Tribunal administratif de Rennes

Jugement du 9 mars 2023 n° 2100370

09/03/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 janvier 2021, 9 août 2021,

17 mai 2022, 30 septembre 2022 et 4 octobre 2022, la société Constructions Métalliques de l'Ouest (CMO), représentée par Me Vimont-Gaboury, du cabinet Luméa, demande au tribunal :

1°) de fixer le décompte général et définitif du marché de désamiantage de la mairie annexe de Paramé, conclu le 5 décembre 2018 avec la commune de Saint-Malo, à la somme de 268 563,98 euros hors taxes ;

2°) de condamner la commune de Saint-Malo à lui verser au titre du solde du décompte la somme de 176 718,98 euros hors taxes, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts moratoires au taux de 8 % à compter du 4 mai 2020, avec capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Malo la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête n'est pas tardive ;

- elle est fondée à demander une indemnisation au titre des travaux supplémentaires réalisés au cours du marché litigieux, tenant à la dépose de coffrages périphériques, à la dépose des réseaux floqués sous ces coffrages, au retrait de l'amiante sur les retombées périphériques sous ces coffrages, à l'obstruction des ouvertures entre les murs de doublage et les murs extérieurs et au désencoffrement et à la dépollution des poutres ;

- ces travaux supplémentaires ont été prescrits par ordre de service ou étaient indispensables à l'exécution du contrat dans les règles de l'art ;

- la commune de Saint-Malo n'a pas refusé l'exécution de ces travaux ;

- elle a contesté dans le délai prévu à l'article 14.5 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) les prix provisoires des travaux litigieux ;

- elle est fondée à demander le paiement de ces travaux supplémentaires pour un montant de 98 886,90 € hors taxes, comprenant une somme de 18 216 euros au titre de la dépose, de la découpe et du traitement comme déchets amiantés des coffrages périphériques, de 23 680,80 euros au titre de la dépose, de la découpe et du traitement comme déchets amiantés des réseaux situés derrière ces coffrages, de 16 394,40 euros pour le retrait de l'amiante sur les retombées périphériques, de 12 751,20 euros pour les obstructions, de 5 464,80 euros pour le traitement des poutres, de 9 108 euros au titre des frais supplémentaires de nettoyage de chantier, de 2 676,20 euros au titre des frais supplémentaires de traitement de déchets amiantés et de

1 487,20 euros au titre de leur transport, toutes sommes hors taxes ;

- elle est fondée à demander une indemnisation au titre des fautes imputables au maître d'ouvrage dans l'estimation de ses besoins, la conception et le suivi du marché, dès lors que les documents contractuels indiquent une superficie erronée s'agissant de la surface à désamianter, qu'ils faisaient état à tort de flocage et non de plâtre amianté, que la commune ne lui a pas communiqué de plans mentionnant les murs de doublage, qu'il n'était pas précisé si la surface à désamianter incluait les zones au droit des coffrages, que la commune n'a donné aucune information quant à l'existence de réseaux amiantés ni de retombées périphériques amiantées derrière les coffrages, que la commune aurait dû recourir à un maître d'œuvre et, enfin, qu'elle n'a pas fait réaliser un repérage adéquat de l'amiante avant le chantier ;

- pour les mêmes raisons, elle est fondée à demander une indemnisation au titre de sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat ;

- la préjudice subi à ce titre s'élève à une somme de 34 858,08 euros hors taxes au titre de l'immobilisation des matériels et une somme de 31 384 euros hors taxes au titre de l'intervention de personnes extérieures au marché ;

- elle a subi un préjudice financier, s'élevant à 10 000 euros, du fait de l'absence de paiement des travaux supplémentaires par la commune, de l'allongement des délais de réalisation des travaux et du délai mis par le maître d'ouvrage à prononcer la réception des travaux ;

- le calcul des pénalités de retard est erroné, dès lors que la date d'achèvement des travaux est inexacte et que ces pénalités ne sauraient inclure la taxe sur la valeur ajoutée ;

- en tout état de cause, aucun retard ne lui est imputable, de sorte qu'aucune pénalité ne saurait être mise à sa charge ;

- elle est fondée à demander le paiement d'intérêts moratoires, correspondant au taux légal augmenté de 8 points, à compter du 4 mai 2020.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 mai 2021, 29 décembre 2021 et

2 septembre 2022, la commune de Saint-Malo, représentée par la SELARL Cabinet Coudray, conclut, dans le dernier état de ses écriture, au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le décompte général n'a pas été contesté dans le délai de trente jours prévu par l'article 50.1.1 du cahier des clauses administratives applicables aux marchés publics de travaux, de sorte que le décompte est devenu définitif ;

- la requérante ne saurait se prévaloir des dispositions de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, dès lors que la prorogation des délais en matière contractuelle n'a pas été incluse dans l'habilitation donnée au Gouvernement par la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 et qu'on peut donc s'interroger sur la compétence du pouvoir réglementaire à ce titre et la validité des dispositions des articles 4 et 5 de l'ordonnance ;

- cette ordonnance est inapplicable aux marchés publics en vertu du principe de spécialité dès lors qu'une autre ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 est venue, sur le fondement de la même loi d'habilitation, définir les mesures d'adaptation spécifiques aux contrats publics ;

