Tribunal administratif de Rennes

Ordonnance du 7 avril 2023 n° 2301167

07/04/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er et 16 mars 2023, M. B A, représenté par Me Guilloux, demande au juge des référés :

1°) de suspendre, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du directeur du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) du 6 février 2023 portant refus de délivrance d'une carte professionnelle ;

2°) d'enjoindre au CNAPS de transmettre l'intégralité des décisions de justice fondant son argumentation ;

3°) d'enjoindre au directeur du CNAPS, à titre principal, de lui délivrer une carte professionnelle à titre provisoire, dans l'attente du jugement au fond, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du CNAPS la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- la condition tenant à l'urgence est satisfaite, dès lors que la décision en litige préjudicie de manière grave et immédiate à sa situation professionnelle et financière ; son contrat de travail sera suspendu s'il ne peut justifier de sa carte professionnelle le 7 mars 2023 ; il ne pourra plus assumer ses charges fixes ; le CNAPS n'apporte aucun élément utile et probant permettant d'utilement contester l'urgence ; aucun élément concret concernant un éventuel trouble à l'ordre public n'est invoqué ;

- il existe un doute sérieux sur la légalité de la décision en litige, dès lors que :

* elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière, n'ayant pas été précédée d'une procédure contradictoire ;

* elle est entachée d'un défaut de motivation, en fait ;

* elle est entachée d'incompétence ;

* elle est entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ; il n'a pas été dépourvu d'un titre de séjour du 1er juin 2019 au 28 septembre 2020, dès lors qu'il a bénéficié de récépissés de demande de titre de séjour, durant cette période, plus précisément du 26 septembre 2019 au 21 avril 2020 ; la date d'échéance de son dernier récépissé a été prolongée jusqu'au 18 octobre 2020, par l'effet des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-328 du 25 mars 2020 ;

* l'exécution de la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour du 22 juin 2020 a été suspendue par le tribunal ;

* en tout état de cause, les dispositions du 4° bis de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure ont pour seul objet de permettre au CNAPS de contrôler le comportement d'un individu, sur une période de cinq ans précédant la demande d'autorisation d'exercer le métier d'agent de sécurité ; la condition de régularité du séjour exigée par ces dispositions est satisfaite s'il est détenu un récépissé de demande de titre de séjour ; il justifie d'un séjour régulier et continu depuis 2017 ; ces dispositions n'exigent pas que la détention d'un titre de séjour depuis plus de cinq ans soit continue ; cette interprétation procède de celle qu'en a faite le Conseil constitutionnel ;

* les dispositions du 4° bis de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure sont entachées d'inconventionnalité ; elles méconnaissent les stipulations des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celles de l'article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ; elles génèrent une discrimination prohibée par ces textes, non nécessaire ni justifiée ;

* s'agissant de la substitution de motifs, la seule présence de mentions au fichier " traitement des antécédents judiciaires " ne permet pas de légalement refuser de renouveler une carte professionnelle ; il appartient au CNAPS de procéder à une appréciation globale de la situation du demandeur ; en l'espèce, les faits reprochés ne permettent pas de justifier le refus opposé ; il a porté plainte, le 21 janvier 2022, pour blessures, menaces de mort et chantage à l'encontre de son ex-compagne pour des faits survenus le 20 janvier 2022 et ce n'est que lorsque son ex-compagne a été interrogée par les services de la gendarmerie de Quimperlé, au mois d'avril 2022, qu'elle a fait état de prétendues violences, sans au demeurant porter plainte.

Par un mémoire distinct, enregistré le 16 mars 2023, M. A, représenté par Me Guilloux, demande au juge des référés, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure.

Il soutient que :

- la disposition dont la constitutionnalité est contestée est applicable au litige, constituant le fondement légal de la mesure en litige ;

- si elle a été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, un changement de circonstance peut justifier un nouvel examen ;

- l'examen par le Conseil constitutionnel n'a, en l'espèce, porté que sur la situation des étrangers arrivés récemment en France, sans porter sur celles des étrangers résidant de longue date et régulièrement sur le territoire ;

- ces dispositions instituent une discrimination sans motif réel, ce qui est inconstitutionnel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2023, le CNAPS conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'appréciation de l'urgence doit tenir compte de l'objectif de protection de l'ordre public que poursuit la décision en litige ;

- M. A ne soulève aucun moyen propre à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige ; en particulier :

* elle est signée d'une autorité titulaire d'une délégation de signature régulière et publiée ;

