Tribunal administratif de Cergy-Pontoise

Jugement du 28 mars 2023 n° 1900443

28/03/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par ordonnance en date du 31 décembre 2018, le président du Tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administratif de Cergy-Pontoise le dossier de la requête de M. E D et Mme B C A.

Par cette requête, enregistrée le 27 décembre 2018 au greffe du tribunal administratif de Paris et un mémoire, enregistré le 12 juillet 2019 au greffe du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, M. D et Mme C A demandent au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, une somme de 690 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

S'agissant de la procédure d'imposition :

- le service, qui a indûment renversé la charge de la preuve et, alors qu'il ne dispose pas des connaissances techniques nécessaires, n'a pas utilisé tous les moyens d'investigation mis à sa disposition et ne les a préalablement pas interrogés, n'a pas établi l'absence, en Guyane, au 31 décembre 2012, d'éoliennes leur ouvrant droit à la réduction d'impôt de l'article 199 undecies B du code général des impôts ;

- l'administration a méconnu les dispositions des articles L. 81, L. 83, L. 85 et L. 102 B du livre des procédures fiscales, en n'exerçant pas son droit de communication à l'endroit des opérateurs qui auraient pu lui apporter des renseignements appropriés ;

- en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration n'a pas suffisamment répondu à leurs observations ; en outre, dans sa réponse, elle a abandonné certains motifs initialement invoqués et s'est prévalue de nouveaux motifs sans leur permettre de les discuter utilement ;

- en vertu de l'article R. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration l'absence de réponse à la lettre du 8 juillet 2015 de la société France Energie Finance relative aux investissements éoliens en Guyane vaut acceptation de la position qui y est exprimée ;

- les procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt sont viciées, dès lors qu'en dépit de leur déménagement au Vietnam, elles n'ont pas été poursuivies par le service des non-résidents ;

S'agissant du bien-fondé de l'impôt :

- c'est à tort que le service a remis en cause la réduction d'impôt en litige en leur opposant l'absence d'entrée en production des éoliennes, dès lors qu'au titre de l'année en litige antérieure à la réforme entrée en vigueur au 1er janvier 2015, l'article 199 undecies B du CGI et la doctrine administrative prévoyaient que le fait générateur intervenait à délivrance du bien au sens de l'article 1604 du code civil et non à sa mise en service ;

- en l'espèce, les éoliennes étaient acquises et livrées au 31 décembre 2012 et entraient donc dans le champ de l'article 199 undecies B du CGI dans sa rédaction alors en vigueur ;

- l'imposition contestée repose sur des informations erronées procédant de droits de communication mal dirigés ;

- alors qu'il ressort des informations recueillies par le service que des demandes de raccordement au réseau EDF, bien que non requises pour obtenir le bénéfice de la réduction d'impôt, ont été déposées en temps utile, ils ne seraient être tenus pour responsables des délais d'instruction de ces demandes ;

- la réduction d'impôt constituait un avantage acquis au 31 décembre 2012, qui a été remis en cause par une décision du 14 novembre 2012 du Conseil d'Etat relative à la loi " littoral " avant les modifications introduites par les lois n° 2013-312 du 15 avril 2013 et 2013-1278 du 29 décembre 2013 ; cette remise en cause, non justifiée par un motif suffisant d'intérêt général, est source d'insécurité juridique et est contraire à l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- l'administration n'a pas tenu compte de la force majeure et du cas fortuit causés par cette insécurité juridique ;

- l'administration a méconnu sa doctrine, telle qu'elle était en vigueur à la date du fait générateur de l'impôt ;

- c'est à tort que le service a refusé de considérer que l'absence de réponse à la lettre du 8 juillet 2015 de la société France Energie Finance relative aux investissements éoliens en Guyane valait acceptation de la position qui lui était soumise.

S'agissant de la procédure contentieuse :

- le mémoire en défense de l'administration est irrecevable dès lors qu'il n'est pas signé et ne comporte pas le grade de son auteur ;

- aucun passage de la requête n'est outrageant ou diffamatoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2019, la directrice départementale des finances publiques du Val-d'Oise conclut :

1°) au rejet de la requête.