- le courriel que la requérante allègue lui avoir adressé le 2 avril 2020 ne saurait être regardé comme un mémoire en réclamation ;

- le courrier reçu le 3 avril 2020 par la commune n'est pas assortie des précisions et justifications suffisantes pour être regardé comme un mémoire en réclamation ;

- la requête est tardive faute d'avoir enregistrée dans le délai de six mois prévu à l'article 50.3.2 du même cahier ;

- aucune indemnisation n'est due au titre de travaux supplémentaires, dès lors qu'elle s'est opposée aux travaux litigieux, que la requérante n'a pas contesté dans les délais contractuels les prix provisoires notifiés par l'ordre de service n°4 et que les travaux ne présentaient pas un caractère supplémentaire et indispensable à l'exécution du contrat dans les règles de l'art ;

- aucune faute ne lui est imputable au titre d'erreurs dans l'estimation de ses besoins, la conception et le suivi du marché ;

- toute indemnisation à ce titre doit être limitée aux seules conséquences des difficultés rencontrées dans l'exécution du marché, à l'exclusion de tout préjudice allégué ne présentant pas de lien de causalité avec les fautes invoquées ;

- l'existence de ces préjudices n'est pas justifiée ;

- la requérante n'établit pas le lien de causalité entre le préjudice financier allégué et les fautes qu'elle lui impute ;

- l'existence de ce préjudice n'est pas justifiée.

Vu :

- l'ordonnance du 21 août 2019, par laquelle les frais et honoraires de M. B, expert désigné par ordonnance de constat n°1901850 du 23 avril 2019, ont été taxés et liquidés à la somme de 3 191,46 euros ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 ;

- l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 ;

- l'ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020 ;

- le décret n°2013-269 du 29 mars 2013 ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A ;

- les conclusions de M. Rémy, rapporteur public ;

- et les observations de Me Vimont-Gaboury, représentant la société CMO et de

Me Geffroy, de la SELARL Cabinet Coudray, représentant la commune de Saint-Malo.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché conclu le 5 décembre 2018, la commune de Saint-Malo a confié le désamiantage de la mairie annexe de Paramé à la société CMO, pour un prix global et forfaitaire de 65 645 euros hors taxe. Par ordre de service n°1 du 6 décembre 2018, la commune a prescrit le démarrage des travaux. Par ordre de service n°2 du 28 janvier 2019, la commune a notifié la prolongation du délai d'exécution des travaux jusqu'au 6 mars 2019. La société CMO et la commune de Saint-Malo ont conclu un avenant, le 5 mars 2019, incluant dans le marché des travaux un montant supplémentaire de 27 790 euros hors taxes, correspondant au changement du mode opératoire du désamiantage, et prolongeant le délai d'exécution jusqu'au 22 mars 2019. Par ordre de service n°3 du même jour, la commune a prescrit la réalisation des travaux prévus par cet avenant. La commune a également émis le 5 mars 2019 un ordre de service n°4 prescrivant à la société CMO de réaliser d'autres travaux complémentaires, pour un montant provisoire de 13 029 euros hors taxes et a notifié une prolongation d'exécution du délai des travaux jusqu'au 31 mars 2019.

2. Par ordonnance du 23 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, saisi par la commune de Saint-Malo, a désigné sur le fondement de l'article R. 531-1 du code de justice administrative M. B comme expert aux fins, notamment, de constater l'arrêt de l'exécution des travaux et l'abandon du chantier par la société CMO, de décrire l'état d'avancement du chantier et les prestations restant à exécuter au regard des prévisions du marché et des règles de l'art, d'indiquer les éventuelles mesures provisoires à mettre en œuvre susceptibles d'assurer la sécurisation et le confinement du chantier dans l'attente de la reprise des travaux et de constater tous éléments permettant ultérieurement, dans le cadre d'un référé expertise, de comprendre et d'expliquer l'origine et l'importance des désordres. Le rapport de M. B a été déposé le 13 juin 2019. La réception des travaux a été prononcée avec effet au 20 septembre 2020 et, eu égard au litige qui l'oppose à la commune de Saint-Malo sur son règlement, la société CMO demande au tribunal de fixer le décompte général et définitif du marché.

Sur les fins de non-recevoir :

3. L'article 13.4.3 du cahier des clauses administratives applicables aux marchés publics de travaux, applicable au marché litigieux dispose que : " Dans un délai de trente jours compté à partir de la date à laquelle ce décompte général lui a été notifié, le titulaire envoie au représentant du pouvoir adjudicateur, avec copie au maître d'œuvre, ce décompte revêtu de sa signature, avec ou sans réserves, ou fait connaître les motifs pour lesquels il refuse de le

signer. () ". L'article 13.4.5 prévoit : " Dans le cas où le titulaire n'a pas renvoyé le décompte général signé au représentant du pouvoir adjudicateur dans le délai de trente jours fixé à l'article 13.4.3, ou encore dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves, en précisant le montant de ses réclamations comme indiqué à l'article 50.1.1, le décompte général notifié par le représentant du pouvoir adjudicateur est réputé être accepté par lui ; il devient alors le décompte général et définitif du marché. ".

