Cour d'Appel de Dijon

Arrêt du 16 mars 2023 n° 22/00015

16/03/2023

Non renvoi

OM/CH

 

[E] [X]

 

C/

 

URSSAF [Localité 4], venant aux droits de l'ex-organisme [3] et RSI PLP

 

Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée

 

le :

 

à :

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE DIJON

 

CHAMBRE SOCIALE

 

ARRÊT DU 16 MARS 2023

 

MINUTE N°

 

N° RG 22/00015 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F3FI

 

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Pôle social du Tribunal Judiciaire de DIJON, décision attaquée en date du 14 Décembre 2021, enregistrée sous le n° 19/00425

 

APPELANT :

 

[E] [X]

 

[Adresse 5]

 

[Adresse 5]

 

[Adresse 5]

 

représenté par Me Ana cristina COIMBRA de la SELARL DE MAITRE COIMBRA, avocat au barreau de BORDEAUX

 

INTIMÉE :

 

URSSAF [Localité 4], venant aux droits de l'ex-organisme [3] et RSI PLP

 

[Adresse 1]

 

[Adresse 1]

 

[Adresse 1]

 

représentée par Me Florent SOULARD de la SCP SOULARD-RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON

 

COMPOSITION DE LA COUR :

 

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :

 

Olivier MANSION, Président de chambre,

 

Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,

 

Katherine DIJOUX-GONTHIER, Conseiller,

 

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,

 

ARRÊT : rendu contradictoirement,

 

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

 

SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE :

 

Après mise en demeure du 29 juin 2017, émise par l'URSSAF [Localité 4] service tram [3] (l'URSSAF) et portant demandes de paiement des cotisations de l'année 2017 (échéance du 5 mai 2017), M. [X] a saisi la commission de recours amiable afin de contestation.

 

Cette commission n'ayant pas statué dans le délai imparti, M. [X] a saisi le tribunal judiciaire qui, par jugement du 14 décembre 2021, a validé cette mise en demeure et l'a condamné à paiement.

 

M. [X] a interjeté appel le 29 décembre 2021.

 

Il soulève, par mémoires distincts, trois questions prioritaires de constitutionnalité, une question préjudicielle à destination de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et conteste, dans la forme et le fond, devoir les cotisations réclamées, en demandant l'infirmation du jugement, d'enjoindre à l'URSSAF de justifier de sa forme juridique et de sa personnalité morale, de sa date d'immatriculation, de verser aux débats un décompte permettant de déterminer la nature, la cause et l'étendue de la créance invoquée avec base de calcul, mode de calcul, détail du principal, intérêts et autres montant, le mandat de [3] et les statuts de cette dernière ainsi que la convention l'ayant liée au RSI.

 

Il demande, également, de surseoir à statuer et, à titre subsidiaire, d'annuler chaque mise en demeure, de rejeter toutes les demandes de l'URSSAF et de la condamner au paiement de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

L'URSSAF conclut à la confirmation du jugement, au rejet des questions prioritaires de constitutionnalité et de la question préjudicielle et sollicite le paiement de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties reprises à l'audience du 31 janvier 2023.

 

Les questions prioritaires de constitutionnalité ont été transmises au Parquet général qui s'est borné à les viser le 10 octobre 2022.

 

MOTIFS :

 

La demande de jonction avec les nombreux autres dossiers concernant M. [X] sera rejetée.

 

I - La question préjudicielle destinée à la CJUE :

 

L'appelant conteste ce qu'il qualifie de monopole de l'URSSAF pour refuser de payer les cotisations, par elle, demandées.

 

Il invoque les dispositions de l'article 267 du TFUE et considère que le monopole de la sécurité sociale a été supprimé par les directives 92/49/CEE et 92/96/CEE, transposées en droit interne par les lois n° 95-5 du 4 janvier 1994, n° 94-678 du 8 août 1994 et l'ordonnance n° 2001-350 du 19 avril 2001 ratifiée par la loi n° 20016624 du 17 juillet 2001.

 

Il ajoute que le régime français de sécurité sociale est un régime professionnel et non légal, que la mesure nationale consistant à imposer aux entreprises d'assurance communautaire des mesures qu'elle n'impose pas à ses propres mesures d'assurance est discriminatoire, n'est pas objectivement nécessaire et n'est pas proportionnée à l'objectif poursuivi.

 

Enfin, la France commettrait un abus de droit en recourant à la notion d'intérêt général en incluant la totalité de la législation de sécurité sociale dans la liste des dispositions d'intérêt général.

 

En conséquence, il est demandé de transmettre à la CJUE, la question suivante : "Les dispositions de l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale français satisfont-elles à toutes les conditions requises pour justifier de la notion d'intérêt général permettant de déroger aux dispositions des directives 92/49/CE et 92/96/CE '"

 

L'URSSAF réfute cette analyse, déclare la question mal fondée et conclut au refus de transmission de celle-ci.

 

Il sera relevé, d'abord, que l'article L. 111-2-1 du code de sécurité sociale, dans ses déclarations de principe, n'inclut pas la totalité de la législation de sécurité sociale dans la liste des dispositions d'intérêt général comme le soutient l'intéressé.

 

La notion d'abus à ce titre est donc sans emport.