2°) à la suppression des passages injurieux et outrageants sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, faute pour les requérants d'avoir élu domicile en France ;

- les moyens sont, selon le cas, inopérants ou infondés ;

- présentent un caractère outrageants et diffamatoires certains passages des pages 2, 3, 5, 7, 10, 20, 35 36 et 38 de la requête.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Huon, président rapporteur,

- et les conclusions de M. Chabauty, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. En leur qualité d'associés de trois sociétés par actions simplifiées, les SAS Carvi, Cassia et Cassis, et par application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, M. D et Mme C A ont bénéficié au titre de l'année 2012 d'une réduction d'impôt sur le revenu, d'un montant de 12 600 euros, à raison d'investissements consistant en l'acquisition et l'installation d'éoliennes par les trois sociétés précitées en vue de leur exploitation en Guyane. A la suite d'un contrôle sur pièces mené notamment à la lumière des éléments recueillis dans le cadre de son droit de communication et aux termes d'une proposition de rectification du 4 décembre 2015, l'administration a remis en cause cette réduction d'impôt au motif de l'absence de réalisation des investissements concernés au 31 décembre 2012. Après avoir obtenu, à titre gracieux, une remise de la majoration de 10 % et d'une fraction de l'intérêt de retard dont a été assorti le rappel d'impôt correspondant, les contribuables ont contesté, par voie de réclamation contentieuse, les droits supplémentaires et pénalités restant à leur charge. A la suite du rejet de cette réclamation, ils réitèrent leurs prétentions devant le juge de l'impôt.

Sur la recevabilité du mémoire en défense :

2. Aux termes de l'article R. 611-8-4 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Lorsqu'une partie ou son mandataire adresse un mémoire ou des pièces par l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, son identification selon les modalités prévues par l'arrêté mentionné à l'article R. 414-1-1 vaut signature pour l'application des dispositions du présent code () ".

3. Le mémoire en défense de l'administration fiscale a été déposé le 16 mai 2019 au moyen de l'application informatique " Télérecours " prévue par l'article R. 414-1 du code de justice administrative. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article R. 611-8-4, l'identification de son auteur par cette application vaut signature. Ainsi et alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de préciser le grade de l'agent signataire, lequel est par ailleurs clairement identifié par la mention de ses nom, prénom et fonction, le moyen tiré de ce que le mémoire en défense devrait être écarté des débats comme irrecevable ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin de décharge :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par l'administration :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 11 du code général des impôts : " Lorsqu'un contribuable a déplacé soit sa résidence, soit le lieu de son principal établissement, les cotisations dont il est redevable au titre de l'impôt sur le revenu, tant pour l'année au cours de laquelle s'est produit le changement que pour les années antérieures non atteintes par la prescription, peuvent valablement être établies au lieu d'imposition qui correspond à sa nouvelle situation. ". Aux termes de l'article L. 45-0 A du livre des procédures fiscales : " Sans préjudice des dispositions de l'article 11 du code général des impôts, lorsque le lieu de déclaration ou d'imposition d'un contribuable a été ou aurait dû être modifié, les agents des impôts compétents à l'issue de ce changement peuvent également assurer l'assiette et le contrôle de l'ensemble des impôts ou taxes non atteints par la prescription. ". Aux termes de l'article 350 terdecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. - Sous réserve des dispositions des articles 409 et 410 de l'annexe II au code général des impôts, seuls les fonctionnaires de la direction générale des finances publiques appartenant à des corps des catégories A et B peuvent fixer les bases d'imposition et liquider les impôts, taxes et redevances ainsi que proposer les rectifications () / II. - Les fonctionnaires mentionnés au premier alinéa du I peuvent exercer les attributions que ces dispositions leur confèrent à l'égard des personnes physiques ou morales ou groupements de personne de droit ou de fait qui ont déposé ou auraient dû déposer dans le ressort territorial du service déconcentré ou du service à compétence nationale dans lequel ils sont affectés une déclaration, un acte ou tout autre document ainsi qu'à l'égard des personnes ou groupements qui, en l'absence d'obligation déclarative, y ont été ou auraient dû y être imposés ou qui y ont leur résidence principale, leur siège ou leur principal établissement. ". Il résulte des dispositions précitées du II de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts - à l'application desquelles ne font pas obstacle celles des articles 11 du code général des impôts et L 45 0-A du livre des procédures fiscales - que les fonctionnaires de l'administration fiscale, visés au I de cet article, sont notamment compétents pour contrôler la situation des contribuables qui ont déposé leur déclaration dans le ressort territorial du service où ils sont affectés.