4. Aux termes de l'article 50.1.1 du même cahier : " Si un différend survient entre le titulaire et le maître d'œuvre, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, ou entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. / Dans son mémoire en réclamation, le titulaire expose les motifs de son différend, indique, le cas échéant, les montants de ses réclamations et fournit les justifications nécessaires correspondant à ces montants. Il transmet son mémoire au représentant du pouvoir adjudicateur et en adresse copie au maître d'œuvre. / Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. ". L'article 50.1.2 prévoit : " Après avis du maître d'œuvre, le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de trente jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. ". Aux termes de l'article 50.1.3 : " L'absence de notification d'une décision dans ce délai équivaut à un rejet de la demande du titulaire. ". Aux termes de l'article 50.2 : " Lorsque le représentant du pouvoir adjudicateur n'a pas donné suite ou n'a pas donné une suite favorable à une demande du titulaire, le règlement définitif du différend relève des procédures fixées aux articles 50.3 à 50.6. ". Aux termes de l'article 50.3.2 : " Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent ". Aux termes de l'article 50.3.3 : " Passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable. ".

En ce qui concerne le mémoire en réclamation :

5. En premier lieu, un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens des stipulations précitées que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées.

6. Il résulte de l'instruction que le décompte général a été notifié par la commune de Saint-Malo à la société CMO le 3 mars 2020. Cette dernière a adressé à la commune un courrier envoyé en recommandé électronique doublé d'un courriel du 3 avril 2020. Ce courrier indique que la société conteste le montant du décompte notifié par la commune, précise le montant des sommes dont elle demande le paiement au titre de travaux supplémentaires et de préjudice né de fautes alléguées de la commune, en détaillant les postes de dépense concernés. Le courrier présente, pour chacun de ces postes, les bases de calcul des sommes afférentes. Dans cette pièce, la société CMO conteste également les pénalités de retard en précisant les motifs pour lesquels ces pénalités ne sont pas applicables. Le courrier du 3 avril 2020 constitue dès lors un mémoire en réclamation au sens de l'article 50.1.1 du cahier des clauses administratives. Contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Malo, l'ensemble des pièces justificatives, et notamment les factures concernées, n'avaient pas à être jointes à ce courrier.

7. En second lieu, s'il ressort des pièces du dossier qu'ainsi que le soutient la commune, le mémoire en réclamation de la société CMO est parvenu à cette dernière plus de trente jours après la notification du décompte général, la requérante se prévaut des dispositions de l'article 4 de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 pour soutenir que le délai prévu par les stipulations de l'article 50.1.1 du CCAG pour contester le décompte général, n'a commencé à courir qu'à compter du 24 juin 2020.

8. Aux termes de l'article 11 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 : " I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi () : 2° Afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, toute mesure : () b) Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d'un droit, fin d'un agrément ou d'une autorisation ou cessation d'une mesure, à l'exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation de l'épidémie de covid-19 ; (). ".

9. Aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, prise sur le fondement de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 et figurant au Titre 1er " Dispositions générales relatives à la prorogation des délais " : " I. ' Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le

23 juin 2020 inclus. ". L'article 4 de cette ordonnance prévoit : " Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l'article 1er. / Si le débiteur n'a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d'une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée. / () ". L'article 6 figurant au titre II de cette ordonnance relatif aux " Autres dispositions particulières aux délais et procédures en matière administrative " prévoit que les dispositions de ce titre s'appliquent aux collectivités territoriales.

10. Si la commune de Saint-Malo fait valoir à cet égard que les dispositions de l'article 4 de l'ordonnance, seules invoquées par la société CMO, ne seraient pas conformes aux prévisions de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 dès lors que cette loi n'autoriserait pas l'adoption de mesures de prorogation de délais en matière contractuelle, un tel moyen doit être regardé comme mettant en cause la conformité, après l'expiration du délai d'habilitation de trois mois, des dispositions d'une ordonnance intervenues dans le domaine de la loi au regard notamment du principe de liberté contractuelle et ne peut être soulevé qu'au travers d'une question prioritaire de constitutionnalité. Or, ce moyen qui n'a pas été présenté par mémoire distinct est irrecevable, conformément aux dispositions des articles R. 771-3 et R. 771-4 du code de justice administrative.

11. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition de l'ordonnance n° 2020-319 du

25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19 que ses mesures soient exclusives de l'application des mesures générales de prorogation des délais en matière contractuelle définies au titre 1er de l'ordonnance n°2020-306 du même jour et notamment à son article 4 prévoyant une telle prorogation des clauses prévoyant une déchéance.

12. Il suit de là que contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Malo, la société CMO est fondée à se prévaloir en l'espèce des dispositions de l'article 4 de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020. Par conséquent, bien que reçu par la commune de Saint-Malo après l'expiration du délai de trente jours prévu à l'article 50.1.1 du cahier des clauses

administratives générales mais avant l'expiration du délai prorogé par application de ces dispositions, le mémoire en réclamation transmis par la société CMO le 3 avril 2020 n'était pas tardif. La fin de non-recevoir soulevée à cet égard doit être écartée.

En ce qui concerne le délai de recours contentieux :

13. Aux termes de l'article 7 de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, inclus dans son titre II : " Sous réserve des obligations qui découlent d'un engagement international ou du droit de l'Union européenne, les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er. / Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l'article 1er est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci. () ". Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 10 et 11, le moyen tiré de ce que ces dispositions seraient inapplicables aux procédures contractuelles relatives aux contrats publics doit être écarté.

