Tribunal administratif de Pau

Jugement du 6 mars 2023 n° 2201019

06/03/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2022, M. et Mme C et A N E et M. et Mme D et M J, représentés par Me N E, demandent au tribunal :

1°) d'annuler la délibération du 5 mars 2022 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Pays Basque a adopté le règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation pour les locations meublées de courtes durées et déterminant les compensations, en application des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;

2°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Pays Basque une somme de 3 500 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la délibération attaquée a été signée par une autorité qui ne justifie pas qu'elle bénéficiait d'une délégation régulière, conformément aux obligations posées par l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales ;

- elle a été adoptée, en outre, en méconnaissance des dispositions des articles L. 2121-13 et L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales dès lors que les élus n'ont pas disposé d'informations suffisantes et exactes, concernant en particulier le nombre de logements mis en location par le biais de plateformes dédiées à des locations de courte durée ; ce défaut d'information a eu une influence sur le sens de la décision ;

- la délibération est entachée, par ailleurs, d'une erreur matérielle dès lors que les élus ont approuvé un texte différent de celui qui sera applicable, en raison de la modification significative apportée à l'une des exonérations prévues, celle relative aux locations mixtes, laquelle est désormais interdite aux personnes morales alors que ces dernières figuraient à l'article 3.2 du règlement projeté ;

- la délibération a adopté un régime qui méconnaît le droit de l'Union européenne ; il méconnaît le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination prévus entre personnes physiques et personnes morales, d'une part, dès lors que seules les personnes physiques peuvent obtenir une dérogation temporaire à la compensation en procédant à une location " mixte " et, entre les différents propriétaires de logements soumis à la location saisonnière selon que le logement se trouve dans une résidence hôtelière ou non, d'autre part, le règlement ne prévoyant pas de compensation pour ceux se situant en résidence hôtelière et qui, ne proposant pas de prestation hôtelière, au sens de l'article 261 du code général des impôts, peuvent continuer à être loués pour de courtes durées, sans être soumis au régime de la compensation ; les propriétaires de ces logements représentent pourtant une part significative du parc locatif saisonnier ;

- les mesures approuvées sont également disproportionnées au regard des critères posés par la Cour de justice de l'Union européenne dans sa décision du 22 septembre 2020, C-724/18 ; les conditions posées par la délibération en litige sont excessives, au regard notamment de celles imposées dans d'autres villes françaises ; le fait d'imposer une compensation dès le premier bien, indépendamment de sa surface, par l'acquisition d'un local commercial non-situé en rez-de-chaussée, porte une atteinte manifestement disproportionnée au droit de propriété ; en outre, la compensation sera concrètement impossible, en particulier à Guéthary ;

- la délibération est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et porte une atteinte manifestement disproportionnée au droit de propriété, au regard du but recherché.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2023, la communauté d'agglomération Pays Basque, représentée par Me Gauci, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants, une somme de 4 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

Par un mémoire distinct, enregistré le 27 janvier 2023, les mêmes requérants, représentés par Me N E, demandent au tribunal, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de leur requête tendant à l'annulation de la délibération du 5 mars 2022 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Pays Basque, de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du II de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme.

Ils soutiennent que :

- les conditions de transmission de cette question prioritaire de constitutionnalité sont réunies dès lors que la délibération du 5 mars 2022, modifiée le 9 juillet 2022, a été prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme et, si les articles L. 651-4, L. 651-6 et L. 651-7 du code de la construction et de l'habitation ont déjà été examinés par le juge constitutionnel, ce dernier ne s'est jamais prononcé sur l'article du code du tourisme dont la constitutionnalité est ici remise en cause ; la question est donc nouvelle ;

- la question prioritaire de constitutionnalité présente, en outre, un caractère sérieux dès lors que ce texte permet aux collectivités d'imposer à des propriétaires ayant acquis une résidence secondaire, de devoir acquérir un autre bien, de même surface, situé dans le même quartier ou à tout le moins la même commune, avant de pouvoir les louer pour encaisser des loyers escomptés ; le régime dérogatoire d'un an, prévu dans le règlement adopté en application de ce texte pour les locations dites " mixtes ", constitue également une atteinte au droit de propriété ; les conditions requises pour une éventuelle compensation des locations de courtes durées de biens situés à Guéthary et Ascain sont telles, que les requérants se trouvent dans l'impossibilité de continuer à louer leurs biens immobiliers de manière saisonnière ;

- les dispositions du II de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme méconnaissent, par ailleurs, le droit au logement opposable, reconnu comme ayant une valeur constitutionnelle et consacré, également, par les traités et conventions internationales comme une composante de la dignité humaine ; en l'espèce, ces dispositions législatives du code du tourisme laissent à la charge des seules personnes privées le soin de créer des logements en zone tendue, alors qu'il appartient aux collectivités territoriales et à l'État de mettre en œuvre des politiques et des outils permettant de loger la population locale.