5. D'une part, il n'est pas contesté que M. D et Mme C A, alors domiciliés à Issy-les-Moulineaux (92), ont déposé leur déclaration de revenus de l'année 2012 auprès du service des impôts des particuliers de cette commune et y ont été imposés. Par suite, les intéressés ne sont pas fondés à soutenir que, du fait de leur déménagement au Vietnam le 30 décembre 2016, du reste postérieur à la notification de la proposition de rectification, seuls les agents de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux, et non ceux relevant de la direction départementale des finances publiques des Hauts-de-Seine, auraient été compétents pour contrôler leur déclaration.

6. D'autre part, la circonstance que les requérants, qui ne contestent pas avoir été destinataires des actes de la procédure, soutiennent qu'ils n'ont pas reçu, à leur nouvelle adresse, l'avis d'imposition supplémentaire est sans incidence sur la régularité ou le bien-fondé des impositions. Sont également sans incidence à cet égard les conditions dans lesquelles le comptable a poursuivi le recouvrement de la somme réclamée aux contribuables.

7. En deuxième lieu, si, l'administration peut, en vertu des dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites, elles n'instaurent aucune obligation en ce sens. De même, l'article L. 45 F du même livre, en vertu duquel l'administration peut contrôler sur le lieu d'exploitation le respect des conditions de réalisation, d'affectation, d'exploitation et de conservation des investissements ayant ouvert droit au bénéfice des dispositions prévues à l'article 199 undecies B du code général des impôts, ouvre à l'administration une simple faculté qu'elle n'est pas tenue de mettre en œuvre. Les contribuables ne sauraient donc utilement se plaindre de l'absence de recours à ces deux procédures.

8. En troisième lieu, les requérants ne sauraient pas davantage faire grief au service de n'avoir exercé son droit de communication qu'à l'égard du service des douanes et de la société EDF de Guyane et non auprès d'autres opérateurs, tels les sociétés CTS-Guyana, transitaire en douane ou France Energie Finance, dès lors qu'il n'était pas tenu de le faire. Par ailleurs, la teneur des réponses apportées aux demandes de l'administration est sans incidence sur la régularité de l'exercice du droit de communication.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. () Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ".

10. D'une part, la proposition de rectification du 4 décembre 2015 comportait, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, les motifs de droit et de fait caractérisant une absence d'investissement productif au sens de l'article 199 undecies B du code général des impôts et justifiant ainsi les redressements envisagés. Dès lors, elle permettait aux contribuables, et ce, indépendamment des explications qui leur ont été ultérieurement apportées dans la réponse à leurs observations, de formuler leurs observations de façon entièrement utile. Par suite, cette proposition de rectification était suffisamment motivée au regard des exigences posées par les dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

11. D'autre part, il ressort de la réponse aux observations du contribuable du 6 décembre 2016, remplaçant celle du 16 septembre 2016, que le service a précisé la notion d'investissement au sens de l'article 199 undecies B du code général des impôts en répondant sur ce point aux objections que les contribuables avaient formulées tant au regard de la loi, telle qu'interprétée par la jurisprudence, que de la doctrine administrative. Il a également explicité les circonstances de fait l'ayant conduit à considérer que, contrairement à ce que prétendaient les requérants, les éoliennes acquises par les SAS Carvi, Cassia et Cassis n'avaient, au 31 décembre 2012, fait l'objet ni de livraison ni de demande de raccordement au réseau EDF. Il a ainsi suffisamment motivé sa réponse compte tenu des critiques formulées par les contribuables les 2 février et 3 octobre 2016. Ce faisant, le service, qui s'est borné à répliquer aux arguments des contribuables aux termes de développements qui, par hypothèse, ne pouvaient pas figurer dans la proposition de rectification, n'a nullement modifié les motifs initiaux du rappel et, en particulier leur fondement juridique, de sorte qu'il n'était pas tenu d'accorder aux contribuables un nouveau délai de trente jours pour présenter d'autres observations.

12. Enfin, la double circonstance alléguée que, tant dans la proposition de rectification que dans sa réponse aux observations du contribuable, le service aurait méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve et se serait appuyé sur des éléments de fait non établis ou non pertinents, car procédant de droits de communication inexploitables, relève du bien-fondé de l'imposition et est, en tout état de cause, sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation de ces deux documents et, de manière générale, sur la régularité de la procédure d'imposition.

