Tribunal administratif de Chalons

Jugement du 14 avril 2023 n° 2102395

14/04/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 4 novembre 2021, Mme A B, représentée par Me Joseph, demande au tribunal :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 15 septembre 2021 par laquelle la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence du parc l'a suspendue de ses fonctions sans traitement, à compter du 22 septembre 2021 et jusqu'à production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination ;

2°) d'enjoindre à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Résidence du parc de la réintégrer dans ses fonctions dans un délai de huit jours à compter de la mise à disposition du jugement, sous astreinte de cent euros par jour de retard, et de le condamner à lui reverser les salaires supprimés dans le même délai ;

3°) de mettre à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Résidence du parc la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai de 8 jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de rejeter la demande présentée par l'EHPAD Résidence du parc au même titre.

Elle soutient que :

- la décision litigieuse du 15 septembre 2021, qui constitue une sanction disciplinaire, a été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière, faute d'avoir bénéficié des garanties de la procédure disciplinaire et précédée de l'organisation d'une procédure contradictoire en méconnaissance des dispositions de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a produit un certificat de contre-indication la dispensant de l'obligation vaccinale, qui n'a pas été pris en compte par son employeur ;

- il est matériellement impossible de se vacciner, les produits utilisés contre la COVID-19 ne sont pas des vaccins mais des substances géniques injectables qui ne peuvent être utilisés que dans le cadre d'essais cliniques et ils génèrent une grande quantité d'effets indésirables ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît le principe constitutionnel de dignité de la personne humaine ;

- elle méconnaît l'article 7 du pacte international relatifs aux droits économiques sociaux et culturels, les articles 5 et 13 de la convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine et son protocole additionnel relatif à la recherche biomédicale, les articles 3 et 6 de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme, la déclaration d'Helsinki de l'association médicale mondiale, le code de Nuremberg issu de la jurisprudence pénale internationale, la directive 2001/20/CE, le règlement 2021/953, la résolution n° 2361 de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, les articles 1er, 3 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que les articles 16 et 16-3 du code civil et L. 1111-2, L. 1111-4, L. 1121-1, L. 1121-2, L. 1126-1, L. 1121-5, L. 1121-7, R. 4127-2 et R. 4127-42et R. 4127-2 et R. 4127-42 du code de la santé publique ;

- l'obligation vaccinale n'est plus justifiée.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2022, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Résidence du parc, représenté par Me Muller-Pistre, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Mme B a confirmé, en application de l'article R. 612-5-2 du code de justice administrative, le maintien de ses conclusions par un courrier enregistré le 20 décembre 2021.

La clôture de l'instruction a été fixée au 15 octobre 2022 par une ordonnance du 3 août précédent.

Vu

- l'ordonnance n° 2102563 du 25 novembre 2021 du juge des référés du tribunal ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;

- la convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine du 4 avril 1997 ;

- la déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme du 19 octobre 2005 ;

- la directive 2021/20/CE du parlement européen et du conseil du 4 avril 2001 ;

- le règlement 2021/953 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2021 ;

- code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Maleyre, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Deschamps, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B, qui appartient au corps des aides-soignants et des agents des services hospitaliers qualifiés, devenu corps des aides-soignants et auxiliaires de puériculture de la fonction publique hospitalière, exerce ses fonctions au sein des effectifs de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Résidence du parc situé à Saint-Germain-la-Ville (Marne). Par une décision du 15 septembre 2021, sa directrice a suspendu l'intéressée de ses fonctions sans traitement, à compter du 22 septembre 2021 et jusqu'à production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination. Par une ordonnance du 25 novembre 2021, le juge des référés du tribunal a rejeté la demande de suspension de l'exécution de la décision du 9 septembre 2021 présentée par Mme B sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, au motif qu'il n'était pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. Mme B demande au tribunal l'annulation de la décision du 15 septembre 2021.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / () k) Les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés aux 2°, 3°, 5°, 6°, 7°, 9° et 12° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'exception des travailleurs handicapés accompagnés dans le cadre d'un contrat de soutien et d'aide par le travail mentionné au dernier alinéa de l'article L. 311-4 du même code () ". Aux termes du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles : " Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : / () 6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l'insertion sociale () ". Aux termes de l'article 13 de la même loi : " I.- Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12 () / 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. Ce certificat peut, le cas échéant, comprendre une date de validité. / II.- Les personnes mentionnées au I de l'article 12 justifient avoir satisfait à l'obligation prévue au même I ou ne pas y être soumises auprès de leur employeur lorsqu'elles sont () agents publics () ". Son article 14 dispose : " I.- () B.- A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. () / III- Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. () / La dernière phrase du deuxième alinéa du présent III est d'ordre public () ". Son article 14 dispose : " I. - A compter du lendemain de la publication de la présente loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12 ou le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret. / () III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. / La dernière phrase du deuxième alinéa du présent III est d'ordre public. / Lorsque le contrat à durée déterminée d'un agent public non titulaire est suspendu en application du premier alinéa du présent III, le contrat prend fin au terme prévu si ce dernier intervient au cours de la période de suspension ".