 

Ensuite, la directive 92/96/CE concerne l'assurance directe sur la vie ce qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 111-2-1 précité.

 

La directive 92/49/CE concerne l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie.

 

Sur cette dernière directive, la CJCE 26 mars 1996, C 238/94, a dit pour droit : "Enfin, ainsi que la Cour l'a souligné dans son arrêt du 17 février 1993, Poucet et Pistre (C-159/91 et C-160/91, Rec. p. I-637, point 13), des régimes de sécurité sociale, qui, comme ceux en cause dans les affaires au principal, sont fondés sur le principe de solidarité, exigent que l'affiliation à ces régimes soit obligatoire, afin de garantir l'application du principe de la solidarité ainsi que l'équilibre financier desdits régimes. Si l'article 2, paragraphe 2, de la directive 92/49 devait être interprété dans le sens invoqué par la juridiction nationale, il en résulterait la suppression de l'obligation d'affiliation et, par conséquent, l'impossibilité de survie des régimes en cause.

 

15 - Or, comme la Cour l'a également relevé, les États membres conservent leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale (voir arrêts Poucet et Pistre, précité, point 6, et du 7 février 1984, Duphar e.a., 238/82, Rec. p. 523, point 16).

 

16 - Il convient donc de répondre à la juridiction nationale que l'article 2, paragraphe 2, de la directive 92/49 doit être interprété en ce sens que des régimes de sécurité sociale, tels que ceux en cause dans les affaires au principal, sont exclus du champ d'application de la directive 92/49".

 

L'obligation d'affiliation à un régime de sécurité sociale, déterminée par la loi, ne viole pas les règles de droit communautaire de la concurrence, voir notamment les arrêts de CJCE du 17 février 1993 C159/91 et C 160/91.

 

Par la suite, la CJUE a dit pour droit, arrêt C333/13, que : "Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

 

1) Le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (UE) no 1244/2010 de la Commission, du 9 décembre 2010, doit être interprété en ce sens que les «prestations spéciales en espèces à caractère non contributif» au sens des articles 3, paragraphe 3, et 70 de ce règlement relèvent du champ d'application de l'article 4 dudit règlement.

 

2) L'article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) n° 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, lu en combinaison avec l'article 7, paragraphe 1, sous b), de celle-ci, ainsi que l'article 4 du règlement no 883/2004, tel que modifié par le règlement no 1244/2010, doivent être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à la réglementation d'un État membre en vertu de laquelle des ressortissants d'autres États membres sont exclus du bénéfice de certaines «prestations spéciales en espèces à caractère non contributif» au sens de l'article 70, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, alors que ces prestations sont garanties aux ressortissants de l'État membre d'accueil qui se trouvent dans la même situation, dans la mesure où ces ressortissants d'autres États membres ne bénéficient pas d'un droit de séjour en vertu de la directive 2004/38 dans l'État membre d'accueil..." ,

 

et dans l'arrêt , C623/13, elle a dit pour droit que : "Le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) no 1606/98 du Conseil, du 29 juin 1998, doit être interprété en ce sens que des prélèvements sur les revenus du patrimoine, tels que ceux en cause au principal, présentent, lorsqu'ils participent au financement des régimes obligatoires de sécurité sociale, un lien direct et pertinent avec certaines des branches de sécurité sociale énumérées à l'article 4 de ce règlement no 1408/71, et relèvent donc du champ d'application dudit règlement, alors même que ces prélèvements sont assis sur les revenus du patrimoine des personnes assujetties, indépendamment de l'exercice par ces dernières de toute activité professionnelle".

 

De même, la Cour de cassation indique, dans un arrêt du 9 mai 2018, pourvoi n° 17-17.720 que : "Mais attendu que si l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne rend obligatoire le renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne lorsque la question est soulevée devant une juridiction dont la décision n'est pas susceptible d'un recours juridictionnel en droit interne, cette obligation disparaît dans le cas où la question soulevée n'est pas pertinente ;

 

Et attendu qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que des régimes de sécurité sociale qui sont fondés sur le principe de solidarité ne revêtent pas le caractère d'une entreprise au sens des articles 85, 86 et 87 du traité CEE devenus respectivement les articles 105, 106 et 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de sorte que les organismes qui pourvoient à la gestion de tels régimes ne sont pas compris dans le champ d'application de ces textes (CJCE, 17 février 1993, aff. C-159/91 et C-160/91, Poucet et Pistre ; 16 mars 2004, aff. C-264/01, C-306/01, C-354/01 et C-355/01, AOK-Bundesverbandf e.a, et 27 octobre 2005, aff. C-266/04, Casino France c/.Organic n° C 266/04 du 27 octobre 2005) ;

 

Qu'il en résulte que les unions de recouvrement, instituées en vue de répondre à une mission exclusivement sociale fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif, ne constituant pas des entreprises au sens des règles européennes de la concurrence et que les directives européennes concernant les marchés publics leur étant inapplicables, la question n'est pas pertinente ;

 

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question à la Cour de justice de l'Union européenne", et

 

Civ 2ème, 4 mai 2011, pourvoi n° 10-11.951 : "Attendu qu'ayant relevé que le RSI concourait à la gestion du service public de la sécurité sociale fondée sur le principe de solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif et que la contrainte objet du litige concernait les cotisations du régime légal et obligatoire de sécurité sociale, la cour d'appel en a exactement déduit que, dans l'exercice de cette seule fonction à caractère social, le RSI n'était pas une entreprise au sens des articles 81 et 82 CE et que cette activité ne pouvait être considérée comme économique au sens du droit communautaire ni violer les règles du droit des abus de position dominante ; que le grief ne peut être accueilli".