14. En application des dispositions précitées, le point du départ du délai de trente jours, au terme duquel la commune de Saint-Malo était réputée en application de l'article 50.1.3 avoir rejeté la réclamation de la société CMO en conservant le silence sur sa réclamation, reçue le

3 avril 2020, a été reporté au 24 juin 2020. Le rejet implicite de la réclamation de la société CMO par la commune de Saint-Malo est donc intervenu le 24 juillet 2020. Par suite, la requête en contestation du décompte, introduite le 22 janvier 2021, soit dans le délai de six mois à compter du rejet de la réclamation par le pouvoir adjudicateur prévu par les stipulations précitées de l'article 50.3.2 du CCAG, n'est pas tardive. La fin de non-recevoir soulevée à cet égard doit également être écartée.

Sur les travaux supplémentaires :

15. Dans le cadre d'un marché à prix global et forfaitaire, l'entreprise titulaire dudit marché n'est fondée à réclamer un supplément de prix au maître d'ouvrage que pour autant qu'elle justifie qu'elle a effectué des travaux non prévus au marché, sur ordre de service, ou que ces travaux présentent un caractère indispensable à la réalisation de l'ouvrage, sauf dans le cas où la personne publique s'est préalablement opposée, de manière précise, à leur réalisation.

16. La société CMO soutient que des coffrages périphériques, situés à l'angle entre les murs et le plafond, ont été déposés à l'occasion des travaux de désamiantage de ce plafond, en vue d'éviter leur pollution par des poussières d'amiante soulevées lors du chantier. La requérante fait valoir que la dépose de ces coffrages a révélé la présence de câbles de réseaux de fluides amiantés, l'existence d'amiante sur les parties hautes du mur masquées par le coffrage, dites " retombées périphériques " et, enfin, le fait que ces coffrages en bois étaient eux-mêmes amiantés. Elle indique également que la dépose de ces coffrets a révélé que les murs de la salle à désamianter étaient des murs intérieurs de doublage et qu'un espace vide se trouvait entre ces murs et les murs extérieurs du bâtiment, tandis qu'il existait un espace non jointé entre ces murs de doublage et les murs extérieurs, en haut du mur et masqué par les coffrages déposés, par lequel une pollution amiantée pouvait se diffuser. La société CMO allègue que ces caractéristiques du bâtiment lui étaient inconnues et que leur découverte a rendu nécessaire des travaux non prévus au marché. Elle réclame à ce titre une indemnisation au titre de la dépose des coffrages périphériques, de la dépose des réseaux amiantés sous ces coffrages, du retrait de l'amiante sur les retombées périphériques sous ces coffrages et de l'obstruction des ouvertures entre les murs de doublage et les murs extérieurs. Elle indique également avoir découvert en cours de chantier que les poutres du plafond n'étaient pas couvertes de flocage, contrairement aux termes du marché, mais entourées d'un coffrage fait de plâtre amianté, de sorte qu'elle a dû procéder au désencoffrement et à la dépollution des poutres sans que cela soit prévu par le marché initial.

En ce qui concerne le traitement des coffrages amiantés et des poutres :

17. En premier lieu, le point 1.2.1.2 du cahier des clauses techniques particulières du marché indique : " Dépose du flocage - Localisation : sous face de plancher et retombées de poutres ". Le point 1.1 de ce cahier précise : " Il est fortement conseillé de prendre rendez-vous pour une visite des sites, afin d'évaluer l'état des supports, ainsi que l'accès aux locaux. L'entrepreneur devra donc avant la remise de son offre, se rendre sur place et visiter les lieux, afin d'inclure dans son offre toutes les prestations nécessaires à la parfaite exécution des travaux lui incombant. ".

18. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert mandaté dans le cadre du référé constat, que, lors d'une visite préalable par un soumissionnaire au marché litigieux, la présence de plâtre amianté sur les plafonds au droit des coffrages était aisément décelable par un homme de l'art, sans investigation intrusive, dès lors que des ouvertures étaient présentes dans ces coffrages. Si la requérante soutient que les coffrages n'étaient pas inclus dans la prestation de désamiantage de la sous-face du plancher, faute d'avoir expressément été mentionnés dans les documents contractuels, il est constant qu'elle a réalisé une visite des lieux avant de soumettre son offre au marché litigieux et n'allègue pas que la commune de Saint-Malo lui aurait alors précisé que ces coffrages n'étaient pas inclus dans la prestation de désamiantage. Dès lors, la partie d'ouvrage concernée par le marché doit être regardée comme incluant la fraction de sous-face de plancher au droit des coffrages périphériques. La circonstance que le cahier de clauses techniques particulières mentionne des travaux de flocage n'implique pas nécessairement, contrairement à ce que soutient la société, que seules les parties visibles de la sous-face de plancher étaient visées. La requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que la dépose des coffrages, nécessaire à l'accès à ces fractions de la sous-face de plancher à désamianter, ainsi que leur découpe et leur traitement comme déchets amiantés, constituent des travaux supplémentaires non prévus au marché.