* la procédure contradictoire préalable n'a pas à être mise en œuvre, dès lors que la décision fait suite à une demande de son destinataire ;

* la décision est motivée en droit et en fait ;

* M. A ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer une carte professionnelle, ne justifiant d'aucun titre de séjour entre le 1er juin 2019 et le 28 septembre 2020 ; il ne peut se prévaloir des récépissés de demande de renouvellement de son titre de séjour, qui ne certifient pas que le titre en cause sera délivré ; au demeurant, sa demande de renouvellement de titre de séjour a été rejetée par décision du 22 juin 2020 ;

* en tout état de cause, M. A a été mis en cause pour des faits incompatibles avec l'exercice d'une activité réglementée de sécurité privée : conduite avec un véhicule terrestre à moteur sans assurance, le 9 juin 2021 et violence sans incapacité par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, sur la période du 1er juin 2020 au 20 janvier 2022.

Vu :

- la requête au fond n° 2301111, enregistrée le 27 février 2023 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- l'ordonnance n° 2020-328 du 25 mars 2020 portant prolongation de la durée de validité des documents de séjour ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la décision n° 2021-817 DC du Conseil constitutionnel du 20 mai 2021 ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Thielen, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 16 mars 2023 :

- le rapport de Mme C,

- les observations de Me Guillou, représentant M. A, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens qu'il développe.

Le CNAPS n'était pas représenté.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. A, ressortissant ivoirien né le 20 décembre 1992, a exercé une activité d'agent de sécurité privée, sous couvert d'une carte professionnelle délivrée par la commission interrégionale d'agrément et de contrôle Ouest le 7 mars 2018, valable jusqu'au 7 mars 2023. M. A a déposé, le 2 février 2023, une demande de délivrance d'une nouvelle carte professionnelle, à laquelle le directeur du conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) a opposé un refus, par décision du 6 février 2023. M. A a saisi le tribunal d'un recours en annulation contre cette décision et, dans l'attente du jugement au fond, demande au juge des référés d'en suspendre l'exécution.

Sur les conclusions aux fins de suspension :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ".

3. Aux termes, par ailleurs, de son article LO. 771-1 : " La transmission par une juridiction administrative d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ". Aux termes de l'article 23-2 de cette ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. / En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. / La décision de transmettre la question est adressée au Conseil d'État ou à la Cour de cassation dans les huit jours de son prononcé avec les mémoires ou les conclusions des parties. Elle n'est susceptible d'aucun recours. Le refus de transmettre la question ne peut être contesté qu'à l'occasion d'un recours contre la décision réglant tout ou partie du litige ". L'article 23-3 de cette ordonnance prévoit qu'une juridiction saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité " peut prendre les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires " et qu'elle peut statuer " sans attendre la décision relative à la question prioritaire de constitutionnalité si la loi ou le règlement prévoit qu'elle statue dans un délai déterminé ou en urgence ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dernières dispositions avec celles du livre V du code de justice administrative qu'une question prioritaire de constitutionnalité peut être soulevée devant le juge administratif des référés saisi sur le fondement de son article L. 521-1, lequel peut, en toute hypothèse, rejeter une requête qui lui est soumise pour incompétence de la juridiction administrative, irrecevabilité ou défaut d'urgence. S'il ne rejette pas les conclusions dont il est saisi pour l'un de ces motifs, il lui appartient de se prononcer, en l'état de l'instruction, sur la transmission au Conseil d'État de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée devant lui par mémoire distinct. Il peut par ailleurs décider de faire usage des pouvoirs que l'article L. 521-1 du code de justice administrative lui confère pour ordonner, à titre provisoire, la suspension de l'exécution de la décision attaquée, s'il estime que les conditions posées par cet article sont remplies, nonobstant la transmission au Conseil d'État de ladite question prioritaire de constitutionnalité.

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

5. Aux termes de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure : " Nul ne peut être employé ou affecté pour participer à une activité mentionnée à l'article L. 611-1 : / () / 4° bis Pour un ressortissant étranger ne relevant pas de l'article L. 233-1 du () code [de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile], s'il n'est pas titulaire, depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour ; / () ".

6. Pour refuser de délivrer une carte professionnelle à M. A, le directeur du CNAPS a opposé un unique motif, tiré de ce que les conditions posées par le 4° bis de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure n'étaient pas satisfaites, l'intéressé n'ayant été titulaire d'aucun titre de séjour entre le 1er juin 2019 et le 28 septembre 2020 et ne justifiant dès lors pas avoir été titulaire d'un titre de séjour depuis au moins cinq années consécutives.

