Cour d'Appel de Paris

Arrêt du 10 mars 2023 n°20/06855

10/03/2023

Non renvoi

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE PARIS

 

Pôle 6 - Chambre 13

 

ARRÊT DU 10 mars 2023

 

(n° , 5 pages)

 

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 20/06855 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQHT

 

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Novembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/00307

 

APPELANTE

 

SAS SOCIETE [6]

 

[Adresse 3]

 

[Localité 4]

 

représentée par Me Marc PERROT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0331

 

INTIMEE

 

[5] - [5] - DEPARTEMENT C3S

 

[Adresse 2]

 

[Localité 1]

 

représentée par Me Lionel ASSOUS-LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : G0759

 

COMPOSITION DE LA COUR :

 

L'affaire a été débattue le 24 Novembre 2022, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller, chargés du rapport.

 

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

 

Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre

 

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller

 

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

 

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

 

ARRET :

 

- CONTRADICTOIRE

 

- prononcé

 

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le vendredi 27 janvier 2023, prorogé le vendredi 10 février 2023, puis le vendredi 10 mars 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

 

-signé par Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

La cour statue sur la demande de transmission d'une question de priorité formée par la société [6] (la société).

 

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

 

Suite à un contrôle d'assiette déclarée au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) pour l'année 2015, la [5] aux droits de laquelle est venue l'Urssaf de Provence Alpes Cote d'Azur (l'Urssaf) a notifié le 20 juin 2016 à la société [6] (la société) par une lettre d'observations un redressement pour la somme de 102 871 euros au motif d'une activité d'acheteur -revendeur. La société a contesté ces observations en faisant valoir qu'elle subroge ses clients, qui vendent des marchandises en détaxe à des touristes étrangers, dans la déclaration de TVA, qu'elle agit au nom et pour le compte d'autrui, c'est-à-dire en qualité d'intermédiaire opaque et que seule la commission qu'elle perçoit pour cette activité d'intermédiaire devait être prise en compte pour calculer le chiffre d'affaires soumis à la C3S. L'Urssaf n'a pas souscrit à ce raisonnement, mais lui a accordé le bénéfice du taux réduit réservé aux entreprises exerçant une activité de négoce internationale et intra-communautaire prévue à l'article D.651-2 du code de la sécurité sociale et a ramené le montant du redressement à 60 473 euros. Elle a adressé le 6 mars 2017 à la société une mise en demeure de payer la somme de 60 473 euros au titre de la cotisation redressée outre la somme de 18 019 euros au titre des majorations diverses. Après avoir saisi en vain la commission de recours amiable de sa contestation du redressement, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, lequel par jugement du 21 novembre 2017 a rejeté l'intégralité de ses demandes.

 

Le 20 février 2018, la société a fait appel de ce jugement.

 

Par un écrit distinct et motivé reçu au greffe le 21 octobre 2020, la société [6] (la société) demande à la Cour de cassation pour transmettre au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité suivantes :

 

- Les articles L.137-32, L.137-33 (alinéa 1) du CSS (ex articles L.651-3 et L.651-5 du CSS) et L.245-13 (aujourd'hui abrogé) du code de la sécurité sociale, dans la mesure où ils ne permettent pas aux assujettis à la C3S (et notamment aux opérateurs de détaxe qui utilisent la méthode de la « subrogation ») de démontrer qu'une partie (majeure) de leur chiffre d'affaires déclaré à l'administration fiscale ne correspond pas (notamment du fait qu'il correspond à des sommes dont ils ne disposent pas) à une faculté contributive (faculté contributive définie en fonction des buts de la loi), respectent-ils l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 '

 

- Les articles L.137-32, L.137-33 (alinéa 1) du CSS (ex articles L.651-3 et L.651-5 du CSS) et L.245-13 (aujourd'hui abrogé) du code de la sécurité sociale, dans la mesure où ils aboutissent à ce que, à rémunération égale, les opérateurs de détaxe aient une base imposable à la C3S totalement différente selon qu'ils utilisent la « facturation » ou la « subrogation » respectent-ils l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et notamment les principes de l'égalité devant les charges publiques '

 

- Le législateur a-t-il méconnu sa propre compétence (incompétence négative) en ne permettant pas aux assujettis à la C3S (notamment aux opérateurs de détaxe qui utilisent la méthode de la « subrogation ») de démontrer qu'une partie (majeure) de leur chiffre d'affaires déclaré à l'administration fiscale ne correspond pas à une capacité contributive (faculté contributive définie en fonction des buts de la loi) et/ou à un chiffre d'affaires économiquement réel (notion définie en fonction des buts de la loi) ' 

 

- Les articles L.137-32, L.137-33 (alinéa 1) du CSS (ex articles L.651-3 et L.651-5 du CSS) et L.245-13 (aujourd'hui abrogé) du code de la sécurité sociale doivent-ils faire l'objet d'un réserve d'interprétation permettant aux assujettis à la C3S (notamment aux opérateurs de détaxe qui utilisent la méthode de la subrogation) de démontrer qu'une partie de leur chiffre d'affaires déclaré à l'administration fiscale ne correspond pas à une capacité contributive (faculté contributive définie en fonction des buts de la loi) et/ou à un chiffre d'affaires économiquement réel (notion définie en fonction des buts de la loi) ' »

 

Ces questions ont été communiquées au ministère public.