19. En second lieu, il résulte de l'instruction que, en cours d'exécution du marché litigieux, la société CMO a changé son mode opératoire de désamiantage du plancher, dès lors que le revêtement de la sous-face de plancher n'était pas un flocage mais du plâtre amianté. Par avenant conclu le 5 mars 2019, les parties ont ajouté au prix du marché un montant de

27 790 euros hors taxes correspondant notamment au " changement de procédé de désamiantage en corrélation avec le support découvert ". Dès lors que le point 1.2.1.2 du cahier des clauses techniques particulières inclut les retombées de poutres dans les parties d'ouvrage à traiter et que l'avenant du 5 mars 2019 ne réserve pas l'application du changement de procédé à la seule sous-face de plancher, à l'exclusion des poutres, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le désencoffrement et la dépollution des poutres, rendus nécessaires par la présence de plâtre amiantée en lieu et place d'un flocage, n'étaient pas prévus dans les prestations contractuelles.

En ce qui concerne la dépose des réseaux amiantés sous les coffrages :

20. Par ordre de service n°4 du 5 mars 2019, la commune de Saint-Malo a prescrit la réalisation de travaux de " curage rouge tuyauterie et câbles ", correspondant à la dépose des réseaux amiantés sous les coffrages. Ainsi, alors même que le prix provisoire retenu par l'ordre de service au titre de cette prestation est inférieur au montant proposé par la société CMO par le devis du 27 février 2019, la requérante est fondée à soutenir qu'elle a réalisé ces travaux, non prévus au marché, sur ordre de service. Contrairement à ce que soutient la commune de

Saint-Malo, il ne résulte pas des termes du courrier du 25 mars 2019 que cette dernière s'est opposée de manière expresse à la réalisation de ces travaux.

21. Aux termes de l'article 14.1 du cahier des clauses administratives générales, applicable au marché litigieux : " 1. Le présent article concerne les prestations supplémentaires ou modificatives, dont la réalisation est nécessaire au bon achèvement de l'ouvrage, qui sont notifiées par ordre de service et pour lesquelles le marché n'a pas prévu de prix. () 4. L'ordre de service mentionné à l'article 14.1, ou un autre ordre de service intervenant au plus tard quinze jours après, notifie au titulaire les prix proposés pour le règlement des travaux nouveaux ou modificatifs. () Ces prix sont des prix d'attente qui sont appliqués pour l'établissement des décomptes ; ils n'exigent ni l'acceptation préalable du représentant du pouvoir adjudicateur, ni celle du titulaire. () 14.5. Pour l'établissement des décomptes concernés, le titulaire est réputé avoir accepté les prix qui ont été fixés par l'ordre de service prévu aux articles 14.1 et 14.4, si, dans le délai de trente jours suivant l'ordre de service qui lui a notifié ces prix, il n'a pas présenté d'observation au maître d'œuvre en indiquant, avec toutes justifications utiles, les prix qu'il propose. ".

22. Il résulte de l'instruction que, par un courriel du 11 mars 2019 auquel a répondu un agent de la commune de Saint-Malo, la société CMO a informé cette dernière qu'elle avait requis un expert pour évaluer le montant des travaux demandés par l'ordre de service n°4 du

5 mars 2019. Par un courriel du 20 mars 2019 que la commune ne conteste pas avoir reçu, la requérante a transmis l'avis de cet expert et a transmis un devis décrivant le prix proposé pour ces travaux. La société CMO a ainsi communiqué ses observations, assorties de justifications utiles, dans un délai de trente jours suivant l'ordre de service lui notifiant les prix provisoires qu'elle conteste à l'occasion de l'établissement du décompte. Contrairement à ce que soutient la commune, les dispositions de l'article 14.5 précité n'imposent pas que les observations ainsi présentées par le titulaire, le soient par lettre recommandée avec avis de réception, tandis que l'article 3.1 relatif aux échanges dématérialisés, invoqué en défense, s'applique aux seules notifications adressées par le pouvoir adjudicateur au titulaire.

23. La société CMO demande le paiement d'une somme de 23 680,80 euros au titre de la dépose, de la découpe et du traitement comme déchets des réseaux amiantés sous les coffrages. Elle fait valoir que cette prestation a représenté un temps de 2 semaines et 3 jours de travail, sans apporter de précisions quant aux bases de calcul de cette estimation. La commune de Saint-Malo a estimé pour sa part, dans l'ordre de service n°4, que cette prestation nécessitait

7 jours de travail pour 3 personnes et en a évalué le coût en conséquence à 6 720 euros hors taxes, sans que la requérante ne développe d'éléments critiquant l'estimation de main-d'œuvre ainsi réalisée par la commune. Il apparaît que, dans le décompte général du marché notifié le

2 mars 2020, cette dernière a réévalué le montant de cette prestation à une somme de

14 786 euros hors taxes. Dans ces conditions, cette somme doit être regardée comme réalisant une exacte appréciation du montant des travaux supplémentaires tenant à la dépose et à la découpe des réseaux amiantés sous les coffrages. Par ailleurs, il résulte des factures produites par la société CMO que le coût du traitement des déchets amiantés issus de la dépose de ces réseaux s'élève à 2 370 euros hors taxes. En revanche, si la requérante demande le paiement d'une somme de 9 108 euros au titre du surcroît de nettoyage du chantier imposé par les travaux supplémentaires, il résulte de ses écritures que ce surcroît est imputable à la dépose des supports contenant du plâtre amianté, tandis qu'il résulte de l'instruction que les réseaux étaient recouverts de flocage.