 

Il résulte de l'ensemble de ces décisions que le régime français de sécurité sociale conférant à des personnes morales de droit privé la gestion des cotisations et le paiement des prestations n'est pas contraires aux directives précitées et intégrées dans le droit national, que l'URSSAF n'est pas une entreprise au sens des règles européennes de la concurrence ni n'exerce une activité économique au sens du droit de l'Union européenne, de sorte qu'aucune discrimination ni disproportion à l'objectif poursuivi, ni d'atteinte à l'intérêt général ne peut être retenue.

 

La question posée n'est pas pertinent ce qui permet de ne pas la transmettre à la CJUE.

 

II - Les questions prioritaires de constitutionnalité :

 

Chacune est posée par mémoire distinct.

 

Sur la première question prioritaire de constitutionnalité :

 

La question est ainsi libellée : "Les dispositions de l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elles considèrent obligatoire l'adhésion et la cotisation à des personnes morales de droit privé chargées du monopole de fait de l'assurance des risques couverts par le système de sécurité sociale et de recouvrement des cotisations sociales, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par le point 9 du préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel "tout bien, toute entreprise, toute exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité" et aux droits et libertés garantis par les articles 1 et 2 de la Constitution de la République et 2, 5, 6 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 intégrés au bloc constitutionnel '".

 

L'appelant considère que toute obligation de cotisation à une personne morale de droit privé ayant des activités de sécurité sociale est contraire à la Constitution et à la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en ce qu'elle constitue une violation au principe d'égalité entre les personnes morales de droit privé exerçant une mission d'assurance et de recouvrement effectuée au nom du système français de sécurité sociale, une violation du droit de propriété en ce que l'obligation de cotisation constitue une spoliation et une atteinte intolérable au droit naturel et imprescriptible de propriété sauf à ces personnes morales de droit privé à devenir propriété de la collectivité comme le prévoit le Point 9 du préambule de la Constitution de 1946 et encore une violation du principe d'égalité au regard de l'accord conclu entre les sociétés [6] et [2], en mai 2018, avec l'accord et l'approbation de l'Etat.

 

L'URSSAF indique que la question est irrecevable mais conclut au fond en relevant que l'argumentation est inopérante.

 

L'article L. 111-1 du code de sécurité sociale dispose, dans sa rédaction alors applicable au litige jusqu'au 1er janvier 2016 et qui diffère de celle visée dans la question prioritaire de constitutionnalité que : "L'organisation de la sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale.

 

Elle garantit les travailleurs et leur famille contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain. Elle couvre également les charges de maternité, de paternité et les charges de famille.

 

Elle assure, pour toute autre personne et pour les membres de sa famille résidant sur le territoire français, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille.

 

Cette garantie s'exerce par l'affiliation des intéressés et le rattachement de leurs ayants droit à un (ou plusieurs) régime(s) obligatoire(s).

 

Elle assure le service des prestations d'assurances sociales, d'accidents du travail et maladies professionnelles, des allocations de vieillesse ainsi que le service des prestations familiales dans le cadre des dispositions fixées par le présent code".

 

Du 1er janvier 2016 au 9 août 2020 : "La sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale.

 

Elle assure, pour toute personne travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille.

 

Elle garantit les travailleurs contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leurs revenus. Cette garantie s'exerce par l'affiliation des intéressés à un ou plusieurs régimes obligatoires.

 

Elle assure la prise en charge des frais de santé, le service des prestations d'assurance sociale, notamment des allocations vieillesse, le service des prestations d'accidents du travail et de maladies professionnelles ainsi que le service des prestations familiales dans le cadre du présent code, sous réserve des stipulations des conventions internationales et des dispositions des règlements européens".

 

Ici, les cotisations réclamées résultent de mises en demeure portant sur les cotisations 2017.

 

Les dispositions législatives contestées, dans leur rédaction en vigueur à la date d'exigibilité des cotisations faisant l'objet des contraintes litigieuses, sont applicables au litige.

 

Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel et la question ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

 

La cour de cassation a déjà jugé sur cet article, dans un arrêt du 22 octobre 2015, pourvoi n° 15-16.312, que : "Les articles L. 111-1, L. 111-2-1 et L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale sont-ils contraires aux droits et libertés garantis par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, notamment, la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle, la liberté personnelle et précisément, la liberté personnelle de choix de son assurance '"

 

Attendu que les dispositions législatives contestées, dans leur rédaction en vigueur à la date d'exigibilité des cotisations faisant l'objet des contraintes litigieuses, sont applicables au litige ;

 

Qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

 

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

 

Et attendu que les dispositions critiquées ayant pour objet une mutualisation des risques dans le cadre d'un régime de sécurité sociale fondé sur le principe de solidarité nationale et répondant aux exigences de valeur constitutionnelle qui résultent du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, il ne saurait être sérieusement soutenu qu'elles portent atteinte à la liberté contractuelle, à la liberté d'entreprendre et à la liberté personnelle, telles qu'elles découlent de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

 

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel".