13. En cinquième lieu, est également sans incidence sur la procédure d'imposition la circonstance que l'administration n'ait pas répondu à une demande du 8 juillet 2015 par laquelle la société France Energies Finances a sollicité une mesure de tolérance dans le traitement fiscal des investissements conduits en 2011 et 2012 dans le secteur éolien en Guyane.

14. En sixième lieu, pour contester la régularité de la procédure d'imposition, M. D et Mme C A ne peuvent utilement invoquer les diverses instructions administratives dont ils se prévalent, dès lors que la doctrine relative à la procédure d'établissement de l'impôt n'est pas opposable à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

15. Aux termes du premier alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis-et-Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. / () ". Aux termes du vingtième alinéa du même article : " La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. () ". Enfin, aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code, dans sa rédaction applicable : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée, sous réserve des dispositions de la deuxième phrase du vingtième alinéa du I du même article, au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail () ".

16. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'avant même l'entrée en vigueur des dispositions du e) du B du I de l'article 21 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, modifiant le vingtième alinéa de l'article 199 undecies B du code général des impôts, le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à cet article est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. Par suite, s'agissant de l'acquisition d'éoliennes données en location à des sociétés locales en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les éoliennes, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et par suite être productives de revenus qu'à compter de cette date. Le raccordement est nécessaire pour une exploitation effective de ces installations, lorsqu'il ne résulte pas de l'instruction que l'électricité produite aurait eu vocation à être consommée ou stockée par les sociétés exploitantes. Enfin il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si le contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 199 undecies B du code général des impôts.

17. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier des renseignements fournis par la société EDF, et il n'est d'ailleurs sérieusement pas contesté qu'à supposer même que les éoliennes acquises par les SAS Carvi, Cassia et Cassis auraient alors été déjà importées en Guyane, aucune d'entre elles n'était raccordée au réseau public d'électricité au 31 décembre 2012, date à laquelle n'avait été déposé qu'un dossier de raccordement incomplet. Par suite, et alors que les requérants ne sauraient utilement se retrancher derrière les délais d'instruction de la société EDF les investissements en cause ne pouvaient être regardés comme réalisés au titre de l'année 2012. L'administration, qui n'a pas ajouté à la loi en s'appuyant sur sa propre doctrine, était donc fondée, pour ce seul motif à remettre en cause la réduction d'impôt imputée par les contribuables sur leur impôt sur le revenu de l'année 2012.

18. En second lieu, en l'absence de survenance du fait générateur, M. D et Mme C A ne sauraient se prévaloir d'un prétendu " droit acquis " à la réduction d'impôt ni, par suite et en tout état de cause, soutenir qu'ils en auraient été indûment privés à la suite d'une décision du Conseil d'Etat du 14 novembre 2012. En outre, la circonstance que l'exploitation effective des éoliennes aurait été retardée du fait de l'incertitude des modalités d'application de la loi littoral du 2 janvier 1986, à la supposer établie, ne constitue pas un cas fortuit ou de force majeure dont les contribuables pourraient utilement se prévaloir pour obtenir le bénéfice des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts. En outre, si les requérants peuvent être également regardés comme invoquant l'inconstitutionnalité de ces dispositions comme contraires au principe de sécurité juridique, une telle question prioritaire de constitutionnalité est irrecevable faute d'avoir été présentée par mémoire distinct, en méconnaissance de l'article R. 771-3 du code de justice administrative.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

19. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente () ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal () ".

20. En premier lieu, M. D et Mme C A invoquent les termes du paragraphe n°148 de l'instruction 5 B-2-07 du 30 janvier 2007, selon lesquels : " Conformément aux dispositions du vingtième alinéa du I de l'article 199 undecies B, la réduction d'impôt est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé. Le premier alinéa de l'article 95 Q de l'annexe II prévoit que l'année de réalisation de l'investissement s'entend de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée, c'est-à-dire achevée, par l'entreprise ou lui est livrée au sens de l'article 1604 du code civil, ou est mise à disposition dans le cadre d'un contrat de crédit-bail. ".

