Cour administrative d'appel de Paris

Ordonnance du 17 février 2023 n° 23PA00085

17/02/2023

Non renvoi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ".

2. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat (), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ".

3. Aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " () les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours () peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ". En vertu de l'article R. 771-5 de ce code : " Sauf s'il apparait de façon certaine, au vu du mémoire distinct, qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité, notification de ce mémoire est faite aux autres parties. () ".

4. Enfin, aux termes de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts : " 1. Lorsqu'il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d'une des procédures prévues aux articles 53,75 et 79 du code de procédure pénale et que l'administration fiscale est informée dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales qu'une personne a eu la libre disposition d'un bien objet d'une des infractions mentionnées au 2, cette personne est présumée, sauf preuve contraire appréciée dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 10 et L. 12 de ce même livre, avoir perçu un revenu imposable équivalent à la valeur vénale de ce bien au titre de l'année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. / La présomption peut être combattue par tout moyen () / Lorsqu'il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d'une des procédures prévues aux articles 53, 75 et 79 du code de procédure pénale et que l'administration fiscale est informée dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales qu'une personne a eu la libre disposition d'une somme d'argent, produit direct d'une des infractions visées au 2, cette personne est présumée, sauf preuve contraire appréciée dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 10 et L. 12 de ce même livre, avoir perçu un revenu imposable égal au montant de cette somme au titre de l'année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. / La présomption peut être combattue par tout moyen () 2. Le 1 s'applique aux infractions suivantes : a. crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal () ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 1758 de ce code : " () En cas d'application des dispositions prévues à l'article 1649 quater 0 B bis, le montant des droits est assorti d'une majoration de 80 % ".

5. M. B soutient que les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 1758 du code général des impôts sont contraires au principe de proportionnalité des peines lorsque le contribuable a fait l'objet d'une confiscation de la totalité des crédits bancaires qu'il avait à sa disposition sans distinction de leur origine légale ou non. Il ajoute que, dans une telle hypothèse, ces dispositions ne respectent pas le principe, posé par le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997, selon lequel lorsqu'une sanction administrative est susceptible de se cumuler avec une sanction pénale, le principe de proportionnalité implique que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l'une des sanctions encourues.

6. Toutefois la majoration prévue à l'article 1758 du code général des impôts sanctionne le défaut de déclaration du revenu présumé perçu correspondant à la valeur vénale des produits et sommes illicites détenus par un contribuable, en particulier, au titre de crimes et délits de trafic de stupéfiants. Dès lors, et compte tenu de l'absence d'identité des faits à raison desquels sont infligées, respectivement, la majoration de l'article 1758 du code général des impôts et la sanction de confiscation de biens prononcée par la juridiction répressive, pour détention, acquisition, transport et revente de produits stupéfiants et non pour défaut de déclaration de revenu, cette majoration n'est pas susceptible de se cumuler, au sens de la décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997 du Conseil Constitutionnel, avec une sanction qu'aurait prononcée le juge pénal, portant sur la confiscation de sommes portées au crédit des comptes bancaires de l'intéressé.

7. De plus, la circonstance que le contribuable se verrait infliger une sanction consistant en la confiscation des sommes portées au crédit de ses comptes bancaires ne permet pas à elle seule de vérifier la proportionnalité de cette sanction avec la gravité des faits constatés, dès lors que les sommes portées au crédit des comptes bancaires ne sont pas nécessairement représentatives, à elles seules, de la valeur de la totalité des fonds et du patrimoine dont le contribuable dispose.

8. Par suite, et compte tenu en outre de l'objectif d'utilité publique de lutte contre la fraude fiscale liée aux activités délictuelles ou criminelles de trafic de stupéfiants poursuivi par les dispositions combinées des articles 1649 quater-0 B bis et 1758 du code général des impôts, il apparaît de façon certaine que M. B n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du dernier alinéa de l'article 1758 du code général des impôts, selon lesquelles le montant des droits est assorti d'une majoration de 80 % en cas d'application des dispositions prévues à l'article 1649 quater - 0 B bis de ce code, méconnaitraient le principe de proportionnalité des peines lorsque le contribuable s'est vu infliger par le juge pénal la sanction de confiscation de la totalité des crédits bancaires qu'il avait à sa disposition sans distinction de leur origine légale ou non.

9. Il résulte de ce qui précède qu'il apparaît de façon certaine, au vu du mémoire distinct présenté par M. B, que la question prioritaire de constitutionnalité qu'il soulève ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a dès lors pas lieu, en application de l'article R. 771-5 du code de justice administrative, de communiquer le mémoire distinct présenté par M. B, ni de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B en application de l'article R. 771-7 de ce code.

ORDONNE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée directeur départemental des finances publiques de Seine-et-Marne.

Fait à Paris, le 17 février 2023.

La présidente de la 5ème chambre,

 

Hélène VINOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Code publication

C