 

Le même raisonnement se poursuit pour le cas d'espèce, dès lors que la mission de service public accordée à l'URSSAF peut lui être retirée, que le point 9 du préambule de la Constitution de 1946 précité est sans incidence sur le litige au fond dès lors qu'il tend seulement à conduire, selon le requérant, à "nationaliser" les URSSAF, ce qui ne ferait pas disparaître l'obligation de cotisation ni le monopole de la sécurité sociale française, mais, surtout, vise la notion d'entreprise ou de bien ce qui ne concerne pas l'URSSAF, comme indiqué précédemment au regard de l'analyse du droit de l'Union, ce qui permet de rejeter le moyen relatif à la violation du principe d'égalité entre les personnes morales de droit privé exerçant une mission d'assurance et de recouvrement effectuée au nom du système français de sécurité sociale et les autres sociétés d'assurance.

 

Les autres textes visés, soit les articles 1er et 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 sont sans rapport avec la question, tout comme les articles 2, 5, 6 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, dès lors que le cotisant n'est pas contraint de faire ce que la loi n'ordonne pas mais doit, au contraire, se soumettre à la loi qui le prévoit, sans qu'il en résulte une violation du droit de propriété en ce que l'obligation de cotisation n'est pas une spoliation ni une atteinte au droit imprescriptible de propriété mais seulement la contrepartie du droit de percevoir des prestations de sécurité sociale au besoin et en contrepartie de ce paiement.

 

Enfin, l'accord conclu entre les sociétés [6] et [2], dont il est fait état dans le mémoire, est sans incidence sur la question posée alors que cet accord n'est pas produit et que la cour n'en connaît pas le contenu.

 

En conséquence, la question n'étant pas sérieuse, elle ne sera pas transmise à la Cour de cassation.

 

Sur la deuxième question prioritaire de constitutionnalité :

 

La question prioritaire de constitutionnalité est ainsi formulée : "Les dispositions de l'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elles attribuent à l'URSSAF personne morale de droit privé le monopole du recouvrement des cotisations sociales, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par le point 9 du préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel "tout bien, toute entreprise, toute exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité" et aux droits et libertés garantis par les articles 5, 6 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 intégrés au bloc constitutionnel '".

 

L'appelant considère que l'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale est contraire aux textes précités en ce que l'Etat a confié aux URSSAF, personnes morales de droit privé, un monopole de fait du recouvrement des cotisations de sécurité sociale ce qui violerait le point 9 du préambule de la Constitution de 1946 et ne respecterait pas les autres textes visés en le contraignant à cotiser à un organisme privé disposant d'un monopole de fait illégal.

 

L'URSSAF répond que la question est dépourvue de tout caractère sérieux et conclut à son irrecevabilité.

 

L'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale dispose, jusqu'au 1er janvier 2016 que : "Des unions de recouvrement assurent :

 

1° Le recouvrement des cotisations d'assurances sociales, d'accidents du travail, d'allocations familiales dues par les employeurs au titre des travailleurs salariés ou assimilés, par les assurés volontaires et par les assurés personnels ;

 

2° Le recouvrement des cotisations d'allocations familiales dues par les employeurs des professions non agricoles et les travailleurs indépendants non agricoles ;

 

3° Une partie du recouvrement des cotisations et contributions sociales dues par les employeurs et les personnes exerçant les professions artisanales, industrielles et commerciales, dans les conditions prévues aux articles L. 133-6-2, L. 133-6-3 et L. 133-6-4 ;

 

4° Le recouvrement d'une partie de la contribution sociale généralisée selon les dispositions des articles L. 136-1 et suivants ;

 

5° Le recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés aux articles L. 5422-9, L. 5422-11 et L. 3253-18 du code du travail ;

 

5° bis Le calcul et l'encaissement des cotisations sociales mentionnées aux articles L. 642-1, L. 644-1, L. 644-2, et au c du 1° de l'article L. 613-1 pour l'application des dispositions prévues à l'article L. 133-6-8 ;

 

6° Le contrôle et le contentieux du recouvrement prévu aux 1°, 2°, 3° et 5°.

 

Les unions sont constituées et fonctionnent conformément aux prescriptions de l'article L. 216-1.

 

Un décret détermine les modalités d'organisation administrative et financière de ces unions.

 

En matière de recouvrement, de contrôle et de contentieux, une union de recouvrement peut déléguer à une autre union ses compétences dans des conditions fixées par décret".

 

A compter du 1er janvier 2016 : "Des unions de recouvrement assurent :

 

1° Le recouvrement des cotisations de sécurité sociale dues par les employeurs au titre des travailleurs salariés ou assimilés, par les assurés volontaires et par les assurés personnels ;

 

2° Le recouvrement des cotisations d'allocations familiales dues par les employeurs des professions non agricoles et les travailleurs indépendants non agricoles ;

 

3° Une partie du recouvrement des cotisations et contributions sociales dues par les employeurs et les personnes exerçant les professions artisanales, industrielles et commerciales, dans les conditions prévues aux articles L. 133-6-2, L. 133-6-3 et L. 133-6-4 ;

 

4° Le recouvrement d'une partie de la contribution sociale généralisée selon les dispositions des articles L. 136-1 et suivants ;

 

5° Le recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés aux articles L. 5422-9, L. 5422-11 et L. 3253-18 du code du travail ;

 

5° bis Le calcul et l'encaissement des cotisations sociales mentionnées aux articles L. 642-1, L. 644-1, L. 644-2, et au c du 1° de l'article L. 613-1 pour l'application des dispositions prévues à l'article L. 133-6-8 ;

 

6° Le contrôle et le contentieux du recouvrement prévu aux 1°, 2°, 3° et 5°.