3. Aux termes de l'article 2-4 du décret du 1er juin 2021 dans sa version applicable à la date du 15 septembre 2021 : " Les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination contre la covid-19 et permettant la délivrance du document pouvant être présenté dans les cas prévus au 2° du A du II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 susvisée sont mentionnés à l'annexe 2 du présent décret. / L'attestation de contre-indication médicale est remise à la personne concernée par un médecin. ". Aux termes du I de l'annexe 2 de ce décret dans sa version également applicable au 15 septembre 2021 : " Les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination contre la covid-19 mentionnés à l'article 2-4 sont : / 1° Les contre-indications inscrites dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) : / - antécédent d'allergie documentée (avis allergologue) à un des composants du vaccin en particulier polyéthylène-glycols et par risque d'allergie croisée aux polysorbates ; / réaction anaphylaxique au moins de grade 2 (atteinte au moins de 2 organes) à une première injection d'un vaccin contre la COVID posée après expertise allergologique ; () ".

4. En premier lieu, il résulte des termes des dispositions de l'article 14 citées ci-dessus que la suspension des fonctions, qui se borne à constater que l'intéressée ne remplit pas les conditions légales pour exercer ses fonctions, ne constitue pas une sanction. Par suite, l'ensemble des moyens soulevés contre la décision attaquée tendant à établir son illégalité à raison de sa nature disciplinaire doivent être écartés comme inopérants. De même, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant dès lors que cet article n'est pas applicable aux procédures administratives.

5. En deuxième lieu, Mme B soutient qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une suspension de fonctions dans la mesure où, après avoir effectué des tests cutanés, son bras est demeuré enflammé plusieurs heures, situation qui caractérise un contre-indication. Toutefois, la seule production d'un certificat médical daté du 6 septembre 2021 rédigé par un médecin généraliste se bornant à indiquer que l'état de santé de la requérante " contre indique toute vaccination ", ne permet pas de dispenser Mme B de l'obligation vaccinale prévue par les dispositions précitées de l'article 12 de la loi du 5 août 2021, alors que le certificat médical d'un allergologue du 23 septembre 2021, dont l'intervention est prévue par l'annexe 2 du décret du 1er juin 2021 précité et que l'intéressée ne conteste pas sérieusement, mentionne, qu'après réalisation de tests cutanés, elle peut être vaccinée. Dès lors, son employeur, qui fait valoir sans être contredit que la consultation d'un allergologue a été demandée à son initiative à la suite de la production du certificat médical du 6 septembre 2021, a pu légalement suspendre Mme B de ses fonctions, faute pour cette dernière de présenter un cas de contre-indication à la vaccination.