Un mémoire, présenté par M. et Mme N E et M. et Mme J, a été enregistré le 29 janvier 2023.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2023, la communauté d'agglomération Pays Basque, représentée par Me Gauci, conclut à la non transmission au Conseil d'État de la question prioritaire de constitutionalité posée par les requérants.

Vu :

- l'ordonnance n° 2201002 du 3 juin 2022 du juge des référés du présent tribunal administratif ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dite directive " services " ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code du tourisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique tenue le 10 février 2023 à 10 h 00 :

- le rapport de Mme B,

- les conclusions de Mme Michaud, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gauci, représentant la communauté d'agglomération Pays Basques, en présence de M. G, Mme I, M. K et M. L.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 5 mars 2022, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Pays Basque (CAPB) a adopté un règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation pour les locations meublées de courtes durées et déterminant les compensations, sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation. Ce règlement abroge expressément un précédent arrêté règlementant les conditions de délivrance les autorisations temporaires de changements d'usage, prévues par le législateur en 2014, par la loi dite Loi " ALUR " du 24 mars 2014, mises en place par la communauté d'agglomération Pays Basque, pour les locations meublées de courtes durées réalisées sur le territoire de vingt-quatre communes (Ahetze, Anglet, Arbonne, Arcangues, Ascain, Bassussarry, Bayonne, Biarritz, Bidart, Biriatou, Boucau, Ciboure, Guéthary, Hendaye, Jatxou, Lahonce, Larressore, Mouguerre, Urrugne, Saint-Jean-de-Luz, Saint-Pierre d'Irube, Urcuit, Ustaritz, Villefranque) et instaure un régime de compensation de ces locations de courtes durées. Par une ordonnance n° 2200930 du 3 juin 2022, les juges des référés du présent tribunal ont suspendu l'exécution de cette délibération du 5 mars 2022, en retenant qu'en l'état de l'instruction, les moyens tirés de ce que le règlement méconnaissait le principe de proportionnalité tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 22 septembre 2020, affaires nos C-724/18 et C- 727/18, de ce que ce règlement méconnaissait également le principe de sécurité juridique, ainsi que le IV de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, étaient de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce règlement.

2. Par une délibération du 9 juillet 2022, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Pays Basque a modifié le règlement adopté le 5 mars 2022. Par une première ordonnance n° 2201595 du 16 septembre 2022, les juges des référés, saisis sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, ont tenu compte des modifications apportées à ce règlement et ont mis fin à la mesure de suspension prononcée en juin 2022 et, par une seconde ordonnance n° 2202015 du 21 octobre 2022, le juge des référés du présent tribunal, saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté la demande de suspension de l'exécution de la délibération du 9 juillet 2022.

3. Par la présente requête, M. et Mme N E et M. et Mme J demandent au tribunal d'annuler cette délibération du 5 mars 2022.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

4. Aux termes de l'article LO 771-1 du code de justice administrative : " La transmission par une juridiction administrative d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ". L'article 23-2 de cette ordonnance dispose que : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux () ".

5. Aux termes de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme : " I.- Pour l'application du présent article, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois. / II.- Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé. / Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. / III.- Par dérogation au II, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme. () ".

6. Ainsi que le souligne la communauté d'agglomération Pays Basque en défense, les dispositions du II de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme ont pour seul objet d'imposer au propriétaire d'un meublé de tourisme qui souhaite l'offrir à la location d'en faire la déclaration en mairie. En outre, le règlement en litige adopté par la communauté d'agglomération Pays Basque fixe les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation en locations meublées de courtes durées et détermine les compensations, sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation, et n'instaure nullement une procédure de déclaration préalable soumise à enregistrement, prévue par les dispositions du III de ce même article, laquelle relève de la seule compétence des communes.

