'erreur de fait faute pour l'administration de justifier qu'elle a constaté qu'elle ne pouvait plus exercer son activité, conformément à l'article 14 de la loi du 5 août 2021 ;

- elle ne pouvait faire l'objet d'une décision de suspension sans rémunération de ses fonctions dès lors qu'elle était placée en congé de maladie à la date de la décision en litige ;

- cette décision constitue une sanction disciplinaire déguisée ;

- cette décision prononce une sanction qui n'est pas prévue dans l'échelle des sanctions de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 ;

- une telle mesure est également qualifiable de mesure de police administrative qui n'est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ;

- dans l'hypothèse où cette décision serait regardée comme étant une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service, elle méconnaît les dispositions de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 puisque le refus de se faire vacciner n'est pas une faute grave, la suspension, qui n'est pas limitée dans le temps, aurait dû être assortie du maintien de sa rémunération et le conseil de discipline aurait dû être saisi ;

- la décision contestée porte atteinte au principe de continuité du service public hospitalier ;

- elle méconnaît le principe d'égalité, garanti par les articles 1er et 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 1er du protocole n° 12 annexé à cette convention, compte tenu de la rupture d'égalité, d'une part, au regard des conséquences du refus de justification de l'état de santé, d'autre part, en raison d'une exposition identique à la contamination et à sa transmission, enfin, par rapport à la situation géographique, notamment aux Antilles ;

- cette décision est illégale en ce qu'elle crée une discrimination prohibée tant par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1er du protocole n° 12 à ce texte, que par l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et le règlement n° 2021/953 du 14 juin 2021 ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 2, 5 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le droit à la santé énoncé à l'alinéa 11 du préambule de la Constitution ;

- la décision contrevient au principe du respect de l'intégrité physique et du corps humain, en violation des articles 1er et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, outre les articles 16-1 et 16-3 du code civil, et l'article L. 1111-4 du code de la santé publique ;

- elle méconnaît le principe de précaution consacré par l'article 5 de la Charte de l'environnement et repris à l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;

- elle méconnaît le droit au respect du secret médical protégé par l'article L. 1110-4 du code de la santé publique ;

- elle méconnaît la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie, telles que notamment protégées à l'article 16 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 juillet 2022, le centre hospitalier de Langres, représenté par Me Sammut, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme D en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 14 octobre 2022 par une ordonnance du 2 août précédent.

Vu

- l'ordonnance n° 2102758 du 21 décembre 2021 du juge des référés du tribunal ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement 2021/953 du 14 juin 2021 ;

- la directive 2001/20/CE du 4 avril 2001 ;

- le code de la santé publique ;

- loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C,

- les conclusions de M. Deschamps, rapporteur public,

- et les observations de Me Sammut pour le centre hospitalier de Langres.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D, qui appartient au corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés, devenu corps des aides-soignants et des auxiliaires de puériculture, avec le grade d'aide-soignante principale, travaille à l'établissement public d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EPHPAD) relevant du centre hospitalier de Langres (Haute-Marne). Par une décision du 15 septembre 2021, son directeur par intérim a suspendu l'intéressée de ses fonctions sans traitement, à compter du 21 septembre suivant et jusqu'à production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination valide. Par une ordonnance du 21 décembre 2021, le juge des référés du tribunal a suspendu l'exécution de la décision du 15 septembre 2021, en tant qu'elle ne prévoit pas une entrée en vigueur différée au terme de l'arrêt de maladie de l'intéressée. Mme D demande au tribunal l'annulation de cette décision.

Sur les dispositions applicables :

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité à droit : () 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42 ".

3. Aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique () ". Et aux termes du III de l'article 14 de la même loi : " Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit () ".

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le moyen de défense tiré de la situation de compétence liée :

4. Il résulte des dispositions précitées des articles 12 à 14 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire qu'il appartient aux établissements de soins de contrôler le respect de l'obligation vaccinale de leurs personnels soignants et agents publics et, le cas échéant, de prononcer une suspension de leurs fonctions jusqu'à ce qu'il soit mis fin au manquement constaté. L'appréciation selon laquelle les personnels ne remplissent pas les conditions posées par ces dispositions, ne résulte pas d'un simple constat, mais nécessite non seulement l'identification du cas, parmi ceux énumérés par le I de l'article 13, dans lequel se trouve l'agent, mais également l'examen de la régularité du justificatif produit au regard de ces dispositions et de celles des dispositions réglementaires prises pour leur application. Par suite, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, l'administration n'était pas en situation de compétence liée pour prendre la mesure litigieuse.