 

Les unions sont constituées et fonctionnent conformément aux prescriptions de l'article L. 216-1.

 

Un décret détermine les modalités d'organisation administrative et financière de ces unions.

 

En matière de recouvrement, de contrôle et de contentieux, une union de recouvrement peut déléguer à une autre union ses compétences dans des conditions fixées par décret."

 

Les dispositions législatives contestées, dans leur rédaction en vigueur à la date d'exigibilité des cotisations faisant l'objet des contraintes litigieuses, sont applicables au litige.

 

Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel et la question ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

 

La Cour de cassation a déjà refusé de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité dans cette matière, l'arrêt du 23 octobre 2014, pourvoi n° 14-40.042 indiquant que : "Que si la question peut être reformulée par le juge à effet de la rendre plus claire ou de lui restituer son exacte qualification, il ne lui appartient pas d'en modifier l'objet et la portée ; que, dans un tel cas, il y a lieu de considérer que la Cour de cassation est régulièrement saisie et se prononce sur le renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité telle qu'elle a été soulevée par le mémoire distinct produit devant la juridiction qui la lui a transmise ;

 

Attendu que les dispositions contestées [l'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale] qui portent sur les conditions de la constitution et du fonctionnement des URSSAF sont applicables au litige, relatif au recouvrement de cotisations et contributions sociales ;

 

Qu'elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

 

Mais attendu, d'une part, que ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, la question n'est pas nouvelle ;

 

Et attendu, d'autre part, que les URSSAF revêtant le caractère d'organismes de droit privé chargés de l'exécution de missions de service public et investis à cette fin de prérogatives de puissance publique, M. ne saurait soutenir sérieusement qu'en écartant l'application des lois relatives aux marchés publics de la mise en oeuvre du recouvrement des cotisations et contributions dont elles sont chargées, et en soumettant les litiges en résultant aux juridictions du contentieux général de la sécurité sociale, les dispositions critiquées méconnaissent les dispositions de l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

 

D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel".

 

La cour reprend les mêmes motifs que pour la question précédente, la présente question n'étant qu'une déclinaison de la précédente, et précise que l'appelant ne cotise pas à un organisme privé, mais à un régime de sécurité sociale dont il bénéficie et dont le recouvrement des cotisations est confié à une personne morale de droit privé chargée de l'exécution de missions de service public et investie à cette fin de prérogatives de puissance publique.

 

La question posée n'étant pas sérieuse, elle ne sera pas transmise à la Cour de cassation.

 

Sur la troisième question prioritaire de constitutionnalité :

 

La question est ainsi libellée : "Les dispositions de l'article L. 722-1 du code de la sécurité sociale français portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, intégré au bloc constitutionnel, et aux articles 1er et 2 de la Constitution de la République française '".

 

L'appelant soutient qu'il existe une rupture d'égalité dès lors que seuls les médecins déconventionnés pourraient choisir leur assureur et de s'affilier à une assurance volontaire, ce qui serait exclus pour les médecins conventionnés secteur 1 et 2.

 

L'URSSAF rétorque que M. [X] exerce son activité professionnelle dans le cadre de la convention prévue à l'article L. 161-5 du code de la sécurité sociale en pratiquant des honoraires conventionnels et que la coexistence de deux régimes différents d'affiliation ne porte pas atteinte au libre choix d'être conventionné ou non.

 

Elle ajoute que n'est pas contraire au principe d'égalité le traitement différent de situation différente et qu'il peut être porté atteinte à ce principe, dans l'intérêt général, dès lors que cette atteinte n'est pas excessive au regard du but poursuivi et conclut à l'irrecevabilité de la question, à titre principal.

 

L'article 722-1 du code de la sécurité sociale, devenu l'article L. 646-1 du même code, en application de l'article 2 de l'ordonnance du 12 juin 2018, dispose que : "Le régime d'assurance obligatoire institué par le présent chapitre est applicable :

 

1°) aux médecins exerçant leur activité professionnelle, non salariée, dans le cadre de la convention prévue à l'article L. 162-5 ou, en l'absence d'une telle convention, dans le cadre du règlement prévu à l'article L. 162-14-2 ;

 

2°) aux médecins exerçant leur activité professionnelle, non salariée, dans le cadre de la convention mentionnée au 1° de la convention prévue à l'article L. 162-14 ou, en l'absence de la convention mentionnée au 1°, dans le cadre du règlement prévu à l'article L. 162-14-2 ;

 

3°) aux chirurgiens-dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux qui exercent leur activité professionnelle, non salariée, dans le cadre de la convention conclue en application des articles L. 162-9, L. 162-12-2 ou L. 162-12-9 ou, en l'absence d'une telle convention, dans le cadre du régime de l'adhésion personnelle prévue au dernier alinéa de l'article L. 162-11 ;

 

4°) aux étudiants en médecine visés au premier alinéa de l'article L. 4131-2 du code de la santé publique qui effectuent le remplacement d'un docteur en médecine."