7. La condition tenant au caractère applicable au litige de la disposition dont l'inconstitutionnalité est invoquée, n'est ainsi pas remplie.

8. Il n'y a donc pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité du II de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme au Conseil d'État.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'information des conseillers communautaires lors de l'adoption de la délibération du 5 mars 2022 :

9. Aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales rendu applicable aux établissements publics de coopération intercommunale par l'article L. 5211-1 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. () / " et selon l'article L. 2121-13 de ce code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ".

10. Il ressort des pièces du dossier que les conseillers communautaires ont été convoqués le 25 février 2022, pour la séance du conseil communautaire du 5 mars 2022, que cette convocation comportait un ordre du jour n° 5 relatif au règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation pour les locations meublées de courtes durées et déterminant les compensations, en application des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation, et qu'elle était accompagnée d'un rapport contenant l'ensemble des informations utiles relatives à cet ordre du jour, notamment un exposé des raisons pour lesquelles ce règlement est proposé, le périmètre de son application, à savoir les vingt-quatre communes situées en zone dite tendue, ainsi que les dispositions principales prévues et les dispositions transitoires.

11. Par ailleurs, s'il est soutenu que le consentement des élus serait vicié dès lors que les conseillers auraient approuvé un texte différent de celui applicable, il ressort cependant des pièces du dossier que le projet de règlement adressé aux conseillers avant la séance du 5 mars 2022, correspond au règlement approuvé. Les requérants produisent, en réalité, un document antérieur transmis à l'occasion d'une réunion de travail (COPIL du 8 février 2022). En outre, s'il est encore allégué que les informations adressées aux élus seraient erronées en ce qui concerne le nombre de logements offerts à la location, et s'ils se prévalent d'une étude publiée sur le site internet Airdna, il est justifié en défense de ce que ce site n'est pas exhaustif dès lors qu'il ne répertorie que les annonces figurant sur deux plateformes de locations de courtes durées.

12. Dans ces conditions, et dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les conseillers communautaires n'auraient pas été mis à même d'exercer, en tant que de besoin, leur droit à l'information en prenant connaissance des documents relatifs à l'adoption du nouveau règlement, le 5 mars 2022, avant la réunion ou en demandant des précisions en séance, afin d'être à même de délibérer en toute connaissance de cause, le moyen doit être écarté en toutes ses branches.

En ce qui concerne la signature de la délibération du 5 mars 2022 :

13. Aux termes de l'article L. 2121-23 du code général des collectivités territoriales rendu applicable aux établissements publics de coopération intercommunale par l'article L. 5211-1 du même code : " Les délibérations sont inscrites par ordre de date. / Elles sont signées par tous les membres présents à la séance, ou mention est faite de la cause qui les a empêchés de signer ".

14. Ces dispositions ne sont pas prescrites à peine de nullité. Dès lors, la circonstance que la délibération du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Pays Basque en litige n'aurait pas été signée par tous les membres présents, alors au demeurant qu'elle est signée par le directeur général des services qui disposait d'une délégation régulière, est sans incidence sur la légalité de cette délibération.

En ce qui concerne la méconnaissance du droit de l'Union européenne, issu de la directive 2006/ 123/ CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur :

15. L'article 9 de la directive 2006/123 du 12 décembre 2006 prévoit que : " 1. Les États membres ne peuvent subordonner l'accès à une activité de service et son exercice à un régime d'autorisation que si les conditions suivantes sont réunies : / a) le régime d'autorisation n'est pas discriminatoire à l'égard du prestataire visé ; / b) la nécessité d'un régime d'autorisation est justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; / c) l'objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu'un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle. / 2. Dans le rapport prévu à l'article 39, paragraphe 1, les États membres indiquent leurs régimes d'autorisation et en motivent la compatibilité avec le paragraphe 1 du présent article. / 3. La présente section ne s'applique pas aux aspects des régimes d'autorisation qui sont C directement ou indirectement par d'autres instruments communautaires ". L'article 10 de cette même directive précise que : " 1. Les régimes d'autorisation doivent reposer sur des critères qui encadrent l'exercice du pouvoir d'appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire. / 2. Les critère s visés au paragraphe 1 sont : / a) non discriminatoires ; / b) justifiés par une raison impérieuse d'intérêt général ; / c) proportionnels à cet objectif d'intérêt général ; / d) clairs et non ambigus ; / e) objectifs ; / f) rendus publics à l'avance ; / g) transparents et accessibles. / () ".

