Conseil d'Etat

Décision du 1 mars 2023 n° 441657

01/03/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu les procédures suivantes :

La société anonyme (SA) Schneider Electric, devenue la société européenne (SE) Schneider Electric, a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de lui accorder la restitution du précompte dont elle s'était acquittée au titre des distributions de dividendes qu'elle avait opérées en 2003 et 2004, assortie des intérêts moratoires. Par une ordonnance n° 0808843 du 15 septembre 2009, le président de ce tribunal a, sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis cette demande au tribunal administratif de Montreuil. Par un jugement n° 0808843 du 23 mai 2014, ce dernier tribunal a prononcé la restitution d'une fraction du précompte dont la société s'était acquittée au titre des distributions intervenues en 2003, à hauteur de 18 643 294 euros, et rejeté le surplus de la demande.

Par une ordonnance n° 14VE02213 du 7 février 2019, le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité, soulevée en appel devant cette cour par la société Schneider Electric, mettant en cause la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 223 sexies du code général des impôts dans sa version applicable aux distributions de dividendes litigieuses. Par un arrêt ultérieurement rendu le 28 mai 2020 sous le même numéro, la cour administrative d'appel a statué sur l'appel formé par la société Schneider Electric contre le jugement du tribunal administratif de Montreuil, en portant le montant de la restitution versée au titre du précompte appliqué aux distributions intervenues en 2003 à 51 624 048 euros et rejetant le surplus des conclusions de la requête d'appel.

1° Sous le n° 441657, par un pourvoi, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 7 juillet 2020, 1er septembre 2022 et 6 décembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de cet arrêt.

 

2° Sous le n° 442192, par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 juillet 2020 et 17 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Schneider Electric demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 4 du même arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le traité sur l'Union européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-1014 QPC du 14 octobre 2022 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-556/20 du 12 mai 2022 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société Schneider Electric ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 16 février 2023, présentée par la société Schneider Electric ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Schneider Electric, société mère d'un groupe fiscalement intégré, a demandé à l'administration fiscale de lui accorder la restitution de l'intégralité du précompte dont elle s'est acquittée au titre des distributions de dividendes intervenues en 2003 et 2004, assortie des intérêts moratoires, pour des montants respectifs de 85 812 857 et 87 965 679 euros. Après le rejet de sa réclamation, la société Schneider Electric a porté le litige devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui a transmis l'affaire au tribunal administratif de Montreuil. Par un jugement du 23 mai 2014, ce dernier tribunal a prononcé la restitution, à hauteur de 18 643 294 euros, du précompte dont s'était acquittée la société au titre des distributions de dividendes intervenues en 2003 et rejeté le surplus de sa demande. Par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre, le ministre de l'économie, des finances et de la relance et la SE Schneider Electric, qui s'est substituée à la SA Schneider Electric, se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 28 mai 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel de la SA Schneider Electric, porté le montant de cette restitution à 51 624 048 euros au titre de 2003 et rejeté le surplus des conclusions de l'appel de la société.

2. Dans sa rédaction applicable aux distributions de dividendes intervenues en 2003 et 2004, l'article 158 bis du code général des impôts prévoit que les personnes qui reçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué par les sommes qu'elles reçoivent de la société distributrice et par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. Ce crédit d'impôt, égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société, ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. L'article 216 du même code prévoit par ailleurs que : " Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci () ". Aux termes, en outre, du premier alinéa du 1 de l'article 223 sexies de ce code, dans sa version issue de la loi de finances pour 2000 du 30 décembre 1999 : " () lorsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n'a pas été soumise à l'impôt sur les sociétés au taux normal (), cette société est tenue d'acquitter un précompte égal au crédit d'impôt calculé dans les conditions prévues au I de l'article 158 bis. Le précompte est dû au titre des distributions ouvrant droit au crédit d'impôt prévu à l'article 158 bis quels qu'en soient les bénéficiaires ". Enfin, aux termes du 2 de l'article 146 du même code, avant son abrogation par l'article 93 de la loi du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 : " Lorsque les distributions auxquelles procède une société mère donnent lieu à l'application du précompte prévu à l'article 223 sexies, ce précompte est diminué, le cas échéant, du montant des crédits d'impôts qui sont attachés aux produits des participations (), encaissés au cours des exercices clos depuis cinq ans au plus ".