 

Les dispositions législatives contestées, dans leur rédaction en vigueur à la date d'exigibilité des cotisations faisant l'objet des contraintes litigieuses, sont applicables au litige.

 

Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel et la question ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle.

 

La Cour de cassation, dans un arrêt du 12 février 2015, pourvoi n° 14-40.049, a jugé, saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité sur ce texte, que : "Les dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 722-1-1 du code de la sécurité sociale portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, notamment, la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle, la liberté personnelle et précisément, la liberté personnelle de choix du régime d'affiliation au titre de sa protection sociale '" ;

 

Attendu que dans leur rédaction issue de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004, les dispositions législatives contestées sont applicables au litige ;

 

Qu'elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;

 

Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;

 

Et attendu qu'ayant pour objet la définition des modalités d'affiliation à un régime obligatoire d'assurance maladie et maternité des médecins qui ont choisi, en application de la convention nationale mentionnée à l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, de pratiquer des honoraires différents des honoraires conventionnels, les dispositions critiquées, qui ouvrent d'ailleurs aux intéressés la faculté d'opter pour leur affiliation au régime d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles par dérogation à l'article L. 722-1 du même code relatif à l'affiliation au régime des praticiens et auxiliaires médicaux, n'affectent pas, en limitant l'exercice d'une telle option lors du commencement de l'activité professionnelle dans le cadre de la convention nationale ainsi qu'aux échéances prévues par celle-ci à cette fin, la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle et la liberté personnelle telles qu'elles découlent de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

 

D'où il suit que la question n'est pas sérieuse et qu'il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel".

 

Au regard des textes visés dans la question, il n'y a pas de rupture d'égalité car les médecins concernés ne sont pas dans la même situation, en effet la convention générale des médecins généralistes et des médecins spécialistes du 12 janvier 2005 approuvée par arrêté du 3 février 2005 prévoit dans son article 4.3 des règles tarifaires que les adhérents doivent appliquer sauf exceptions, l'adhérent pouvant pratiquer des honoraires différents ou, encore, être en dehors de toute convention.

 

Ce régime est repris par la convention du 26 juillet 2011, approuvée par arrêté du 22 septembre 2011.

 

Il en résulte que les médecins non conventionnés sont affiliés au régime des professions libérales, les médecins conventionnés visés par l'article L. 722-1 devenu L. 646-1 bénéficient d'un régime d'assurance obligatoire spécifique pour la maladie, la maternité, le décès du chapitre II du titre deuxième du livre 7 du code de la sécurité sociale.

 

Avant la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010, les médecins conventionnés ne bénéficiaient de ce régime que pour l'activité conventionnée conformément aux deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 131-6.

 

L'article critiqué ouvre une possibilité pour les médecins de secteur II de ne pas être affilié à ce régime obligatoire et d'opter pour le régime de l'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles, sans possibilité de changer une fois l'affiliation choisie.

 

Il est jugé, par le Conseil constitutionnel, décision n°89-269 DC du 22 janvier 1990 que les conventions nationales comme celles précitées constituent une des modalités de mise en oeuvre du droit à la protection de la santé énoncé au onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, voir également décision n° 2013-672, DC du 13 juin 2013.

 

Le Conseil d'Etat a précisé, le 30 novembre 2005, décision n° 278.29, que : "Considérant, en troisième lieu, que la coexistence d'un secteur à honoraires opposables et d'un secteur à honoraires différents trouve un fondement légal dans les dispositions de l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale, telles qu'elles résultent de la loi du 6 mars 2002 ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que cette situation n'entrerait pas dans les prévisions du 8° de l'article L. 162-5 du même code, qui permet à la convention de prévoir des majorations de tarifs en vue de valoriser une pratique médicale correspondant à des critères de qualité ne peut qu'être écarté ;

 

/...

 

Considérant, en sixième lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme dans l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit, et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;

 

Considérant que les parties à la convention ont décidé de ne pas soumettre aux tarifs opposables les médecins titulaires de certains titres relatifs à une activité hospitalière qui s'installeraient en exercice libéral, pour la première fois, après l'entrée en vigueur de la convention ; que la différence de traitement qui en résulte au regard des autres médecins s'installant après l'entrée en vigueur de la convention trouve son origine dans l'objectif d'intérêt général qui consiste à favoriser l'activité des médecins dans les établissements hospitaliers et les établissements privés participant au service public hospitalier ; que cette différence de traitement n'est pas manifestement disproportionnée à cet objectif ; que ces stipulations ne méconnaissent donc pas le principe d'égalité ;

 

Considérant, enfin, qu'eu égard à l'objectif d'intérêt général qui consiste à garantir à tous les assurés l'accès à des soins de qualité dans le cadre d'honoraires opposables, les médecins exerçant en secteur à honoraires opposables et ceux exerçant en secteur à honoraires différents ne sont pas placés dans la même situation au regard du droit à changer de secteur ; que la convention a ainsi pu, sans porter atteinte au principe d'égalité, prévoir des modalités de changement de secteur différentes pour ces deux catégories".