21. Toutefois, cet extrait de doctrine, s'il fait référence à la notion de livraison, au sens du droit civil, de l'immobilisation faisant l'objet de l'investissement, ne saurait être lu en faisant abstraction des autres prévisions de l'instruction administrative dans laquelle il s'insère. Or, le paragraphe n°22 de l'instruction 5 B-2-07 du 30 janvier 2007 énonce que : " Conformément aux dispositions du premier alinéa du I de l'article 199 undecies B et de l'article 95 K de l'annexe II, les investissements productifs dont l'acquisition, la création ou la prise en crédit-bail est susceptible d'ouvrir droit à réduction d'impôt doivent avoir la nature d'immobilisations neuves, corporelles et amortissables. / La notion même d'investissement productif implique l'acquisition ou la création de moyens d'exploitation, permanents ou durables capables de fonctionner de manière autonome. / () ".

22. Il résulte des énonciations de ce paragraphe que la notion de livraison de l'immobilisation faisant l'objet de l'investissement, dont fait mention le paragraphe n°148 de cette instruction, doit s'entendre de la livraison d'un moyen d'exploitation capable de fonctionner de manière autonome, c'est-à-dire en capacité d'être productif. Ainsi, le paragraphe n°148 ne peut être regardé comme comportant une interprétation formelle de la loi fiscale qui soit différente de celle dont le présent jugement fait application. M. D et Mme C A ne sont donc pas fondés à s'en prévaloir sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

23. En second lieu, l'absence de réponse de la direction générale des finances publiques à la lettre du 8 juillet 2015 par laquelle la société France Energies Finances a sollicité une mesure de tolérance dans le traitement fiscal des investissements conduits en 2011 et 2012 dans le secteur éolien en Guyane ne constitue pas une prise de position formelle opposable à l'administration sur le fondement de l'article L 80 B du livre des procédures fiscales, d'autant que la demande est postérieure à l'année d'imposition en litige.

S'agissant de l'application de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration :

24. Aux termes de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dont les dispositions ont été reprises à compter du 1er janvier 2016 aux articles L. 231-1 et L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " I. - Le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision d'acceptation. / () Le premier alinéa n'est pas applicable et, par dérogation, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / 1° Lorsque la demande ne tend pas à l'adoption d'une décision présentant le caractère d'une décision individuelle ; / 2° Lorsque la demande ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d'une réclamation ou d'un recours administratif ; / 3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret () ".

25. En vertu de ces dispositions, le courrier précité du 8 juillet 2015 par lequel la société France Energie Finances a sollicité que les opérations réalisées en 2011 et 2012 soient " validées à titre exceptionnel ", qui ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif mais vise, pour des raisons financières, à une application bienveillante de la loi fiscale, n'est pas au nombre des demandes susceptibles de faire naître une décision implicite d'acceptation. Par conséquent, M. D et Mme C A, ne sont pas fondés à soutenir que l'absence de réponse vaudrait acceptation de la demande, au surplus à leur profit.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. D et Mme C A ne sont pas fondés à demander la décharge du supplément d'impôt contesté.

Sur les conclusions présentées par l'administration sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :

27. Aux termes de l'article L. 741-2 du code de justice administrative : " Sont également applicables les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ci-après reproduites : " Art. 41, alinéas 3 à 5. - Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts. () ".

28. Si M. D et Mme C A ont critiqué en des termes parfois vifs et dépourvus de nuance la procédure suivie par le service vérificateur ainsi que l'appréciation portée par celui-ci sur les faits de l'espèce, leur requête ne contient pas, contrairement à ce qui est soutenu en défense, d'imputation à caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire, au sens des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, de nature à en faire prononcer la suppression. Par suite, la demande présentée par l'administration tendant à une telle suppression ne peut qu'être rejetée.

Sur les frais liés à la présente instance :

29. En premier lieu, la présente instance n'ayant donné lieu à aucuns dépens, les conclusions présentées à ce titre par M. D et Mme C A doivent être rejetées.

30. En second lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demandent les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D et Mme C A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la directrice départementale des finances publiques du Val-d'Oise sur le fondement des dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. D et Mme C A et au directeur départemental des finances publiques du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Huon, président,

Mme Edert, vice-présidente

M. Viain, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.

L'assesseur le plus ancien,

signé

S. EDERT

Le président,

signé

C. HUON

La greffière,

signé

A. TAINSA

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.