16. Aux termes, par ailleurs, de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation : " La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. / Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable. () / Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés. () / Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article. ". Aux termes de l'article L. 631-7-1 du même code : " L'autorisation préalable au changement d'usage est délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé l'immeuble (). Elle peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. / () Pour l'application de l'article L. 631-7, une délibération du conseil municipal fixe les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations par quartier et, le cas échéant, par arrondissement, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements. Si la commune est membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, la délibération est prise par l'organe délibérant de cet établissement. ". Enfin, aux termes de l'article L. 631-9 de ce code : " Dans les communes autres que celles mentionnées au premier alinéa de l'article L. 631-7, les dispositions dudit article peuvent être rendues applicables par décision de l'autorité administrative sur proposition du maire ou, pour les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants dont la liste est fixée par le décret mentionné au I de l'article 232 du code général des impôts, par une délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal () ".

17. Ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne, saisi par la Cour de cassation d'une question préjudicielle relative à la compatibilité des dispositions précitées des articles L. 631-7 et L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation avec les stipulations des articles 6 et 13 de la directive 2006/123, dans son arrêt du 22 septembre 2020, Cali Apartments SCI et HX (affaires C-724/18 et C-727/18), les autorités nationales peuvent adopter des réglementations imposant une autorisation préalable pour l'exercice d'activités de location de locaux meublés pour de courtes durées, dès lors qu'elles sont conformes aux exigences figurant aux articles 9 et 10 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Il s'ensuit qu'il revient au juge administratif de contrôler si cette réglementation est, d'une part, justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et, d'autre part, proportionnée à l'objectif poursuivi, en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu'un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle. Par ailleurs, si la réglementation nationale instaure une obligation de compensation, sous la forme d'une transformation accessoire et concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, celle-ci doit être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général, proportionnelle à cet objectif, non discriminatoire, instituée dans des termes clairs, non ambigus et rendus publics à l'avance, et cette obligation devra pouvoir être satisfaite dans des conditions transparentes et accessibles.

S'agissant de la justification de l'instauration d'un système de compensation de locations de meublés de courtes durées :

18. Si les requérants contestent, en premier lieu, les chiffres sur lesquels la communauté d'agglomération Pays Basque (CAPB) s'est fondée pour justifier d'une situation de pénurie de logements à louer dans des conditions économiques acceptables, il ressort des pièces du dossier que par une délibération du 23 septembre 2017, le conseil communautaire de la CAPB a institué une procédure d'autorisation préalable au changement d'usage des locaux destinés à l'habitation, en vue de les louer de manière répétée, pour de courtes durées, à une clientèle de passage. Puis, malgré l'adoption, par une délibération du 28 septembre 2019, d'un règlement fixant les critères et conditions de locations de meublés pour de courtes durées sur le territoire de vingt-quatre communes situées en zone dite tendue, énumérées dans la liste fixée par le décret mentionné au I de l'article 232 du code général des impôts, à laquelle renvoie les dispositions précitées de l'article L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation, qui n'instaurait pas un système de compensation, il ressort des mêmes pièces que le programme local de l'habitat (PLH) adopté le 2 octobre 2021 a abouti au constat que dans lesdites communes, situées en zone dite tendue, c'est-à-dire où l'offre de logements pour les personnes souhaitant s'installer à l'année est inférieure à la demande, le nombre de meublés proposés à la location de tourisme de courte durée, ne cessait d'augmenter depuis 2016.