 

En conséquence, la différence de traitement est justifiée par des situations différentes, ce qui exclut la rupture d'égalité invoquée.

 

La question n'est donc pas sérieuse et ne sera pas transmise à la Cour de cassation.

 

III - Les contestations de fond :

 

Sur les moyens de forme :

 

1°) Incident de communication de pièces :

 

L'appelant demande à l'URSSAF de justifier de :

 

a) sa forme juridique et de sa personnalité morale et de sa date d'immatriculation :

 

Les URSSAF sont des organismes chargés d'une mission de service public, institués par l'article L 213-1 du code de la sécurité sociale et tenant de ce texte de nature législative leur capacité juridique et leur qualité pour agir dans l'exécution des missions qui leur sont confiées par la loi.

 

Le code de la mutualité ne leur est pas applicable et le moyen portant sur le défaut d'immatriculation est inopérant.

 

Elles sont constituées et fonctionnent conformément aux dispositions des articles L 216-2 et suivants du code de la sécurité sociale et leurs modalités d'organisation administrative et financière sont fixées par les articles D 213-1 à D 213-7 du code de la sécurité sociale.

 

Les URSSAF relèvent par conséquent du code de la sécurité sociale et non pas du code de la mutualité, tant en ce qui concerne leurs organes de direction, notamment leur conseil d'administration et leur règlement intérieur, ou encore le recouvrement contentieux des cotisations et contributions qu'elles ont pour mission d'assurer.

 

Par ailleurs, le texte de l'article L 216-1 du code de la sécurité sociale, qui seul opérait un renvoi au code de la mutualité dans les termes suivants : "les caisses primaires et régionales d'assurance maladie sont constituées et fonctionnent conformément aux prescriptions du code de la mutualité sous réserve des dispositions du présent code et des textes pris pour son application" a été modifié par l'ordonnance n°2005-804 du 18 juillet 2005, laquelle a supprimé le renvoi au code de la mutualité.

 

En application des dispositions des articles L 282-4, L 281-5, R 281-4, R 281-5 et R 213-5 du code de la sécurité sociale, dispositions applicables aux URSSAF, cet organisme n'a aucune obligation d'être inscrit à un registre national des mutuelles et n'est tenu à aucune formalité particulière de dépôt ou de publication des statuts auprès du conseil supérieur de la mutualité.

 

Le défaut d'immatriculation ne peut dès lors être de nature à justifier le défaut de capacité à agir de l'URSSAF ou de l'irrecevabilité de son assignation à l'encontre d'un cotisant.

 

Par ailleurs, les formalités de droit commun des sociétés ne sont pas applicables dès lors que, le droit de la sécurité sociale dérogeant aux principes de droit commun, toutes références à une législation régissant les statuts des sociétés civiles ou commerciales, des associations loi 1901 (ou encore des mutualités) sont inapplicables aux URSSAF, organismes soumis à un statut particulier.

 

b) Un décompte permettant de déterminer la nature, la cause et l'étendue de la créance invoquée, avec base de calcul, mode de calcul, détail du principal et intérêts et autres montants :

 

Ici, les mises en demeures comportent toutes les indications nécessaires et suffisantes pour que le débiteur puisse prendre connaissance des créances dont le paiement lui est demandé et, au besoin, les contester.

 

c) Il sera relevé que l'appelant ne reprend pas dans le dispositif de ses conclusions, contrairement aux dispositions de l'article 446-2 du code de procédure civile, l'irrecevabilité des demandes de l'URSSAF indiquant venant aux droits de la [3], mutuelle pratiquant des activités d'assurances mais la cour est saisie de la demande de production par l'URSSAF du mandat la liant à cette mutuelle ainsi que ses statuts et la convention liant cette mutuelle au RSI.

 

Il ajoute que le fait de ne pas justifier la qualité de son intervention constitue une fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir, en visant l'article 122 du code de procédure civile et d'irrecevabilité de la défense en se reportant à l'article 59 du même code.

 

Toutefois, l'URSSAF s'est identifiée et a déterminé son siège social conformément aux dispositions de b) de l'article 59 précité tant dans la constitution d'un avocat à son nom qu'au regard des conclusions prises à son nom.

 

De plus, il est jugé que les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales mentionnées à l'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale tiennent de ce texte de nature législative, dès leur création par l'arrêté prévu par l'article D. 213-1 du même code, leur capacité juridique pour agir dans l'exécution des missions qui leur ont été confiées par la loi.

 

L'URSSAf déclare intervenir comme venant aux droits du RSI et de la [3].

 

Elle justifie de la signature le 19 mai 2008 d'une convention entre le RSI et la mutuelle de l'Est (pièce n° 3) liant ces deux entités et le transfert des prérogatives du RSI au profit de l'URSSAF par la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015.

 

Sa qualité à agir ne peut donc être valablement contestée sur ce point.

 

2°) L'appelant prétend que le silence gardé par la CRA vaut acceptation de la contestation au visa des articles L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018.

 

L'article L. 231-1 précité dispose que : "Le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation".