24. En conséquence, la société CMO est seulement fondée à demander le paiement de la somme de 17 156 euros hors taxes au titre de la dépose des réseaux amiantés sous les coffrages.

En ce qui concerne le retrait de l'amiante sur les retombées périphériques :

25. Par un devis du 27 février 2019, la société CMO a proposé à la commune de

Saint-Malo, notamment, la " dépose du flocage : retombée en périphérie " pour un montant de 6 610 euros hors taxes. Par ordre de service n°4 du 5 mars 2019, la commune de Saint-Malo a prescrit la réalisation de certains travaux mais a refusé la prestation " dépose du flocage " d'un montant de 6 610 euros proposée par la société CMO. Ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner si ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art et dès lors que la commune s'était préalablement opposée, de manière précise, à leur réalisation, la requérante n'est pas fondée à demander une indemnisation à ce titre.

En ce qui concerne l'obstruction des ouvertures entre les murs de doublage et les murs extérieurs :

26. Le point 1.1.2 du cahier des clauses techniques particulières du marché prévoit que le titulaire du marché est chargé de réaliser le support de confinement et le confinement nécessaires pour éviter toute diffusion de poussières d'amiante en suspension dans le cadre du chantier de désamiantage, de sorte que l'obstruction provisoire des ouvertures entre les murs de doublage et les murs extérieurs, dans le cadre de l'installation du chantier de désamiantage, était incluse dans le marché. Par ailleurs, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expert intervenant dans le cadre du référé constat, que la présence de résidus d'amiante dans le volume entre les murs de doublage et les murs extérieurs ne constitue pas une non-conformité aux normes professionnelles relatives à l'amiante. Il n'était ainsi pas nécessaire à une exécution du contrat dans les règles de l'art que les ouvertures entre les murs de doublage et les murs extérieurs soient définitivement obturées. Il résulte au demeurant de l'avis technique de l'expert sollicité par la société CMO que le confinement des murs de doublage " présente trop de difficultés sur ce site pour être pérenne ". Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'obturation par elle de ces ouvertures devrait être incluse au nombre des travaux supplémentaires justifiant une rétribution par le maître d'ouvrage.

Sur la faute de la commune de Saint-Malo dans l'estimation de ses besoins et la conception du marché :

27. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

28. En premier lieu, la société CMO fait valoir que la superficie indiquée dans le cahier des clauses techniques particulières du marché est erronée. Toutefois, l'article 1er de l'acte d'engagement prévoit que le marché porte sur le désamiantage de la mairie annexe de Paramé et le point 1.2.1.2 du cahier stipule que les travaux de désamiantage ont lieu en sous-face du plancher, sans limiter le périmètre du marché à une fraction seulement de ce plancher. Dès lors que l'intégralité de la sous-face de plancher faisait l'objet du marché, la circonstance que la superficie indiquée ait été erronée, à la supposer établie, était sans incidence sur l'appréhension du besoin du maître d'ouvrage par le titulaire et la préparation par ce dernier des moyens nécessaires à la bonne exécution du marché.

29. En deuxième lieu, si la société requérante soutient que les documents contractuels mentionnent à tort une intervention sur le flocage alors que la sous-face de plancher était recouverte de plâtre amiantée, cette circonstance a donné lieu à la conclusion de l'avenant du

5 mars 2019 qui a prévu le paiement d'un prix supplémentaire en raison du changement de procédé induit par cette différence. La société CMO n'est dès lors pas fondée à soutenir que la mention erronée du flocage dans les termes du marché lui a causé un préjudice donnant droit à indemnité.

30. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la commune de Saint-Malo disposait d'un diagnostic de repérage d'amiante de 1998 faisant état de la présence de murs de doublage, sans toutefois indiquer la présence de résidus d'amiante dans l'espace entre les murs extérieurs et les murs de doublage. Toutefois, l'expert désigné par le tribunal, a relevé à cet égard que l'absence de cette précision dans les documents fournis aux candidats au marché litigieux est habituelle en présence de bâtiments anciens et qu'en tout état de cause, l'information donnée sur l'existence des murs n'aurait pas eu d'incidence sur la préparation du marché par le titulaire, dès lors que la difficulté ne tient pas à la présence même des murs, mais au fait que leur jointement avec le plafond a été mal exécuté et que la projection de plâtre amianté aux abords de ce jointement a été réalisée sans vigilance. Dès lors que la seule mention de la présence de murs de doublage n'aurait pas suffi à révéler des besoins supplémentaires en matière de désamiantage, l'absence du diagnostic réalisé en 1998 parmi les pièces contractuelles transmises par la commune n'est pas constitutive d'une faute dans la conception du marché

31. En quatrième lieu, si la requérante soutient que les documents contractuels ne précisaient pas si la surface à désamianter incluait les zones au droit des coffrages, il résulte des motifs retenus au point 18 que le titulaire du marché était invité à prendre tous renseignements utiles auprès de la commune quant au périmètre des prestations à réaliser avant le début de l'exécution du marché, de sorte que la commune n'a pas commis de faute à cet égard.