7. M. A demande au juge des référés de transmettre au Conseil d'État la question de la conformité au principe d'égalité devant la loi garanti par la Constitution du 4° bis de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, créé par l'article 23 de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés.

8. Ces dispositions, qui constituent le fondement législatif de la décision dont la suspension est demandée, sont applicables au litige.

9. Ces dispositions ont toutefois été explicitement déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision susvisée n° 2021-817 DC, en son article 3, point 3. À cet égard, le Conseil constitutionnel a relevé, aux points 43 à 45 de cette décision, que si les dispositions en litige instituent effectivement une différence de traitement entre, d'une part, les personnes de nationalité française et les ressortissants d'un État membre de l'Union européenne et, d'autre part, les personnes d'une autre nationalité, pour l'exercice d'une activité privée de sécurité, cette différence de traitement est justifiée par une différence de situation, est en rapport direct avec l'objet de la loi, et ne méconnaît par suite pas le principe constitutionnel d'égalité devant la loi, cette exigence particulière tenant à la détention d'un titre de séjour depuis cinq ans visant à mettre l'administration en mesure de s'assurer, par l'examen de leur comportement sur le territoire français durant une période suffisante, que les ressortissants étrangers tiers à l'Union européenne respectent les conditions particulières de probité et de moralité exigées pour l'exercice d'une activité privée de sécurité, l'administration ne bénéficiant pas, à leur égard, des mêmes pouvoirs de vérification et de contrôle que ceux dont elle dispose à l'égard des ressortissants nationaux et de l'Union européenne.

10. Il ne résulte ni des motifs de la décision du Conseil constitutionnel, ni de son dispositif, que celui-ci aurait entendu assortir sa déclaration de conformité d'une réserve d'interprétation tenant, notamment, à la limitation de l'application de ces dispositions législatives nouvelles aux seuls ressortissants étrangers arrivés récemment, ou depuis moins de cinq ans, sur le territoire français, ou à la limitation de leur application à la première délivrance d'une carte professionnelle, à l'exclusion de son renouvellement.

11. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'application et l'interprétation de ces dispositions comme faisant obstacle à la délivrance ou au renouvellement de la carte professionnelle d'un ressortissant étranger résidant depuis plus de cinq années en France, au seul motif d'une discontinuité plus ou moins brève, durant les cinq dernières années, dans la détention d'un titre de séjour, constituent une circonstance de fait ou de droit nouvelle permettant la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité, cette question de la discontinuité dans la détention d'un titre de séjour ne pouvant, eu égard précisément à l'objet et aux termes de cette disposition législative nouvelle, qu'être présumée avoir été examinée par le Conseil constitutionnel.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 9 à 11 que les conditions de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A ne sont pas remplies, la disposition contestée ayant été déclarée conforme à la Constitution et, en particulier, au principe d'égalité devant la loi, sans qu'il ne soit justifié de l'existence de circonstances, de droit ou de fait, nouvelles, lesquelles ne peuvent être caractérisée par la seule application de ces dispositions litigieuses à tous les ressortissants étrangers, sans considération de l'ancienneté et de la durée de leur résidence sur le territoire français, régulière ou non.

En ce qui concerne les autres moyens de la requête :

13. Les dispositions précitées du 4° bis de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure, qui instituent une différence de traitement entre les ressortissants français et européens d'une part, les ressortissants d'États tiers d'autre part, ne créent pas, ainsi que cela résulte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2021-817 DC, rappelée au point 9, de rupture d'égalité devant la loi qui puisse être qualifiée d'inconstitutionnelle, cette différence de traitement étant nécessaire et proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur.

14. Par ailleurs, les termes de ces dispositions, qui exigent la détention d'un titre de séjour depuis plus de cinq ans à la date à laquelle le CNAPS statue sur la demande de délivrance d'une carte professionnelle dont il est saisi, qu'il s'agisse d'une première délivrance ou d'un renouvellement, impliquent nécessairement que ne soient pas prises en considération, pour la vérification de cette condition, l'ancienneté et la durée du séjour du demandeur, mais sa seule situation administrative sur les cinq dernières années.