 

Par ailleurs, l'article R. 142-1-A précité dispose que : "Sous réserve des dispositions particulières prévues par la section 2 du présent chapitre et des autres dispositions législatives ou réglementaires applicables, la motivation des décisions prises par les autorités administratives et les organismes de sécurité sociale ainsi que les recours préalables mentionnés à l'article L. 142-4 du présent code, sont régis par les dispositions du code des relations du public avec l'administration. Ces décisions sont notifiées aux intéressées par tout moyen conférant date certaine à la notification."

 

La section 2 visée par cet article comporte un article R. 142-6 qui dispose que : "Lorsque la décision du conseil, du conseil d'administration ou de l'instance régionale ou de la commission n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai de deux mois, l'intéressé peut considérer sa demande comme rejetée."

 

Il en résulte que silence de la CRA ne vaut pas acceptation du recours, comme soutenu à tort, mais décision implicite de rejet.

 

Au fond :

 

L'appelant conteste devoir le montant sans développer de moyen précis sauf à indiquer que le montant réclamé n'est ni justifié ni détaillé.

 

Son conseil précise à l'audience que l'URSSAF a procédé à une évaluation forfaitaire, que les périodes visées dans les mises en demeure ne se suivent pas et que M. [X] exerce son activité par l'intermédiaire d'une SELARL générant deux sortes de revenus, ceux liés à l'activité de gérant et ceux résultant de son activité de médecin.

 

Cependant, ces moyens sont inopérants dès lors que les cotisations sont calculées à partir des déclarations de revenus du débiteur et que sa carence permet à l'URSSAF de procéder par taxation provisoire en application des articles R. 242-5 puis R. 243-15 du code de la sécurité sociale.

 

Par ailleurs, il est jugé, Civ. 2ème du 3 novembre 2016, pourvoi n° 15-20.433, que : "selon les articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale, rendus applicables au recouvrement des cotisations par le régime social des indépendants par les articles L. 133-6-4, I, et L. 612-12 du même code, la mise en demeure qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice."

 

Ici, la mise en demeure du 29 juin 2017 indique de façon précise la nature, le montant et les périodes concernées des cotisations réclamées, soit la somme de 9 995 euros pour l'échéance du 5 mai 2017, en distinguant les sommes dues pour la cotisation et la majoration pour paiement tardif.

 

Cette mise en demeure n'encourt pas la nullité en ce qu'elle est précise quant à la nature et au montant des cotisations réclamées, ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

 

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a validé cette mise en demeure et en ce qu'il a condamné M. [X] au paiement de cette somme.

 

Sur les autres demandes :

 

1°) Sur l'amende civile, il est jugé que les dispositions de l'article 17, III, du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 abrogeant l'article R. 144-10, alinéa 5, du code de la sécurité sociale, selon lequel une amende civile peut être prononcée lorsque la procédure est jugée dilatoire ou abusive, sont d'application immédiate aux instances en cours.

 

Ici, le jugement est intervenu après l'entrée en vigueur de ce décret et ne vise aucun texte en particulier de sorte que les dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile s'appliquent.

 

Le prononcé d'une amende civile n'incombe pas aux parties ni ne peut résulter de leur demande, seul le juge ayant cette prérogative.

 

Ici, le jugement sera confirmé sur ce point, étant précisé qu'elle résulte du rejet des demandes de M. [X], ce qui suffit à la motiver.

 

2°) Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [X] et le condamne à payer à l'URSSAF la somme de 1 000 euros.

 

M. [X] supportera les dépens d'appel.

 

PAR CES MOTIFS :

 

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

 

- Rejette la demande de jonction ;

 

- Dit n'y avoir lieu à transmettre à la Cour de justice de l'union européenne, la question préjudicielle suivante : "Les dispositions de l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale français satisfont-elles à toutes les conditions requises pour justifier de la notion d'intérêt général permettant de déroger aux dispositions des directives 92/49/CE et 92/96/CE '" ;

 

- Dit n'y avoir lieu à transmettre à la Cour de cassation les questions prioritaires de constitutionnalité suivantes :

 

1°) "Les dispositions de l'article L. 111-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elles considèrent obligatoire l'adhésion et la cotisation à des personnes morales de droit privé chargées du monopole de fait de l'assurance des risques couverts par le système de sécurité sociale et de recouvrement des cotisations sociales, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par le point 9 du préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel "tout bien, toute entreprise, toute exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité" et aux droits et libertés garantis par les articles 1 et 2 de la Constitution de la République et 2, 5, 6 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 intégrés au bloc constitutionnel '",

 

2°) "Les dispositions de l'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elles attribuent à l'URSSAF personne morale de droit privé le monopole du recouvrement des cotisations sociales, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par le point 9 du préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel "tout bien, toute entreprise, toute exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité" et aux droits et libertés garantis par les articles 5, 6 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 intégrés au bloc constitutionnel '",

 

3°) "Les dispositions de l'article L. 722-1 du code de la sécurité sociale français portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par les articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, intégré au bloc constitutionnel, et aux articles 1er et 2 de la Constitution de la République française '" ;

 

- Confirme le jugement du 14 décembre 2021,

 

Y ajoutant :

 

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [X] et le condamne à payer à l'URSSAF des [Localité 4] la somme de 1 000 euros ;

 

- Condamne M. [X] aux dépens d'appel.

 

Le greffier Le président

 

Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION