Tribunal administratif de Pau

Ordonnance du 3 mars 2023 n° 2300515

03/03/2023

Irrecevabilité

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 27 février 2023, M. D B, représenté par Me Hachet, demande au juge des référés :

1°) à titre principal, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité suivante : " Les dispositions de l'article L.235-1 du code de la route, qui incriminent et répriment la conduite d'un véhicule lorsqu'il a été fait usage de stupéfiants, et non lorsque la personne est sous l'influence psychotropes de produits stupéfiants, et les dispositions de l'articles L.235-2 qui déterminent les conditions de constatation de l'infraction de conduite d'un véhicule lorsqu'il été fait usage de stupéfiants, ne méconnaissent-elles pas le principe de la liberté d'aller et venir protégé par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ce que cette limitation n'est, en l'état, ni justifiée ni proportionnée à l'objectif de prévention des atteintes à l'ordre public, notamment des atteintes à l'intégrité physique des personnes, fixé par le législateur ' " pour qu'il examine son caractère sérieux en vue de son renvoi au Conseil constitutionnel ;

2°) à titre subsidiaire, dans l'attente, d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension des effets de l'arrêté préfectoral du 11 janvier 2023 portant suspension administrative de son permis de conduire, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de l'urgence :

- Elle est établie par le bien-fondé de sa question prioritaire de constitutionnalité et l'intérêt de ladite question dépassant l'intérêt du cas d'espèce, il y a lieu de considérer la condition d'urgence comme remplie ;

- il a impérativement besoin de son permis de conduire pour se rendre dans l'entreprise qu'il dirige, située à 20 km de son domicile, mais également pour se déplacer plusieurs fois par jour sur les différents sites d'exploitation de la société, sur un territoire où il n'existe aucun transport en commun reliant ces lieux géographiques ;

- en ayant un impact sur le bon fonctionnement de son entreprise, la décision litigieuse entraîne des conséquences sur sa situation financière personnelle mais également sur celle de ses salariés ;

- l'urgence à suspendre résulte également de la mise en balance des intérêts du requérant avec celui de l'intérêt général et notamment des tiers qui, en l'espèce, n'est pas atteint dans la mesure où M. B ne consomme que du " cannabis CBD " (licite, dans le but de soulager ses douleurs liées à l'arthrose), sans propriété psychotrope, qui n'affecte en rien sa capacité de conduire ;

- la suspension peut être reportée à la décision à venir de la juridiction répressive, le requérant n'ayant jamais été condamné pour des faits de délit routier ;

S'agissant du doute sérieux quant à la légalité de la décision :

- l'arrêté est entaché d'une grave irrégularité dans la mesure où il n'a été procédé à aucun prélèvement sanguin lors du contrôle effectué, de sorte que le requérant a été privé de son droit à une contre-expertise ;

- c'est à tort que l'arrêté contesté précise que le permis de conduire suspendu a été délivré par la préfecture de Bordeaux, celui-ci ayant été délivré par la préfecture d'Auch

- les dispositions des articles L. 235-1 et L. 235-2 fondent la décision attaquée et sont applicables au litige ;

- les dispositions de l'article L. 235-1 du code de la route ont été déclarées conforme à la Constitution mais ont connu plusieurs changements de circonstances, de droit et de faits ;

- la question prioritaire de constitutionnalité présentée sous un mémoire distinct n'est pas dépourvue de caractère sérieux ;

- le requérant est fondé à soulever par la voie de l'exception l'illégalité de l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les modalités du dépistage des substances témoignant de l'usage de stupéfiants.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la requête enregistrée le 27 février 2023 sous le numéro 2300514 par laquelle M. B demande l'annulation de l'arrêté en litige.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la route ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ". Selon l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1. ".

2. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi de conclusions tendant à la suspension d'un acte administratif, d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. La condition d'urgence s'apprécie objectivement et globalement au regard de l'intérêt du demandeur mais aussi de l'intérêt public et notamment, s'agissant d'un arrêté de suspension de la validité d'un permis de conduire, des exigences liées à la protection de la sécurité routière.

3. M. B soutient que la condition d'urgence est remplie au regard de ses fonctions de chef d'entreprise qui l'amènent à se déplacer sur plusieurs sites dont le siège principal est situé à une vingtaine de kilomètres de son domicile, sur un territoire dépourvu de transports en commun. Toutefois, d'une part, les documents produits par le requérant ne permettent pas de considérer que la mesure de suspension prononcée à son encontre l'empêcherait d'exercer sa profession et le priverait de revenus pendant cette période. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis de rétention de permis de conduire, que le requérant a été testé positif " après usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants ". Dès lors, la décision de la préfète du Lot répond, eu égard à la gravité de l'infraction au code de la route commise par l'intéressé, à des exigences de protection et de sécurité routière. Dans ces conditions, à supposer même que la suspension de son permis de conduire occasionne à M. B une certaine gêne pendant un temps limité le contraignant à s'organiser moins commodément, la condition d'urgence, qui doit s'apprécier objectivement et globalement, n'est pas remplie. Il en résulte que la demande de suspension doit être rejetée.

4. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer un doute sérieux, les conclusions à fin de suspension ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

5. Il résulte de la combinaison des dispositions de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 avec celles du livre V du code de justice administrative qu'une question prioritaire de constitutionnalité peut être soulevée devant le juge administratif des référés statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 de ce code. Toutefois, le juge des référés peut, en toute hypothèse, y compris lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant lui, rejeter de telles conclusions pour irrecevabilité ou pour défaut d'urgence. S'il rejette les conclusions aux fins de suspension pour l'un de ces motifs, il n'y a pas lieu, pour le juge des référés de statuer sur la demande de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité. En l'espèce, ainsi qu'il est précisé ci-dessus, la condition d'urgence n'étant pas satisfaite, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de faire application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative et de rejeter la requête de M. B en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E:

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D B et à la préfète du Lot.

Fait à Pau, le 3 mars 2023

La juge des référés La greffière

Signé Signé

M. A M. C

La République mande et ordonne à la préfète du Lot, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière.

Signé