En ce qui concerne la légalité externe :

5. Par une décision n° 2021/04 du 4 janvier 2021, M. F A, directeur par intérim du centre hospitalier de Langres, a donné délégation à Mme B G, directrice des ressources humaines par intérim, à l'effet notamment de signer, en cas d'absence et ou d'empêchement du directeur, toutes les décisions en lien avec la gestion des ressources humaines. Dès lors et contrairement à ce que soutient Mme D, Mme G était compétente pour prendre la décision de la suspendre sans rémunération de ses fonctions sur le fondement des dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021.

6. Il résulte des termes des dispositions de l'article 14 citées ci-dessus que la suspension des fonctions, qui se borne à constater que l'intéressé ne remplit plus les conditions légales pour exercer ses fonctions, ne constitue ni une sanction disciplinaire ni par conséquent une suspension à titre conservatoire prélude au déclenchement de l'action disciplinaire et n'étant en outre pas limitée dans le temps et entraînant une suspension de rémunération, ni une mesure de police administrative. Par suite, l'ensemble des moyens de légalité externe soulevés contre la décision attaquée et fondés sur ces trois qualifications de cette dernière doivent être écartés comme inopérants.

7. Compte tenu de sa nature juridique précisée au point précédent, la décision contestée n'est pas au nombre de celles qui doivent être motivées par application des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen de son insuffisante motivation doit, par suite, être écarté comme inopérant.

8. Il ressort des dispositions précitées de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 qu'il appartient à l'agent public, soumis à l'obligation vaccinale, de présenter à son employeur les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. Contrairement à ce que soutient Mme D, il n'incombait donc pas à l'administration de procéder à la réalisation de formalités, telle que la production d'un rapport, avant de prendre sa décision de suspension de fonctions. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que Mme D a notamment été reçue en entretien individuel le 9 septembre 2021 par la direction de l'établissement au cours duquel une information sur les conséquences du non-respect de l'obligation vaccinale lui a été délivrée, à propos de laquelle elle a indiqué ne pas vouloir se faire vacciner. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'un vice de procédure doit être en tout état de cause écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

9. Eu égard à ce qui a été dit au point 6, l'ensemble des moyens de légalité interne soulevés contre la décision attaquée et s'appuyant sur les trois qualifications de cette dernière évoquées à ce point doivent être écartés comme inopérants.

10. Si Mme D soutient que la décision contestée méconnaît les articles 1er, 4 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le droit à la santé énoncé à l'article 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 5 de la charte de l'environnement ainsi que les principes constitutionnels de la liberté d'entreprendre et de la continuité du service public, elle conteste en réalité le principe même de l'obligation vaccinale posé par la loi du 5 août 2021. Il s'en suit que ces moyens sont inopérants en dehors d'une question prioritaire de constitutionnalité. Par suite, ils ne peuvent qu'être écartés.

11. Mme D ne saurait utilement invoquer la méconnaissance de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui consacre le droit à la liberté et à la sureté, et n'est pas applicable au présent litige. Par suite, le moyen doit être écarté.

12. Si Mme D invoque la contrariété de la décision en litige aux articles 16-1 et 16-3 du code civil, à l'article L. 110-1 du code de l'environnement et à l'article L. 1111-4 du code de la santé publique, il ressort de ses écritures qu'elle conteste, en réalité, l'obligation vaccinale dans son principe, prévue par les dispositions de la loi du 5 août 2021. Ainsi, Mme D ne peut invoquer la contrariété de cette loi aux articles précités qui n'ont pas un rang inférieur au leur dans la hiérarchie des normes, dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler la cohésion des dispositions législatives entre elles ni de se prononcer sur l'opportunité de leur contenu.

13. Si Mme D soutient que l'intervention de la décision en litige révèle nécessairement un échange d'informations protégées par le secret médical, les dispositions de l'article 13 de la loi du 5 août 2021, qui imposent une obligation vaccinale pour certains personnels dont Mme D, attribuent aux employeurs le pouvoir de contrôler le respect de l'obligation prévue au I de l'article 12 par les personnes placées sous leur responsabilité. Ainsi, l'employeur de la requérante, pouvait contrôler son obligation vaccinale sans méconnaître le secret médical. Le moyen doit donc être écarté.

14. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la Covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 5 août 2021 que l'accès volontaire aux vaccins, qui était initialement l'approche privilégiée, n'a pas permis d'atteindre une couverture vaccinale suffisante, notamment parmi les soignants, pour endiguer les vagues épidémiques. En adoptant, pour l'ensemble des professionnels des secteurs sanitaire et médico-social, le principe d'une obligation vaccinale à compter du 15 septembre 2021, le législateur a entendu, dans un contexte de progression rapide de l'épidémie de Covid-19 accompagné de l'émergence de nouveaux variants et compte tenu d'un niveau encore incomplet de la couverture vaccinale, protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des patients et notamment des personnes vulnérables (immunodéprimées, âgées), protéger également la santé des professionnels de santé, qui sont particulièrement exposés au risque de contamination compte tenu de leur activité, et diminuer ainsi le risque de saturation des capacités hospitalières. D'une part, la mesure contestée, fondée sur les dispositions de la loi du 5 août 2021, s'applique de manière identique à l'ensemble des personnes qui exercent leur activité professionnelle au sein des établissements de santé et des professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du code de la santé publique. La circonstance que ce dispositif fait peser sur ces personnes une obligation vaccinale qui n'est pas imposée à d'autres catégories de personnes, constitue, compte tenu des missions des établissements et professionnels de santé et de la vulnérabilité des patients qu'ils prennent en charge, une différence de traitement en rapport avec cette différence de situation, qui n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi. Contrairement à ce qui est soutenu, ces professionnels, en contact avec des patients, se trouvent dans une situation différente des autres travailleurs. D'autre part, l'article 13 de la même loi du 5 août 2021 prévoit que l'obligation de vaccination ne s'applique pas aux personnes qui présentent un certificat médical de contre-indication ainsi que, pendant la durée de sa validité, aux personnes disposant d'un certificat de rétablissement. Le champ de cette obligation apparaît ainsi cohérent et proportionné au regard de l'objectif de santé publique poursuivi alors même que l'obligation ne concerne pas l'ensemble de la population mais seulement les professionnels qui se trouvent dans une situation qui les expose particulièrement au virus et au risque de le transmettre aux personnes les plus vulnérables à ce virus. Ainsi, la décision attaquée, se fondant sur les dispositions des articles 12 et 14 de la loi du 5 août 2021, a apporté au droit au respect de la vie privée une restriction justifiée par l'objectif d'amélioration de la couverture vaccinale en vue de la protection de la santé publique et proportionnée à ce but. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait incompatible avec les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou qu'elle serait discriminatoire ou contraire au principe d'égalité.

15. Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. ".

16. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les vaccins contre la covid-19 administrés en France ont fait l'objet d'une autorisation conditionnelle de mise sur le marché de l'Agence européenne du médicament, qui procède à un contrôle strict des vaccins afin de garantir que ces derniers répondent aux normes européennes en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité et soient fabriqués et contrôlés dans des installations agréées et certifiées. Contrairement à ce qui est soutenu, les vaccins ne sauraient dès lors être regardés comme en phase expérimentale. D'autre part, si la requérante fait valoir que la limitation des possibilités de contre-indications individuelles, qui résulte des dispositions contestées, porterait une atteinte potentielle à ce droit, compte tenu des risques révélés par les données de pharmacovigilance, de tels éléments ne sont pas de nature à caractériser un danger de cette nature. Est, par suite, inopérant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 de la convention précitée.

17. Si Mme D soutient que l'obligation vaccinale porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre, garantie par l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, il résulte de ce qui a été dit au point 14 que le législateur a opéré une conciliation équilibrée entre d'une part, le droit pour chacun d'obtenir un emploi et les libertés d'entreprendre et du commerce et de l'industrie, et d'autre part, l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé. Par suite, le moyen doit être écarté.

18. Il résulte des dispositions citées aux points 2 et 3 que si le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent en question.

19. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de celles produites par Mme D, et n'est pas contesté, que l'intéressée a été placée en congé de maladie à compter du 20 septembre 2021 et n'a repris ses fonctions qu'à partir du 31 décembre 2021. Dans ces conditions, la décision de suspension sans traitement prise à son encontre le 15 septembre 2021 ne pouvait être d'effet immédiat et devait voir son entrée en vigueur différée au terme de son congé de maladie le 31 décembre 2021.

20. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 15 septembre 2021 prononçant la suspension de Mme D est annulé en tant que cet arrêté prend effet à compter du 21 septembre 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

21. Eu égard au motif d'annulation partielle retenu par le présent jugement, son exécution, si cela n'a pas déjà été fait, implique nécessairement que l'administration adopte une décision rétablissant Mme D dans ses droits, y compris à rémunération, pour la période comprise entre le 21 septembre et le 30 décembre inclus dans le délai d'un mois suivant la notification du présent jugement, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Langres, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme D au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D la somme demandée par le centre hospitalier de Langres au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La décision du directeur par intérim du centre hospitalier de Langres est annulée en tant qu'elle prend effet avant le 31 décembre 2021.

Article 2 : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier de Langres de rétablir Mme D dans ses droits, y compris à rémunération, durant la période comprise entre les 21 septembre et 30 décembre 2021 inclus, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, si cela n'a pas déjà été fait.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier de Langres présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme E D et au centre hospitalier de Langres.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Cristille, président,

Mme de Laporte, première conseillère,

M. Maleyre, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 avril 2023.

Le rapporteur,

signé

P. H. CLe président,

signé

P. CRISTILLE

Le greffier,

signé

A. PICOT

Code publication

C