 

Les parties ont été convoquées à l'audience du 24 novembre 2022.

 

MOTIFS

 

Si l'appelant indique qu'il forme une question préalable de constitutionnalité, la cour constate que le « dispositif » de ses écritures contient en réalité quatre questions distinctes.

 

***

 

La question au point 3 du dispositif de l'écrit produit devant la cour indique :

 

« Le législateur a-t-il méconnu sa propre compétence (incompétence négative) en ne permettant pas aux assujettis à la C3S (notamment aux opérateurs de détaxe qui utilisent la méthode de la « subrogation ») de démontrer qu'une partie (majeure) de leur chiffre d'affaires déclaré à l'administration fiscale ne correspond pas à une capacité contributive (faculté contributive définie en fonction des buts de la loi) et/ou à un chiffre d'affaires économiquement réel (notion définie en fonction des buts de la loi) ' »

 

Elle ne vise aucune disposition législative précise susceptible d'être déclarée non conforme à la Constitution, elle est donc irrecevable.

 

***

 

La question libellée au point 4 du dispositif de l'écrit produit devant la cour indique :

 

« Les articles L.137-32, L.137-33 (alinéa 1) du CSS (ex articles L.651-3 et L.651-5 du CSS) et L.245-13 (aujourd'hui abrogé) du code de la sécurité sociale doivent-ils faire l'objet d'un réserve d'interprétation permettant aux assujettis à la C3S (notamment aux opérateurs de détaxe qui utilisent la méthode de la subrogation) de démontrer qu'une partie de leur chiffre d'affaires déclaré à l'administration fiscale ne correspond pas à une capacité contributive (faculté contributive définie en fonction des buts de la loi) et/ou à un chiffre d'affaires économiquement réel (notion définie en fonction des buts de la loi) ' »

 

Elle n'allègue pas une non-conformité des dispositions législatives qu'elle critique à la Constitution, elle est donc irrecevable.

 

***

 

L'alinéa 1er de l'article L.137-32du code de la sécurité sociale dispose :

 

« La contribution sociale de solidarité est annuelle. Son fait générateur est constitué par l'existence de l'entreprise débitrice au 1er janvier de l'année au titre de laquelle elle est due. Son taux est fixé à 0,16 %. Elle est assise sur le chiffre d'affaires défini à l'article L. 137-33 réalisé l'année précédant celle au titre de laquelle elle est due, après application d'un abattement égal à 19 millions d'euros. »

 

L'alinéa 1er de l'article L.137-33 du code de la sécurité sociale dispose :

 

« Les sociétés et entreprises assujetties à la contribution sociale de solidarité sont tenues d'indiquer annuellement à l'organisme chargé du recouvrement de cette contribution le montant de leur chiffre d'affaires global déclaré à l'administration fiscale, calculé hors taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées. De ce montant sont déduits, en outre, les droits ou taxes indirects et les taxes intérieures de consommation, versés par ces sociétés et entreprises, grevant les produits médicamenteux et de parfumerie, les boissons, ainsi que les produits pétroliers. »

 

L'article 245-13 du code de la sécurité sociale dans sa version alors applicable, dispose :

 

« Il est institué une contribution supplémentaire à la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés prévue aux articles L. 651-1 à L. 651-9, due au titre de l'année en cours.

 

Cette contribution supplémentaire, dont le taux est de 0,04 %, est assise, recouvrée, exigible et contrôlée dans les mêmes conditions que celles applicables à la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, sous réserve des dispositions suivantes :

 

1° Elle est due par les sociétés, entreprises et établissements existant au 1er janvier de l'année au titre de laquelle elle est due et dont le chiffre d'affaires défini à l'article L. 651-5, réalisé l'année précédente, est supérieur ou égal à 1 milliard d'euros ;

 

2° Elle est assise sur le chiffre d'affaires réalisé l'année au titre de laquelle elle est due ;

 

3° En cas de cessation définitive d'activité, de cession totale ou de dissolution survenant entre le 1er janvier de l'année au titre de laquelle elle est due et la date d'exigibilité, la contribution supplémentaire, calculée sur la base du chiffre d'affaires réalisé jusqu'au 31 décembre de cette année ou, si elle est antérieure, jusqu'à la date de cessation définitive d'activité, de cession totale ou de dissolution, devient immédiatement exigible ;