3. Aux termes de l'article 4 de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents : " 1. Lorsqu'une société mère reçoit, à titre d'associée de sa société filiale, des bénéfices distribués autrement qu'à l'occasion de la liquidation de celle-ci, l'État de la société mère : / - soit s'abstient d'imposer ces bénéfices, /- soit les impose, tout en autorisant cette société à déduire du montant de son impôt la fraction de l'impôt de la filiale afférente à ces bénéfices et, le cas échéant, le montant de la retenue à la source perçue par l'État membre de résidence de la filiale en application des dispositions dérogatoires de l'article 5, dans la limite du montant de l'impôt national correspondant. / 2. Toutefois, tout État membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire ne peut excéder 5 % des bénéfices distribués par la société filiale () ". Le paragraphe 2 de l'article 7 de cette même directive précisait qu'elle n'affectait pas l'application de dispositions nationales ou conventionnelles visant à supprimer ou à atténuer la double imposition économique des dividendes, en particulier les dispositions relatives au paiement de crédits d'impôt aux bénéficiaires de dividendes.

4. Par un arrêt du 12 mai 2022 Schneider Electric et autres (C-556/20), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le paragraphe 1 de l'article 4 de la directive du Conseil du 23 juillet 1990 devait être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui prévoit qu'une société mère est redevable d'un précompte en cas de redistribution à ses actionnaires de bénéfices versés par ses filiales lorsque ces bénéfices n'ont pas supporté l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun, dès lors que les sommes dues au titre de ce précompte dépassent le plafond de 5 % prévu au paragraphe 2 de ce même article 4. La Cour de justice de l'Union européenne a également jugé qu'une telle réglementation, alors même qu'elle ne s'appliquerait que lorsque la redistribution ouvre droit à un avoir fiscal, ne relevait pas des stipulations du paragraphe 2 de l'article 7 de cette même directive.

5. Par suite, une société mère est fondée à obtenir la restitution du précompte qu'elle a acquitté à raison de la redistribution de dividendes reçus de ses filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, dès lors que l'article 4 de la directive du Conseil du 23 juillet 1990 fait obstacle à ce qu'elle soit soumise à une imposition sur de tels dividendes. Il ne résulte en revanche pas de cet arrêt que lorsqu'une société choisit de prélever les sommes qu'elle distribue sur des bénéfices autres que ceux constitués de dividendes reçus de telles filiales, l'obligation dans laquelle elle se trouve, le cas échéant, d'acquitter à ce titre le précompte serait incompatible avec la directive du Conseil du 23 juillet 1990.

Sur le pourvoi de la société Schneider Electric :

En ce qui concerne la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :

6. Par sa décision n° 2022-1014 QPC du 14 octobre 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution dispositions du premier alinéa du 1 de l'article 223 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 de finances pour 2000, telles qu'interprétées par la jurisprudence du Conseil d'État tirant les conséquences de l'arrêt du 12 mai 2022 de la Cour de justice de l'Union européenne.

7. Il en résulte que les conclusions de la société Schneider Electric dirigées contre l'ordonnance du 7 février 2019 par laquelle le président de la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a refusé de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre ces mêmes dispositions ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'absence d'opposabilité de la déclaration de précompte :