6. En troisième lieu, Mme B soutient qu'elle était dans l'impossibilité matérielle de se faire vacciner, dès lors qu'il n'existe pas sur le territoire national de vaccin contre la covid-19, le substantif vaccin étant entendu au sens de la définition qui en est donnée par les sources du droit tant international que national et que les " substances géniques injectables " disponibles sur le territoire national sont toujours en phase d'essai clinique. S'il est constant que les vaccins contre la covid-19 administrés en France n'ont fait l'objet que d'une autorisation de mise sur le marché conditionnelle de l'Agence européenne des médicaments, celle-ci procède à un contrôle strict des vaccins afin de garantir que ces derniers répondent aux normes européennes en matière de sécurité, d'efficacité et de qualité. Par ailleurs, la vaccination contre la covid-19, dont l'efficacité au regard des objectifs poursuivis par le législateur - de garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par les vaccins disponibles et de protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des malades qui y étaient hospitalisés, dans un contexte de progression rapide de l'épidémie de Covid-19 accompagné de l'émergence de nouveaux variants - est établie en l'état des connaissances scientifiques, réduit les risques de contamination, même si elle ne les supprime pas totalement, et cette vaccination n'est susceptible de provoquer, sauf dans des cas très rares, que des effets indésirables mineurs et temporaires. Ainsi, alors même que les vaccins disponibles n'avaient fait l'objet que d'une autorisation conditionnelle de mise sur le marché, Mme B n'était pas dans l'impossibilité matérielle de bénéficier d'une vaccination. Par suite, ce moyen doit être écarté comme manquant en fait.

7. En quatrième lieu, il est constant qu'aucun traitement médical n'a été administré à Mme B et, notamment, qu'elle n'a pas été contrainte de subir une injection de vaccin contre la covid-19 mais seulement suspendue de ses fonctions pour s'être soustraite à l'obligation vaccinale prévue par la loi. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît le principe du consentement préalable, libre éclairé du patient à tout traitement médical, garanti par le droit international, européen et interne doivent être écartés.

8. En cinquième lieu, la requérante ne peut utilement soutenir que la décision attaquée est illégale en ce qu'elle méconnaît la résolution n° 2361 adoptée le 27 janvier 2021 par l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe dès lors que cette résolution n'a pas de valeur contraignante.

9. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Le droit à l'intégrité physique fait partie du droit au respect de la vie privée au sens de ces stipulations, telles que la cour européenne des droits de l'homme les interprète. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit, qui peut être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l'article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter.

10. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. En l'état des connaissances disponibles, la vaccination réduit de 95 % le risque d'hospitalisation, réduit de plus de 60% le risque d'infection et les risques de circulation du virus sont également réduits lorsqu'une personne est vaccinée. En adoptant pour l'ensemble des professionnels des secteurs sanitaire et médico-social, le principe d'une obligation vaccinale à compter du 15 septembre 2021, le législateur a entendu, dans un contexte de progression rapide de l'épidémie de covid-19 accompagné de l'émergence de nouveaux variants et compte tenu d'un niveau encore incomplet de la couverture vaccinale, protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des patients et notamment des personnes vulnérables (immunodéprimées, âgées), protéger également la santé des professionnels de santé, qui sont particulièrement exposés au risque de contamination compte tenu de leur activité, et diminuer ainsi le risque de saturation des capacités hospitalières. Par ailleurs, l'article 13 de la même loi du 5 août 2021 prévoit que l'obligation de vaccination ne s'applique pas aux personnes qui présentent un certificat médical de contre-indication ainsi que, pendant la durée de sa validité, aux personnes disposant d'un certificat de rétablissement. Ainsi, les dispositions des articles 12 et 14 de la loi du 5 août 2021, fondement de la décision attaquée, ont apporté au droit au respect de la vie privée une restriction justifiée par l'objectif d'amélioration de la couverture vaccinale en vue de la protection de la santé publique et proportionnée à ce but. Par suite, le moyen tiré de la violation par la décision attaquée de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. En septième lieu, si la requérante invoque le moyen tiré de la méconnaissance de la " sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de dégradation " fondée sur le premier alinéa du préambule de la Constitution de 1946, elle conteste ainsi la constitutionnalité de la loi du 5 août 2021. Un tel moyen étant inopérant en dehors d'une question prioritaire de constitutionnalité, il ne peut, par suite, qu'être écarté.

12. En dernier lieu, si Mme B soutient que la vaccination obligatoire n'est plus justifiée, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, laquelle s'apprécie à la date du 15 septembre 2021.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 15 septembre 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

14. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas de lieu de mettre à la charge de Mme B la somme demandée par l'EHPAD Résidence du parc au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'EHPAD Résidence du parc présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Résidence du parc.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Cristille, président,

Mme de Laporte, première conseillère,

M. Maleyre, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 avril 2023.

Le rapporteur,

signé

P. H. MALEYRELe président,

signé

P. CRISTILLE

Le greffier,

signé

A. PICOT

Code publication

C