15. À cet égard, il ne résulte pas de l'instruction que les situations, respectivement, des ressortissants étrangers hors Union européenne résidant de longue date en France et de ceux arrivés sur le territoire depuis moins de cinq ans présentent des différences objectives telles que l'application d'une règle identique caractériserait une discrimination entre eux, directe ou indirecte, dans le bénéfice ou la jouissance des droits et libertés protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le pacte international relatif aux droits civils et politiques. Dans ces circonstances, le moyen tiré de l'inconventionnalité des dispositions du 4° bis de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure n'apparaît pas propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

16. Si, par ailleurs, la période de cinq ans de détention d'un titre de séjour doit être continue, il n'y a pas lieu de distinguer entre les périodes couvertes par la détention d'un titre de séjour et celles couvertes par la détention du récépissé remis, notamment, le temps de l'instruction des demandes de délivrance et de renouvellement d'un titre de séjour. Le respect de cette condition ne saurait, à cet égard, être affecté par une interruption correspondant à un retard, imputable exclusivement à l'administration, dans la délivrance du récépissé d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour.

17. Il résulte en l'espèce de l'instruction que M. A s'est vu délivrer un titre de séjour, mention vie privée et familiale, le 2 juin 2017, valable jusqu'au 1er juin 2019, dont il a sollicité le renouvellement le 23 mai 2019. Il s'est vu délivrer à cette occasion une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, valable jusqu'au 1er décembre 2019, renouvelée jusqu'au 23 janvier 2020, puis jusqu'au 21 avril 2020, date à laquelle ses droits au séjour ont été automatiquement prolongés par l'effet des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance n° 2020-328 du 25 mars 2020 portant prolongation de la durée de validité des documents de séjour. Le préfet du Morbihan a toutefois refusé de faire droit à sa demande de renouvellement de son titre de séjour, par décision du 22 juin 2020. Si l'exécution de cette décision a été suspendue par ordonnance du juge des référés n° 2003243 du 28 août 2020, et si le préfet du Morbihan lui a, par la suite, de nouveau délivré un titre de séjour, le 28 septembre 2020, valable jusqu'au 27 septembre 2021, renouvelé jusqu'au 27 septembre 2023, il résulte de l'instruction que la requête en annulation formée contre la décision du préfet du Morbihan du 22 juin 2020 a été rejetée par jugement n° 2003104 du tribunal du 12 mai 2022, devenu définitif. Il s'ensuit que M. A est resté dépourvu de tout titre de séjour et autorisation provisoire de séjour, entre le 22 juin et le 28 septembre 2020, en tout état de cause jusqu'au plus tôt le 28 août 2020, sans que cette interruption survenue dans la détention d'un titre de séjour puisse être regardée comme résultant d'un fait imputable à l'administration. Dans ces circonstances, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation dans la mise en œuvre des dispositions du 4° bis de l'article L. 612-20 du code de la sécurité intérieure n'apparaissent pas propres, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

18. S'il résulte à cet égard de l'instruction que la décision est entachée d'erreur de fait, en tant qu'elle retient, comme période de non détention d'un titre de séjour, celle couverte par la détention d'une autorisation provisoire de séjour, du 1er juin 2019 au 22 juin 2020, le CNAPS aurait pu légalement prendre la même décision s'il n'avait retenu que la période de séjour irrégulier, située entre le 22 juin et le 28 septembre 2020. Dans ces circonstances, le moyen tiré de l'erreur de fait n'apparait pas propre, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

19. Aucun des autres moyens invoqués par M. A et analysés ci-dessus, notamment tirés de l'irrégularité de la procédure du fait de l'absence d'une procédure contradictoire préalable, du défaut de motivation de la décision et de l'incompétence de son signataire, n'est davantage propre, en l'état de l'instruction, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

20. Il résulte de ce qui précède que l'une des conditions auxquelles les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative subordonnent la suspension d'une décision administrative n'est pas remplie. Les conclusions de M. A tendant à la suspension de l'exécution de la décision du directeur du CNAPS du 6 février 2023 portant refus de délivrance d'une carte professionnelle ne peuvent, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur la condition d'urgence, qu'être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

21. La présente ordonnance n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte présentées par M. A ne peuvent qu'être rejetées. En tout état de cause, le respect des principes du contradictoire et d'égalité des armes entre les parties ne saurait impliquer qu'il soit enjoint au CNAPS de communiquer les jugements de tribunal administratif et arrêts de cour administrative d'appel dont il se prévaut à l'appui de ses écritures, alors même, au demeurant, que les décisions de justice sont communicables aux tiers, dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 751-7 du code de justice administrative.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CNAPS qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B A et au Conseil national des activités privées de sécurité.

Fait à Rennes, le 7 avril 2023.

Le juge des référés,

signé

O. CLa greffière d'audience,

signé

J. Jubault

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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