19. En outre, la délibération du 5 mars 2022 adoptant le nouveau régime applicable à ces locations de courtes durées, et instaurant un régime de compensation, en application des dispositions précitées de l'article L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, retient dans ces motifs qu'une augmentation de 130 % des locations des meublés de tourisme a été constatée entre 2016 et 2020, que ces locations s'intensifient encore dans les communes littorales et rétro-littorales, et que des écarts de rentabilités sont importants entre le parc locatif loué à l'année et les locations de meublés de tourisme, de sorte que le règlement adopté en 2019 est considéré comme n'ayant que " partiellement répondu à l'objectif poursuivi par l'Agglomération en matière de lutte contre la pénurie de logements ", tendant à garantir une offre de logements accessibles à tous. Ces données sont corroborées par les pièces versées au dossier, notamment l'étude d'octobre 2021, réalisée en collaboration avec l'Université de Pau et des Pays de l'Adour, dans le cadre d'un projet de recherche dédié à ces locations en Nouvelle-Aquitaine, réalisée à partir de données issues des plateformes internet de location de meublés. En outre, il ressort de données issues de l'INSEE que le parc locatif privé de longue durée progresse moins que le parc de résidences principales et secondaires, et l'étude produite de l'Observatoire des loyers atteste d'une offre de location limitée, d'une demande qui augmente, dans une zone économiquement attractive où l'emploi salarié s'accroît, et de loyers médians correspondant à un niveau déjà élevé.

20. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que la règlementation adoptée par la communauté d'agglomération Pays Basque le 5 mars 2022 est suffisamment justifiée et met en œuvre une politique de lutte contre la pénurie de logements qui constitue un objectif d'intérêt général, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision DC du 20 mars 2014 n° 2014-691 et la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt de 2020, précité.

21. Dans ces conditions, la nécessité d'instaurer un système de compensation des locations de courtes durées, afin de garantir la réalisation de l'objectif d'intérêt général consistant à favoriser des locations de longue durée à des prix abordables, dans les seules communes du littoral et du rétro-littoral du Pays Basque situées en zone dite tendue, clairement identifiées, est suffisamment établie.

S'agissant de la contestation des critères d'octroi de l'autorisation de changement d'affectation et du régime de compensation mis en place :

22. Le système de compensation des locations de meublés de courtes durées instauré par le règlement adopté par la communauté d'agglomération du Pays Basque le 5 mars 2022, modifié par la délibération du conseil communautaire du 9 juillet 2022, distingue les locations entrant dans le champ de ce règlement des meublés de tourisme, définis par l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, et justifie du périmètre de son application, à savoir les vingt-quatre communes déjà mentionnées, situées en zone dite tendue, en tenant compte du niveau élevé des loyers pratiqués dans lesdites communes, du niveau élevé des prix à l'acquisition et du nombre élevé de demandes de logements par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social. A ainsi été prise en compte, la liste des communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants, fixée par le décret mentionné au I de l'article 232 du code général des impôts, à laquelle renvoie les dispositions précitées de l'article L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation.

23. En premier lieu, ce régime d'autorisations de changement d'usage des locaux d'habitation en locations de courtes durées avec compensation, laquelle compensation consiste en la transformation en habitation de locaux ayant un autre usage, tel que modifié par la délibération du 9 juillet 2022, distingue désormais, à son article 3, deux modalités de compensation : la détention ou l'achat d'un bien par le propriétaire, en vue de sa transformation en local d'habitation, ou bien l'achat de droits dits de " commercialité " auprès de propriétaires souhaitant affecter à un usage d'habitation des locaux destinés à un autre usage (avec production de la convention de cession de commercialité), l'autorisation préalable au changement d'affectation étant délivrée par le maire de la commune dans lequel l'immeuble se situe. Il prévoit, enfin, à son article 4, des " régimes spécifiques ", notamment pour les locations dites " mixtes ", c'est-à-dire destinées aux étudiants pendant l'année scolaire et aux touristes en périodes estivales, ainsi que des dispenses d'autorisation, à son article 5, pour les meublés de tourisme, pour la location d'un appartement meublé déclaré comme résidence principale, sous réserve d'une location ne dépassant pas cent-vingt jours au cours d'une année civile.

24. D'une part, aux termes de l'article 4.1 de ce règlement : " Afin de maintenir une offre de location à destination des étudiants, des autorisations temporaires de changement d'usage à titre personnel pourront être délivrées sans compensation. / Ces autorisations concernent des propriétaires pratiquant un régime de location de forme mixte : estudiantine durant neuf mois minimum et touristique durant une période estivale de trois mois. / A titre dérogatoire, ces autorisations temporaires sont délivrées aux personnes physiques pour une durée d'un an. Ces autorisations délivrées à titre personnel sont non cessibles () ".

