Tribunal administratif de Grenoble

Jugement du 7 avril 2023 n° 2204824

07/04/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2022 et le 19 janvier 2023, Mme A, représentée par Me Joseph, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'adjuger à la requérante le bénéfice de ses précédentes écritures ;

2°) d'annuler, avec toutes conséquences que de droit, la décision du 2 juin 2022 par laquelle le directeur du centre hospitalier Pierre Oudot l'a suspendue sans traitement de ses fonctions à compter du 2 juin 2022 ;

3°) dire ni avoir lieu de la réintégrer ;

4°) d'enjoindre au centre hospitalier Pierre Oudot, en application de l'article 10-3° du décret n°91-155 du 6 février 1991, de lui reverser les salaires qu'elle aurait dû percevoir pour la période du 24 juin 2022 au 30 novembre 2022, desquels seront déduites les indemnités payées par sa caisse de sécurité sociale, et ce dans un délai de huit jours à compter du jugement à intervenir ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier Pierre Oudot une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans un délai de huit jours à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

6°) de rejeter les conclusions présentées par le centre hospitalier Pierre Oudot au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il s'agit d'une sanction disciplinaire qui n'a pas été précédée d'un avis du conseil de discipline et qui a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ; la décision méconnaît les dispositions de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 2-2 3° du décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 modifiant le décret 2021-699 du 1er juin 2021 dès lors qu'un certificat de rétablissement est valable pour une durée de six mois à compter de la date de réalisation de l'examen ou du test antigénique ;

- l'obligation vaccinale n'était pas en vigueur à la date de la décision litigieuse ; le décret d'application instaurant l'obligation vaccinale n'étant pas intervenu en l'absence de l'avis de la haute autorité de santé postérieur à la loi du 5 août 2021 sur la question ; tous les détails mentionnés à l'article 12 de la loi du 5 août 2021 ne sont pas précisés par le décret du 7 août 2021 ;

- c'est à tort que son employeur l'a suspendue sans traitement alors qu'elle était en congé maladie ;

- il est matériellement impossible de se vacciner ; les produits utilisés contre la COVID-19 ne sont pas des vaccins mais des substances géniques injectables qui ne peuvent être utilisés que dans le cadre d'essais cliniques ; ces produits génèrent une grande quantité d'effets indésirables ;

- la décision ne paraît pas justifiée ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- toute intervention médicale nécessite de rechercher le consentement libre et éclairé du patient ; la décision méconnaît l'article 7 du pacte international relatifs aux droits économiques sociaux et culturels, les articles 5 et 13 de la convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine et son protocole additionnel relatif à la recherche biomédicale, les articles 3 et 6 de la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme, la déclaration d'Helsinki de l'association médicale mondiale, le code de Nuremberg issu de la jurisprudence pénale internationale, la directive 2001/20/CE, le règlement 2021/953, la résolution n° 2361 de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe , les articles 1er, 3 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ainsi que les articles 16 et 16-3 du code civil et L. 1111-2, 1111-4 et R. 4127-2 et suivants du code de la santé publique ;

- elle entend soulever l'inconventionnalité de la loi imposant l'obligation vaccinale.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 5 janvier 2023 et le 8 février 2023, le centre hospitalier Pierre Oudot, représenté par Me Tissot, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 15 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 janvier 2023.

Par une ordonnance du 16 février 2023, la clôture d'instruction a été reportée au 24 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;

- la convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine du 4 avril 1997 ;

- la déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme du 19 octobre 2005 ;

- la directive 2021/20/CE du parlement européen et du conseil du 4 avril 2001 ;

- le règlement 2021/953 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2021 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 modifié ;

- le code général de la fonction publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B,

- les conclusions de M. Argentin, rapporteur public,

- les observations de Me Joseph, représentant M. A,

- les observations de Me Metier, représentant le centre hospitalier Pierre Oudot.

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 9 septembre 2021, le directeur du centre hospitalier Pierre Oudot a suspendu de ses fonctions sans traitement Mme A, infirmière de bloc opératoire, à compter du 15 septembre 2021, pour défaut de présentation d'un certificat médical de contre-indication, d'un certificat de rétablissement ou d'un certificat de statut vaccinal attestant avoir reçu au moins une dose de vaccin contre la covid-19. La requête présentée par Mme A contre cette décision a été rejetée par le tribunal. Le 1er février 2022, ayant été infectée par la covid-19, Mme A a fait parvenir à son employeur un certificat de rétablissement. Le 11 février 2022 le centre hospitalier Pierre Oudot abrogeait la décision de suspension du 9 septembre 2021 à compter du 11 février 2022 et la réintégrait temporairement dans ses fonctions. A l'échéance de la durée de rétablissement de quatre mois et à défaut pour Mme A de faire parvenir à l'établissement défendeur l'un des trois justificatifs prévus par l'article 13.I de la loi n° 2021-1040 du 5 août 202, le centre hospitalier Pierre Oudot a pris une seconde décision de suspension sans traitement le 2 juin 2022 à compter du 2 juin 2022. Le 24 mai 2022 un arrêt de travail était prescrit à l'intéressée jusqu'au 4 juin 2022.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision dans son ensemble :

Sur le vice de procédure entachant d'illégalité la sanction disciplinaire :

2. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la COVID-19 : 1° Les personnes exerçant leur activité dans : a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code ; () ". L'article 13 de la même loi dispose quant à lui que : " I. - Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de l'article 12. () 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication () ". Aux termes de l'article 14 de cette loi : " I. () B - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l'article 12 qui, dans le cadre d'un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l'administration d'au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l'examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la COVID-19 prévu par le même décret. () III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I (). La dernière phrase du deuxième alinéa du présent III est d'ordre public ". Il résulte de ces dispositions que toute personne soumise à l'obligation vaccinale qu'elles instituent et refusant de s'y conformer se place dans l'impossibilité de poursuivre son activité professionnelle.

3. Il ressort des énonciations de la décision en litige qu'elle a été prise sur le fondement des dispositions mentionnées au point 2 ci-dessus. Cette mesure de suspension sans rémunération, que l'employeur met en œuvre lorsqu'il constate que l'agent public concerné ne peut plus exercer son activité en application du I de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, s'analyse comme une mesure prise dans l'intérêt de la santé publique, destinée à lutter contre la propagation de l'épidémie de COVID-19 dans un objectif de maîtrise de la situation sanitaire, et n'a pas vocation à sanctionner un éventuel manquement ou agissement fautifs commis par cet agent, qui demeure par ailleurs soumis aux dispositions relatives aux droits et obligations conférés aux agents publics, particulièrement à celles de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cette suspension présenterait le caractère d'une sanction qui n'a pas été précédée d'un avis du conseil de discipline et qui a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire, de l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant et doit être écarté.

Sur la durée de validité du certificat de rétablissement :

4. Aux termes du 3° de l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dans sa version applicable au jour de la décision attaquée, soit celle du décret n° 2022-176 du 14 février 2022 : " un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la covid-19 est délivré sur présentation d'un document mentionnant un résultat positif à un examen de dépistage RT-PCR ou à un test antigénique réalisé plus de onze jours auparavant. Sa durée de validité est fixée à quatre mois pour l'application des articles 47-1 et 49-1 et à six mois pour l'application du titre 2 bis, à compter de la date de réalisation de 'l'examen ou du test mentionné à la phrase précédente ".

5. Les dispositions du décret n° 2022-176 du 14 février 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ont notamment réduit, à compter du 15 février 2022, de six à quatre mois la durée de validité des certificats de rétablissement en cours de validité à cette date, lorsque ces certificats étaient présentés pour l'application des article 47-1 et 49-1 du décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire. En revanche, elles n'ont pas affecté la validité de ces certificats antérieurement au 15 février 2022. Le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ne fait pas obstacle à l'application immédiate des dispositions réglementaires modifiant la durée de validité du certificat de rétablissement, laquelle ne constitue pas un droit acquis pour les personnes possédant un tel document.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A a obtenu un certificat de rétablissement le 1er février 2022 à la suite d'une infection à la covid-19. L'intéressée, qui avait été réintégrée dans ses fonctions le 11 février 2022, ne justifie pas avoir transmis à son employeur avant l'intervention de la décision attaquée, le 2 juin 2022, l'arrêt de travail pour la période du 24 mai 2022 au 4 juin 2022. Dès lors, dans ces circonstances, le centre hospitalier Pierre Oudot pouvait suspendre l'intéressée de ses fonctions sans traitement à compter du 2 juin 2022. Il résulte, en effet, des principes énoncés au point précédent qu'à la date de la décision attaquée, le certificat de rétablissement, dont la durée de validité était fixée à quatre mois, avait expiré la veille, soit le 1er juin 2022, sans que la requérante ne puisse se prévaloir de la durée de validité initiale du certificat fixée à six mois aux termes du 3° de l'article 2-2 du décret du 1er juin 2021 dans sa version antérieure au 14 février 2022. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le centre hospitalier Pierre Oudot ne pouvait légalement prendre une mesure de suspension doit être écarté.

Sur l'absence d'entrée en vigueur de l'obligation vaccinale :

7. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 précitée : " I. - Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 :1° Les personnes exerçant leur activité dans : a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique ainsi que les hôpitaux des armées mentionnés à l'article L. 6147-7 du même code ; () II. - Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les conditions de vaccination contre la COVID-19 des personnes mentionnées au I du présent article. Il précise les différents schémas vaccinaux et, pour chacun d'entre eux, le nombre de doses requises. /Ce décret fixe les éléments permettant d'établir un certificat de statut vaccinal pour les personnes mentionnées au même I et les modalités de présentation de ce certificat sous une forme ne permettant d'identifier que la nature de celui-ci et la satisfaction aux critères requis. Il détermine également les éléments permettant d'établir le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la COVID-19 et le certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par la COVID-19. ". Aux termes de l'article 49-1 du décret 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire dans sa rédaction issue du décret n°2021-1059 du 7 août 2021 en vigueur à compter du 9 août 2021 : " Hors les cas de contre-indication médicale à la vaccination mentionnés à l'article 2-4, les éléments mentionnés au second alinéa du II de l'article 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 susvisée sont :/1° Un justificatif du statut vaccinal délivré dans les conditions mentionnées au 2° de l'article 2-2 ;/2° Un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3° de l'article 2-2 ;/3° A compter de la date d'entrée en vigueur de la loi et jusqu'au 14 septembre 2021 inclus et à défaut de pouvoir présenter un des justificatifs mentionnés aux présents 1° ou 2°, le résultat d'un examen de dépistage, d'un test ou d'un autotest mentionné au 1° de l'article 2-2 d'au plus 72 heures. A compter 15 septembre 2021 et jusqu'au 15 octobre 2021 inclus, ce justificatif doit être accompagné d'un justificatif de l'administration d'au moins une des doses d'un des schémas vaccinaux mentionnés au 2° de l'article 2-2 comprenant plusieurs doses./ Les seuls tests antigéniques pouvant être valablement présentés pour l'application du présent 3° sont ceux permettant la détection de la protéine N du SARS-CoV-2./ La présentation de ces documents est contrôlée dans les conditions mentionnées à l'article 2-3. ".

8. La requérante soutient qu'à la date de la décision attaquée, la Haute Autorité de santé n'avait rendu aucun avis préalablement à la parution du décret du 7 août 2021, empêchant l'entrée en vigueur de ce dernier et de l'obligation vaccinale pesant sur le personnel médical.

9. Le principe de l'obligation vaccinale ne résulte pas du décret en cause, mais uniquement de la loi du 5 août 2021, dont l'article 12 rappelé ci-dessus a institué une obligation de vaccination contre la Covid-19 pour les professionnels au contact direct des personnes les plus vulnérables dans l'exercice de leur activité professionnelle ainsi qu'à celles qui travaillent au sein des mêmes locaux, obligation qui s'impose, en particulier, aux professionnels médicaux et paramédicaux exerçant en établissement ou en libéral. Au surplus, il ressort des visas du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire qu'il a été pris suite à deux avis de la Haute Autorité de santé, l'un du 4 août 2021 relatif aux contre-indications à la vaccination contre la COVID-19 et du 6 août 2021 relatif à l'intégration des autotests de détection antigénique supervisés parmi les preuves justifiant l'absence de contamination par le virus SARS-CoV-2 dans le cadre du passe sanitaire et à l'extension de la durée de validité des résultats négatifs d'un examen de dépistage de virologique. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'obligation vaccinale n'était pas en vigueur à la date de la décision litigieuse, à défaut d'avis de la Haute Autorité de santé préalablement à la parution du décret du 7 août 2021, manque en fait et doit être écarté.

Sur la méconnaissance des dispositions relatives au congé de maladie :

10. Il résulte, d'une part, de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986, d'autre part, du I de l'article 12 et du III de l'article 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 que le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie. Dès lors, Mme A n'est pas fondée à soutenir qu'en la suspendant pour le motif d'absence de vaccination, la décision a violé les dispositions statutaires relatives au droit pour tout agent public d'être placé en arrêt maladie et de percevoir son traitement afférent.

En ce qui concerne la mise en œuvre de médicaments expérimentaux utilisés dans le cadre d'un essai clinique :

11. La requérante soutient que les seuls vaccins permettant d'obtenir le schéma vaccinal mentionné par la loi du 5 août 2021 se trouvaient en phase d'essai clinique au 15 septembre 2021, date à laquelle la présentation dudit schéma vaccinal devenait obligatoire pour les professionnels de santé, que toute intervention médicale nécessite de rechercher le consentement libre et éclairé du patient. Ainsi, selon elle, la décision attaquée est contraire à l'article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, aux articles 5 et 13 de la convention d'Oviedo et à son protocole additionnel relatif à la recherche biomédicale, à la déclaration d'Helsinki de l'Association médicale mondiale, aux articles premier, 3 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, aux articles 3 et 6 de la déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme, aux six premiers principes du code de Nuremberg issu de la jurisprudence pénale internationale, à la résolution n° 2361 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe adoptée le 27 janvier 2021, au considérant 2 et aux articles 2 et 3 de la directive 2001/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2001 et au règlement (UE) n° 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021, à l'article 28, h) du règlement européen n°536/2014, à la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme adoptée le 19 octobre 2005, à la résolution n° 2361 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe adoptée le 27 janvier 2021. Ces textes invoqués par la requérante imposent de recueillir le consentement libre et éclairé de toute personne avant de procéder à un essai clinique ou à une intervention dans le domaine de la santé ou des recherches scientifiques, prohibent toute forme de discrimination, en particulier en ce qui concerne le droit d'une personne à recevoir des soins médicaux, ou toute discrimination directe ou indirecte à l'encontre des personnes qui ne sont pas vaccinées. La requérante invoque également la méconnaissance par la décision attaquée de textes nationaux, notamment les articles 16 et 16-3 du code civil assurant la primauté de la personne, garantissant le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie, le respect de l'intégrité du corps humain, les articles L. 1111-2, L. 1121-2, L. 1111-4, L. 1122-1-1, L. 1121-5, R. 4127-34 du code de la santé publique garantissant le droit de toute personne d'être informée sur son état de santé, excluant la pratique d'acte médical, de traitement ou de recherche sans le consentement libre et éclairé de la personne, imposant pour les femmes enceintes, les parturientes et les mères qui allaitent de s'assurer, notamment, dans le cadre de recherches mentionnées aux 1° ou 2° de l'article L. 1121-1 de l'importance du bénéfice escompté pour elles-mêmes ou pour l'enfant de nature à justifier le risque prévisible encouru.

12. Il ressort des pièces du dossier que les vaccins contre la Covid-19 autorisés en France ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché par l'Agence européenne du médicament, en considération d'un rapport bénéfice/risque positif. Si l'autorisation est conditionnelle, il ne s'ensuit pas pour autant que les vaccins auraient un caractère expérimental. En vertu du règlement (CE) n°507/2006 de la Commission du 29 mars 2006 relatif à l'autorisation de mise sur le marché conditionnelle de médicaments à usage humain relevant du règlement (CE) n°726/2004 du Parlement européen et du Conseil, celle-ci ne peut être accordée que si le rapport bénéfice/risque est positif. La vaccination contre la Covid-19, dont l'efficacité au regard des objectifs rappelés aux points 9 et 19 du jugement est établie en l'état des connaissances scientifiques, n'est susceptible de provoquer, sauf dans des cas très rares, que des effets indésirables mineurs et temporaires. Il s'ensuit, contrairement à ce que soutient la requérante, que les vaccins mis sur le marché ne peuvent être regardés comme étant des médicaments expérimentaux utilisés dans le cadre d'un essai clinique important le consentement libre et éclairé du patient. Dès lors, les moyens tirés, par voie d'exception, de la méconnaissance de l'article 16 de la convention d'Oviedo ayant trait à la recherche médicale et aux essais cliniques, des stipulations de la convention européenne pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine, de la charte européenne des droits fondamentaux qui ont trait à la recherche médicale et aux essais cliniques, sont inopérants et doivent être écartés.