32. En cinquième lieu, la requérante soutient qu'aucun document contractuel ne mentionnait la présence de réseaux dans les coffrages périphériques, ni l'existence d'amiante en retombées périphériques derrière ces coffrages. Il résulte toutefois des constatations de l'expert désigné dans le cadre du référé constat que, lors de la visite initiale par les candidats au marché recommandée par le point 1.1 du cahier des clauses techniques particulières, la présence de plâtre amianté sur les plafonds au droit des coffrages était aisément décelable par un homme de l'art, dès lors que des ouvertures étaient présentes dans ces coffrages. L'expert retient également que, dans ce contexte, la présence possible d'amiante en retombées périphériques, masquée par les coffrages, devait appeler la vigilance de professionnels normalement diligents et conduire à solliciter avant le début d'exécution du marché des précisions sur ce point de la part du maître d'ouvrage. S'agissant de la présence de réseaux derrière les coffrages, il résulte de l'instruction que les ouvertures pratiquées dans les coffrages les rendaient visibles. Dans ces conditions, aucune faute du maître d'ouvrage ne peut être relevée à cet égard.

33. En sixième lieu, la société CMO soutient que l'absence de recours à un maître d'œuvre par la commune de Saint-Malo constitue une faute dès lors que cette dernière ne disposait pas de personnel ayant la compétence technique lui permettant de concevoir et de suivre un chantier de désamiantage. Elle se prévaut à cet égard des manquements allégués énoncés aux points 28 à 32. Il résulte toutefois des motifs retenus à ces points que ces manquements n'ont en tout état de cause pas été de nature à causer un préjudice à la requérante. Elle n'est dès lors pas fondée à invoquer à ce titre un manquement de la commune de Saint-Malo dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, de nature à lui ouvrir droit à réparation.

34. En septième lieu, aux termes de l'article L. 4412-2 du code du travail : " En vue de renforcer le rôle de surveillance dévolu aux agents de contrôle de l'inspection du travail, le donneur d'ordre, le maître d'ouvrage ou le propriétaire d'immeubles par nature ou par destination, d'équipements, de matériels ou d'articles y font rechercher la présence d'amiante préalablement à toute opération comportant des risques d'exposition des travailleurs à l'amiante. Cette recherche donne lieu à un document mentionnant, le cas échéant, la présence, la nature et la localisation de matériaux ou de produits contenant de l'amiante. Ce document est joint aux documents de la consultation remis aux entreprises candidates ou transmis aux entreprises envisageant de réaliser l'opération. () ".

35. Il résulte de l'instruction que la commune de Saint-Malo a fait réaliser le

27 septembre 2018 une mission de repérage avant réalisation de travaux des matériaux et produits contenant de l'amiante, par un opérateur agréé. Contrairement à ce que soutient la société CMO, le fait que le rapport de mission ne mentionne pas la présence d'amiante derrière les coffrages ne suffisait pas à révéler à la commune que la mission n'était qu'imparfaitement exécutée et qu'un complément de repérage en cours de chantier était nécessaire. La requérante ne peut dès lors soutenir que la commune de Saint-Malo a commis une faute en méconnaissant l'article L. 4412-2 du code du travail.

36. En dernier lieu, pour les motifs retenus aux points 28 à 32, les difficultés d'exécution alléguées par la société CMO ne trouvent pas leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat.

37. Il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander la condamnation de la commune de Saint-Malo à lui verser les sommes de 34 858,08 euros et 31 384 euros au titre de fautes alléguées dans l'estimation des besoins et dans la conception du marché ou en raison de sujétions imprévues à l'origine d'un bouleversement de l'économie du marché.

Sur le préjudice financier :

38. Par jugement du 9 mars 2020, le redressement judiciaire de la société CMO a été prononcé. Si la requérante allègue que cette situation est imputable à l'absence de paiement des travaux supplémentaires par la commune de Saint-Malo, à l'allongement des délais de réalisation des travaux et au retard mis par le maître d'ouvrage à prononcer la réception des travaux, elle n'apporte aucun élément de nature à établir que ces circonstances sont la cause directe et certaine de la dégradation de sa situation financière. La seule attestation de son expert-comptable qu'elle produit à cet égard, non étayée, ne peut suffire à établir l'existence d'un tel lien de causalité. Par suite, les conclusions de la société CMO tendant à la condamnation de la commune de

Saint-Malo à lui verser la somme de 10 000 euros au titre du préjudice financier doivent être rejetées.

Sur les pénalités de retard :

39. L'article 9.2 du cahier des charges du marché litigieux prévoit que : " Par dérogation à l'article 20 du CCAG - Travaux, dans le cas où le titulaire n'exécuterait pas les travaux attendus dans les délais contractualisés (sauf cas de force majeure), la Ville se réserve le droit, sans mise en demeure préalable, pour autant que la responsabilité du candidat soit engagée, d'appliquer par jour calendaire de retard, des pénalités de 50 (cinquante) euros par jour. () Aucune TVA ne s'applique aux pénalités de retard. () ".