 

4° Les redevables de la contribution supplémentaire sont tenus de déclarer et de verser au plus tard le 15 décembre de l'année au titre de laquelle elle est due un acompte égal à 90 % du montant de la contribution assise sur le chiffre d'affaires estimé de cette même année, selon les modalités et sous les sanctions prévues aux articles L. 651-5-3 à L. 651-5-6. Lorsque le montant de l'acompte est supérieur au montant de la contribution due, l'excédent est restitué dans un délai de trente jours à compter de la date de déclaration de solde. Une majoration de 5 % est appliquée à l'insuffisance de versement d'acompte lorsque cette insuffisance, constatée lors du dépôt de la déclaration de solde, est supérieure à 10 % du montant de l'acompte qui aurait été dû et à 100 000 €.

 

Le montant de la contribution supplémentaire s'impute sur le montant de la contribution mentionnée à l'article L. 651-1 due par le même redevable et assise sur le même chiffre d'affaires. »

 

Ces dispositions sont applicables au litige qui porte sur l'assiette de calcul de la contribution sociale de solidarité mise à la charge des sociétés.

 

Les articles L.137-32 et L.137-33 du code de la sécurité sociale reprennent les dispositions des articles L.651-3 et L.651-5 du code de la sécurité sociale. Or, l'article L.651-5 a fait l'objet d'une réécriture à droit constant par l'article 12 de la loi n°2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale, qui a fait l'objet d'une transmission au Conseil Constitutionnel par les parlementaires dans le cadre de l'article 61 de la Constitution. Dans les motifs et le dispositif d'une décision 2011-659 DC du 13 décembre 2012 rendue dans le cadre de cette saisine, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article 12 de la loi 20121-1404 conforme à la constitution. Dès lors, les articles L.137-32 et L.137-33 du code de la sécurité sociale ont déjà été déclarés conformes à la Constition, et les questions prioritaires de constitutionnalité n'ont pas lieu d'être transmises à la Cour de cassation.

 

PAR CES MOTIFS

 

LA COUR,

 

Déclare irrecevables les questions prioritaires de constitutionnalité suivantes :

 

- « Le législateur a-t-il méconnu sa propre compétence (incompétence négative) en ne permettant pas aux assujettis à la C3S (notamment aux opérateurs de détaxe qui utilisent la méthode de la « subrogation ») de démontrer qu'une partie (majeure) de leur chiffre d'affaires déclaré à l'administration fiscale ne correspond pas à une capacité contributive (faculté contributive définie en fonction des buts de la loi) et/ou à un chiffre d'affaires économiquement réel (notion définie en fonction des buts de la loi) ' »

 

- « Les articles L.137-32, L.137-33 (alinéa 1) du CSS (ex articles L.651-3 et L.651-5 du CSS) et L.245-13 (aujourd'hui abrogé) du code de la sécurité sociale doivent-ils faire l'objet d'un réserve d'interprétation permettant aux assujettis à la C3S (notamment aux opérateurs de détaxe qui utilisent la méthode de la subrogation) de démontrer qu'une partie de leur chiffre d'affaires déclaré à l'administration fiscale ne correspond pas à une capacité contributive (faculté contributive définie en fonction des buts de la loi) et/ou à un chiffre d'affaires économiquement réel (notion définie en fonction des buts de la loi) ' »

 

DIT n'y avoir lieu à transmettre à la Cour de cassation les questions prioritaires de constitutionnalité suivantes :

 

- Les articles L.137-32, L.137-33 (alinéa 1) du CSS (ex articles L.651-3 et L.651-5 du CSS) et L.245-13 (aujourd'hui abrogé) du code de la sécurité sociale, dans la mesure où ils ne permettent pas aux assujettis à la C3S (et notamment aux opérateurs de détaxe qui utilisent la méthode de la « subrogation ») de démontrer qu'une partie (majeure) de leur chiffre d'affaires déclaré à l'administration fiscale ne correspond pas (notamment du fait qu'il correspond à des sommes dont ils ne disposent pas) à une faculté contributive (faculté contributive définie en fonction des buts de la loi), respectent-ils l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 '

 

- Les articles L.137-32, L.137-33 (alinéa 1) du CSS (ex articles L.651-3 et L.651-5 du CSS) et L.245-13 (aujourd'hui abrogé) du code de la sécurité sociale, dans la mesure où ils aboutissent à ce que, à rémunération égale, les opérateurs de détaxe aient une base imposable à la C3S totalement différente selon qu'ils utilisent la « facturation » ou la « subrogation » respectent-ils l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et notamment les principes de l'égalité devant les charges publiques '

 

La greffière La présidente