Tribunal administratif de Nantes

Jugement du 31 mars 2023 n° 1911570

31/03/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 octobre 2019, la société d'économie mixte (SEM) Alter Eco, représentée par Me Humeau, demande au tribunal :

1°) de prononcer la réduction des cotisations primitives de taxe foncière sur les propriétés bâties mises à sa charge au titre de l'année 2017 à raison de l'ensemble immobilier dont elle est propriétaire situé 66, boulevard du Maréchal Foch à Angers (Maine-et-Loire) ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

Elle soutient que :

- les mécanismes de lissage et de planchonnement ne pouvaient être appliqués pour la détermination du montant de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties dès lors que l'immeuble taxé n'existait pas sous l'empire de l'ancienne méthodologie d'appréciation de la valeur locative ; l'immeuble n'a jamais généré de recettes fiscales puisqu'il n'existait pas avant ; à compter de l'année qui suit celle au cours de laquelle la propriété a fait l'objet d'un changement de consistance supérieur à 10 %, le mécanisme du lissage ne s'applique pas, ce qui est le cas de son immeuble qui a été démoli puis reconstruit en 2016 ; il en va de même pour le mécanisme du planchonnement ;

- l'administration fiscale ne pouvait procéder à une évaluation de la valeur locative non révisée en se fondant sur une comparaison avec un immeuble n'existant pas ;

- les textes instituant les mécanismes du planchonnement et du lissage sont contraires à la Constitution, notamment au principe d'égalité devant les charges publiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2020, la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la SEM Alter Eco ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct enregistré le 14 mars 2022, la SEM Alter Eco a demandé au tribunal, sur le fondement de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015.

Elle soutient que ces dispositions méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2022, la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SEM Alter Eco, qui est dépourvue de caractère sérieux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A,

- les conclusions de M. Vauterin, rapporteur public,

- et les observations de Me Humeau, avocat de la SEM Alter Eco.

Considérant ce qui suit :

1. La société d'économie mixte (SEM) Alter Eco, qui exerce une activité de location de biens immobiliers, est propriétaire d'un ensemble immobilier situé 66, boulevard du Maréchal Foch à Angers (Maine-et-Loire), affecté à une activité de club de sport. Elle a été assujettie, au titre de l'année 2017 à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à raison de cet ensemble immobilier par un rôle émis le 31 août 2017. La SEM Alter Eco a présenté une réclamation le 26 novembre 2018 tendant à obtenir le dégrèvement partiel des cotisations primitives de taxe foncière sur les propriétés bâties mises à sa charge au titre de l'année 2017. Cette réclamation préalable a été rejetée par une décision du 23 août 2019. Par la présente requête, la SEM Alter Eco demande au tribunal de prononcer la réduction des cotisations primitives de taxe foncière sur les propriétés bâties 2017.

Sur les conclusions aux fins de réduction des impositions litigieuses

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SEM Alter Eco :

2. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. ".

3. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que le tribunal administratif saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat () ".

4. La SEM Alter Eco soutient que les textes instituant les mécanismes du planchonnement et du lissage sont contraires à la Constitution, notamment au principe d'égalité devant les charges publiques dès lors qu'ils reviennent à appliquer ces mécanismes à une valeur locative fictive pour les immeubles qui n'existaient pas au 1er janvier 2016. Elle soutient que ces dispositions créent une situation discriminatoire à raison d'une différence de traitement injustifiée aboutissant à un calcul différent de la taxe foncière sur les propriétés bâties selon qu'on se place avant ou après le 1er janvier 2017 alors que l'immeuble construit entre le 1er janvier et le 31 décembre 2016 se trouve dans une situation similaire à celui construit après le 1er janvier 2017 à savoir qu'ils n'ont jamais été soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties.

5. Toutefois, la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps n'est pas, en elle-même, contraire au principe d'égalité de sorte que la circonstance que les immeubles achevés après le 1er janvier 2017 seraient dans une situation juridique différente n'emporte pas la méconnaissance de ce principe. Par suite, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité sur la question de la conformité de ces dispositions à la Constitution.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses :

6. D'une part, aux termes des dispositions des I à VI de l'article 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015, applicable à l'année d'imposition 2017 : " Champ d'application de la révision / I.- Les conditions de la révision des valeurs locatives des propriétés bâties mentionnées à l'article 1498 du code général des impôts , de celles affectées à une activité professionnelle non commerciale au sens de l'article 92 du même code et de celles affectées à un usage professionnel spécialement aménagées pour l'exercice d'une activité particulière mentionnées à l'article 1497 dudit code retenues pour l'assiette des impositions directes locales et de leurs taxes additionnelles sont fixées par le présent article. / La valeur locative des propriétés bâties mentionnées au premier alinéa est déterminée à la date de référence du 1er janvier 2013. / Modalités d'évaluation des locaux professionnels / II.- La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie mentionnée au I est déterminée en fonction de l'état du marché locatif ou, à défaut, par référence aux autres critères prévus par le présent article. Elle tient compte de la nature, de la destination, de l'utilisation, des caractéristiques physiques, de la situation et de la consistance de la propriété ou fraction de propriété considérée. / Les propriétés mentionnées au I sont classées dans des sous-groupes, définis en fonction de leur nature et de leur destination. A l'intérieur d'un sous-groupe, les propriétés sont, le cas échéant, classées par catégories, en fonction de leur utilisation et de leurs caractéristiques physiques. Les sous-groupes et catégories de locaux sont déterminés par décret en Conseil d'Etat. / III.- La valeur locative des propriétés bâties mentionnées au I est obtenue par application d'un tarif par mètre carré déterminé conformément au B du IV à la surface pondérée du local définie au V ou, à défaut de tarif, par la voie d'appréciation directe mentionnée au VI. / IV.- A.- Il est constitué, dans chaque département, un ou plusieurs secteurs d'évaluation qui regroupent les communes ou sections cadastrales de communes qui, dans le département, présentent un marché locatif homogène. / Pour l'application des dispositions du présent article, le territoire de la métropole de Lyon est, avec le territoire du département du Rhône, assimilé au territoire d'un département. / B.- Les tarifs par mètre carré sont déterminés sur la base des loyers moyens constatés dans chaque secteur d'évaluation par catégorie de propriétés à la date de référence mentionnée au I pour l'entrée en vigueur de la révision et au second alinéa du X pour les années suivantes. / A défaut, lorsque les loyers sont en nombre insuffisant ou ne peuvent être retenus, ces tarifs sont déterminés par comparaison avec les tarifs fixés pour les autres catégories de locaux du même sous-groupe du même secteur d'évaluation. / A défaut d'éléments suffisants ou pouvant être retenus au sein du même secteur d'évaluation, ces tarifs sont déterminés par comparaison avec ceux qui sont appliqués pour des propriétés de la même catégorie ou, à défaut, du même sous-groupe dans des secteurs d'évaluation présentant des niveaux de loyers similaires, dans le département ou dans un autre département. / Les tarifs par mètre carré peuvent être majorés de 1,1 ou 1,15 ou minorés de 0,85 ou 0,9 par application d'un coefficient de localisation destiné à tenir compte de la situation de la parcelle d'assise de la propriété au sein du secteur d'évaluation. / V.- La surface pondérée d'un local est obtenue à partir de la superficie de ses différentes parties, réduite, le cas échéant, au moyen de coefficients fixés par décret, pour tenir compte de leur utilisation et de leurs caractéristiques physiques respectives. / VI.- Lorsque le IV n'est pas applicable, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe en appliquant un taux de 8 % à la valeur vénale de la propriété ou fraction de propriété au sens du I, telle qu'elle serait constatée à la date de référence définie au B du IV si cette propriété ou fraction de propriété était libre de toute location ou occupation. / A défaut, la valeur vénale de la propriété ou fraction de propriété au sens du I est déterminée en ajoutant à la valeur vénale du terrain, estimée à la date de référence par comparaison avec celle qui ressort de transactions relatives à des terrains à bâtir situés dans une zone comparable, la valeur de reconstruction à la date de référence de la propriété. / La valeur locative mentionnée au premier alinéa du présent VI est réduite de moitié pour tenir compte de l'impact de l'affectation de la propriété ou fraction de propriété au sens du I, partielle ou totale, à un service public ou d'utilité générale. / (). ".

7. D'autre part, aux termes du XVI du même article : " A.- Les résultats de la révision des valeurs locatives des locaux mentionnée au I sont pris en compte à compter : / 1° De l'établissement des bases au titre de 2017, dans les conditions prévues aux B et C ; / (). / B.- 1. En vue de l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la cotisation foncière des entreprises, de la taxe d'habitation et de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la valeur locative des propriétés bâties est corrigée par un coefficient de neutralisation. / Ce coefficient est égal, pour chaque taxe et chaque collectivité territoriale, au rapport entre, d'une part, la somme des valeurs locatives non révisées au 1er janvier 2017 des propriétés bâties imposables au titre de cette année dans son ressort territorial, à l'exception de celles mentionnées au 2, et, d'autre part, la somme des valeurs locatives révisées de ces propriétés à la date de référence du 1er janvier 2013. / Le coefficient de neutralisation déterminé pour chacune de ces taxes s'applique également pour l'établissement de leurs taxes annexes. / Les coefficients déterminés pour une commune s'appliquent aux bases imposées au profit des établissements publics de coopération intercommunale dont elle est membre. / (). / D.- Pour les impositions dues au titre des années 2017 à 2025 : / 1° Lorsque la différence entre la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 et la valeur locative résultant du B du présent XVI est positive, celle-ci est majorée d'un montant égal à la moitié de cette différence ; / 2° Lorsque la différence entre la valeur locative non révisée au 1er janvier 2017 et la valeur locative résultant du même B est négative, celle-ci est minorée d'un montant égal à la moitié de cette différence. / Le présent D n'est applicable ni aux locaux mentionnés au 2 dudit B, ni aux locaux ayant fait l'objet d'un des changements mentionnés au I de l'article 1406 du code général des impôts après le 1er janvier 2017. / (). ". Les dispositions du 1 du B et du D correspondent respectivement au coefficient de neutralisation, et au dispositif de planchonnement.

8. Enfin, aux termes du XXII du même article : " A.- Des exonérations partielles d'impôts directs locaux sont accordées au titre des années 2017 à 2025 lorsque la différence entre la cotisation établie au titre de l'année 2017 et la cotisation qui aurait été établie au titre de cette même année sans application du XVI est positive. / Pour chaque impôt, l'exonération est égale aux neuf dixièmes de la différence définie au premier alinéa du présent A pour les impositions établies au titre de l'année 2017, puis réduite chaque année d'un dixième de cette différence. / L'exonération cesse d'être accordée à compter de l'année qui suit celle au cours de laquelle la propriété ou fraction de propriété fait l'objet d'un des changements mentionnés au I de l'article 1406 du code général des impôts. / B.-Les impôts directs locaux établis au titre des années 2017 à 2025 sont majorés lorsque la différence entre la cotisation qui aurait été établie au titre de l'année 2017 sans application du XVI et la cotisation établie au titre de cette même année est positive. / Pour chaque impôt, la majoration est égale aux neuf dixièmes de la différence définie au premier alinéa du présent B pour les impositions établies au titre de l'année 2017, puis réduite chaque année d'un dixième de cette différence. / Cette majoration est supprimée à compter de l'année qui suit celle au cours de laquelle la propriété ou fraction de propriété fait l'objet d'un des changements mentionnés au I de l'article 1406 du code général des impôts. / C.-Pour l'application des A et B : / 1° Les impôts directs locaux s'entendent de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la cotisation foncière des entreprises, de la taxe d'habitation et de leurs taxes annexes ; / 2° La différence définie au premier alinéa des A et B s'apprécie pour chaque impôt en tenant compte de ses taxes annexes et des prélèvements prévus à l'article 1641 du code général des impôts. / Elle s'apprécie par propriété ou fraction de propriété bâtie pour la taxe foncière sur les propriétés bâties ; / 3° Selon le cas, le coût de l'exonération ou la majoration est réparti entre les collectivités territoriales et, le cas échéant, les établissements publics de coopération intercommunale, les établissements publics fonciers, les chambres de commerce et d'industrie et les chambres de métiers et de l'artisanat au prorata de leur part dans la somme des variations positives de chaque fraction de cotisation leur revenant. ". Ces dispositions correspondent au dispositif de lissage.

9. Il résulte de ces dispositions que la détermination de la valeur locative de l'année 2016 a une incidence sur celle de l'année 2017.

10. Il résulte de l'instruction d'une part, que les locaux professionnels situés 66, boulevard du Maréchal Foch à Angers, construits en août 2016 en lieu et place, après démolition, d'un cinéma désaffecté, ont fait l'objet le 17 janvier 2017, à l'occasion de la déclaration d'un local à usage professionnel, d'un classement dans la catégorie " Etablissements ou terrains affectés à la pratique d'un sport ou à un usage de spectacles sportifs - SP 2 " pour une surface totale de 1 896 m², pondérée à 1 797 m², pour un loyer annuel de 250 215 euros, ces éléments permettant à l'administration fiscale d'établir la valeur locative brute révisée de l'ensemble immobilier à 113 390 euros, soit une valeur locative neutralisée de 28 619 euros, avant planchonnement.

11. D'autre part, et en l'absence de bien comparable, l'administration fiscale a, en application des dispositions de l'article 324 AK de l'annexe III au code général des impôts, procédé à l'appréciation de la valeur locative non révisée de cet ensemble immobilier en procédant par voie d'appréciation directe en ajoutant au prix de revient de la construction le prix de revient du foncier, prix assorti d'un coefficient d'actualisation puis d'une revalorisation forfaitaire annuelle afin d'obtenir la valeur locative de l'année d'imposition qui, une fois divisée par deux, constitue la base d'imposition de l'année.

12. Enfin, après avoir apprécié la différence entre la valeur locative révisée neutralisée et celle non révisée, l'administration fiscale a appliqué le mécanisme de planchonement puis déterminé sur cette base la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties par application du mécanisme du lissage qu'elle a mis en recouvrement par voie du rôle du 31 août 2017.

13. En premier lieu, si la SEM Alter Eco conteste l'application à l'ensemble immobilier sis boulevard du Maréchal Foch des mécanismes de planchonnement et de lissage prévus par les dispositions précitées, elle a toutefois été assujettie à la taxe foncière sur les propriétés bâties à raison d'un ensemble immobilier existant au 1er janvier 2017, fait générateur de l'imposition litigieuse au titre de cette année. Ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent jugement, la détermination de la valeur locative de l'année 2016 a une incidence sur celle de l'année 2017 de sorte que, pour imposer la société requérante, l'administration fiscale devait procéder à une comparaison de la valeur locative de l'ensemble immobilier au titre des années 2016 et 2017 et appliquer les dispositifs prévus par l'article 34 de la loi 29 décembre 2010 pour la détermination de la valeur locative révisée. Si l'immeuble dont elle est propriétaire n'existait pas au 1er janvier 2016, la valeur locative retenue au titre de cette année en vue de la comparer avec la valeur locative révisée 2017 ne pouvait pas être celle de l'ancien ensemble immobilier désaffecté et édifié sur la parcelle occupée par la salle de sport propriété de la société requérante, cet ancien immeuble ayant été démoli pour permettre la construction de l'immeuble objet du litige.

14. En deuxième lieu, la société requérante soutient que les mécanismes de planchonnement et de lissage ne lui étaient pas applicables dès lors que l'ensemble immobilier à raison duquel elle a été imposée a été reconstruit après une désaffectation suivie d'une démolition, de sorte qu'il a fait l'objet d'un changement de consistance touchant plus de 10 %. Toutefois, il résulte des dispositions précitées que les changements de consistance au sens de l'article 1406 du code général des impôts visés par les dispositions de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 pouvant faire obstacle à l'application des mécanismes de planchonnement et de lissage sont ceux intervenant postérieurement au 1er janvier 2017. En l'occurrence, le changement de consistance de l'immeuble constituant la base de l'imposition litigieuse étant intervenu au plus tard à la date d'achèvement des travaux de reconstruction soit en août 2016, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les mécanismes de planchonnement et de lissage ne lui étaient pas applicables.

15. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 1498 du code général des impôts, dans sa version applicable au 31 décembre 2016 : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ".

16. Aux termes de l'article 324 AB de l'annexe III au code général des impôts alors applicable : " Lorsque les autres moyens font défaut, il est procédé à l'évaluation directe de l'immeuble en appliquant un taux d'intérêt à sa valeur vénale, telle qu'elle serait constatée à la date de référence si l'immeuble était libre de toute location ou occupation. () ". L'article 324 AC de lannexe III du même code dispose que : " En l'absence d'acte et de toute autre donnée récente faisant apparaître une estimation de l'immeuble à évaluer susceptible d'être retenue sa valeur vénale à la date de référence est appréciée d'après la valeur vénale d'autres immeubles d'une nature comparable ayant fait l'objet de transactions récentes situés dans la commune même ou dans une localité présentant du point de vue économique une situation analogue à celle de la commune en cause. / La valeur vénale d'un immeuble peut également être obtenue en ajoutant à la valeur vénale du terrain, estimée par comparaison avec celle qui ressort de transactions récentes relatives à des terrains à bâtir situés dans une zone comparable, la valeur de reconstruction au 1er janvier 1970 dudit immeuble, réduite pour tenir compte, d'une part, de la dépréciation immédiate et, d'autre part, du degré de vétusté de l'immeuble et de son état d'entretien, ainsi que de la nature, de l'importance, de l'affectation et de la situation de ce bien. ".

17. Il résulte tant des dispositions de l'article 1498 du CGI que de l'article 324 AB et AC de l'annexe III au code général des impôts qu'en l'absence de termes de comparaison, l'administration fiscale peut procéder à l'évaluation par voie d'appréciation directe.

18. D'une part, la société requérante ne soutient pas qu'il existerait un terme de comparaison pertinent, ni que l'immeuble litigieux soit qualifiable comme présentant un caractère particulier permettant de rechercher un terme de comparaison en dehors de la commune d'Angers. D'autre part, l'évaluation par voie d'appréciation directe calculée par ajout à la valeur vénale du terrain de la valeur de reconstruction de l'immeuble trouvait à s'appliquer dans le cas particulier de l'espèce. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que l'administration fiscale ne pouvait procéder à une évaluation de la valeur locative non révisée par voie de comparaison.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin de réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties présentées par la SEM Alter Eco doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la SEM Alter Eco la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SEM Alter Eco est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la société d'économie mixte Alter Eco et à la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Livenais, président,

Mme Rosemberg, première conseillère,

M. Huin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2023.

Le rapporteur,

F. A

Le président,

Y. LIVENAIS

Le greffier,

E. LE LUDEC

La République mande et ordonne ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Code publication

C