40. En l'espèce, le délai de fin d'exécution des travaux était fixé en dernier lieu, par l'ordre de service n°4, au 31 mars 2019 et la réception a été prononcée le 20 septembre suivant. La commune de Saint-Malo a appliqué à la société CMO des pénalités de retard d'un montant de 8 850 euros, correspondant à la période du 1er avril au 19 septembre 2019.

41. Il résulte de l'instruction que la requérante a interrompu ses travaux le

20 mars 2019, en raison du litige l'opposant à la commune sur les conditions de traitement de l'amiante présent sous les coffrages. Par courrier du 29 mars 2019, la commune l'a mise en demeure de reprendre sous deux jours les travaux prévus au marché, incluant ceux visés dans l'ordre de service n°4 relatif aux travaux dont la société CMO contestait leur caractère contractuel. Ce courrier rappelait que les prix mentionnés dans cet ordre de service avaient un caractère provisoire et que l'exécution des travaux ne préjugeait pas de la faculté pour le titulaire d'en contester le montant dans le cadre de l'établissement du décompte. En revanche, il est constant que le chantier a été interrompu à compter du 1er avril 2019 sur instruction de l'inspection du travail, en raison des interrogations sur la présence d'amiante sous les coffrages et derrière les murs de doublage. Si les parties ne produisent pas de pièce par laquelle l'inspection du travail autorise expressément la reprise du chantier, la date de la remise du rapport de l'expert désigné dans le cadre du référé constat, le 13 juin 2019, doit être regardée, eu égard à la mission qui lui était confiée, comme la date à laquelle les travaux pouvaient reprendre dans des conditions de sécurité adéquates. Il n'est pas contesté que la société CMO a repris le chantier à cette date. Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, le rapport d'examens visuels préalables à la réception n'établit pas que les travaux étaient achevés à la date du

2 septembre 2019, alors même qu'un premier examen visuel a été réalisé à cette date. Dans ces conditions, le retard dans l'exécution du marché n'est imputable à la société CMO que pour la période du 14 juin au 20 septembre 2019.

42. Il résulte de ce qui précède que le montant des pénalités de retard doit être limité à la somme de 5 400 euros hors taxes.

Sur le solde du marché :

43. Le décompte notifié le 2 mars 2020 par la commune de Saint-Malo fait état d'un montant total du marché hors taxes de 109 401 euros, incluant un montant de 14 786 euros au titre de la dépose des réseaux amiantés sous les coffrages, prescrite par l'ordre de service n°4. Ce montant n'inclut pas, en revanche, la somme de 2 370 euros au titre du traitement des déchets issus de cette dépose, dont il résulte des motifs retenus au point 23 que la société CMO est fondée à demander le paiement. Dès lors que les autres postes du décompte ne sont pas contestés, il y a lieu de fixer à un montant de 111 771 euros hors taxes, soit 134 125,20 euros toutes taxes comprises, le montant total du marché. La somme de 5 400 euros due au titre des pénalités de retard doit en être retranchée, de sorte que le décompte doit être arrêté à la somme de 128 725,20 euros.

44. Il résulte de l'instruction que la société CMO a déjà reçu la somme de

110 226 euros. En conséquence, la commune de Saint-Malo doit être condamnée à verser la somme de 18 499,20 euros à la société CMO en paiement du solde du marché litigieux.

Sur les intérêts moratoires :

45. L'article 18.4 du cahier des charges du marché prévoit que le défaut de paiement du prix du marché fait courir des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire, dont le taux est égal au taux d'intérêt légal majoré de 8 points. L'article 1er du décret n°2013-269 du 29 mars 2013, applicable au marché litigieux, prévoit que les sommes dues en principal par un pouvoir adjudicateur, en exécution d'un contrat ayant pour objet l'exécution de travaux, sont payées dans un délai de trente jours. Lorsqu'un décompte général fait l'objet d'une réclamation par le cocontractant, le délai de paiement du solde doit être regardé comme ne commençant à courir qu'à compter de la réception de cette réclamation par le maître d'ouvrage. Dès lors que la société CMO a présenté une réclamation relative au décompte général le 3 avril 2020, elle a droit aux intérêts moratoires, dont le taux est égal au taux d'intérêt légal majoré de 8 points, à compter du 4 mai 2020.

Sur la capitalisation des intérêts :

46. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 22 janvier 2021. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 22 janvier 2022, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

47. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Saint-Malo le versement à la société CMO de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par la commune de Saint-Malo soit mise à la charge de la société CMO, qui n'est pas la partie perdante.

 

 

D É C I D E :

 

 

Article 1er : Le décompte général et définitif du marché conclu le 5 décembre 2018 entre la commune de Saint-Malo et la société CMO est fixé à la somme de 128 725,20 euros.

Article 2 : La commune de Saint-Malo est condamnée à verser à la société CMO la somme de 18 499,20 euros avec intérêts au taux légal majoré de 8 points à compter du 4 mai 2020. Les intérêts échus à la date du 22 janvier 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La commune de Saint-Malo versera à la société CMO une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Constructions Métalliques de l'Ouest (CMO) et à la commune de Saint-Malo.

Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Kolbert, président,

Mme Thalabard, première conseillère,

M. Blanchard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.

Le rapporteur,

Signé

A. A

Le président,

Signé

E. Kolbert

La greffière,

Signé

I. Le Vaillant

La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

C