8. Aux termes de l'article 46 quater-0 D de l'annexe III du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. Les distributions qui n'ouvrent pas droit à l'avoir fiscal prévu à l'article 158 bis du code général des impôts sont prélevées, par priorité, sur les bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés ou exonérés de cet impôt au titre du dernier exercice clos et, en cas d'insuffisance de ces bénéfices, sur ceux des exercices antérieurs les plus récents. II. Les distributions qui ouvrent droit à l'avoir fiscal sont prélevées ensuite dans l'ordre suivant : D'abord, sur les bénéfices disponibles qui ont été soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal prévu au deuxième alinéa du I de l'article 219 du code déjà cité au titre du dernier exercice clos; Puis, sur les bénéfices disponibles qui ont été imposés à ce même taux au titre d'exercices antérieurs clos depuis cinq ans au plus ; Enfin, sur tous autres bénéfices ou réserves disponibles. Toutefois, si la personne morale a encaissé, au cours d'exercices clos depuis cinq ans au plus, des produits de participations ouvrant droit au régime des sociétés mères, les distributions peuvent être librement imputées sur ces produits. II bis. Les distributions mises en paiement à compter du 1er janvier 2000, ouvrant droit ou non à l'avoir fiscal, sont prélevées d'abord sur les bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés ou exonérés au titre d'exercices clos depuis cinq ans au plus, puis sur tous les autres bénéfices ou réserves disponibles ". Aux termes du II de l'article 46 quater-0 E de la même annexe : " Les sommes dont l'imputation est réglée par le II et par le II bis [de l'article 46 quater-0 D] s'entendent du total des revenus distribués et du précompte afférent à la distribution ". Aux termes de l'article 46 quater 0 F de la même annexe : " La personne morale est tenue d'adresser au bureau désigné à l'article 381 T de la présente annexe une déclaration faisant connaître les imputations opérées conformément aux dispositions de l'article 46 quater-0 D. / Cette déclaration doit être souscrite dans le mois qui suit la répartition des produits, sur des imprimés fournis par l'administration ".

9. La déclaration de précompte a pour objet de permettre d'identifier les bénéfices sur lesquels les sommes distribuées par une société ont été prélevées et si ces bénéfices ont été imposés au taux normal de l'impôt sur les sociétés, afin de déterminer l'assiette du précompte dans les cas où celui-ci serait exigible. La circonstance que le droit de l'Union européenne fasse obstacle au prélèvement d'un précompte à raison de la redistribution de produits de filiales établies dans un Etat membre de l'Union autre que la France ne remet pas, par elle-même, en cause la possibilité de recourir aux éléments portés dans cette déclaration pour déterminer le montant du précompte dont une société demeure redevable à raison de la distribution d'autres bénéfices ainsi que celui dont elle est fondée à obtenir la restitution.

10. Il résulte de ce qui précède que la cour administrative d'appel de Versailles, après avoir relevé que la restitution du précompte sollicitée ne pouvait être accordée qu'à la condition que son versement soit intervenu de manière effective, au titre de l'année en cause, à raison de la redistribution de dividendes issus de filiales établies dans un Etat membre de l'Union européenne autre que la France, a pu, sans méconnaître la directive du Conseil du 23 juillet 1990, ni l'article 20 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, juger que la preuve pouvait en être apportée par tout moyen et notamment par des éléments issus de la déclaration de précompte. Elle n'a pas méconnu son office en ne statuant pas en équité mais en se fondant sur le montant de précompte effectivement acquitté par la société, tel qu'il pouvait être évalué à partir des pièces du dossier qui lui était soumis.

En ce qui concerne les moyens relatifs au précompte dû à raison de la distribution de sommes prélevées sur la réserve spéciale des plus-values de long terme :

11. Aux termes de l'article 209 quater du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Les plus-values soumises à l'impôt au taux réduit prévu au a du I de l'article 219 diminuées du montant de cet impôt, sont portées à une réserve spéciale. / 2. Les sommes prélevées sur cette réserve sont rapportées aux résultats de l'exercice en cours lors de ce prélèvement, sous déduction de l'impôt perçu lors de la réalisation des plus-values correspondantes ". Ces dispositions imposent aux sociétés l'obligation comptable de porter dans un compte de capitaux propres, dénommé "réserve spéciale de plus-value à long terme", le montant, net de l'impôt acquitté, des plus-values résultant des cessions de certains éléments de l'actif immobilisé intervenues au cours de l'exercice précédent, lorsque ces plus-values sont soumises à un taux réduit d'imposition.

12. Aux termes du quatrième alinéa du 1 de l'article 223 sexies du code général des impôts, issu de la loi de finances pour 2001 : " Lorsque les sommes distribuées sont prélevées sur la réserve spéciale des plus-values à long terme ou sur des bénéfices d'exercice clos depuis cinq ans au plus imposés aux taux prévus au b du I de l'article 219 le précompte dû ne peut excéder un montant égal à la différence entre : a. Le produit du taux normal de l'impôt sur les sociétés mentionné au I de l'article 219 du code général des impôts et du montant de la somme prélevée augmenté de l'impôt correspondant supporté lors de la réalisation de la plus-value à long terme ou du bénéfice ; b. Le montant de ce dernier impôt ".

13. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une société distribuait des sommes prélevées sur des plus-values de long terme réalisées au cours des cinq derniers exercices clos en les faisant figurer comme telles sur sa déclaration de précompte dans les conditions prévues aux articles 46 quater-0 D et 46 quater-0 F de l'annexe III du code général des impôts, elle était également tenue d'opérer un prélèvement comptable sur la réserve spéciale de plus-values à long terme, le précompte dont la société était redevable à l'occasion de cette distribution étant alors plafonné selon les modalités prévues au quatrième alinéa du 1 de l'article 223 sexies précité.

14. En premier lieu, la cour administrative d'appel a pu, sans erreur de droit, juger que le précompte acquitté à l'occasion de la redistribution de plus-values à long terme correspondait à un complément de taxation des sommes placées sous ce régime et initialement taxées à taux réduit et non à une taxation de dividendes reçus, qui serait intervenue en méconnaissance de l'article 4 de la directive du 23 juillet 1990, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que la réserve spéciale que la société était tenue de débiter en vertu de l'article 209 quater du code général des impôts ait pu être indifféremment abondée par l'ensemble des produits ayant concouru à son bénéfice.

15. En second lieu, l'instruction n° 86 du 24 février 1966 et la doctrine administrative publiée le 1er septembre 1989 sous la référence 4 J 1322 doivent être regardées comme ayant été rapportées par la publication, le 1er novembre 1995, de nouveaux commentaires administratifs sous la même référence 4 J 1322 ayant pour objet de commenter les dispositions de l'article 223 sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 1991. Par suite, et en tout état de cause, ne peut qu'être écarté le moyen tiré de ce que la société se serait crue à tort liée, en 2004, par l'interprétation donnée de la loi fiscale par ces commentaires administratifs.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Schneider Electric n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 4 de l'arrêt qu'elle attaque. Son pourvoi doit ainsi être rejeté, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Sur le pourvoi du ministre de l'économie, des finances, de la transition industrielle et numérique :

17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 que le ministre n'est pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel aurait entaché son arrêt d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit en écartant son argumentation tirée de ce que les dispositions de l'article 223 sexies du code général des impôts instituant le précompte seraient compatibles avec la directive du Conseil du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents.

18. Toutefois, s'agissant des montants de restitution retenus par la cour administrative d'appel, il résulte des dispositions combinées des articles 158 bis et 223 sexies du code général des impôts que le précompte est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société distributrice aux bénéficiaires des distributions.

19. Or pour déterminer le montant du précompte acquitté en 2003 dont la société Schneider Electric pouvait demander la restitution conformément à ce qui est dit au point 5 de la présente décision, la cour administrative d'appel a retenu comme assiette de l'impôt le montant, tel qu'il ressortait selon elle de la déclaration de précompte souscrite par la société, des distributions prélevées sur les dividendes qu'elle avait reçus au cours de l'exercice clos en 2001 de ses filiales établies dans des Etats membres de l'Union européenne autres que la France.

20. Alors qu'il résulte des dispositions précitées du II de l'article 46 quater-0 E de l'annexe III au code général des impôts que les montants mentionnés dans la déclaration de précompte comme imputés sur les différents postes de résultats disponibles s'entendent du total des revenus effectivement distribués et du précompte y afférent, le ministre est fondé à soutenir que l'arrêt attaqué, faute de préciser le montant effectivement versé aux bénéficiaires des distributions, est entaché d'erreur de droit.

21. Par suite, et pour ce motif, le ministre est seulement fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 de l'arrêt qu'il attaque.

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font alors obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la société Schneider Electric est rejeté.

Article 2 : Les articles 2 et 3 de l'arrêt du 28 mai 2020 de la cour administrative d'appel de Versailles sont annulés.

Article 3 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi du ministre est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la société Schneider Electric tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société européenne Schneider Electric et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 février 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Pierre Collin, M. Stéphane Verclytte, présidents de chambre ; Mme Françoise Tomé, M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et M. François-René Burnod, auditeur-rapporteur.

Rendu le 1er mars 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. François-René Burnod

La secrétaire :

Signé : Mme Magali Méaulle

Nos 441657, 442192

Code publication

C