Conseil d'Etat

Décision du 9 mars 2023 n° 471538

09/03/2023

Autre

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire rectificatif et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 février et 8 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A B demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2023-113 du 20 février 2023 relatif à la procédure dématérialisée de candidature et de recrutement en première année des formations conduisant au diplôme national de master ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence doit être regardée comme remplie eu égard aux effets du décret attaqué, dès lors que le dépôt des candidatures doit avoir lieu du 22 mars au 18 avril 2023, avant que le Conseil d'Etat ne statue sur sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ;

- ce décret méconnaît les dispositions des articles L. 112-8 et L. 112-9 du code des relations entre le public et l'administration en ce que, d'une part, la création du téléservice national " Mon Master " a pour objet et pour effet de rendre obligatoire la saisine de l'administration par voie électronique pour tous les étudiants candidats en master et, d'autre part, ce téléservice a été mis en ligne et devient utilisable sans que le pouvoir réglementaire ait au préalable édicté ses conditions générales d'utilisation ;

- il méconnaît les dispositions du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 en ce que le traitement automatisé des données à caractère personnel mis en œuvre par le téléservice national ne fait l'objet d'aucune mesure spécifique tendant à la protection des données personnelles, alors même qu'il peut donner lieu à la collecte de données sensibles ;

- il méconnaît l'exigence constitutionnelle d'égal accès de tous à la formation professionnelle en ce qu'il limite le nombre de candidatures pouvant être présentées par chaque candidat ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 6222-12-1 du code du travail en ce qu'il exige des candidats aux formations relevant de l'alternance qu'ils produisent au moment de la phase d'admission un contrat d'apprentissage.

Par un mémoire distinct, enregistré le 21 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B demande que soit renvoyée au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité tirée de ce que l'article L. 612-6 du code de l'éducation, en application duquel le décret contesté est pris, méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit. Il soutient que cette disposition est applicable au litige, qu'elle n'a jamais été déclarée conforme à la Constitution, et que la question de sa conformité à la Constitution revêt un caractère sérieux dès lors que, d'une part, elle porte atteinte au principe d'égalité protégé par les articles 1er et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et au principe d'égal accès à l'instruction résultant du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et que, d'autre part, elle est entachée d'incompétence négative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, et notamment son Préambule ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;

- le code de l'éduction ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. M. A B demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du décret du 20 février 2023 relatif à la procédure dématérialisée de candidature et de recrutement en première année des formations conduisant au diplôme national de master. Toutefois, le requérant, qui se borne à faire valoir que la condition d'urgence doit être regardée comme remplie au égard aux effets du décret attaqué, dès lors que le dépôt des candidatures doit avoir lieu du 22 mars au 18 avril 2023, avant que le Conseil d'Etat ne statue sur sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret, ne justifie pas de l'urgence qu'il y aurait à en suspendre l'exécution.

3. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la transmission au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, la requête de M. B doit être rejetée selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du même code.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B.

Fait à Paris, le 9 mars 2023

Signé : Jean-Yves Ollier

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