25. Ces dispositions tiennent compte de la situation spécifique des locations qualifiées de " mixtes " dès lors qu'elles concernent des biens donnés en location à des étudiants pendant l'année scolaire et loués à des touristes en périodes estivales et, si elles excluent du système dérogatoire qu'elles instaurent, les personnes morales ayant pour activité la location de meublés, cette distinction est fondée sur la différence de situation, objective, dans laquelle se trouve un propriétaire individuel, par rapport à une société ayant pour activité la location de meublés, au regard, notamment, du nombre de biens susceptibles d'être loués. Cette différence de traitement est, en outre, en rapport avec l'objet de ce règlement et n'aboutit pas à une disproportion manifeste.

26. D'autre part, il est également soutenu que le règlement en litige entraîne une discrimination illégale entre les propriétaires selon que leur bien se situe ou non au sein d'une résidence hôtelière, dès lors que les requérants considèrent que le règlement ne prévoit pas de compensation pour les propriétaires de logements meublés situés dans des résidences hôtelières, alors même que ces logements, représenteraient une part significative du parc locatif saisonnier, et qu'ils devraient, lorsque des prestations hôtelières au sens du b) du 4° de l'article 261-D du code général des impôts ne sont pas proposées, être considérés comme un logement meublé proposé à la location, comme un autre.

27. Toutefois, à supposer que le moyen soit fondé sur une critique de l'article 5 du règlement en litige, qui prévoit une dispense d'autorisation de changement de destination pour les " meublés de tourisme ", il ressort des termes clairs de cet article qu'il concerne les locaux constituant la résidence principale du demandeur, mis en location pour une durée ne pouvant dépasser 120 jours par an. En outre, dans l'hypothèse où les prestations hôtelières ne seraient pas proposées, s'agissant d'un logement situé dans un ensemble immobilier accueillant une résidence hôtelière, la dispense s'appliquera si les conditions précitées sont remplies, notamment si le logement constitue la résidence principale du demandeur. Par conséquent, la dispense de compensation critiquée repose sur une différence de situation objective. Cette différence de traitement est en rapport avec l'objet du règlement et n'aboutit pas à une disproportion manifeste.

28. En deuxième lieu, ainsi que déjà précisé, les vingt-quatre communes de la communauté d'agglomération Pays Basque concernées par la réglementation litigieuse, sont situées dans une zone dite tendue, où l'offre de logements pour les personnes souhaitant s'installer à l'année est inférieure à la demande. En outre, le régime de compensation des locations de meublés de courtes durées prévoit désormais une possibilité d'achat de droits dits de " commercialité " ainsi que des dérogations à l'obligation de compensation, pour tenir compte, notamment, des locations de logements aux étudiants durant l'année scolaire. Ainsi, aucune atteinte excessive ou disproportionnée au droit de propriété et à la libre prestation de service ne peut être retenue.

29. Dans ces conditions, les moyens tirés de ce que le règlement en litige, et le régime de compensation des locations de meublés de courtes durées mis en place, porteraient des atteintes au droit de propriété non proportionnées à l'objectif d'intérêt général poursuivi, seraient discriminatoires et, en conséquence, méconnaîtraient l'ensemble des dispositions des articles 9 et 10 de la directive 2006/123 du 12 décembre 2006, doivent être écartés. Il en est de même, pour les mêmes considérations, du moyen tiré de ce qu'en adoptant ce règlement, la communauté d'agglomération Pays Basque (CAPB) aurait entaché ces décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.

30. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation de la délibération du 5 mars 2022 par laquelle la communauté d'agglomération Pays Basque a adopté le règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation pour les locations meublées de courtes durées et déterminant les compensations, en application des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation, et de la délibération du 9 juillet 2022 modifiant ce règlement, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

31. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qui soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Pays Basque une somme au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge des requérants, au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme N E et par M. et Mme J.

Article 2 : Les autres conclusions de la requête, présentée par M. et Mme N E et M. et Mme J, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions, présentées par la communauté d'agglomération Pays Basque sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme C et A N E, M. et Mme D et M J et à la communauté d'agglomération Pays Basque.

Délibéré après l'audience du 10 février 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Perdu, présidente,

Mme Duchesne, conseillère,

M. Diard, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2023.

La présidente-rapporteure,

Signé : S. B

L'assesseure,

Signé : M. HLa greffière,

Signé : M. F

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

Pour expédition,

La greffière,

Code publication

C