13. Pour les mêmes motifs, dès lors que les vaccins mis sur le marché ne peuvent être regardés comme des médicaments expérimentaux utilisés dans le cadre d'un essai clinique, imposant de recueillir le consentement libre et éclairé du patient, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, de la déclaration d'Helsinki de l'Association médicale mondiale, du code de Nuremberg, des articles 2,j) et 3 d) et e) de la directive 2001/20/CE du parlement européen et du conseil en date du 4 avril 2001, de l'article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, des articles L.1121-1, L.1121-2, L.1126-1, L.1121-5 et L.1121-7 du code de la santé publique, sont inopérants et doivent être écartés.

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier, aux vues des connaissances scientifiques actuelles, que les vaccins mis sur le marché utilisant la technologie dite de " l'ARN messager " aient pour effet d'introduire une modification dans le génome de la descendance. En tout état de cause, le vaccin " Vaxzevria " (AstraZeneca) n'utilise pas cette technologie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 de la convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité humaine de l'être humain et la biomédecine en date du 4 avril 1997 est inopérant et doit être écarté.

15. Il ressort des termes de la décision en litige qu'elle se borne à constater que la requérante ne produit pas les justificatifs requis par les textes et prononce en conséquence sa suspension sans traitement en application de l'article 14 de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Or il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la constitutionnalité d'un acte administratif lorsque celui-ci a été pris en application d'une loi sous réserve de la faculté d'examiner de tels moyens selon les formes et modalités requises pour une question prioritaire de constitutionnalité qui n'a pas été formée par la requérante. Par suite, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance par la décision en litige des principes constitutionnels de respect de la dignité de la personne humaine et du principe d'égalité de traitement.

16. Aux termes de l'article premier de la déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme du 19 octobre 2005 : " 1. La présente Déclaration traite des questions d'éthique posées par la médecine, les sciences de la vie et les technologies qui leur sont associés, appliquées aux êtres humains, en tenant compte de leurs dimensions sociale, juridique et environnementale. /2. La présente Déclaration s'adresse aux Etats. Elle permet aussi, dans la mesure appropriée et pertinente, de guider les décisions ou pratiques des individus, des groupes, des communautés, des institutions et des sociétés, publiques et privées. ". Il ressort également de la volonté des Etats signataires de conférer à l'instrument une nature déclarative et non contraignante. Dès lors, la requérante ne peut utilement invoquer la méconnaissance des articles 3 et 6 de la déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme du 19 octobre 2005, laquelle est dépourvue d'effet direct en droit interne.

17. La déclaration de l'association médicale mondiale d'Helsinki adoptée par la 18ème assemblée générale en 1964, qui consiste en une déclaration de principes et de recommandations prises par une organisation gouvernementale, est dépourvue de valeur juridique. De plus, la résolution 2361 de l'assemblée parlementaire du conseil de l'Europe adoptée le 27 janvier 2021 est dépourvue de force contraignante. Par ailleurs, le code de Nuremberg n'est pas au nombre des textes diplomatiques qui, ayant été ratifiés et publiés en vertu d'une loi, ont, aux termes de l'article 55 de la constitution du 4 octobre 1958, une autorité supérieure à celle de la loi. Par suite, la requérante ne peut invoquer la méconnaissance par la décision litigieuse de ces textes. Enfin, en tout état de cause, pour les motifs exposés ci-après, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'obligation vaccinale résultant de la loi n°2021-1040 du 5 août 2021 serait discriminatoire.

18. Le protocole additionnel à la convention européenne sur les droits de l'Homme et la biomédecine n'est pas au nombre des textes diplomatiques qui, ayant été ratifiés et publiés en vertu d'une loi, ont, aux termes de l'article 55 de la constitution du 4 octobre 1958, une autorité supérieure à celle de la loi. Par suite, la requérante ne peut utilement invoquer, par la voie d'exception d'illégalité, la méconnaissance par la loi du 5 août 2021 de ce texte.

En ce qui concerne la mise en œuvre d'un acte médical discriminatoire, contraire au respect de la vie privée, au principe d'égalité et sans avoir recueilli, au préalable, le consentement éclairé de l'agent :

19. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie coronavirus 19 ou Covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) le 30 janvier 2020, puis pandémie le 11 mars 2020. En l'état des connaissances disponibles, la vaccination réduit de 95% le risque d'hospitalisation, réduit de plus de 60% le risque d'infection et les risques de circulation du virus sont également réduits lorsqu'une personne est vaccinée. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 21 août 2021 que l'accès volontaire aux vaccins, qui était initialement l'approche privilégiée, n'a pas permis d'atteindre une couverture vaccinale suffisante, notamment parmi les soignants, pour endiguer les vagues épidémiques. En adoptant pour l'ensemble des professionnels des secteurs sanitaire et médico-social, le principe d'une obligation vaccinale à compter du 15 septembre 2021, le législateur a entendu, dans un contexte de progression de l'épidémie de Covid-19 accompagné de l'émergence de nouveaux variants et compte tenu d'un niveau encore incomplet de la couverture vaccinale, protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des patients et notamment des personnes vulnérables (immunodéprimées, âgées), protéger également la santé des professionnels de santé, qui sont particulièrement exposés au risque de contamination compte tenu de leur activité, et diminuer ainsi le risque de saturation des capacités hospitalières. L'article 13 de la même loi du 5 août 2021, fondement de la décision attaquée, critiquées par voie d'exception, ont apporté au droit au respect de la vie privée une restriction justifiée par l'objectif d'amélioration de la couverture vaccinale en vue de la protection de la santé publique et proportionnée à ce but. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions de la loi du 5 août 2021 seraient incompatibles avec les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et seraient discriminatoires ou contraires au principe d'égalité.

20. La restriction apportée par l'article 12 de la loi du 5 août 2021 au principe de consentement à toute intervention dans le domaine de la santé est inhérente au caractère obligatoire de la vaccination, lequel, comme il a été dit précédemment, est justifiée par les besoins de la protection de la santé publique et proportionné au but poursuivi. En adoptant la loi du 5 août 2021, le législateur a nécessairement entendu déroger aux articles 16-1 et 16-3 du code civil. Aussi, pour les motifs exposés au point 19, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision qu'elle conteste, prise en application des dispositions qui sont justifiées par une exigence de santé publique et ne sont pas manifestement disproportionnées à l'objectif qu'elles poursuivent, méconnaissent l'article 5 de la convention pour la protection des droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain et la biomédecine en date du 4 avril 1997, les articles 1er et 3 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les articles 16 et 16-3 du code civil, ainsi que les articles L.1111-2, L.1111-4 alinéa 4, R.4127-2, R.4127-34, R.4127-36 et R.4127-45 du code de la santé publique.

21. Aux termes de l'article 21 de la charte européenne des droits fondamentaux : " 1. Est interdite, toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la relation ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. " Aux termes du 1 de son article 52 de la même charte : " Toute limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par la présente charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui. " Aux termes de l'article 51 de cette même Charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives. / () "

22. Il résulte des stipulations de son article 51 que la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne s'adresse " aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. " Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 21 de la charte européenne des droits fondamentaux ne peut être utilement invoqué. Au surplus, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que les dispositions de la loi du 5 août 2021 servant de base légale à la décision attaquée sont justifiées par une exigence de santé publique et sont, en l'état des connaissances scientifiques, nécessaires et appropriées à la réalisation de ce but.

23. L'article 3.7 du règlement (UE) 2021/953 du 14 juin 2021 prévoit : " La délivrance de certificats en vertu du paragraphe 1 du présent article ne peut entrainer de discrimination fondée sur la possession d'une catégorie spécifique de certificat visée à l'article 5,6 ou 7. " Le considérant 36 du règlement, invoqué par le requérante, précise : " Il y a lieu d'empêcher toute discrimination directe ou indirecte à l'encontre des personnes qui ne sont pas vaccinées, par exemple pour des raisons médicales, parce qu'elles ne font pas partie du groupe cible auquel le vaccin contre la Covid-19 est actuellement administré ou pour lequel il est actuellement autorisé, comme les enfants, ou parce qu'elles n'ont pas encore eu la possibilité de se faire vacciner ou ne souhaitant pas le faire. Par conséquent, la possession d'un certificat de vaccination, ou la possession d'un certificat de vaccination mentionnant un vaccin contre la Covid-19, ne devrait pas constituer une condition préalable à l'exercice du droit à la libre circulation ou à l'utilisation des services de transport de voyageurs transfrontaliers tels que les avions, les trains, les autocars ou les transbordeurs ou tout autre moyen de transport. En outre, le présent règlement ne peut être interprété comme établissant un droit ou une obligation d'être vacciné. ".

24. Ces dispositions, qui sont relatives à l'exercice du droit à la libre circulation et à la liberté de séjour au sein des Etats membres de l'Union européenne, n'ont ni pour objet ni pour effet d'interdire à un Etat membre de rendre la vaccination contre la Covid-19 obligatoire à tout ou partie de ses ressortissants. Les dispositions des articles 12 à 14 de la loi du 5 août 2021, ainsi qu'il a été dit au point 17, ne créent aucune discrimination entre les personnes vaccinées et les personnes non vaccinées qui serait contraire au règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 doit être écarté.

