Conseil d'Etat

Décision du 27 mars 2023 n° 443457

27/03/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Axa a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de lui accorder la restitution, à concurrence de, respectivement, 126 019 044 euros, 145 919 045 euros et 81 264 769 euros, du précompte dont elle s'est acquittée à raison des distributions de dividendes qu'elle a opérées en 2001, 2002 et 2003, assortie des intérêts moratoires. Par une ordonnance du 15 septembre 2009, le président de ce tribunal a, sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis cette demande au tribunal administratif de Montreuil. Par un jugement n° 0808540 du 23 mai 2014, ce dernier tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 14VE02208 du 30 juin 2020, la cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur appel de la société Axa, a annulé ce jugement et, statuant par la voie de l'évocation, rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 août et 30 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Axa demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-1014 QPC du 14 octobre 2022 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-556/20 du 12 mai 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Alianore Descours, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société Axa ;

Considérant ce qui suit :

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé () à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat () ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux. Aux termes de l'article R.* 771-18 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat n'est pas tenu de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par les mêmes motifs, une disposition législative dont le Conseil constitutionnel est déjà saisi. En cas d'absence de transmission pour cette raison, il diffère sa décision jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil constitutionnel ".

2. Le Conseil constitutionnel, statuant sur une autre question prioritaire de constitutionnalité renvoyée par le Conseil d'Etat, a, par sa décision n° 2022-1014 QPC du 14 octobre 2022, déclaré conformes à la Constitution les dispositions du premier alinéa du 1 de l'article 223 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, telles qu'interprétées pour tirer les conséquences de l'arrêt du 12 mai 2022 de la Cour de justice de l'Union européenne.

3. Il suit de là, sans qu'il soit besoin de renvoyer la question au Conseil constitutionnel, que le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ne peut qu'être écarté.

Sur les moyens du pourvoi :

4. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

5. Pour demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt qu'elle attaque, la société Axa soutient que la cour administrative d'appel de Versailles a :

- méconnu l'article 4 de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 et l'article 20 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en se fondant, pour déterminer le montant des restitutions de précompte auxquelles elle avait droit du fait de l'incompatibilité de cet impôt avec les premières de ces dispositions, sur les déclarations de précompte qu'elle avait souscrites ;

- méconnu son office en ne statuant pas en équité pour déterminer les sommes dont elle était fondée à demander la restitution ;

- méconnu l'article 4 de la directive 90/435/CEE en se fondant, pour écarter sa demande tendant à la restitution du précompte acquitté à raison de la redistribution de sommes soumises au régime des plus-values à long terme, sur ce que cette modalité d'application du précompte avait exclusivement la nature d'une taxation complémentaire des plus-values n'entrant pas dans le champ d'application de cette directive, alors que la réserve spéciale des plus-values à long terme, débitée à l'occasion de cette redistribution, avait pu être abondée par les bénéfices versés par des filiales établies dans des Etats membres de l'Union européenne autres que la France ;

- commis une erreur de droit en jugeant qu'elle n'était pas fondée à demander la restitution du précompte acquitté à raison de la redistribution de sommes soumises au régime des plus-values à long terme, alors qu'elle s'était crue à tort tenue d'imputer une fraction des dividendes qu'elle avait distribués sur ces sommes en application d'une interprétation illégale des articles 209 quater et 223 sexies du code général des impôts par la doctrine administrative.

6. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Axa.

Article 2 : Le pourvoi de la société Axa n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Axa et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.

Délibéré à l'issue de la séance du 9 mars 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président de chambre, présidant ; M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat et Mme Alianore Descours, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 27 mars 2023.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

La rapporteure :

Signé : Mme Alianore Descours

La secrétaire :

Signé : Mme Michelle Bailleul

Code publication

C