Tribunal administratif de Nantes

Jugement du 17 mars 2023 n° 1807241

17/03/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 2 août 2018, M. A B et Mme C B, représentés par Me Le Tacon, demandent au Tribunal :

1°) de prononcer la réduction, à hauteur de la somme totale de 122 164 euros, des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mises à leur charge au titre de l'année 2014, à raison de l'imputation sur les revenus de ladite année du montant de la contribution sociale généralisée déductible n'ayant pu être imputée sur les revenus de l'année 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-21 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance.

Ils soutiennent que :

-le II de l'article 154 quinquies du code général des impôts, en ce qu'il prévoit la déductibilité, dans la limite de 5,1 %, de la contribution sociale généralisée grevant le revenu du patrimoine du revenu imposable du contribuable au titre de l'année de paiement de cette contribution, qui est en l'espèce l'année suivant celle de la réalisation du revenu du patrimoine sur laquelle est prélevée cette contribution sans possibilité d'imputation de tout ou partie de ce montant déductible sur le revenu d'autres années, crée une rupture d'égalité devant les charges publiques entre les contribuables, dans la mesure où la contribution sociale généralisée déductible des revenus d'activité en vertu du I du même articles 154 quinquies est imputée, quant à elle, sur le revenu imposable de l'année de réalisation de ces revenus, compte tenu des règles gouvernant le recouvrement de la contribution sociale généralisée dans l'un ou l'autre cas ;

- subsidiairement, ils sont fondés à invoquer l'inconstitutionnalité du II de l'article 154 quinquies du code général des impôts, en ce que ces dispositions méconnaissent les principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques, garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- ils sont fondés à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre de procédures fiscales des énonciations des commentaires administratifs publiés, d'une part dans l'instruction administrative n° 5-B-11-98 du 27 mai 1998 et d'autre part au Bulletin officiel des finances publiques le 24 avril 2017 sous la référence BOI-IR-BASE-20-20, n° 100.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 janvier 2019, la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

-le moyen tiré de l'inconstitutionnalité des dispositions du II de l'article 154 quinquies du code général des impôts est irrecevable, faute d'avoir été présenté dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité formé par mémoire distinct devant la juridiction ;

-les autres moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

-le rapport de M. Livenais, président-rapporteur ;

- et les conclusions de M. Vauterin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B a réalisé au cours de l'année 2014 une plus-value de cession de valeurs mobilières sur laquelle a été prélevée, notamment, la contribution sociale généralisée, dont une fraction s'élevant à la somme de 237 983 euros était déductible du revenu imposable de son foyer fiscal dans les conditions prévues au II de l'article 154 quinquies du code général des impôts, l'année au titre de laquelle ce montant de contribution de cotisation sociale généralisée pouvait venir en déduction du revenu de M. et Mme B étant en l'espèce l'année 2015, au cours de laquelle la contribution sociale généralisée en cause a été recouvrée. Une partie de cette contribution déductible n'ayant toutefois pas pu être imputée sur le revenu des époux B imposable au titre de l'année 2015, le montant de la contribution sociale généralisée en cause excédant celui du revenu imposable des intéressés, ces derniers ont demandé en vain à l'administration fiscale que le reliquat non utilisé de cette contribution soit déduit de leur revenu imposable au titre de l'année 2014 et, par suite, que soient réduites dans ces proportions les cotisations primitives d'impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mises à leur charge au titre de l'année 2014. M. et Mme B demandent ainsi au Tribunal la réduction, à hauteur de la somme de 122 164 euros, de ces impositions primitives.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 154 quinquies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Pour la détermination des bases d'imposition à l'impôt sur le revenu, la contribution prévue à l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale au titre des revenus d'activité et de remplacement est, à hauteur de 5,1 points ou, pour les revenus mentionnés au II de l'article L. 136-8 du même code, à hauteur de 3,8 points lorsqu'elle est prélevée au taux de 3,8 % ou 6,2 % et à hauteur de 4,2 points lorsqu'elle est prélevée au taux de 6,6 %, admise en déduction du montant brut des sommes payées et des avantages en nature ou en argent accordés, ou du bénéfice imposable, au titre desquels la contribution a été acquittée. La contribution prévue au 6° du II de l'article L. 136-2 du même code est admise en déduction du revenu imposable de l'année de son paiement. II. La contribution afférente aux revenus mentionnés aux a, b, c, e, à l'exception des plus-values, des gains et des avantages imposés dans les conditions prévues à l'article 39 quindecies, à l'article 163 bis G, au 5 de l'article 200 A et aux 6 et 6 bis du même article dans leur rédaction applicable aux options sur titres et actions gratuites attribuées avant le 28 septembre 2012, et f du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, au II du même article et aux revenus mentionnés au premier alinéa et au 1° du I de l'article L. 136-7 du même code n'ayant pas fait l'objet des prélèvements prévus au II de l'article 125-0 A et aux I bis, II, III, second alinéa du 4° et deuxième alinéa du 9° du III bis de l'article 125 A est admise en déduction du revenu imposable de l'année de son paiement, à hauteur de 5,1 points ".

3. D'une part, il est constant que l'imputation exclusive de la contribution sociale généralisée déductible provenant de l'imposition des revenus du patrimoine sur le revenu imposable du contribuable au titre de l'année de paiement de la contribution sociale généralisée, soit en l'espèce l'année 2015, a été effectuée conformément aux dispositions précitées du II de l'article 154 quinquies du code général des impôts. Les requérants ne peuvent utilement soutenir, dans ces conditions, que la circonstance qu'ils n'auraient pu obtenir, contre la loi fiscale, l'imputation d'une partie du montant de contribution sociale généralisée déductible dont ils disposaient sur leurs revenus imposables au titre de l'année 2014 emporterait une rupture d'égalité devant les charges publiques par rapport aux bénéficiaires du même droit à déduction s'agissant de la contribution sociale généralisée prélevée sur des revenus d'activité. Les requérants ne peuvent au surplus pas davantage obtenir la déduction du montant de cette contribution de leur revenu imposable au titre d'une autre année que celle du recouvrement de la contribution sociale généralisée en cause.

4. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat (), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé () ".

5. Si M. et Mme B soutiennent que les dispositions du II de l'article 154 quinquies du code général des impôts méconnaissent les principes garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de tels moyens, comme le fait valoir à bon droit l'administration fiscale, ne sont pas recevables, en l'absence de mémoire distinct et motivé présentant une question prioritaire de constitutionnalité, et ne peuvent ainsi qu'être écartés. Au surplus, et en tout état de cause, le Conseil d'Etat, par sa décision n° 423256 du 24 octobre 2018, a refusé de transmettre une telle question prioritaire de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel, en ce qu'elle est dépourvue de caractère sérieux.

Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :

6. D'une part, M. et Mme B ne peuvent utilement invoquer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de l'instruction administrative n° 5-B-11-98, cette dernière ayant été abrogée à l'occasion de l'entrée en vigueur à compter du 12 septembre 2012 des commentaires administratifs publiés au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) et ne trouvant plus à s'appliquer au litige.

7. D'autre part, les commentaires administratifs publiés au BOFiP le 24 juillet 2017 sous la référence BOI-IR-BASE-20-20, n° 100, ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application. M. et Mme B ne peuvent donc s'en prévaloir en vertu de ces mêmes dispositions.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins de décharge partielle de la requête de M. et Mme B ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, leur demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et Mme C B et à la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 17 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Livenais, président,

Mme Rosemberg, première conseillère,

Mme Thierry, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2023.

Le président-rapporteur,

Y. LIVENAIS

L'assesseure la plus ancienne

dans l'ordre du tableau,

V. ROSEMBERG

Le greffier,

E. LE LUDEC

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis

en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

Lt/ell

Code publication

C