25. La requérante n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance de l'article 36 du code de déontologie des médecins, ce texte n'étant plus en vigueur depuis son abrogation par l'article 113 du décret n°95-1000 du 6 septembre 1995.

En ce qui concerne les motifs d'erreurs de fait et de droit entachant la décision attaquée :

26. La requérante soutient que la décision attaquée par laquelle elle a été suspendue de ses fonctions est illégale pour des motifs d'erreurs de fait et de droit car les produits injectés sont, selon elle, en réalité, des substances géniques et non pas des vaccins. Elle fait valoir, également, que les soignants sont dans l'incapacité de se vacciner, les produits disponibles n'étant pas des vaccins, mais des médicaments géniques qui ont généré près de 1 000 000 d'effets secondaires graves en Europe, dont près de 25 000 décès (répertoriés) et qu'il n'est ainsi pas possible de la contraindre à se faire " vacciner ", sauf à lui indiquer quel est le produit disponible dont l'efficacité et l'innocuité sont garanties. Toutefois, la requérante ne saurait utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision attaquée, des conditions de renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché conditionnelle délivrée pour les vaccins contre la Covid-19. Par ailleurs, les vaccins contre la Covid-19 autorisés en France ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché par l'Agence européenne du médicament et répondent à la définition du vaccin de l'article L.5121-1 du code de la santé publique. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il serait matériellement impossible de se vacciner en raison du fait que les produits sur le marché ne seraient pas des vaccins manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'occasion de la mise en œuvre de la décision attaquée :

27. La requérante invoque la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

28. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " Le droit à l'intégrité physique fait partie du droit au respect de la vie privée au sens de ces stipulations, telles que la cour européenne des droits de l'homme les interprète. Une vaccination obligatoire constitue une ingérence dans ce droit, qui peut être admise si elle remplit les conditions du paragraphe 2 de l'article 8 et, notamment, si elle est justifiée par des considérations de santé publique et proportionnée à l'objectif poursuivi. Il doit ainsi exister un rapport suffisamment favorable entre, d'une part, la contrainte et le risque présentés par la vaccination pour chaque personne vaccinée et, d'autre part, le bénéfice qui en est attendu tant pour cet individu que pour la collectivité dans son entier, y compris ceux de ses membres qui ne peuvent être vaccinés en raison d'une contre-indication médicale, compte tenu à la fois de la gravité de la maladie, de son caractère plus ou moins contagieux, de l'efficacité du vaccin et des risques ou effets indésirables qu'il peut présenter.

29. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions des articles 12 et 14 de la loi du 5 août 2021, fondement de la décision attaquée, ont apporté au droit au respect de la vie privée une restriction justifiée par l'objectif d'amélioration de la couverture vaccinale en vue de la protection de la santé publique et proportionnée à ce but. Par suite, le moyen tiré de la violation par la décision attaquée de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la date de prise d'effet de la mesure :

30. Il résulte des dispositions rappelées au point 10 que si le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent en question.

31. Aux termes de l'article L. 822-5 du code général de la fonction publique : " Le bénéfice des dispositions de la présente section est subordonné à la transmission par le fonctionnaire à son administration de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie ". Ainsi qu'il a été dit au point 6, Mme A ne justifie pas avoir transmis à son employeur avant l'intervention de la décision attaquée, le 2 juin 2022, l'arrêt de travail pour la période du 24 mai 2022 au 4 juin 2022. En conséquence, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de suspension du 2 juin 2022 est entachée d'une erreur de droit en tant qu'elle prend effet à compter du 2 juin 2022.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

32. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante doivent être rejetées. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées aux fins d'injonctions comprenant, notamment, celles tendant au reversement des salaires sur la période en litige.

Sur les frais d'instance :

33. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier Pierre Oudot, qui n'est pas la partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le centre hospitalier Pierre Oudot au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier Pierre Oudot au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A et au centre hospitalier Pierre Oudot.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. B, président- rapporteur,

M. d'Argenson, premier conseiller,

Mme Fourcade, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2023.

Le président-rapporteur,

C. B

L'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau,

P-H. d'ARGENSON

Le greffier,

G. MORAND

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

C